L'Educateur n°17 - année 1945-1946

Juin 1946

Qu'attend l'école laïque pour affirmer son idéologie?

Juin 1946

Alors je voudrais aussi aujourd'hui aborder ici une question excessivement délicate qu'on élude habituellement par ce que lorsqu'elle est posée, elle s'inscrit immédiatement dans le circuit de la polémique sociale et politique qui déforme radicalement et, hélas ! bien souvent à dessein, le problème.
Pouvons-nous, psychologiquement, pédagogiquement et socialement, réaliser pratiquement une éducation laïque, c'est-à-dire une éducation qui n'ait plus recours, en aucune circonstance, à la religion, ou aux religions, non seulement pour justifier son organisation et ses fondements, mais aussi pour élever les hommes vers les sommets sublimes dont les religions prétendent volontiers avoir le monopole ? Autrement dit : sommes-nous en mesure d'initier nos enfants à une technique de vie, un comportement individuel et social d'une valeur au moins égale, et si possible supérieure à celle d'une technique religieuse de vie ?
Il suffit, pour nous en persuader, de considérer avec quelle foi, avec quelle exaltante sérénité, se sont sacrifiés au cours de ces dernières années nos héros de la Résistance. La décision sublime d'un Gabriel Péri n'a d'égale que la vie et la mort des saints des plus les plus purs du catholicisme. Nous avons aujourd'hui, chez nous - et nous pouvons l'affirmer hautement - les éléments philosophiques, moraux, sociaux et humains qui, par-delà les religions formelles, sont en mesure d'animer la vie des générations qui montent.
Nous voudrions poser hardiment le problème, et le poser non pas en partisan sectaire, mais en homme, en psychologue, en pédagogue rationaliste qui cherche avant tout la vérité et la vie par une prospection scientifique et l'analyse scrupuleuse des éléments complexes de la question.
Je rendrai d'abord un hommage particulier - et ce n'est pas une banale précaution oratoire - aux catholiques convaincus, sincères et honnêtes, qui, reconnaissant avec nous les dangers et les erreurs du cléricalisme, s'efforce de redonner à la religion catholique sa raison d'être chrétienne, et je veux leur dire combien je comprends l'effort que représente pour eux cette reconsidération permanente qu’ils tentent, tant au point de vue social que pédagogique. Nous leur demanderons en retour d'admettre que, non-croyants, nous puissions estimer insuffisante cette reconsidération et que nous cherchions aussi avec une aussi complète loyauté dans une voie où nous espérons réunir aussi bien et même, nous le pensons, mieux qu’eux.
Oui, nous espérons réussir mieux qu’eux, parce que, nous le montrerons tout à l'heure, leurs efforts n'aboutissent bien souvent qu'à un laborieux replâtrage qui fait quelque temps illusion, et qui fait illusion justement parce que par timidité, nous ne savons pas montrer affirmer la splendeur de nos réalisations.
Malgré nous, nous restons impressionnés par l'appareil d'une organisation millénaire qui colle aux individus bien plus par un lourd passé de tradition - pas toutes exhaustives - que par ses vertus intrinsèques actuelles. Notre tâche est compliquée du fait que nous ne sommes pas à égalité de jeu et que les catholiques ne manquent pas de faire fond sur ce handicap dont ils se prévalent comme d'une supériorité.
Nous sommes certes toujours un peu en face du catholicisme comme l'adolescent qui vient de quitter la maison paternelle parce qu'il sentait qu'il n'y pouvait plus vivre, que l'organisation, le comportement, les actes, les pensées qui faisaient la force et la puissance de la famille, contrecarraient son besoin impérieux d'affronter la vie, d'aller plus avant, vers un idéal plus généreux et plus large. Seulement l'adolescent a tout à reconstruire, ses habitudes modifiées - et on sait combien on change difficilement les comportements de l'enfance – sa vie à refaire. Qu'on ne s'étonne pas si, parfois, cet adolescent hésite, s'il échoue, recommence à construire, cherche sa voie, sous les ricanements, les critiques ou les rappels de ceux qui, confortablement installés dans leurs habitudes, ne comprennent point cette évasion.
Nous ne sommes donc pas égalité de jeu. Ce qui ne signifie pas que nous n'ayons pas pour nous la raison, et que nous ne soyons pas en mesure aujourd'hui de bâtir pour nos enfants, la maison traditionnelle, mais mieux ouverte sur la vie, et qui sera, nous l'espérons, en partie du moins, dégagée de toutes les servitudes qui font la pérennité peut-être de l'église, mais qui en sont aussi une dangereuse limitation, les chrétiens le savent bien.
Oui, cette maison, la plupart d'entre nous l’ont quittée, pas toujours sans drame intime. Nous la connaissons donc, mieux sans doute que nos contradicteurs ne connaissent la maison nouvelle que nous peinons à édifier. Nous vous en connaissons les défauts et les insuffisances ; nous en savons aussi quelques-unes des valeurs dont nous devrions bien nous imprégner dans nos essais rationalistes.

***

Je faisais ses réflexions en lisant les deux premiers cahiers de Ecole et Vie éditée par le mouvement chrétien de l'enfance.
Ceux qui ont rédigé cette revue se sont rendus compte justement que la vieille maison cléricale était trop désuète, trop austère, trop retardataire, c'était isolée jalousement de tous les progrès extérieurs, que ces prêtres avaient beau faire, les enfants la quittait dès qu'il le pouvait pour s'en aller bien souvent, hélas, à l'aventure.
Alors les catholiques vont voir ce qui s'est réalisé dans le monde et qui attire tant, et domine l'enfance à l'adolescence. Il procède comme le père de famille qui, pour ne pas perdre trop tôt ses enfants, consent à moderniser quelque peu sa maison, à la rendre habitable pour les nouvelles générations en y introduisant un peu de confort, de l'activité, une apparence d'esprit critique et de liberté, et même cinéma, radio et imprimerie. Mais il ne s'agit, en définitive, que d'un replâtrage, l'utilisation des ressources extérieures pour consolider l'autorité familiale qui seule importe ; d'un moyen pas toujours très licite de continuer la tradition au dépens des aspirations humaines au progrès et à la libération
Je sais, les auteurs de Ecole et Vie placent eux-mêmes en exergue une citation de François Mauriac qui condamne les pratiques éducatives de l'école confessionnelle actuelle. Il dit :
« Nos maîtres chrétiens ont-ils mieux réussi dans leur tâche… Dans l'ordre social comme dans l'ordre religieux, il faudrait oser parler de faillite… Grâce à vous, il y aura toujours du monde au même aux messes d‘onze heures et de midi, dans les grandes paroisses. »
Alors il faut réagir. « Les méthodes actives en éducation ont, sans contestation possible aujourd'hui, fait leurs preuves. »
Nous allons voir, hélas ! À quelle sauce on nous sert ses méthodes. Et nous nous demandons si M. Louis Graillon, dirigeant national, est sérieux lorsqu'il écrit cette définition qui va très loin au-delà de notre propre pensée et qui est tout simplement à notre avis de la démagogie pédagogique : « la fin de toute éducation humaine et de préparer l'individu à vivre sans éducateur. »
Comment, un appel à l'anarchie ?
Ne nous faisons pas d'illusions. Ce sont la promesse théorique du père de famille qui, sur le pas de la porte, tente de regrouper ses ouailles. La pratique, la voici formulée par Alain de Sauveboeuf parlant des Coeurs Vaillants et Ames Vaillantes :
« il faut remarquer qu'il s'agit d'un mouvement d'action catholique pour l'enfance et que par suite de son manque d'expérience, l'enfant ne peut, à lui seul, le diriger ; ayant lui-même à être formé, il ne peut se charger seul de former ses camarades, sinon tous les deux iront à l'abîme, comme dans la parabole de l'aveugle qui conduit un autre aveugle. »
Non le catholicisme de pose point scientifiquement le problème de l'éducation en disant comme nous tachons de le faire : voici dans quelles conditions de milieu physiologique, social, familial, pédagogique, humain ,devraient être placés les enfants pour qu'ils puissent se développer au maximum, selon leur nature et leurs besoins ; voilà qu'elle devrait être la part aidante des adultes pour qu'ils puissent construire, plus loin que nos maisons traditionnelles s'il le désire, le monde où ils pourront s'épanouir. »
Nous n'avons vu nulle part le problème posé ainsi, avec ce seul souci des destinées de l'enfance. Le père de famille voit que des enfants s'en vont et, pour ne pas rester seul -il pourrait aussi bien suivre ses enfants - il médite :
« il est difficile, au moment où une société évolue, de voir vers quel état elle évolue, parce que nous sommes trop près des événements ; mais il faut évoluer avec elle en tenant ferme sur ce qui est principe chrétien et en acceptant que change peu à peu ce qui n'est que méthodes ou modalités d’application. » « Si nous restons à l'écart des besoins de ce monde, avec des méthodes faites pour un autre monde, le monde se réveillera païen. Encore heureux si nous laisse, pour faire joujou, nos sacristies et nos écoles libres ! »
« Un éducateur disait, il y a quelques années, à la supérieure générale d'un grand institut éducatif : « ici, on veut greffer l'éducation d’il y a 100 ans sur les jeunes filles d'aujourd'hui. Naturellement la greffe ne prend pas. »

***

Voilà la véritable inspiration du renouveau catholique en éducation. Je sais bien qu'il est cependant des hommes et des femmes qui ont bien compris l'insuffisance de ce redressement et qui savent qu'il ne suffit pas d'un replâtrage extérieur, d’une modernisation de surface, pour retenir définitivement les jeunes dans la vieille maison, mais que c'est une vie nouvelle qui doit pénétrer et animer l'édifice. Alors on parle bien de christianisme, et même d'un christianisme-vie, d'un « christianisme qui prend l'enfant tout entier et le porte à penser, agir et à réagir en chrétien, et cela, non seulement à l'heure de la messe du dimanche ou en telle ou telle circonstance, mais toujours et partout, aussi bien la maison qu'à l'école, que dans la rue ou en visite : dans 10 ans, en 30 ans, que maintenant. »
Et nous serions d'accord, mais une telle réalisation supposerait une libre adhésion de l'enfant à une technique de vie dans laquelle il serait intégré aussi bien socialement que psychologiquement et psychiquement.
La suite de l'article auquel nous empruntons nos citations nous montre qu'il ne s'agit-il encore que de paroles et que la nouvelle pédagogie catholique se contentera de modifier les méthodes et les modalités d'application.
« Au lieu qu'obligatoirement, toute une classe aille se confesser tel jour à telle heure, laisser aux enfants la faculté de le faire quand bon leur semblera. Proposer la chose, la suggérer, la faciliter, mais ne pas l'imposer. »
… « Y a-t-il une leçon de catéchisme a réciter : travail fastidieux et long si le maître doit interroger tour à tour tous les élèves, le travail est rendu plus vivant et plus rapide si, par équipe, chaque petit chef interroge quatre ou cinq équipiers. »
… « Faut-il, avec les plus jeunes, étudier les principaux ports français. En leur faisant chercher qui s'embarque par là, les amener à parler des missionnaires ; en profiter pour leur expliquer que tout chrétien doit être « missionnaire » à sa façon et susciter une prière collective pour ceux qui partent prêcher l'Évangile loin de chez eux. »
« Ne nous contentons pas d'enseigner, faisons agir nos élèves, faisons les mimer, chanter, bricoler même. Utilisons, à cette fin, toutes les techniques d'une pédagogie vraiment active.
S'agit-il, par exemple, expliquer le chapitre de catéchisme sur les pasteurs de l'église. Partir, d'une part, d'images et de photos montrant le Pape, le Vatican, des évêques, la consécration d'évêques, un évêque confirmant, ordonnant, etc.… ; D'autre part des prêtres de la paroisse que les enfants connaissent, de ce qu'ils leur ont vu faire, des contacts qu'ils ont eu avec eux, de ce que les prêtres font pour eux. »
Je ne crois pour déformer la vérité en disant que ces citations sont caractéristiques de l'esprit dans lequel les catholiques se proposent d'introduire dans leur école l'éducation nouvelle ou les méthodes actives. Inutile d'expliquer à nos lecteurs qui le comprennent fort bien qu'il ne s'agit là que d'une caricature de pédagogie nouvelle. Les catholiques essaieront de prendre dans nos réalisations non pas celles qui visent à la libération et à l'élévation de l'enfant, mais seulement les procédés qui risquent de moderniser, de rendre donc moins rébarbatif, moins criant d'anachronisme, une initiation qui reste, malgré tout, déterminée et systématique.
Les catholiques ne peuvent d'ailleurs penser autrement : de même les enfants ne retourneraient pas dans la vieille maison. Jusqu'à présent, on prenait l'enfant par l'oreille pour les ramener, ou bien on l'y attirer avec un gâteau une promesse. On va maintenant essayer le truc des méthodes actives qui a réussi ailleurs.
C'est le droit des catholiques. Et nous nous demandons même jusqu'à quel point c'est leur droit. Seulement, nous voudrions qu’on soit très loyal dans cette innovation : les catholiques ne seront jamais avec nous pour la véritable éducation nouvelle libératrice parce que, que nous le voulions ou non, les enfants ne retourneront dans la vieille maison que s'ils y sont contraints, ouvertement par un biais quelconque.
Nous envisageons, nous, le problème sous un autre angle.
L'éducation est, avant tout, une technique de vie. Et une technique de vie ne s'enseigne ni par une définition, ni par un précepte, ni par un catéchisme. Elle suppose un milieu dans lequel l'enfant s'habitue à agir selon des normes qui s'inscrivent, définitivement, dans son comportement.
Les catholiques le reconnaissent : « si nous sommes chrétiens « à fond » dans tout le détail de notre vie, cela fera choc dans l'esprit des enfants qui nous observent, nous jugent et nous imitent… »
Mais où trouvez-vous aujourd'hui ce milieu « chrétien à fond » susceptible d'imprégner les enfants d'une technique chrétienne de vie ? Je cherche autour de moi : les catholiques cherchent, eux-mêmes, jusque dans leur communauté. Le milieu « chrétien à fond » n'est plus qu'une très rare exception sur laquelle les catholiques ne risquent donc pas de pouvoir baser l'éducation des enfants qui voudraient ramener dans leur vieille maison.
Les mots, les belles formules, les exhortations ne changeront rien à la chose : puisqu'ils ne peuvent pas compter sur le milieu pour donner une technique de vie chrétienne à leurs élèves, les catholiques en seront réduits à étudier, à mettre au point, à appliquer des techniques d'endoctrinement, plus efficiente que celle dont il constate eux même l'échec, mais qui, quelles qu'en soient les formes atténuées, restent des techniques de formation extérieure, qui ne craignent pas de brimer les besoins et les tendances profondes des individus, pourvu que se maintienne et triomphe l'église.
Nous aurons, d'une part, montré comment nous sommes en mesure aujourd'hui, nous rationalistes, d'offrir aux enfants un milieu formatif, qui a ses règles, ses lois, ses traditions, ses martyrs et ses saints et dans lesquels les enfants peuvent sans endoctrinement se préparer à vivre une vie qui tant sur le plan moral que sur le plan intellectuel, ou social, peut affronter la comparaison avec la formation catholique.
Nous décortiquerons d'autre part quelques-unes des techniques d'endoctrinement que le catholicisme est en train de moderniser. Nous verrons alors dans quelle mesure nous pourrions, avec ou sans les catholiques, répondre à l'appel que lance Louis Graillon dans le numéro un de Ecole Et Vie : « l'heure n'est-elle pas venue, après tant de ruines matérielles et spirituelles, alors que le problème de l'enfance devient à proprement parler angoissant, de donner la primauté à l'éducation, et pour commencer, sortant de la routine, de constituer le front commun de tous les éducateurs ? »

 

 

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Questionnaire de fin d'année

Juin 1946

Un mouvement… Ou des expériences !

Juin 1946

Je sais bien : on dira encore que nous sommes mauvais joueurs, que nous ne savons pas encaisser, nous vous rouspétons sans cesse, que nous avons mauvais caractère.

Voyez, dira-t-on : le Groupe Français d'Education Nouvelle accueille toutes les initiatives et rend compte des expériences départementales d'éducation nouvelle. La revue Méthodes Actives expose les expériences menées par les adhérents de l'imprimerie à l'école… Si le Bulletin Officiel De L'éducation Nationale ne parle pas de vous, c'est sans doute qu'on ne vous connaît pas dans la maison.
Nous ne cultivons pas notre publicité parce que nous savons pouvoir compter sur une publicité qui ne trahit jamais : celle que nous valent les oeuvres réalisées, le matériel mis au point, et les techniques qui pénètrent peu à peu dans toutes les écoles de France. Et nous n'avons pas besoin que Paris parle de nous pour que notre mouvement soit connu et apprécié jusque dans les plus petits villages de province.
Nous mettons notre travail à la disposition des instituteurs qui n'auront pas à payer des droits pour fabriquer ou employer les outils dont nous avons réalisé les prototypes. Pour des fins désintéressées, on peut nous payer, sans nous citer. L'essentiel c'est que le blé lève. Mais nous devons nous garder et mettre les éducateurs en garde contre tous ceux qui voudraient bien exploiter nos réalisations à l'écart de notre mouvement, et qui s'y prennent de 100 façons.
Il y a ceux qui pensent que nous, pauvres instituteurs provinciaux, sommes bons pour travailler, pour créer, pour innover, mais que nous ne savons pas exploiter nos réalisations sur le marché parisien. Ils ne s'offrent pas pour faire cette exploitation à notre compte. Ils s'ingénient à nous démarquer pour mieux travailler sur notre dos. C'est là un procédé qui tend à se généraliser et que nous devons dénoncer pour éviter à nos camarades de tomber dans le panneau.
Ce qui gêne ces messieurs  parisiens, c'est que nous soyons un mouvement pédagogique homogène, qui sait où il va, qui est dirigé par des camarades éprouvés qui ont l'oreille d'une masse imposante d'adhérents et qu'on ne manoeuvre pas comme on veut vers des fins qui sont étrangères à nos aspirations.
Alors on essaye le coup classique : le Mouvement De L'imprimerie A L'école, la Coopérative De L'enseignement Laïc ? Connais pas ! Mais il y a, à travers la France, des expériences intéressantes d'imprimerie à l'école ! Pratiqué par M. X ou Mme Y. Voilà ce qui est intéressant.
Quand il s'agit de grandes commissions nationales, ou même du congrès européen, on ne connaît pas un mouvement qui groupe de 10 000 éducateurs actifs ; lorsqu'il s'agit d'éditer la revue pour l'Ere Nouvelle, on pense que ces 10 000 éducateurs n’ont pas  leur mot à dire. Lorsque, autrefois, avec Mlle Flayol, nous essayions de faire vivre les Groupes Départementaux D'éducation Nouvelle, nous avions fait éditer le bulletin du GFEN par notre imprimerie. Mais aujourd'hui le G.F.E. N. se livre sans hésitation à un éditeur qui vous offre des abonnements combinés à Méthodes Actives et à Pour l'Ere Nouvelle. Et on montera en épingle certains groupe départementaux exclusivement animés par nos adhérents et qui les ont affirmé être totalement d'accord avec nous dans nos mises au point.
Lorsque l'an dernier l'éditeur Bourrelier avait voulu préparer le lancement de sa revue Méthode Active, M. Mory avait adressé des circulaires individuelles à ceux de nos adhérents qui étaient le plus susceptible de lui apporter une excellente collaboration. On négligeait le mouvement, mais on voulait des expériences. Et en avait ainsi l'avantage de de l'éclectisme.
Quelques-uns des nôtres ont ainsi eu leur bonne foi surprise. Mais ils ont bien vite compris et se sont ravisés en nous en informant.
Même manoeuvre ou Bulletin Officiel De L'éducation Nationale. Si vous adressez un article traitant de votre expérience-ne disons même pas d'imprimerie à l'école-mais de rédaction d'un journal scolaire, peut-être la grande revue officielle insérera-t-elle votre propose, quoique les pros les quoique les pauvres instituteurs n'est pas souvent l'honneur de ces colonnes. Mais L'imprimerie à l'Ecole, une réalisation unique au monde et qui honore notre pays ! ! Connais pas…
Ah ! Une petite expérience réalisée autrefois en Angleterre, en Amérique et au Canada, ça oui ! Quand on est de bon Français, on préfère mettre en valeur les expériences étrangères que les expériences françaises menées avec cohésion et continuité par un mouvement suspect… Suspect de quoi ? Suspect, sans doute, de vouloir enfin s'exprimer lui-même et dénoncer ce qui voudrait continuer à profiter du travail des aliborons.
Vous pouvez feuilleter le grand Bulletin : vous n'y verrez même pas citer notre revue l'Educateur, qui se fait pourtant, parmi toutes les raisons revues pédagogiques, une place d'honneur. Et quand notre ami fort, répondant à une observation fort pertinente sur cette note déplorable de s'obstiner à les chercher à l'étranger les exemples à limiter, rappelle qu'il existe en France une expérience qui se poursuit depuis 20 ans, on mette son article panier.
Mais voilà que, par la bande, ce même bulletin, ou un organisme qui ne doit pas lui être étranger, le centre de recherches et d'études pédagogiques, tente une manoeuvre identique à celle de M. Mory : notre mouvement ne les intéresse pas les expériences d'école de notre mouvement, ça, oui, ce seraient bons à prendre. Et voici la lettre circulaire reçue par certains de nos adhérents :
« je suis chargé, par le Centre de Recherche et d'études Pédagogiques, d'une enquête sur l'apprentissage de la lecture globale.
Je vous serais reconnaissant de vouloir bien indiquer si vous employez votre matériel d'imprimerie à la pratique de la lecture globale et dans ce cas, me préciser sur quelle expérience vous êtes appuyés et de quelle manière vous procédez. »
Les camarades, inquiets, nous en demander conseil.
C'est publiquement que nous leur apportons la présente mise en garde.
Alors, dira-t-on peut-être, un éducateur n'a plus le droit d'exposer ce qu'il a fait sans en référer à la C.E. L. ?
Il est un principe, qui est notre force, et auquel nous tenons tout particulièrement : c'est la coopération que nous avons suscitée et que nous développons sans cesse dans le personnel enseignant, qui touche aujourd'hui près de 10 000 instituteurs, et a produit les oeuvres qu'on connaît. Car la perfection de notre matériel et de nos éditions, la mise au point de la technique sont dues à cette coopération permanente, à l'échelle nationale des meilleurs parmi les instituteurs. Cette œuvre est la propriété collective et nul n'a le droit de s'approprier individuellement. Lorsque un instituteur expose comment il travaille selon nos techniques, avec notre matériel, il commet une indélicatesse s'il présente la chose comme une expérience personnelle, dont il voudrait s'attirer éventuellement renommée et profit. Il commet une maladresse aussi, par ce que, si nous laissions les firmes commerciales cultiver ainsi à nouveau ces  tendances individuelles de nos adhérents, nous en arriverions à décourager pour autant les efforts anonymes de nos bons coopérateurs et nous saperions  en définitive les principes et l'avenir de notre coopérative. Nous avons le droit et le devoir d'y veiller, et nous y veillerons.
Tous nos camarades restent libres au sein de notre C.E.L ., mais il va sans dire qu'ils doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à leur coopérative, ils doivent nous aider à voir clair dans les procédés individualistes puisque commerciaux de ceux qui voudraient bien exploiter les filons que nous avons découverts dans une manoeuvre moins habile qu'on ne croit d’administrateurs qui auront bien, un jour, des comptes à rendre sur la façon dont ils conçoivent l'aide à la pédagogie française.
S'il est des  coopérateurs qui jugent que nous vous exagérons, que nous défendons avec trop d'âpreté et de rigidité les droits collectifs que nous sommes acquis par notre travail, qu'ils ne se contentent pas de nous critiquer, qu’ils nous conseillent,  qu’ils nous disent ce qu'ils feraient à notre place, s'ils étaient déterminés comme nous à « refuser de parvenir », s'ils voulaient seulement coller à la masse des enseignants dont nous défendons exclusivement les aspirations vers un travail plus humainement efficient.
 

 

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Une critique des stages du Centre d'Entraînement aux méthodes actives

Juin 1946

Commissions de travail de l'Institut

Juin 1946

Pipeaux après le stage de Cannes

Juin 1946

Une demi-journée pédagogique à Grenoble

Juin 1946

Vers la modernisation du merveilleux

Juin 1946

Correspondance interscolaire

Juin 1946

Pour la modernisation du contrôle et des examens

Juin 1946

Parce que nous sommes contre les notes et le classement dans nos écoles, parce que nous ne manquons pas de dire à l'occasion la malfaisance d’examens tout entiers basés sur la mémoire ou l'acquisition scolastique, on a cru parfois que nous étions contre les examens en général.

Au contraire : nous pensons que, avec l'organisation toujours plus démocratique de l'enseignement, les examens seront de plus en plus indispensables. L'accession aux divers degrés de L'École Moderne nécessitera des mesures, des épreuves. Cela est indéniable.

Nous disons seulement que ces épreuves, ces mesures doivent être rationnellement organisées, et que tout reste à faire en ce domaine.
Il faudrait s'entendre d'abord sur ce qu'on veut mesurer, et cela est essentiel. L'employé des Ponts Et Chaussées qui fait passer les brevets de conduite ne demandent pas à ses candidats s'ils savent chanter ou s'ils connaissent la dactylo. L'examen est conditionné par les aptitudes ou les connaissances à mesurer.
 
Or, on s'obstine à ne jamais considéré par ce biais les épreuves scolaires. Pour ne parler que du Certificat D'Études Primaires, on considérerait, pour un peu, que  l'instruction et l'acquisition doivent se faire en fonction de l'examen - et c'est ce qui explique, effectivement, et justifie le « bachotage » qui est une des plaies - et pas des moins graves - de notre enseignement. Depuis 50 ans, nos programmes ont tout de même quelque peu évolués, et ils sont en train de subir, au moins dans leur esprit, une modernisation radicale. On se rend compte de plus en plus que l'école ne devrait pas enseigner en 1946 les mêmes choses qu'en 1900, et qu'elle ne devrait pas les enseigner de même façon. Il y a 50 ans, lire, écrire sans faute avec une belle calligraphie, compter avec quelque virtuosité étaient en effet les acquisitions majeures qu'on exigeait de l'école. Au siècle du cinéma, de la radio, de la machine à écrire, du stylo, de la machine à calculer, de la mécanique, de l'industrialisation, de l'ersatz, du chemin de fer, de l’auto et de l'avion, il devrait bien y avoir quelque chose de changé dans notre enseignement.
 
La chose maintenant admise, même officiellement, puisque l'école s'équipe et le travail scolaire se différencie, que nous employons l'imprimerie, la polycopie, la machine à écrire, l'étude du milieu, le cinéma, la radio, que nos enfants ne se contentent plus de lire, écrire et compter, mais qu'ils menuisent, clouent, gravent, dessinent, cultivent les champs, soignent les bêtes, photographient, vendent et achètent, et par lent à la radio. De plus en plus on admet qu'une école exclusivement livresque comme il y a 40 ans, ne répond plus aux besoins de l’heure présente.
 
Et notre examen du certificat d'études continuerait à mesurer presque exclusivement la rédaction, l'orthographe et le calcul ; il recalera tel élève qui fait trop de fautes et qui est peut-être une sorte de génie scientifique ; elle repoussera ce mauvais calculateur dont les aptitudes littéraires ou artistiques sont étonnantes ; il méconnaitra radicalement toutes les vertus pratiques, manuelles, constructives ou de débrouillardise qui sont pourtant si décisives dans la société actuelle.
 
Inutile de pousser plus avant la démonstration : nos examens, et le C.E.P. en particulier sont tout entiers à moderniser.
 
***
 
C'est à cette modernisation que je voudrais aujourd'hui apporter ma pierre.
 
Me référant à l'organisation de notre activité scolaire, et, d'autre part, à l'expérience des Eclaireurs qui est, à tant de point de vue à l'avant-garde de la pédagogie, je préconise un changement complet de technique pour nos examens.
 
On sait que la rénovation de notre enseignement est tout entière basée sur le travail des enfants, et non plus le travail scolastique, de mémoire, d'imitation, mais sur la réalisation individuelle ou collective d'une oeuvre complexe qui s'inscrit le plus possible dans la norme des grandes activités humaines. Nos élèves ne font plus de devoirs de rédaction : ils écrivent pour s'exprimer ou pour correspondre avec leurs camarades. Ils ne font plus de devoir de calcul mais ils se livrent à des recherches complexes selon leurs besoins. Il n'étudie plus les sciences ou l'histoire, mais il prospectent, expérimentent selon le même processus humain que les hommes de sciences ou les historiens.
Nous ne considérerons donc plus nos enfants comme des écoliers dont on mesure l'acquisition formelle, mais comme des ouvriers dont on apprécie l'effort et les réalisations.
 
Voici donc comment je comprendrais l'examen du certificat d'études primaires :
 
Nous étudierons expérimentalement - c'est-à-dire par enquête non seulement parmi les universitaires mais aussi auprès des parents, des ouvriers, des paysans, des employeurs - quelles sont les acquisitions qui sont tout à la fois à la mesure de l'enfant et souhaitables socialement et dont l'école devrait se préoccuper.
 
Nos réalisations de l'imprimerie à l'école, du texte libre et des journaux scolaires ont corroboré en gros les découvertes du Dr Decroly pour ce qui concerne les grands besoins primordiaux de l'homme.
Nous distinguerons donc :
 
a) le besoin de conquérir la vie ;
b) le besoin de conserver la vie ;
c) le besoin de transmettre la vie.
 
Pour chacun de ces grands chapitres, nous avons distingué les différents besoins fonctionnels des enfants et les travaux-jeux ou les jeux travaux qui y correspondent. Ce sont ces travaux-jeux ou jeux-travaux que nous apprécierons, mesurerons et contrôlerons.
Je donne ci-dessous le plan que j'ai établi pour ces diverses activités, avec, en face, le projet de brevet que je préconise. Je prévois trois séries de brevet, correspondant à 3 degrés scolaires : 10 ans, 12 ans et 14 ans environ. Les épreuves que nous donnons ne sont que des ébauches non standardisées. Il nous appartiendra de fixer collectivement, expérimentalement, les normes de ces brevets.
 
A) Conquérir La Vie
 
Brevets grimpeur première série.- Grimper à un poteau 3 m bras et jambes ; monter 10 barreaux d'une échelle bois ; rédiger un texte de deux pages avec documents.
 
Grimpeur deuxième série.- Grimper 5 m bras et jambes ; 3 m corde noeud ; conférence de deux pages avec documents.
 
Grimpeur troisième série.-7 m bras et jambes poteaux ; 2 m corde lisse bras seulement ; conférence de trois pages.
 
Brevet de cueilleur première série.-Repiquer avec succès un arbre sauvage ; faire sécher des fruits et préparer un pot de confiture ; cueillir cinq variétés de plantes médicinales ; texte de deux pages avec documents.
 
Cueilleur deuxième série.-Réussir une bouture ; greffer un arbuste ; fabriquer une boisson fermentée ; fabriquer un pot de conserve ; apporter à la Coopérative 10 plantes médicinales différentes ; faire un texte de trois pages avec documents.
 
Troisième série :
 
Arboriculteurs.-Repiquer 11 an avec succès ; tailler un arbre ; réussir une greffe ; rédiger un texte de quatre pages avec documents.
Fruitiers.-Fabriquer une clé ou un four ; réussir une confiture, un séchage de fruits ou une stérilisation ; fabriquer de l'alcool par distillation; rédiger un texte de quatre pages avec documents.
 
Apiculteurs. -Savoir préparer un cadre de cire gaufrée et le poser ; cueillir un cadre de ruche ; soigner une piqûre d'abeilles ; rédiger un texte de quatre pages avec documents.
 
Cueilleur de plantes médicinales. - Fabriquer un herbier avec 30 plantes médicinales ; ramasser et sécher 1 kg au mois de plan ; texte de quatre pages avec documents.
 
Première série :
 
Brevet de chasseurs d'insectes.- Attraper et collectionner20 insectes différents ; rechercher et collectionnait les oeufs, les cocons, nymphes, larves, insecte parfait de deux insectes au moins ; texte de deux pages avec documents.
 
Brevet d'amis des animaux.-Recueillir, élevé et soigner tout spécialement pendant un mois au moins un animal au choix ; texte de trois pages avec documents.
 
Deuxième série :
 
Brevet de collectionneurs.-Présenter une collection de 30 insectes au moins ; élever un insecte pour en détailler les métamorphoses ; lire un texte (prose ou poésie de l'une pages se rapportant aux animaux) ; texte de quatre pages avec documents.
 
Brevet de chercheurs de piste.-Connaître les traces, le gîte, les cris, la nourriture, les moeurs d'un animal sauvage de votre pays ; lire un texte d'écrivain s'y rapportant ; texte de quatre pages avec documents.
 
Brevet d'artisans chasseurs.-Fabriquer deux armes ou pièges pour animaux ; imiter le cri de trois animaux sauvages ; lire un texte ; texte de quatre pages avec documents.
 
Brevet de chasseurs.-Connaître les moeurs, la vie, les cris de cinq animaux sauvages de la région ; fabriquer cinq armes ou pièges ; décrire, après observation, vingt espèces d'oiseaux nocturnes ou diurnes ; poésie ; texte de quatre pages.
 
Nous avons établi des projets semblables de brevet (nous les communiquerons à la commission intéressée) pour :
4. Pêcheur ; 5. Éleveur ; 6. Cultivateur ; 7. Cuisinier.
 
B) conserver la vie.
 
1. S'abriter ; 2. Se chauffer ; 3. Se couvrir ; 4. Se soigner ; 5. Dominer la nature ; 6. Dominer les animaux ; 7. Dominer la destinée.
 
C) transmettre la vie
1. Famille ; 2. Société ; 3. L'homme au milieu de la vie.
 
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Comment utiliserons-nous ces brevets ?
D'abord qui les attribuera et comment se fera cette attribution ; lorsqu'un enfant croit être en mesure de conquérir son brevet, il en avise l'instituteur qui, au jour dit, en présence soit du directeur de l'école, d’un autre collègue ou de l'inspecteur, et du secrétaire de la Coopérative représentant les enfants, examine les travaux réalisés, exactement comme les examinateurs du Brevet Sportif Populaire apprécient les performances des candidats. Si les travaux sont exécutés selon les normes prévues, le brevet est accordé.
On voit bien qu'il ne s'agit. Ici d'un examen mais du simple contrôle d'une performance, ce qui élimine dans une large mesure les erreurs d'appréciation ou les humaines complaisances. La multiplicité des brevets compense d'ailleurs les erreurs possibles.
Nous avons prévu une cinquantaine de brevets, rien que pour la troisième série. Chaque enfant va-t-il prétendre à ces 50 brevets.
C'est là justement que réside l'originalité et l'avantage du système des brevets, qui s'adapte à merveille, comme vous allez le voir, à notre conception complexe du travail scolaire moderne.
Dans ce nombre d'une cinquantaine de brevets, nous en distinguerons une dizaine dans l'obtention sera obligatoire. Il suffit de s'entendre sur l'arrangement suivant : tous les élèves qui auraient conquis tous les brevets obligatoires et, par exemple, 10 autres brevets facultatifs au choix se verrait attribuer un diplôme correspondant à notre certificat d'études.
 
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On voit tous les avantages de ce système de brevets :
 
a) Il apprécie les contrôles des acquisitions véritables, des travaux réalisés ;
b) D’où suppression de tout bachotage ;
c) Les brevets ainsi conquis, qui seront inscrits sur le carnet scolaire et donneront droit à un insigne particulier auront une éminente signification tant pour l'orientation que pour le placement ultérieur des adolescents. Quand on aura sous les yeux un carnet scolaire constellé de brevets, on sera renseigné avec précision sur les tendances, les aptitudes, les acquisitions, les possibilités techniques ou autres des titulaires. Un tel système de brevets serait plus particulièrement précieux pour l'orientation à la croisée des chemins : secondaire, techniques et préapprentissages.
d) Contrairement à ce qu'on pourrait supposer, le contrôle des travaux ne gênera plus du tout l'éducateur puisqu'il s'inscrira dans le cours normal des travaux dont il sera tout à la fois l'aboutissement et la récompense.
 
Nous livrons ce projet à l'attention de tous les éducateurs. Selon notre habitude, sans amour-propre d'auteur, nous versons le fruit de nos recherches dans le creuset coopératif. Nous invitons tous ceux que cela intéresse, à quelques degrés qu'ils appartiennent, à se faire inscrire à la commission de travail qui, au sein de notre institut, mettra au point cette technique des brevets qui sera, demain, la forme moderne de notre contrôle scolaire.
 
 
 
 
 

 

 

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Pour la modernisation du contrôle et des examens39.5 Ko

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