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Responsabilités dans la classe coopérative

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Mai 2002

 

neduc-139-0004.JPG (7550 bytes) Responsabilités dans la classe coopérative

Il y eut de tout temps des «effaceurs de tableau», des «ramasseurs» et des «distributeurs de cahiers». Ils étaient souvent désignés par le maître, arbitrairement, ou pour un quelconque mérite. Parfois, ça se faisait par roulement. Cela déchargeait le maître et était vécu par l'enfant la plupart du temps comme un privilège, et non comme une responsabilité.  

Dans la classe coopérative, les décisions sont discutées, prises en commun et, si besoin, remises en question par le groupe. Assumer une responsabilité, si minime soit-elle, est un apprentissage qui s'inscrit dans celui de la citoyenneté. On est responsable d'une charge, et on l'est devant les autres, c'est à dire qu'il faut en rendre compte.
Pour que ces responsabilités soient correctement assumées, il convient que le Conseil de classe définisse les modalités et qu'en permanence il analyse et critique leur fonctionnement et propose si besoin des améliorations. Le partage des responsabilités fait intégralement partie d’un ensemble plus vaste d’institutions mises en place dans la classe, intimement liées les unes aux autres, chacune étant porteuse de sens.

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Responsabilités et exercice de la citoyenneté

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Dans la classe coopérative, les enfants prennent la parole, s’organisent, partagent pouvoir et responsabilités, élaborent et réalisent leurs projets, font la loi, participent au respect des lois et des règles et répondent de leurs actes devant le groupe… Ils prennent ainsi conscience des exigences du vivre-ensemble et se forment à l’exercice d’une citoyenneté active, solidaire et responsable.

Une des valeurs fondamentales de la société démocratique est la participation responsable. 

Dans la classe coopérative, comme dans toute expérience de démocratie participative, qu’il s’agisse d’exercice des libertés, de partage du pouvoir, d’engagement dans un projet collectif, d’organisation des activités, la notion de responsabilité est essentielle. Elle est à la fois une valeur, un  but à atteindre et une nécessité.

Liberté et responsabilité sont indissociables. Exercer un droit c’est prendre un risque. En effet, si le  droit induit la reconnaissance de la faculté d’exercer une liberté, il implique aussi le risque d’encourir une sanction pour réparation des préjudices causés à autrui, comme nous l’avons vu pour le journal au lycée.  

Lors de l’adoption de la Convention internationale, un débat a opposé ceux qui craignaient que les droits accordés à l’enfant lui fassent perdre son droit à l’enfance et à la protection et ceux qui, comme nous-même, soutenaient que l’exercice des libertés ne constituait pas la perte du droit d’être protégé.  

Pour le Professeur Eugène Verhellen « l’argument le plus fondamental invoqué de manière récurrente par ceux qui sont opposés à l’idée d’accorder des droits autonomes aux enfants est que ces derniers seraient incompétents pour prendre des décisions bien fondées »(1).Il récuse la définition des enfants comme des êtres humains «  encore inachevés », ce qui leur confère un statut de « pas encore » :  « ils ne savent pas encore, ils ne peuvent pas encore, ils ne sont pas encore. » 

L’expérience des classes coopératives montre qu’il est possible de sortir de la contradiction entre liberté et protection, en pensant en terme de dialectique, d’articulation entre ces propositions apparemment antagonistes, et de considérer l’enfant comme un partenaire actif et responsable. 

Être responsable, c’est reconnaître les actes que l’on a librement choisis d’accomplir et en assumer les conséquences : le jugement et la sanction, de la collectivité. C’est aussi savoir tenir ses engagements au sein du groupe, pour la réalisation des projets collectifs et pour la bonne marche des activités.

La responsabilité sociale doit être apprise par une participation sociale active, c’est pourquoi les textes officiels préconisent, dès la maternelle, que l’enfant devienne un acteur dans la communauté scolaire et y assume des responsabilités à sa mesure.  

Dans la classe coopérative, les activités diversifiées, les nombreux ateliers, la complexité de l’organisation… impliquent que de nombreux rôles et tâches soient assumés.  

L’enseignant ne peut y arriver seul, la participation des enfants est donc nécessaire au fonctionnement de la collectivité.  

L’expérience montre que les enfants sont toujours volontaires pour les assumer lorsqu’elles répondent aux besoins générés par les activités (apprentissages coopératifs, entraide, ateliers, bibliothèque, réception du courrier électronique, journal, rangement du matériel...) et les institutions (conseils, président de jour, délégués au conseil d’école, trésorier, secrétaire...). En servant la communauté, en y jouant un rôle reconnu par les autres, en y étant nécessaire, chacun y trouve sa place : il est donc impératif que chacun ait une responsabilité.    

Ces responsabilités, ces métiers comme les appelle Fernand Oury, sont définies par le conseil, en fonction des nécessités  du travail et de la vie collective. Leur répartition tient compte à la fois des désirs et des possibilités de chacun. Il n’est pas toujours facile de décider : il ne faut pas décevoir un enfant volontaire pour une responsabilité mais il ne faut pas non plus le mettre en situation d’échec. C’est pourquoi, les fonctions sont souvent définies avec les compétences nécessaires pour les assumer et font l'objet d'une fiche-guide pour en faciliter l’exercice.

Le responsable détient un pouvoir réel d'organisation et de gestion dont il rend compte au conseil, dans le domaine qui lui est imparti. Il peut proposer une nouvelle organisation matérielle et institutionnelle, demander une réparation mais il peut aussi être critiqué au conseil et parfois être dessaisi de sa fonction pour négligence. Il s’agit donc d’un véritable apprentissage du sens et de l’importance d’une responsabilité dans une société démocratique... 

Extrait de Jean LE GAL, Les droits de l’enfant à l’école, pour une éducation à la citoyenneté,  Éditions De Boeck-Belin,

Collection Comprendre, 2002 

(1) VERHELLEN Eugène, Évolution et développement historique de l’éducation de l’enfant et de la participation des enfants à la vie familiale, Actes de la Conférence de Madrid du Conseil de l’Europe.


L'école est obligatoire : la présence physique des enfants n'a pas de signification particulière. Combien sont vraiment là avec leur désir ? Il suffirait d'ouvrir les classes pour être renseigné. Or rien ne se fait sans désir. Ils n'entreront dans la danse que lorsqu'ils sauront sur quel pied danser, quand ils sauront ce que les autres attendent d'eux (rôles) et ce qu'ils sont en droit d'attendre des autres (statuts). Quand ils auront une fonction définie, une responsabilité, peut-être se sentiront-ils membres d'un groupe. Alors, et alors seulement, on pourra parler de groupes coopératifs... 

« Qui c’est le conseil ? »,

Catherine Pochet, Fernand Oury,

Editions Matrice

Il n'y a pas d'institution une, la présence d'une institution est liée à la présence d'autres institutions ; selon la formule de Tosquelles : « Une institution ça n'existe pas » mais « Il n'y a que des institutions en interaction » … Une première institution, le Conseil, permet à l'ensemble des enfants de se réunir pour prendre part à la vie de la classe (échanger, régler des problèmes, des conflits, discuter, élaborer des projets, etc.). À partir de ce lieu de paroles peut se mettre en place une autre institution. 

L’institution des Métiers implique celle du Conseil qui préside à leurs choix et à leur répartition. Les enfants ont disposé d'un lieu-temps qui leur a permis de se déterminer, de définir l'organisation complexe de ces Métiers.  Sans le Conseil, les Métiers ne seraient qu'un gadget de la maîtresse : c'est elle qui choisirait et distribuerait les enfants. Comme telle, l'institution se transformerait en un pur et simple système d'organisation. Les Métiers ne peuvent fonctionner comme institution - dispositif de mobilisation et de relance d'échanges, de confrontations, de partages, de différenciations - sans cette articulation à un Conseil, sans la mise enjeu d'échanges de paroles. 

Francis Imbert , Vivre ensemble, un enjeu pour l’école, Editions ESF, 1997.


Socialiser et responsabiliser l’enfant dans une classe coopérative

Dans nos classes coopératives, l’organisation du travail et de la vie du groupe vise à socialiser et à responsabiliser l’enfant. Ainsi il est amené à prendre en charge différentes responsabilités. Ces responsabilités sont tournantes et évolutives. Les pratiques peuvent être diverses d’une classe à une autre, d’une année à une autre, en fonction de l’expérience du maître, et également de celle des enfants, en matière de fonctionnement coopératif.

À propos des responsabilités

Il y eut de tout temps des «effaceurs de tableau», des «ramasseurs» et des «distributeurs de cahiers». Ils étaient souvent désignés par le maître, arbitrairement, ou pour un quelconque mérite. Parfois, ça se faisait par roulement. Cela déchargeait le maître et était vécu par l'enfant la plupart du temps comme un privilège, et non comme une responsabilité.

Or un monde sépare les deux, celui d'une vie coopérative où les décisions sont discutées, prises en commun et si besoin remises en question par le groupe.

Assumer une responsabilité, si minime soit-elle, est un apprentissage qui s'inscrit dans celui de la citoyenneté. On est responsable d'une charge, et on l'est devant les autres, c'est à dire qu'il faut en rendre compte.

Il va de soi qu'il n'y a pas de règle qui en définit la durée. Elle est fonction de la responsabilité elle-même, de l'âge de l'enfant, du moment dans lequel on se situe dans l'année scolaire. Il me semble pourtant qu'il faut un minimum de temps pour que l'enfant ait le temps de s'habituer à cette fonction.
Pour que ces responsabilités soient correctement assumées, il convient que le Conseil de classe définisse les modalités et qu'en permanence il analyse et critique leur fonctionnement et propose si besoin des améliorations.

La vie de la classe, les besoins que celle-ci génère, donnent naissance aux diverses responsabilités possibles ; elles sont sans limite... mais je crois qu'elles ne doivent jamais dévaloriser l'enfant afin qu'à travers elles, il puisse se sentir utile à la construction de la vie du groupe. 

Anne-Marie MISLIN

En cycle III 

Constat

La classe coopérative s'appuie sur plusieurs pratiques (techniques de vie) chacune à un niveau plus ou moins développé selon les circonstances locales : expérience des enfants, du maître, relations avec les collègues, les parents, conditions matérielles...

La mise en place de ces pratiques simultanément, est nécessaire, dès que l'on veut impliquer les enfants dans la vie de la classe au quotidien ou/et pour gérer un projet coopérativement : fête d'école, classe de découverte, sortie nature, journal, corres…

Citons comme techniques de base: des temps de discussion et de décision, des outils d'organisation, l'installation matérielle, des pratiques d'expression et de recherche, une attitude du maître, et... la prise de responsabilités individuelles.

Les responsabilités en classe

Il s'agit d'un travail «pour de vrai» (tâches organisationnelles et tâches matérielles). Un  contrat est établi chacun a des comptes à rendre devant le groupe, et doit prendre en compte les besoins de la classe et les demandes des autres.


On construit ensemble le fonctionnement du groupe et la gestion des tâches. On partage ces tâches au sein d'un groupe où chacun a sa place (mon travail est respecté, je respecte celui des autres). C'est sans doute un des éléments de la vie coopérative les plus faciles à mettre en place dans une nouvelle classe ou en débutant.

En début d’année

Nous dressons la liste des responsabilités en début d'année, l'aménageons quand nécessaire. Elle est décidée pour une période allant de vacances à vacances (2 mois). Certaines responsabilités, plus lourdes, sont assumées par deux enfants (un ancien, un nouveau).La liste est affichée. On archive qui a déjà fait quoi (tableau à double entrée). Les enfants restant dans la même classe (avec le même maître) 3 ans, des habitudes se créent : le système fonctionne bien et n'est pas remis en cause. Mais chaque année nous en débattons avant de le réadopter. Nous avons déjà fonctionné avec d'autres modes (élections, tirages au sort).

 
Nous avons d'autres occasions de voter : sur les projets, les choix à opérer, les décisions à prendre concernant la vie de la classe. Les votes pour les personnes (choix de responsables) subissent souvent des effets pervers liés entre autres à l'affectif. Il n'est pas facile d'évaluer les compétences des autres, surtout de nouveaux camarades, pour exercer telle ou telle tâche.

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Avantages


- Tout le monde a une responsabilité.

-Les tâches "nobles" d'organisation/gestion (animateur, président, trésorier...) sont sur le même plan que les tâches "matérielles" (clés, fichiers, fleurs...)

-La période est suffisamment longue pour "rentabiliser" le temps de formation nécessaire.

- La responsabilité étant choisie, on l'assume plus volontiers et avec plus de plaisir, en principe.

Inconvénients


Certains «métiers» peuvent devenir moins attrayants, moins demandés : nécessité de redéfinir les tâches, d'augmenter le nombre de responsables pour telle tâche, de la jumeler avec une autre…

On quitte parfois sa responsabilité alors qu'on commence juste à être performant(e) : informatique, trésorier

Comment faisons-nous pratiquement ?

Lors de la dernière réunion de coopérative, la veille des vacances, chaque enfant inscrit sur une feuille son prénom et trois responsabilités qu'il souhaite assumer parmi celles qu'il n'a pas encore exercées. Il obtiendra un de ces trois vœux. Au tableau la liste des responsabilités est recopiée. Les secrétaires notent en face de chacune, avec des craies de couleurs différentes pour chaque enfant, les initiales des élèves qui l'ont demandée. Chacun observe, contrôle.

Si un poste n'a pas été demandé, on fait un appel et on modifie les vœux. C'est très rare, chacun étant amené à exercer 5 responsabilités par année scolaire. Plus l'effectif de la classe est chargé, moins il y de risque.


On attribue bien sûr en premier les postes les moins sollicités : directement s'il y a autant de postulants que de postes à pourvoir, en deux temps si besoin. A chaque fois on décide alors comment procéder : priorité au plus jeune, tirage au sort, un grand avec un petit…

 
Quand quelqu'un a obtenu l'un de ses vœux, on barre ses deux autres demandes. Au contraire, celui qui n'a pas été retenu pour un vœu est souligné pour ses deux vœux restants. Il deviendra ainsi prioritaire pour les autres responsabilités demandées. 

Pierre DESPOULAIN

École du Château, Fougerolles,

Haute-Saône

 

Gérer les services


Comment les services sont gérés dans ma classe de cycle 3 avec un effectif de 15 à 18 enfants, en milieu rural.


Nous avons conservé le terme de «services» pour toutes les tâches ou travaux faisables par des enfants et utiles à la classe et à son fonctionnement.


Une grande affiche au mur, à côté du tableau, bien à la vue de tous, regroupe la liste des services. En face de la désignation du service, les prénoms des responsables dans une couleur qui change chaque fois que nous changeons les responsables de ces services. La date de changement est indiquée en haut de la même couleur que les prénoms. Éventuellement la règle de fonctionnement générale est inscrite sur l'affiche (par exemple : «Pas plus de trois services par enfant»). 

Le fonctionnement a évolué au fil des années mais il y a des points communs :

- On décide ensemble lors d'une réunion de la classe.

- Rien ne peut être changé en dehors d'une réunion (sauf cas grave, touchant à la sécurité par exemple).

- Ce qui compte c'est ce qui est écrit.

- Les modifications sont inscrites dans le cahier comptes-rendus de réunion.

On ne parle pas des services à chaque réunion, le sujet est mis à l'ordre du jour si la nécessité s'en fait sentir (par exemple : désir d'arrêter un service, «démission», constat d'échec, d'incompétence, d'abandon, nouveau besoin, idée, suggestion) ou au moins une fois par mois. Il y a quelques règles garde-fous mais qui sont tempérées en cas de nécessité et avec l'accord de tous, donc : souplesse.

Les garde-fous

 

- Pas plus de trois services par enfant.

- On change une fois par mois.

- On change si le travail n'est pas fait correctement.

- On ne fait pas un service à la place de quelqu'un.

- On décide à la réunion.

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Ce sont les enfants qui lancent le processus en début d'année, j'attends qu'ils le suggèrent (cela vient assez vite quand il y a des «anciens»).


Un enfant peut proposer un service ; «l'inventeur» est prioritaire pour faire ce service en premier.
Le service peut être fait à n'importe quel moment pourvu que cela ne dérange pas, mais certains services doivent être assurés à des moments précis. Par exemple «marcher devant» (lors d'un déplacement en groupe) ou «magnétoscope» doivent être faits quand cela est nécessaire, alors que «plantes» ou «animaux» peuvent être faits suivant l'organisation personnelle de l'enfant lors des moments de travail individuel, de récréation…


Le service assumé est inscrit sur le plan de travail de la semaine et une page du cahier de bilan recense tous les services de l'enfant pour l'année par ordre chronologique. On commence l'année avec peu de services et à la fin de l'année il peut y en avoir une trentaine : «bibliothèque», «rideaux», «lumières», «photocopieuse», «allumage des ordinateurs», «facteur», «papiers», «remplaçant», «plantes», «animaux», «diapositives», «magnétoscope», «cassettes», «météo»,...

 

Il n'y a pas de service plus «noble» qu'un autre, chacun est un rouage de la machine. Certains enfants sont valorisés par un service alors qu'en matière strictement scolaire ce n'est pas évident.


Certains services demandent un certain niveau de compétences et de comportement et ne peuvent être attribués à n'importe qui (le maître peut mettre son veto). Par exemple le service «devant», c'est à dire marcher en tête de rang dans la rue, en ville, pour monter dans un bus, pour aller au théâtre, en sport, ne peut être attribué qu'à des enfants qui ont conscience du danger, qui savent observer, s'arrêter aux points de rassemblement prévus, etc. Un enfant qui a «orange» ou «rouge» en comportement ne peut accéder à ce service. De même pour l'allumage des ordinateurs ou l'utilisation de la photocopieuse. Chaque fois qu'il y a une question de danger, de matériel fragile ou s'il faut appliquer des procédures particulières, ces règles s'appliquent.


Il y a des cas où des enfants sont restés longtemps au même service car d'une part ils étaient compétents et d'autre part, il n'y avait pas de candidats pour en prendre la relève. Un enfant compétent peut travailler sur le même service pour en former un autre.


Les services assurés par les enfants, ce sujet peut paraître simple mais en fait l'observation et l'analyse du fonctionnement de cette institution peuvent apporter beaucoup quant à l'organisation de la classe, l'ambiance, le statut du travail, la prise en charge du matériel, l'aptitude à résoudre des problèmes…

Franck THOMAS

École d'Ueberstrass, Haut-Rhin

 

En cycle II 

C'est une classe de CP-CE1. Il y a donc des enfants qui restent deux ans. Les «métiers» ou «services» sont redéfinis chaque année en fonction des besoins, mais comme les enfants du CE1 connaissent déjà le système, il y a peu de discussions, d'explications ; quand on a besoin de responsable on le dit en réunion : «Il faudrait quelqu'un pour...» et on choisit des volontaires.

Pour initier les enfants du cours préparatoire, les métiers sont assumés par deux enfants : un CP «apprenant» et un CE1 «initiateur». Certains métiers, plus complexes ou concernant la sécurité des enfants ou le bon fonctionnement du matériel (marcher en tête du rang quand on est en sortie, allumer/éteindre les ordinateurs, préparer la boisson...) sont assumés en début d'année par deux CE1.


La plupart du temps, on reste sur la même responsabilité au moins un mois. Et au maximum ? Cela dépend des demandes : quand on change de métiers, on demande au responsable : «Veux-tu partir ?» Si oui, on change ; si non, l'enfant reste jusqu'à la demande d'un autre enfant.


Si la responsabilité est mal assumée (animaux pas nourris régulièrement...) on remplace un des deux responsables par quelqu'un qui peut apprendre à l'autre à le faire.


Les enfants n'ayant aucun métier se considèrent «en vacances» ou «au chômage» selon leur état d'esprit. Les métiers sont affichés et inscrits dans le cahier de bilan individuel. 

Martine DUBAIL

École de Saint-Ulrich, Haut-Rhin

 

Le conseil des métiers


Dans ma classe de cours préparatoire, quelque temps après la rentrée, a lieu le Conseil des métiers. Là, nous listons les métiers dont on a besoin pour aider la classe. Ensuite, les enfants en choisissent un.
S’ils ne veulent plus exercer ce métier, ils peuvent échanger avec un autre enfant. Il suffit d'en informer le groupe au Conseil.


Si un enfant ne trouve personne pour échanger ou s'il y a un métier qu'il veut absolument exercer, il peut proposer au Conseil que l'on change tous les métiers.


Au cours de l'année, il y a des métiers qui disparaissent s'ils n'ont plus lieu d'être et d'autres qui apparaissent.

Catherine CLIVIO

École J. Prévert, Brunstatt,

Haut-Rhin

neduc-139-0008.JPG (23049 bytes) Dans ma classe de CE1, les responsabilités sont définies au cours de la réunion hebdomadaire de la classe (qu'on peut appeler «Conseil»). Ces responsabilités sont transcrites sur un tableau à double entrée, avec les prénoms de tous les enfants. Ce tableau prend place sur un panneau en liège de manière à pouvoir utiliser des épingles de couleur pour désigner les différents responsables.

Ces responsabilités sont prévues pour une semaine. Tous les lundis, les changements sont proposés. Il n'y a pas de roulement ; les enfants se mettent d'accord pour le partage des tâches. Souvent, ils en ont déjà discuté avant la classe. Lorsqu'il y a désaccord, on privilégie l'enfant qui n'a pas encore pris en charge la responsabilité (les petits trous laissés par les épingles en témoignent).

Parfois les enfants gardent la responsabilité pour une deuxième semaine. Ils argumentent leur demande : «J'aime ranger la bibliothèque.», «J'étais facteur mais je n'ai pas eu beaucoup de documents à apporter à d'autres classes.», «Je suis toujours prêt à l'heure donc je peux descendre rapidement le matériel de ping-pong à la récréation ».

Claudine BRAUN

École X. Gerber, Rouffach,

Haut-Rhin

Gerbe de témoignages parue dans Chantiers Pédagogiques de l’Est, revue mensuelle d’animation pédagogique du groupe du Haut-Rhin

«Moi je suis fier de ma responsabilité d’arroser les plantes. Maintenant j’ai aussi le droit de le faire à la maison.»

Christopher (CE1, école X. Gerber, Rouffach, Haut-Rhin)

 

Les expériences de Lewin (psychologie dynamique) avaient bien montré que l'espace vécu était fonction du mode d'activité et surtout de la forme de discipline dans le groupe.

Il n'est plus question ici de propriété : l'ouvrier dit « ma fraiseuse » ou « mon camion », l'institutrice dit « ma classe » sachant fort bien que ni les objets ni les lieux ne leur appartiennent. Il s'agit plutôt de sentiments de responsabilité et de liberté, de pouvoir. L'espace est ainsi délimité par sa fonction. Il est socialisé contrairement à l'espace-refuge de sécurité et, sous réserve de lois, d'autres peuvent y pénétrer.

L'organisation de la classe basée sur le partage des responsabilités va délimiter ainsi des secteurs où chaque « élève de service » fera l'apprentissage de cet espace social.

La classe se trouve alors partagée en de nombreux secteurs de responsabilité qui sont autant d'espaces ambigus, générateurs de conflits souvent mais qui permettent à chaque enfant de se situer les uns par rapport aux autres et surtout par rapport à l'ensemble.

Les notions de propriété personnelle, propriété collective, gestion provisoire sont ainsi vécues quotidiennement.

 

Vers une pédagogie institutionnelle,

Aïda Vasquez et Fernand Oury, Editions Matrice

 
 

Chaque début de trimestre, nous revoyons ensemble le tableau des responsabilités, établi en début d’année. Mais auparavant, nous émettons nos avis sur la manière dont les responsabilités ont été assumées (cela permet de s'évaluer). 

- Qui veut parler de sa responsabilité ? Dire si c'était facile, difficile, embêtant, bien ou autre encore ? 

- L'EPS, c'est facile.

- C’est un plaisir d'arroser les plantes.

- Il faut trouver une méthode pour ranger les livres dans la bibliothèque.

-Les fichiers de math ne sont pas bien rangés, on ne les a pas trouvés un jour, c'est mal organisé.

- C'est un plaisir d'aider la maîtresse.

- J'aime bien distribuer les cahiers, lire les prénoms ; ça m'a aidé à lire, je m'entraîne.

- J'aime bien faire le facteur, descendre (les escaliers), aller dans les autres classes, frapper aux portes.  Je peux aussi voir mes petits cousins. 

- Qu'est-ce qui est bien dans le fait de prendre des responsabilités ? 

- On a quelque chose à faire.

- C'est bien de faire des choses.

- La classe est rangée.

- 0n aide la maîtresse.

- La maîtresse peut compter sur nous.

- La femme de ménage n’a pas besoin de tout faire.

- On s'occupe de quelque chose.

- On apprend quelque chose. 

Après ce moment d'échange, ils ont écrit ce qu'ils aimeraient accepter ; ils se sont trouvés». J'ai remis les étiquettes au tableau et on a «tranché». Bien sûr, je me permets des choix c'est le moment de récompenser» certains.  Par exemple, Pierre, le petit doué souhaitait distribuer les cahiers ! Et pourquoi pas ? Son but n'est pas d'apprendre à mieux lire, mais sûrement de passer chez les uns et les autres, bouger, de regarder chacun et chacune... ou pour d'autres raisons que j'ignore, c'est son droit !  Gaétan et Chris se sont trouvés pour s'occuper de la bibliothèque : ils commencent à devenir autonomes en lecture... C'est tout simplement génial. Bien évidemment, j'ai toujours des doutes : ai-je bien favorisé ce choix chez celui-ci ? Je me rassure en me disant qu'il reste le trimestre prochain... et que l'année prochaine il s'adaptera à un autre système, un autre maître. 

L'important dans tout ça ? Pour y répondre j'utilise la remarque de Lisa : «C'est un plaisir d'arroser les plantes ! » 

Chaque enfant écrit dans son Cahier de Vie ou même parfois dans le cahier de français, la responsabilité qu'il a acceptée de prendre pour ce trimestre. Cela aussi est important : écrire, garder une trace. 

Françoise GRAILHE

CE1, école -La Rocaille,

Merxheim, Haut-Rhin 

 

Des métiers dans une école spécialisée

Les métiers dans notre école sont un vrai travail, utile au fonctionnement de la mini société. Ils sont liés à un ensemble d'institutions (conseil, marché, ceintures de comportement... ) et à l'organisation du travail personnel…

Le  cadre - la classe 

- Une école spécialisée, publique et annexée à un internat.

- 44 enfants de 6 à 13 ans "étiquetés" trouble du comportement et de la conduite

- 5 enseignants.

- Un système de décloisonnement complet que l'on pourrait assimiler à une classe unique de 44 enfants qui aurait 5 maîtres.

Les enfants passent en moyenne 4 ans dans cette classe. Si chaque année, un quart des enfants arrivent sans expérience de la vie coopérative, il faut noter l'importance d'un gros noyau porteur de l'histoire et de l’expérience passée.

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Comment ça démarre

En début d'année, le premier matin, au premier conseil, tous les métiers existants sont "mis sur la table". La question rituelle est posée : « Quels sont les métiers qui doivent absolument démarrer aujourd'hui ? » 

Le vote est à main levée. Seuls les "au moins ceintures blanches en comportement" ont le droit de vote au conseil. La dizaine d'enfants nouveaux ne rentrent à l'école que l'après-midi.

La règle : "celui qui quitte l'école doit former son remplaçant avant de partir, fait que tous les métiers de l'an dernier (une trentaine) sont pourvus". 

5 ou 6 métiers sont sélectionnés : donner à manger aux poissons, arroser les fleurs, responsable du feu tricolore (codes du niveau sonore)… On se rend compte alors que certaines petites responsabilités apparaissant comme secondaires sont absolument nécessaires. 

Les autres métiers se mettront en route à mesure des besoins qui apparaissent. Bon test pour vérifier ceux qui seraient tombés en désuétude.

Je propose un nouveau métier 

Première étape : remplir un bon "ordre du jour du conseil".

Deuxième étape : lire au conseil le brouillon de la fiche guide que j'ai préparé 

Troisième étape : défendre ma proposition au conseil. 

Quatrième étape : vote sur : « avons-nous besoin de ce métier? » 

Cinquième étape : élection du titulaire du poste.

Sixième étape : rédiger la fiche guide définitive à placer dans le cahier des métiers,

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Quand quitte-t-on son métier ? 

- lorsqu'il n'est plus utile, lorsque le petit aquarium s'est cassé, nous n'avions plus besoin d'un responsable. 

- lorsqu'on demande à le quitter (lassitude, baisse d'intérêt, intérêt nouveau, conscience de ne pas être à la hauteur, envie de se confronter à un métier plus difficile… ) 

- lorsque l’on est "démissionné" (par vote au conseil).

La part du maître 

- Le maître apporte une aide technique : il aide à l'élaboration de la fiche guide qui sera présentée au conseil (définition du métier). 

- Pour certains, il peut rédiger sous dictée. Il peut jouer le rôle de "conseiller en communication" pour aider l'enfant à préparer et présenter ses arguments… 

- Il peut aussi jouer le rôle de "conseiller d'orientation professionnelle", aider l'enfant à exprimer ses envies, évaluer ses compétences, affronter un métier plus difficile. 

Dans cet espace-temps, l'enfant qui fait son métier est libre d'aller et venir n'importe où dans l'école. Le temps qu'il consacre à son métier peut aller de cinq minutes par semaine (sortir les poubelles le mardi soir), à cinq minutes par jour (donner à manger aux poissons), à une journée complète de temps en temps (accueil des visiteurs). 

Pour certains métiers, les enfants ne choisissent pas leurs horaires de travail ce sont les métiers dans lesquels ils sont sollicités par les autres ; celle qui distribue les timbres ou la trésorière de la coopérative. 

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Temps consacré, lieu, modalités 

Les métiers sont une part du travail personnel de l'enfant et s'effectuent donc pendant le temps de travail personnel.

Ce temps de travail personnel, à l'Ecole Célestin Freinet est défini ainsi : tous les jours, il y a deux réunions quotidiennes obligatoires qui regroupent toute l'école : la réunion du matin, d'organisation, de mise en route (une demi-heure) et la réunion du soir de bilan (une demi-heure). Le vendredi, une partie de la journée est consacrée aux présentations de travaux, conseil et marché. Le temps de travail personnel, c'est donc tout le reste. 

Compétences acquises 

L’enfant va utiliser toutes ses capacités :

- d'analyse : définir une tache, les compétences requises, ses capacités personnelles, les risques.

- de rédaction : Cf. les différentes étapes.

- de communication : argumentation au conseil, réponses aux demandes de précision...

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Il va acquérir les compétences professionnelles liées à la pratique du métier. Elles sont très diverses du documentaliste au jardinier…

Il va avancer dans l'apprentissage de la vie coopérative.

Le danger principal du système réside dans l'équilibre entre l'efficacité et la formation. L'enfant peut garder un métier très longtemps alors que nous pensons qu'il ne lui apporte plus rien et que d'autres pourraient utilement s'y coller. Mais nous savons aussi l'importance profonde d'être compétent et reconnu dans un rôle. Difficile à quantifier tout ce qui peut se passer à ce niveau. Nous choisissons souvent… de ne rien faire.

Patrick Chrétien, Ecole Célestin Freinet

Article paru dans Freinésies, bulletin du groupe départemental 69 de l’ICEM (GLEM)