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Lettre ouverte au ministre de l'Education nationale

Le 6 janvier 2011

à Monsieur Luc CHATEL
Ministre de l’Éducation nationale,
de la Jeunesse et de la Vie Associative
110 rue de Grenelle
75357 PARISP 07
 
 
Monsieur le Ministre,
 
« Les maîtres d’écoles sont des jardiniers en intelligences humaines ». Victor Hugo
 
Le 27 septembre 2010, nous vous avions déjà alerté sur le cas d’un enseignant de notre mouvement pédagogique, M. François Le Ménahèze, qui s’est vu refuser le renouvellement de son détachement de formateur à l’IUFM, par l’Inspecteur d’Académie de Loire-Atlantique, poste qu’il occupait depuis dix ans « compte tenu de sa manière de servir et notamment de son refus d’appliquer les instructions nationales ».
Nous ne pouvons que constater que ce courrier n’a pas suffisamment retenu votre attention puisque dans la lettre adressée à notre collègue en date du 12 novembre 2010, M. Javaudin, Inspecteur d’Académie de Loire-Atlantique, après avoir demandé un « courrier de loyauté » à notre collègue, confirme sa position en lui reprochant de n'avoir pas pris « clairement l'engagement de rompre avec [son] attitude antérieure" et le sommant "d’agir dorénavant en fonctionnaire de l’Etat, de manière éthique et responsable ».
Ce sont donc trente années d’expérience et de responsabilités dans le service public d’éducation soutenues par des valeurs et une éthique qui sont subitement stoppées.
Si l’institution exige de ses fonctionnaires d’obéir aveuglément à des directives administratives, nous ne pouvons alors que nous indigner et nous inquiéter de ce qu’il adviendra de tous les collègues qui, agissant bien de manière éthique et responsable en tant que professionnel ou citoyen, n’adopteront pas une attitude servile.
Si l’institution exige de ses fonctionnaires d’état de transmettre aux enfants cette attitude servile en les soumettant à des évaluations rétrogrades et dégradantes, nous ne pouvons encore que nous indigner et résister en agissant au quotidien pour que nos élèves, citoyens de demain se forgent une image positive de leur savoir, une estime de soi haute en diversité y compris au regard des erreurs qu’ils font et qu’ils feront tout au long de leurs apprentissages.
Toutes les réflexions critiques liées à cette question sont grandement explicitées dans des textes parus sur les sites des mouvements pédagogiques, des syndicats, des fédérations de parents d’élèves, des chercheurs, des médecins, pour qui l’intérêt de l’enfant se situe bien au-delà de ce que la politique éducative actuelle tente d’imposer. Des débats publics ont été organisés, les médias en ont fait état.
Notre collègue, comme beaucoup d’autres, agit donc en conscience, au regard de ces réflexions collectives qui ne sont en aucun cas en opposition avec les engagements contractuels et éthiques d’un fonctionnaire d’État, d’autant qu’il est acquis que ses compétences professionnelles ne sont, jusque là, pas remises en cause. Il n’y a donc pas de lien entre la décision de l’Inspecteur d’Académie et le motif invoqué. Par conséquent, cette sanction est injuste et inacceptable.
Notre collègue, comme beaucoup d’autres, résiste ainsi au fait qu’un fonctionnaire devrait se renier pour conserver un poste.
Notre collègue, comme beaucoup d’autres, s’interroge sur ce que « compétences » et « loyauté » veulent dire. Être un enseignant compétent et loyal signifie-t-il se contenter de répondre à des demandes administratives ou bien avoir à cœur la réussite de tous les enfants en pratiquant une pédagogie motivante et respectueuse ?
Notre collègue, comme beaucoup d’autres, affirme qu’être un fonctionnaire loyal ne veut pas dire appliquer aveuglément toutes lesdirectives sans exercer son sens critique et réfléchir aux conséquences qu’elles peuvent avoir sur ceux auxquels elles s’appliquent.
Ce positionnement fort est tout à l’honneur de ceux qui œuvrent au quotidien dans leur classe pour faire de leurs élèves des citoyens responsables et épanouis et non des individus conformes et soumis. Cela fait-il d’eux des fonctionnaires et des enseignants irresponsables et sans éthique ?
Ce positionnement fort est tout à l’honneur de ceux qui ont le courage de l’afficher, résistant ainsi à toute forme d’asservissement.
C’est ainsi que l’ICEM pédagogie Freinet, au regard de ses valeurs pédagogiques, éthiques et politiques, affirme sa solidarité avec François Le Ménahèze et tous ceux qui, comme lui, continueront à agir loyalement, en fonctionnaires de l’État, de manière éthique et responsable.
En vous assurant de notre profond attachement au service public d’Éducation, veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations respectueuses.
 

Le Comité d’Animation de l’ICEM-Pédagogie Freinet

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