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La pédagogie Freinet et l'enseignement des langues vivantes

Juin 1996

Pour un enseignant Freinet, il n'est pas nouveau de penser la classe au­trement, de mettre en place une pra­tique autre. Cette visée militante devient de plus en plus une nécessité professionnelle si l'on veut faire face aux conditions nouvelles d'enseignement.

En effet, l'enseignement des langues dans ses formes traditionnelles, avec son manuel, sa méthode n'est plus possible. Ce constat ne date pas de l'arrivée des langues vivantes à l'école primaire. L'évolution de l'école en général, un nouveau type d'élève, les nouvelles formes de com­munication, mais aussi la désagréga­tion des structures sociales et fami­liales favorisant des rapports de violence à l'extérieur comme à l'intérieur des établissements, ne permettent plus d'enseigner comme au­trefois.

 

 
Sans flatterie, on peut dire que le mouvement Freinet a été toujours en tête des innovations pédagogiques. Ces expérimentations n'ont pas tou­jours obtenu un écho dans le milieu enseignant ; parfois le caractère ex­ceptionnel de ces nouvelles démarches n'est même pas perçu par les mili­tants. Les pratiques de la classe de langues vivantes relève de ce cas. Ainsi, beaucoup de collègues institu­teurs chevronnés, ayant une longue expérience des techniques Freinet, sont d'un coup désemparés devant l'incitation administrative d'enseigner une langue seconde. Pour­tant cela bouge.
Certes, d'un point de vue de poli­tique scolaire, il est plus qu'incohérent d'introduire une langue vivante à l'école primaire sans avoir formé auparavant les enseignants à cette nouvelle tâche. Vouloir saupou­drer les élèves d'un quart par jour d'un idiome étranger montre l'ignorance technocrate quant à l'organisation d'une journée sco­laire. Mettre à la disposition des écoles une cassette vidéo pour assu­rer une initiation linguistique, cela est peut-être cohérent au niveau di­dactique mais relève d'un non sens pédagogique. Les conditions offi­cielles sont donc les moins bonnes possibles. Faut-il démissionner pour autant devant cette situation ?
Les enseignants Freinet n'ont pas at­tendu les instructions officielles pour sensibiliser les élèves aux cul­tures et langues dites "étrangères". L'approche internationale est un pi­lier ancien de la pédagogie Freinet.
De plus, les techniques et outils de cette pédagogie ne sont pas propres à l'apprentissage de la langue mater­nelle ou du calcul. Elles s'appliquent de la même façon à l'apprentissage d'une seconde langue. Certes, il n'y a pas une recette qui propose la solution idéale et par­faite pour la classe de langue. Mais les principes de base tels que la mé­thode naturelle et le tâtonnement ex­périmental gardent leurs valeurs. Le Nouvel Educateur s'en est déjà fait l'écho. (Voir D. Baillet dans le n° 75, 1995, G. Schlemminger dans le n° 53, 1993.)
Dans ce dossier, conjointement réa­lisé par l'équipe de Tracer, revue du Secteur Langues de l'I.C.E.M. et celle du Nouvel Educateur, nous sou­haitons montrer la richesse et la va­riété des pratiques Freinet en classes de langues à l'école pri­maire. Nous présentons donc trois ex­périences qui se situent à des pôles opposés.
Marine Baro réalise régulièrement des correspondances - échanges avec chaque fois un pays différent. Dans son texte, elle relate l'expérience de sa classe avec des correspondants russes auxquels ses élèves ont rendu également visite. Marine Baro n'a au­cune compétence particulière en russe. Ainsi, au même titre que ses élèves, elle tâtonne pour s'initier à la culture et à la langue russe. Certes, d'un point de vue purement académique, les résultats de l'acquisition du russe restent élé­mentaires. Mais est-ce que l'on peut aller plus loin dans les conditions actuelles (où l'anglais domine toute autre langue) ? Son texte montre néanmoins une belle expérience d'apprentissage interculturel.
Corinne Lhéritier enseigne à la Ca­landreta nimesenca Aimat Serre, une école maternelle occitane à Nîmes. Les élèves sont de langue maternelle française. L'expérience présente la production d'un journal occitan : Co­rinne Lhéritier parle à ses élèves toujours en occitan. Ceux-ci réagis­sent d'abord en français, puis utili­sent progressivement la deuxième langue. En linguistique, nous parlons d'une "immersion totale" dans la se­conde langue. Ajoutons quelques pré­cisions : ce n'est pas parce que l'occitan n'est pas reconnu comme une langue nationale qu'elle ne mérite pas les mêmes considérations que toute autre langue dite étrangère. Par ailleurs, Corinne Lhéritier ne se considère pas comme enseignante de "langue". Elle enseigne un contenu - dans une autre langue. Une telle ap­proche "intégrale" d'une seconde langue, nous pouvons déjà la rencon­trer dans quelques écoles (privées) réservées à l'élite des enfants des diplomates et managers internatio­naux. Elle n'a pas encore franchi la porte des écoles plus ordinaires (sauf exception, comme l'exemple le montre). Néanmoins, une telle pra­tique de la langue seconde constitue l'avenir d'un réel apprentissage in­terculturel et multilingue.
A mi-chemin entre ces deux "extrêmes" se trouve l'expérience de Florence Saint-Luc. Elle a une maîtrise cor­recte de l'anglais. Elle en fait pro­fiter ses élèves en organisant une correspondance avec une classe aus­tralienne. Son article montre le franc succès de son expérience.
Dans un dernier article, Emmanuelle Henssien et moi, nous avons essayé de reconstituer, dans le cadre d'un dia­logue fictif, les résistances et craintes des professeurs de langue face aux changements de pratique aux­quels les conditions d'enseignement les poussent parfois. Quelquefois les enseignants souhaitent modifier leur pratique mais n'osent pas franchir le pas. Nous sommes conscients que ce n'est pas par un discours que la pra­tique changera. Néanmoins, nous avons essayé de proposer face aux "contraintes" des solutions prati­cables. Ces réflexions concernent le second degré mais leur principe s'applique également à l'école pri­maire.
Quelle conclusion après la lecture de ces articles ? Il n'y a pas UN ensei­gnement de langue dans une classe de type Freinet, mais des pratiques adaptées aux conditions de l'établissement, aux compétences de l'enseignant et à ces relations in­terculturelles.
G.SCHLEMMINGER
 
 
L'échange scolaire avec une classe à Leningrad
 
La mise en oeuvre
 
Pourquoi une correspondance interna­tionale? C'est un choix délibéré de ma part : pour s'ouvrir à d'autres cultures, à d'autres modes de vie, à d'autres modes de pensée.
Les enfants repèrent que d'autres en­fants ne vivent pas comme eux (certains l'acceptent, d'autres non, ils en feront ce qu'ils voudront en fonction de leur propre milieu fami­lial).
 
Quel pays ? Quelle partie du monde ?
 
Le choix se fait en fonction des pro­positions qui me sont offertes, des conditions matérielles ou d'évènements importants, sociaux et politiques, car cela veut dire que les enfants vont en entendre parler par la presse et la télévision. Exemples : 1986, correspondance avec l'Inde et année de l'Inde en France ; 1990, correspondance avec l'URSS, glasnost et perestroika.
Le choix se fait aussi en fonction de l'intérêt que vont y trouver les en­fants. Exemple : les fêtes, les tra­ditions, la richesse du passé et des légendes (Chine) - et l'intérêt des enfants, ça peut être aussi la décou­verte d'un mode de vie radicalement différent du leur. Enfin, la corres­pondance internationale développera chez certains le goût des voyages.
 
La prise de contact
 
C'est moi qui informe les élèves qu'on va chercher des correspondants. On pourrait voter en classe pour le choix d'un pays mais il y a peu de demandes de l'étranger et le choix se fait également en fonction des faci­lités et des conditions matérielles (vitesse du courrier, acheminement des colis...).
 
Pour commencer
 
Je présente le pays des correspon­dants sur les diverses cartes et le planisphère qui sont en classe, puis il y a explication du projet, plani­fication des recherches à faire, des envois. On se "distribue" les corres­pondants pour les lettres indivi­duelles - qui écrit à qui ?
 
Les envois
 
D'abord, ce sont les "cartes d'identité" de chacun qui se présente (nom, prénom, âge, hobby, famille, lieu de vie, loisir, copains...). On prépare ensuite des informations sur notre environnement : l'école, la maison, le quartier, notre ville, notre pays. On explique notre vie quotidienne (les jeux, les repas - avec les produits alimentaires - le vie à l'école, la vie dans la fa­mille, les professions des parents, les loisirs en famille).
On prévoit des envois d'objets : ob­jets de type scolaire (le quotidien de l'écolier), des cadeaux, des livres... sont envoyés également : des cartes postales, des posters de paysage français, des plans, des des­sins, des textes, des exposés, des comptes rendus d'expositions et de sorties, des lettres individuelles...
 
La mise au travail
 
Cela implique la mise au travail, on demande aux élèves de produire. Ce sont des productions collectives, in­dividuelles et par groupe. Cette mise au travail consiste en
- la recherche de documents, de textes, de photos,
- la fabrication d'exposés, de lettres, de textes.
En classe, je donne des pistes, mais très souvent il faut répondre aux questions des correspondants. Dans les lettres individuelles, chacun cherche ce qu'il veut dire puis le support pour le dire (le papier, la machine à écrire, le traitement de texte, et on peut perfectionner le système avec la lettre-vidéo...).
A partir d'une correspondance, on peut aborder toutes les autres acti­vités d'apprentissage nécessaires à une classe d'âge donnée :
- apprendre à lire les lettres, les informations dans les documents qu'on reçoit, dans les documents qu'on uti­lise, à travers les tris de ces in­formations ;
- apprendre à écrire ;
- faire des mathématiques (par exemple : faire des repérages, utili­ser des quadrillages, travailler sur les décalages horaires, les kilomé­trages et les grands nombres, les monnaies et les échanges, les rela­tions...)
- faire de l'histoire : on apprend à se repérer dans le passé récent ou plus lointain pour situer des époques, des personnages remarquables ; on utilise le calendrier pour pla­nifier les envois ;
- faire de la géographie : le climat, la situation géographique dans le monde, le relief, la faune et la vé­gétation en France et dans le pays des correspondants ;
- faire des sciences : pour exemple, nous avons mené des recherches pour savoir ce qu'est une céréale (consommation du riz en Inde), pour­quoi la mer Baltique qui gèle donne en surface des glaçons qui ne sont pas salés (au cours d'un voyage chez nos correspondants soviétiques, les élèves ont pu marcher sur la mer ge­lée), les oeufs des poissons (boîte de caviar)...;
- se cultiver en musique : traditions musicales du pays des correspondants, danse (ex. Katakali en Inde) ;
- en arts plastiques : ayant la chance d'être à Paris, de nombreuses institutions présentent les facettes de ces pays, ce qui nous permet de rester en contact avec la civilisa­tion de nos correspondants (le musée Kwok-On et les fêtes en Asie, le mu­sée Guimet où l'on peut tout savoir sur la vie de Bouddha, le théâtre de l'Alliance française...).
Le journal de la classe s'enrichit de toutes ces informations et nous clas­sons ce que nous envoyons et rece­vons.
Tout ce travail s'élabore grâce au plan de travail où l'activité de cha­cun est individualisée et programmée avec un contrat minimal pour tous.
 
Les raisons du voyage et ses ob­jectifs
 
Depuis deux années, ma classe entre­tient une correspondance régulière avec la classe de Tatiana MOUR, école n° 17, rue Maòakovski à LENINGRAD - U.R.S.S.
Grâce à ces échanges, le contact s'est établi avec le monde extérieur ; nous découvrons la vie de nos cor­respondants soviétiques. Comme nous, les élèves soviétiques apprennent le français et leurs premières expé­riences sont bien souvent semblables aux nôtres.
Se déplacer dans un pays lointain, inconnu, nous demande un travail pré­paratoire sur la connaissance de ce pays. Depuis deux années, nos corres­pondants nous racontent, à travers leurs envois, leur ville, leur école, leurs vacances, leurs loisirs, leur vie...
La découverte de l'autre et d'un autre ailleurs où on ne vit pas tout à fait de la même façon, développe la notion du droit à la différence.
Nous voulons vivre pendant une se­maine, la vie de nos correspondants. Tout d'abord leur vie d'écolier, tous les matins nous nous rendons à l'école. Avec nos amis nous allons suivre les cours de musique, de des­sin, de français, et un cours d'initiation au russe.
Ensemble l'après-midi, nous parcou­rons la ville de Leningrad et décou­vrons ses monuments les plus cé­lèbres, (cf. le programme préparé par l'agence soviétique INTOURIST). Nous verrons leur quartier et leur maison, nous irons dormir chez eux et parta­gerons leur repas.
Concernant la langue étrangère, quelle fonction a t-elle eu dans la correspondance ? Elle apparaît très peu, puisque les échanges se sont toujours faits en français. Elle est objet de curiosité, elle n'entre pas dans le bilinguisme indispensable à tout individu européen, mais les élèves connaissent toujours quelques mots de la langue de leurs correspon­dants (d'usage courant..., de gros mots...). Ailleurs on ne parle pas de la même façon, on n'a pas tout à fait les mêmes idées, les mêmes rituels, la même Histoire. La langue des cor­respondants, et d'autres usages (manger, mourir...) sont des "objets" à regarder, pour le droit à la diffé­rence, pour connaître leurs idées.
Marine BARO
 
Démarrage de la première année d'anglais en CM1-CM2
 
Cette année, je viens d'être nommée dans une nouvelle école . J'ai une classe de vingt six élèves CM1-CM2, dans une école avec un Centre de Loi­sirs Associé à l'Ecole (CLAE).
 
Méthode naturelle et premiers pas
 
La première semaine, les enfants ont voulu apprendre une chanson en an­glais, et après en avoir écouté plu­sieurs, ils ont choisi If you're happy. Après une semaine de classe, un de mes élèves a proposé de montrer ce qu'il savait déjà en anglais. J'ai demandé à la classe d'écrire un pa­pier avec des mots en anglais, et cela a été très riche, si riche que je n'ai pas encore fini de l'exploiter. J'y ai retrouvé immédia­tement réinvestis des mots de la chanson. Certains élèves avaient déjà fait un peu d'anglais au CE1, d'autres avaient identifié des mots dans des chansons en anglais, d'autres encore ont repéré des mots anglais sur des objets autour d'eux, comme off / on, guaranteed...
 
Voici la liste des mots proposés par les enfants à cette occasion :
Mohamed : sad - angry - sleepy - sca­red (repéré dans la chanson distri­buée auparavant)
Jonathan : no - yes - thank you - pleaseAudrey : now - ten - star
Laura : Do you speak english ? The love
Clémence : cats - I'm nine - gymnas­tics - sport
Jordan : Goodmorning - English - yes - no
Dominique : Great Britain - French - police - wet - one - two - tour - controll - rail - fire - emergency - exit - world - violet
Florian : off - on - kiss me - I'm happy - yes - no - star - English
Julie : off - on - to you - guaran­teed - pens - sportswear - company - music - all stars - start - basket
Alexandra : happy - clap your handsMarie : ifyou're happy - yesManon : hello - good
Emmanuelle : no - I - goodbye - I love you - Monday
Dominique : car-ferry - city - bus - blue - red - yellow - athletics - animals - dolphin - old - ranchy - green - orange - coffea - cheese - year - foot - knee - happy - police­man
Ophélie : horse
Arnaud : Australia - goodnight - hello
Alexandra : click - your fingers
Sébastien : athletics - car - city - yes - no - september - october - de­cember - man - men - worman - bat - spider - cat - fire - stone - fire­man - office - works - olive - elec­trician - silver - ever - for - street - the - English - blok - foot
Aurélie : boy - planets - april - fe­bruary
Sophie : september - october - novem­ber - december - thursday - monday - tuesday - wednesday - friday - satur­day - january
Pour l'instant, les enfants sont très motivés par l'anglais, et ils ont en­vie d'en faire tous les jours. Ils sont très enthousiastes, et je les ai trouvés très actifs dans l'émission d'hypothèses. Par exemple, un enfant a repéré le mot day dans les jours de la semaine, il a demandé si cela vou­lait dire jour, et il a été capable de réinvestir immédiatement dans la compréhension du fax que nous avons reçu : après étude du contexte, il a compris que birthday voulait dire an­niversaire, jour de naissance. Il faut dire que cet enfant est déjà allé en Angleterre, que sa mère est allemande, son père professeur d'allemand, et qu'il sait parler et lire l'allemand....
Je peux en déduire qu'il a comparé le mot monday avec le mot Montag, ce qui lui a permis de faire cette hypo­thèse. Il a donc mis en oeuvre tous les éléments à sa disposition pour comprendre la signification. La dis­parité de niveaux a donc été une source de richesse dans la classe grâce à la méthode naturelle.
 
La méthode natu­relle dans la cor­respondance
 
Je continue la correspondance avec l'Australie, entamée l'année dernière avec une classe de CE1-CE2, dans mon ancienne école. En effet, les enfants de ma classe sont très motivés par la correspondance et par l'apprentissage de l'anglais. Dès le jour de la ren­trée, ils m'ont dit qu'ils voulaient apprendre l'anglais. Je leur ai pro­posé la correspondance avec l'Australie et ils ont sauté sur l'occasion. J'ai envoyé un fax en Australie avec la liste des élèves. Les Australiens ont aussitôt préparé des lettres individuelles que nous avons reçues une semaine après le fax annonçant qu'ils étaient en train de les préparer.
Toujours la première semaine, une de mes élèves, Julie, est arrivée en classe avec une lettre de présenta­tion en anglais. Elle l'avait faite à la maison avec ses parents. Elle l'a présentée à la classe. Nous l'avons étudiée. Elle parlait du nombre d'habitants de notre ville. Comme tout le monde n'était pas d'accord avec celui qu'elle a annoncé, la classe a décidé d'écrire un fax au maire pour demander le nombre exact. Aussitôt, nous avons essayé d'écrire ensemble une lettre officielle, et sa rédaction définitive a permis d'aborder ce type d'écrit. Nous avons reçu la réponse du secrétariat de la mairie, et nous allons l'introduire dans la lettre collective que nous allons rédiger la semaine prochaine. Des sujets ont déjà été évoqués pour le contenu de la lettre collective : Y-a-t-il des montagnes chez eux ? Pourquoi les animaux d'Australie ne sont-ils pas les mêmes que dans le reste du monde ? Est-ce qu'ils ap­prennent le français ?
Il leur a été très difficile de com­prendre que nos correspondants sont au mois de septembre comme nous, mais que chez eux le printemps vient de commencer. Nous avons déjà repéré que l'Australie est dans hémisphère Sud, qu'elle est traversée par un tro­pique, et une équipe s'est proposé de faire un exposé sur le soleil et de rechercher l'explication de ce phéno­mène.
Les lettres individuelles des enfants ont été construites sur le modèle proposé par Julie, après discussion coopérative sur le contenu nécessaire d'une lettre de présentation. Puis, il a été décidé de filmer en vidéo les présentations en anglais pour les correspondants australiens. Chacun a écrit son nom en gros pour qu'il puisse être identifié autant par l'image que par le son, car la prise de sons n'est pas très bonne avec un camescope ordinaire. Les phrases re­tenues par les enfants et filmées pour chacun étaient :
My name's .... - I'm nine (or ten) - I'm a boy, a girl - I live in a house / a flat / a hôtel - I like... - football / music and dance / gymnas­tics / basket-ball / KaratÄ / horses / dolphins / animals / Dragon / Ball Z... Dans l'ensemble, il n'y a pas eu trop de problÅme de prononciation, sauf l'enchaînement I 'm nine pour une élève qui n'a pu réussir à le faire correctement.
Je leur ai montré l'album sur l'Australie reçu il y a deux ans par ma classe de CP. Ils ont voulu tout de suite qu'on fasse des photos indi­viduelles, avec pour chacun l'origine de leur famille, comme les Austra­liens avaient fait il y a 3 ans.
Les élèves sont d'autant plus motivés qu'ils nous sera sans doute possible de recevoir l'enseignant et deux ou trois élèves l'année prochaine.
Florence SAINT-LUC
 
 
Mise en route d'un journal en petite et moyenne section de maternelle dans une école occitane
 
Les idées
 
Décembre 93, à la veille des vacances de Noël, les "grands" (G.S./C.P./CE1/CE2) nous présentent leur premier journal de l'année et nous en donnent un exemplaire pour la bibliothèque de la classe.
Nous le parcourons. Nous le repren­drons plus longuement et plus en dé­tail à la rentrée de janvier.
Janvier 94, mardi 4. J'apporte une casse d'imprimerie, majuscules, corps 24...
"C'est pour faire un journal !" Adrien, Ambre, Marine, Melissa, Mo­hand...
"J'ai acheté le journal avec mon père et j'ai colorié les lettres !" Mohand (celui des grands)
Je n'ai pour l'instant rien dit. Je demande si quelqu'un sait comment on peut appeler tout ça.Adrien nomme les lettres qu'il connaît.
"Oui, mais sans dire tous les noms ?" (je parle toujours en occitan... Pour les enfants, quand ils parlent en oc­citan, si j'ai noté, je le spécifie).
Melissa : "C'est des lettres."
- Qu'est-ce qu'on peut en faire ?
- Pour des journals ! (Betty)
- Non pour un journal ou pour des journaux, on dit comme ça, Betty ! (Adrien)
- Pour écrire ! (Melissa)
- Oui, on peut écrire ce qu'on veut, on n'est pas obligé de faire un jour­nal."
Je propose pour l'instant d'imprimer des cartes de "Bonne Année". Je parle d'imprimerie, de casse, de carac­tères... Je vais chercher des papiers pour que chacun essaye dans un pre­mier temps d'écrire lui-même "bonne année".
 
La mise en place
 
J'ai procédé, au départ, comme pour l'élaboration des textes des albums :
- prise en note des discussions sus­ceptibles d'être imprimées,
- retour au groupe dans un second temps, "Qu'est-ce qu'on garde ? Qu'est-ce qui est pareil ? Comment peut-on le dire ?"
- proposition d'une version écrite où chacun puisse se retrouver, se re­connaître, ne serait-ce que dans un élément....
- recours éventuel au "on écrit comme dans..."
- mise en page / présentation : la part du maître ! En essayant d'y faire participer le plus possible les enfants (choix des illustrations, choix parmi plusieurs possibili­tés...)
- caractères : même à l'ordinateur, ils devront être assez gros pour que les plus petits puissent commencer à "lire".
- journal des deux P.S./M.S. ? Dans ce cas, partage des articles, travail dans les deux classes, mise en com­mun, mais aussi travail en décloi­sonné (notamment tirage et illustra­tions)... A voir avec Agnès, l'autre maîtresse.
- visite dans la classe des grands pendant un moment d'imprimerie ?
Je n'ai pas de journaux de petits ou moyens de maternelle. Quelques uns des grandes sections et d' autres du primaire.
Un journal d'école maternelle, en français "regards" contient des ar­ticles "écrits" par des petits. Il correspond assez, dans l'ensemble, au journal dont j'ai envie, même si tout ne me convainc pas (le travail de ré­écriture notamment).
 
Le démarrage
 
Rentrée Mars 94 : je présente des journaux, scolaires ou non. Celui des grands est toujours dans la classe, et nous avons quelques revues.
J'annonce "ça y est, si vous êtes toujours d'accord on va faire un journal". Enthousiasme général.
"Ce sera le nôtre et celui de la classe d'Agnès, on se partagera le travail, et parfois on le fera en­semble. On en fera un toutes les deux semaines ?" Je montre sur le calen­drier ce que ça représente en jours d'école ...
Jeudi 17/03, discussions avec toute la classe pour proposer un titre. On "épluche" les journaux. J'explique, exemples à l'appui, que les titres on souvent une raison. De nouveau, "regards" vient sur le tapis.
Marine "On a qu'à appeler "regarda" ou agacha"... (traductions de "regard")
- On pourrait trouver quelque chose de différent".
Beaucoup de traductions ou de re­prises de titres existants sont pro­posées. Quand j'essaye d'expliquer qu'il faut que ça nous ressemble, que ça dise ce qu'on est, Melissa propose "Calandreta" et Marine "Occitan"."Calandreta" c'est déjà le nom des écoles comme la nôtre, et "Occitan(s)" c'est déjà le titre d'un journal... Ce n'est pas possible. Mais j'en ai un peu marre de trouver des objections...
Arrivent alors des propositions comme "Lunettes" ou "Casquettes", "parce que c'est rigolo".
"Mais notre journal n'est pas forcé­ment rigolo ... A quoi il va servir notre journal ?
"Adrien : Ben à lire, voyons !
- Marine : A dire des choses à des gens.
- Melissa : A écrire dedans !
- Adrien : A des parents pour qu'ils voient ce qu'on fait.
- Mohand : Ah, ouais mon père il l'achètera...
- Bon, je vous propose de réfléchir à tout ça, peut-être que dans la classe d'Agnès ils auront d'autres idées, et puis on en parle demain au conseil.
 Le conseil démarrant juste, ce sera un excellent point à l'ordre du jour !
Vendredi 18/03, au conseil, Adrien, Melissa et Marine tiennent à leur idée. Les autres ne se prononcent pas vraiment, du moins ils ne choisissent pas.
Adrien : "En fait, pourquoi on peut pas dire que c'est les trois choses ?
- Pourquoi pas, on pourrait lui don­ner trois noms...
- Souheil : Comme Marin Kevin Poulet
- Mohand : Ou comme moi Mohand Mokdad Boudifa !"
C'est adopté. Pour l'ordre on suit la logique : on dit, après on Ecrit, et après on lit.Il n'y a pas d'autre proposition, "Dire, Escriure, Legir" sera donc le titre.
 
L'édition
 
2ème semaine. Le mardi matin, je pré­sente la maquette définitive (certaines pages ont eu plusieurs versions...) et elle part à la photo­copie. Nous imprimerons l'après-midi.
"Dire, Escriure, Legir" sont les seuls mots qui seront imprimés dans ce premier journal : chaque équipe, fixe maintenant, en a composé un.
Tirage - avec des moyens grand bri­colage à cause du format - en équipe, puis avec les petits en groupe.
Je tire les derniers exemplaires à la chaîne, le jours prévu de la sortie, avec les enfants de la classe d' Agnès (chacun imprime et colore le sien).
La classe d'Agnès fera un article sur une visite au marché aux fleurs dans la rubrique "Vie des classes" et un sur la neige.
 
Le journal est sorti...
 
Vendredi 25/03. Le numéro 0 sort, chacun en prend un pour lui. Il est commenté, feuilleté, apprécié. Nous sommes contents. Au conseil la maî­tresse félicite la classe et on dé­cide à l'unanimité de continuer, au bilan du soir il fait naître quelques "soleils" (dont celui de la maî­tresse).
Il est gratuit, les suivants seront vendus. Il nous (les maîtresses) sem­blait important que les enfants aient tous ce premier numéro. Mais il nous semble également important de vendre les suivants, même à un prix très mo­dique...
Les enseignantes signent un "édito", mais ce ne devrait pas être systéma­tique...
Nous distribuons plusieurs exem­plaires dans et autour de l'école, et attendons les échos !
Le journal est bien sûr en occitan ! Personne ne s'est posé la question.
 
Les réactions des lecteurs
 
Jeudi 07/04. Nous présentons et dis­tribuons le n° 0 à chacun des grands, et à la classe.
Quelques questions avant la distribu­tion sur la façon de travailler et sur le prix "en général". Puis chacun va lire le sien. Nous nous regroupons ensuite pour répondre aux questions et écouter les remarques.
Simon : "Lo trapi polit e ben" (je le trouve joli et bien)
Adrien (sans avoir la parole) "Era ben quand om lo fasiç !" (C'était bien quand on le faisait !)
Simon : "Una question : per de que dins l'article "Verai o fals" avetz dich qu'aimaviatz los libres a mai se son d'istÿrias falsas ?" (Une ques­tion : pourquoi dans l'article "Vrai ou faux" vous avez dit que vous ai­miez les livres même s'ils racontent des histoires fausses ?")
Aucun n'arrive à répondre autre chose que "parce que" et j'explique que pour nous c'est maintenant un peu loin, mais que nous avions beaucoup discuté sur les histoires fausses...
Sarah B : "Es ben" (c'est bien)
Adeline : "Es ben mas per de que lo moen es rose aqui e lo de Delphine dedins" (c'est bien mais pourquoi le mien est rose ici et celui de Del­phine dedans)
La maîtresse (en occitan) "Nous avions commencé par colorer à l'intérieur des fenêtres puis nous avons pensé que se serait plus li­sible en colorant autour. Les enfants de nos classes ont plutôt choisi les premiers journaux, c'est pour cela qu'il n'en reste pas beaucoup. Et vous, qu'est-ce que vous préférez ? ".
Une petite majorité préfère le se­cond.
Delphine : "Voliài dire comma Ade­line." (Je voulais dire comme Ade­line)
Simon : "A la classa d'Agnès : per de que avetz fach un libre sus la nèu ?" (Pourquoi avez-vous fait un livre sur la neige ?)
Anthony : "Je ma rappelle plus..."
Sarah B : "Per de que Chloé   est al­lée aux Angles..." (Chloé est la soeur de Sarah et est dans la classe d'Agnès).
La maîtresse : "Oui, et elle nous avait envoyé une carte. Dans la classe nous avons ensuite parlé de la neige".
Noémie : "Es ben".
Adeline : "Tous les combien vous le ferez ?"
La maîtresse : Qual se'n sovent ? (Qui s'en souvient ?)                Cada quinze jorns". (Chaque quinze jours)
Thibaut : "Combien il a de pages ?"
La maîtresse : "Cÿ qu'as dins las mans !" (Ce que tu as dans les mains !)
Vendredi 08/04. A midi nous commen­çons la vente, pour ceux qui ne re­viennent pas l'après-midi. La "grande vente" aura lieu lundi soir, à A "l'heure des parents".
Auparavant, nous avons lu et commenté ensemble le journal (autour de la grande table, chacun ayant un numéro à sa disposition).
Nous avons reçu une lettre d'une classe de grande section qui a lu notre n° 0 et fait quelques re­marques. Des yeux brillent.... La lettre sera photocopiée dans le n° 1, et plus tard, quand il sera sorti, nous prendrons la décision d'envoyer un exemplaire à la classe en remer­ciement.
Corinne LHERITIER
 
 
Quelle pédagogie pour la classe de langue ? (Un dia­logue fictif)
 
Carole S. : Après quelques expé­riences en Français Langue Etrangère, j'ai été déçue par mon travail en tant que professeur de langue dans le contexte scolaire : imposer des textes aux élèves qui n'intéressaient qu'une petite partie de la classe, le côté répétitif des commentaires de textes, l'impossibilité d'obtenir une même progression pour tous les élèves en même temps. J'ai découvert la pé­dagogie Freinet en classe de langue lors d'un stage de formation. Cela m'a semblé très intéressant, mais comment appliquer cela dans mes classes avec les impératifs scolaires ?
Je sais qu'en pédagogie Freinet, par exemple on laisse le choix aux élèves des sujets qu'ils veulent traiter. Est-ce qu'ils ne risquent pas de pas­ser à côté de points de civilisation qui font partie de la culture géné­rale qu'on exige d'un élève au bac ?
Jérôme L. : Le choix est quand même plus large que tu ne le penses : l'élève, le groupe ne fournit pas seul la "matière première" ; la cor­respondance apporte également des multiples sujets à la classe de langue. Mais je te comprends bien, tu préfèrerais inculquer une culture gé­nérale toute faite à tes élèves. Celle-ci se construit à partir des acquis et des centres d'intérêt des élèves. Il ne sert à rien de vouloir leur faire comprendre par exemple les implications de la protection de l'environnement chère aux Allemands si cette demande ne vient pas de leur part, s'ils ne font pas eux-mêmes la démarche pour la connaître.
De plus, tu as trop peu de confiance en ton groupe d'élèves. Crois-tu qu'ils n'aient aucune curiosité in­tellectuelle pour la civilisation des pays germanophones ? Peut-être ne veulent-ils pas entendre parler pour la troisième fois de la réunification allemande qu'ils ont abordée dès la quatrième ! Je crois qu'ils ont rai­son de s'y refuser. Par contre, ils sont sûrement intéressés par d'autres sujets auxquels tu n'as pas pensé.
D'après mon expérience, leurs centres d'intérêt se recoupent grosso modo avec ce qui se trouve dans les ma­nuels usuels. Et encore, je trouve que leur horizon est souvent plus large que celui de ces manuels. C'est pourquoi je ne crains pas tellement les exigences du bac. Les élèves qui ont eu l'opportunité de faire d'une manière autonome des recherches sont mieux armés que ceux ayant suivi un programme imposé.
Carole S. : Tu oublies deux choses : comme on change d'élèves chaque an­née, on ne connaît pas leurs lacunes et en imposant un programme, on est au moins sûr que tous aient vu tel point de civilisation. D'autre part, en Terminale, ils ont très peu de temps pour faire des recherches per­sonnelles.
Jérôme L. : Ce n'est pas parce que le professeur a vu le programme en classe que l'élève le maîtrise. C'est un concept d'apprentissage de connaissance quelque peu réducteur ne donnant l'élève qu'un rôle passif. Quant aux élèves de Terminale, il me semble préférable qu'ils aient peu de textes mais choisis par eux qu'une quinzaine imposés. D'après ce que j'ai pu constater, ces textes souvent ne les motivent pas, car ils ont été choisis pour des raisons pédagogiques par le professeur.
Carole S. : Alors, supposons qu'on laisse choisir les sujets et textes à travailler en classe par les élèves : d'une part, je crains qu'ils n'aient pas d'idée ; tu connais la passivité dans laquelle le système scolaire les met. D'autre part, ce que certains ont choisi ne plaira pas forcément aux autres.
Jérôme L. : Je n'ai pas connu d'élève qui n'ait pas d'idée lorsqu'on lui donne la possibilité de proposer les sujets. A mon avis, c'est plutôt le cas inverse qui va se produire : il y aura plus probablement une profusion de propositions. Comme ils n'ont pas l'habitude de choisir et de travail­ler d'une manière autonome, il ne sauront pas délimiter leurs sujets, les réduire à un centre d'intérêt qu'ils puissent réellement traiter seuls et présenter en classe. Ils ne savent pas toujours comment obtenir un matériel précis. C'est là qu'intervient notre compétence de professeur. A nous de le guider, de le conseiller, de lui indiquer ce qu'il peut faire compte tenu de son niveau, où trouver de la documenta­tion (livres, journaux, cassettes au­dio et vidéo, télévision, correspon­dance, etc.)
En effet, tous les sujets ne peuvent être traités en classe. Mais tout élève doit avoir la possibilité de travailler sur le sujet de son choix. Il faut, par exemple au moment du Conseil, que la classe fasse un choix, après rapide présentation des différents sujets élaborés. Les su­jets non élus ne seront pas pour au­tant abandonnés. L'élève en fait un "album" qui sera déposé dans la bi­bliothèque de classe de langue (se trouvant souvent au C.D.I.), il peut également l'envoyer aux correspon­dants, le publier en extrait dans le journal de classe, faire une affiche murale, etc. Toutefois, il faut évi­ter de pousser les élèves à utiliser le seul texte comme support de pré­sentation et de communication. Va­rions les plaisirs avec des supports auditifs, des documents iconogra­phiques, etc.
Carole S.         Et si le texte choisi ne présente pas d'intérêt à mes yeux ?
Jérôme L. : Quel est ton intérêt et quel est celui des élèves ? Les élèves ont probablement leurs raisons d'avoir choisi ce document-là. Ces raisons ne sont pas forcément d'ordre linguistique ou didactique. Ils l'ont peut-être choisi parce qu'il est court, plus facile, parce qu'ils ap­précient les camarades qui l'ont pré­senté, qu'ils connaissent déjà le su­jet. Je crois qu'il n'y a rien à re­procher à ces critères. Si le groupe n'a pas encore confiance en lui-même et en ses apprentissages, il est peut-être tout à fait justifié de faire d'abord un texte court et fa­cile. Au professeur de leur insuffler de la confiance en leur capacités langagières. (Ils éliront alors comme sujet de travail des documents plus difficiles.)
J'ai souvent vécu le cas contraire : le sujet choisi par la classe est difficile. Il est plus aisé pour un professeur d'introduire dans le tra­vail davantage de réflexion et de difficulté que faire le contraire.
Carole S. : Et la progression gramma­ticale qu'en fais-tu ? Dans les ma­nuels surtout du premier cycle, les textes sont présentés selon une pro­gression grammaticale.
Jérôme L. : Il y a en effet deux cas de figure qui se présentent : soit il s'agit de textes d'auteur, soit ce sont des textes de fabrication didac­tique. Pour les premiers, on peut certes distinguer les textes diffi­ciles de ceux qui le sont moins, mais de là à prétendre qu'il y ait une progression grammaticale des textes.... Celle-ci s'y trouve parce que les auteurs ont délibérément choisi de traiter tel point de gram­maire avec un tel texte. Pourquoi toi et ta classe, vous ne feriez pas pa­reillement ?
Quant aux textes construits et arti­ficiels, je préfère nettement ceux qu'écrivent les élèves, ceux qu'ils reçoivent de leurs correspondants ou qu'ils trouvent eux-mêmes. Certes, parfois ces textes présentent des difficultés qui n'ont pas encore été abordées. Par exemple, en classe de sixième, les correspondants relatent une expérience au prétérit. Au pro­fesseur d'apprécier s'il aborde cette question d'une manière explicite en faisant un point de grammaire ou s'il se contente de l'expliquer brièvement pour assurer la compréhension. Il fera noter un exemple dans le cahier de grammaire pour pouvoir y revenir ultérieurement.
A mon avis, la progression grammati­cale se construit à partir de la com­munication et ce qu'elle apporte comme questionnement langagier. Il n'y a pas d'ordre établi ; même les linguistiques ne sont pas d'accord sur les étapes exactes de l'apprentissage d'une langue (seconde).
Carole S. : Et le collègue qui récu­père les élèves l'année suivante ?
Jérôme L. : J'espère que toi ainsi que tes élèves, vous tenez à jour un cahier de grammaire, que vous avez un plan de travail, un cahier des textes personnels corrigés, un classeur des documents étudiés en classe, etc.
Carole S. : Tu fais alors de la gram­maire à partir des documents présen­tés par les élèves ? Je croyais que tu utilisais des fiches autocorrec­tives de grammaire ?
Jérôme L. : Cela dépend. Comme dans mes classes les élèves écrivent beau­coup je pars, d'une part, des erreurs que je relève dans leurs écrits. Je renvoie alors tel élève à tel point de grammaire, qu'il peut réviser avec le fichier autocorrectif de gram­maire, en classe lors du travail en groupe ou en heure de permanence au C.D.I., voire à la maison. D'autre part, je pars des documents pour de­mander à un élève de présenter un (nouveau) point de grammaire. S'il s'agit d'une leçon grammaticale dif­ficile, je l'introduis moi-même. Néanmoins, il m'arrive de ne pas faire de la grammaire sur un texte, car il faut Eviter que le travail sur un document traîne en longueur.
Carole S. : Si les élèves travaillent sur fiches, comment faire une Evalua­tion sommative pour tous ?
Jérôme L. : Si ton fichier est bien connu, il dispose, après chaque point de grammaire, d'une fiche - test. Tu comptabilises cette note dans ta moyenne tout en exigeant que l'élève passe, dans un temps donné, tant de fiches - test. En ce qui concerne les points de grammaire nouveaux, tu ren­voies les élèves, après la leçon, aux fiches correspondantes, puis tu an­nonces que tel jour, il y aura un test de grammaire pour toute la classe.
Dans l'évaluation, notre rôle n'est pas de détecter tout ce que l'élève ne sait pas. Notre objectif doit Etre que tout élève ait compris le point de grammaire abordé. Il est donc in­cohérent de lui donner une mauvaise note en grammaire. Si un élève n'a pas compris, il doit refaire des exercices et de repasser un deuxième test sur le même sujet. Ainsi, dans ma classe, si l'élève n'a pas 14 sur 20, il refait un contrôle, parfois il réussit seulement au 3e test. Cela n'est pas important, l'important est d'avoir enfin compris le point de grammaire...
Carole S. : Donc, les élèves peuvent faire le test quand ils le veulent ?
Jérôme L. : C'est vrai, ils le pas­sent pendant le travail en groupe ; mais je leur demande de passer un certain nombre de tests par plan de travail. Un point de grammaire qui n'a pas été testé compte zéro point dans la moyenne des tests.
Carole S. : Par conséquent, tu ne donnes que de bonnes notes...
Jérôme L. : D'abord, je trouve toute notation peu appropriée ê ma concep­tion de la pédagogie, de l'apprentissage d'une langue. Hélas ! Parents, proviseurs et par contrainte, les élèves eux-mêmes, en réclament. Je suis dans l'obligation de vivre avec ce système quelque peu absurde mais que j'aménage en consé­quence : en grammaire, les élèves n'auront que de bonnes notes ! Pour le plan de travail, je donne 14 sur 20, s'il est accompli, si l'élève fait plus, j'augmente la note (jusqu'à 20 sur 20) ; dans le cas contraire, je baisse la note. Ce qui compte ici, c'est assiduité dans le travail. Puis, je donne toutes les trois - quatre semaines une note orale ; si l'élève ne parle pas du tout, par exemple lors des discus­sions libres régulières, je constate l'absence de travail oral et note en conséquence. Si l'élève participe, il a d'office la moyenne. Si, au niveau linguistique et argumentatif, il est "bon", la note augmente. Enfin, il y a des devoirs sur tables. Les élèves peuvent utiliser toute aide et je note selon le niveau de langue et le contenu. Il se trouve que la moyenne des notes par classe correspond ê cette fameuse courbe de GAUSS ; mais j'ai eu rarement des élèves avec une très mauvaise moyenne. même un élève considéré comme faible, peut - en travaillant régulièrement - s'en sor­tir.
Carole S. : Il semble que dans ton travail, ce que l'on appelle en di­dactique le "transfert linguistique" fonctionne très bien : la discussion libre, la correspondance, les produc­tions d'élèves, les textes libres, etc. Mais qu'en est-il de la fixation de faits de langue nouveaux ? Les ma­nuels proposent pour les textes de leçon de si bons exercices d'approfondissement. Doit-on renoncer ê tout cela ?
Jérôme L. : Le document de base n'est qu'un prétexte. Le travail d'application de structures nouvelles s'effectue lors de la préparation de la discussion libre, de la réponse aux correspondants, etc. Pour fixer ces nouvelles structures, il faudrait peut-Etre construire un fichier auto­correctif de vocabulaire. D'ailleurs, fais-tu faire ê des "secrétaires" un compte rendu du cours relevant les faits de langue nouveaux ? Il pour­rait Etre un point de départ pour la construction d'exercices non pas cen­trés sur le document de départ mais utilisables Egalement dans d'autres contextes.
Carole S. : Toutes tes propositions me semblent très pertinentes, mais ne crois-tu pas qu'elles sont peu incom­patibles avec les contraintes éxté­rieures imposées dans le second cycle (emploi du temps des élèves surchar­gés, place mineure des langues, mode d'apprentissage dominant favorisant la passivité des élèves, mode évalua­tion au baccalauréat, etc.) ? Tes idées seraient-elles pas un peu trop utopiques ?...
Emmanuelle HENSSIEN, Gerald SCHLEM­MINGER
 
Les auteurs : BARO, Marine (professeur des Ecoles) : 82, rue Ro­quette - 75011 PARIS
HENSSIEN, Emmanuelle (professeur de lycée) : 214, rue St.-Maur - 75010 PARIS
LHERITIER, Corinne (professeur des Ecoles) : 90, rue du Grillon - 30000 Nîmes
SAINT-LUC, Florence (professeur des Ecoles) : Les Escleauveoux n° 15 - Belgentier - 83210 SOLLIES-PONT
SCHLEMMINGER, Gerald (maître de conférences) : 23, rue de la Répu­blique - 93230 ROMAINVILLE
Dossier élaboré par G. SCHLEMMINGER.

 

 
La Calandreta
 
Es qu'aquo es plan util ?
Est-ce que c'est bien utile ?
 
Toute langue est partie irremplaçable de la Culture de l'humanité que nous ne devons pas laisser perdre. La langue historique d'un lieu permet une relation à son pays où tout est plus clair : les noms de lieux, de maisons et de familles. Toute inté­gration sociale passe par la prise en compte de ces repères pour en ap­prendre d'autres : ceux donnés par les autres mondes et pays rencontrés.
La Calandreta est une "escola del pais", des pays, parce qu'elle aspire à faire aimer sa langue et son pays pour faire respecter les autres pays du monde. les enfants peuvent alors, enracinés dans un pays vivant, af­fronter la vie.
La maîtrise de deux langues est une dimension d'ouverture sur l'universel. Ainsi les enfants vont vers un développement intellectuel particulièrement averti pour l'acquisition d'autres langages : langues étrangères, langages mathéma­tique, informatique etc...
 
Es plan rasonable à l'ora de l'Europa ?
Est-ce bien rai­sonnable à l'heure de l'Europe ?
 
Les enfants des Calandretas devien­dront Occitans, Français et Euro­péens. Cette citoyenneté nouvelle nous semble aller de pair avec l'apparent paradoxe de nos écoles : "apprendre et vivre le local pour s'ouvrir au monde".
 
Cal parlar Occitan per inscriure sos enfants a Calan­dreta ? Non !
Faut-il parler Oc­citan pour ins­crire ses enfants à Calandreta ? Non !
 
Peu d'enfants de Calandreta entendent régulièrement parler Occitan en de­hors de l'école. Nombre de parents viennent d'horizons très divers, tant au niveau géographique que social.
C'est en cela que Calandreta est une école à part entière.
 
Quant costa l'escolaritat ?
Combien coûte la scolarité ?
 
L'école Calandreta est gratuite.
Elle n'est pas l'école de privilé­giés, mais un service public d'enseignement en langue Occitane. L'Etat Français contractualise, de­puis janvier 1990, cette filière.
 
Quina es la forma­cion dels regents ?
Quelle est la for­mation des insti­tuteurs ?
 
Lors de leur embauche, l'association Calandreta demande aux instituteurs stagiaires le même niveau d'étude que celui de recrutement pour l'IUFM (Institut Universitaire de Formation des Maîtres), c'est à dire Bac + 3, ainsi que la maîtrise de la langue Occitane.
La formation se fait ensuite par des stages dans les Calandretas, à l'Université, pour ce qui concerne le perfectionnement de la langue Occi­tane, et au cours de stages organisés par divers mouvements pédagogiques.

 

La nèu
 
Dins la classa fa­sèm un libre sus la nèu.
 
La nèu es blanca.
La nèu es fresca.
La nèu fond.
 
Se pot faire de bolas de nèu...
 
Classa d'Agnès Fiol
Extrait de "Dire, Escriure, Legir"
 
En classa verda...
 
Erem dins un jaç a Marouls. Es a la montanha, en Cevena.
Dormissiàm totes dins un dormitori, dins nostras bassacas. Agnès, Myriam e Corinne fasiàn un torn de rotle per las nuèits.
Dins la sala onte manjaviam, faguèrem de cantons pels talhièrs coma a l'escola.
Nos calià faire la vaissèla e èra ben.
Faguèrem de musica verda : es de la musica amb d'èrbas, de fuèhas o de troces de brancas.
Nos agradèt força !
Faguèrem tanben de batèu que metèrem a l'aiga dins lo riu.
Partir en classa verda es força, força ben !
 
Classa de Corinne Lheritier.
Extrait de "Dire, Escriure, Legir"

 

Une semaine chez nos correspondants soviétiques
 
Samedi 10 février
Surprise à l'arrivée à Leningrad : nos amis étaient tous présents, mais la neige était absente. le passage de la frontière et de la douane furent très simples malgré notre quantité de bagages : médicaments, cadeaux et ... vingt kilogrammes de café. Nos cor­respondants nous attendaient avec des fleurs - des oeillets rouges - et des sourires timides pleins de curio­sité...
...Mercredi 14 février
A 14 heures, notre rendez-vous de l'après midi est au musée d'Ethnographie. Là sont rassemblés de nombreux objets traditionnels de tous les peuples d'Union Soviétique.
Avec des maquettes, des dioramas, les enfants découvrent les coutumes des pays du nord, de Sibérie, d'Asie cen­trale et des peuples de la Mer Noire : traîneaux en bois, vêtements en peau de poisson, ustensiles ménagers, yourtes, berceaux, costumes de fête, bijoux. Sur de grandes maquettes sont reconstituées des scènes villageoises et des tentes en coton sont dressées un peu partout dans le musée...
... Ce soir, on sort. Tatiana nous a réservé des places au cirque de Le­ningrad. Lumineux, coloré, le cirque nous a éblouis...
Jeudi 15 février
A l'école, nos correspondants nous attendent... à coups de boules de neige. Tous les enfants du monde se ressemblent.
C'est Tatiana qui vient nous chercher : les cours du matin commencent. En français, Tatiana apprend à ses élèves le nom des mois de l'année, la date, les mots "aujourd'hui" et "il neige".
En cours de russe, nous parlons des symboles de Leningrad et de grandes cartes postales nous renseignent... On termine notre matinée par le cours de gymnastique et encore des compéti­tions.
Après le déjeuner, on part pour une visite guidée du musée des peintres russes. La guide nous montre les très belles icônes de Pierre 1er dit Pierre "le grand" à cause de sa taille (2 mètres 04)...
Vendredi 16 février
Ce matin on se lève plus tard car on ne va pas à l'école. Nos correspon­dants préparent une fête en notre honneur. Elle aura lieu cet après midi à l'école...
... En fin d'après midi, un énorme goûter nous attend au réfectoire avec les délicieux gâteaux de Leningrad, le thé chaud, les bonbons fourrés aux myrtilles, une spécialité de la ré­gion. Nous, les français, avions amené du Champagne.
C'est avec chaleur que nous remer­cions tous les professeurs de l'école pour leur accuiel et leur gentil­lesse. Bien sûr on les attend à Pa­ris...
Dimanche 18 février
Les valises sont pleines des cadeaux de nos amis. Ils nous suivent jusqu'à l'aéroport pour les adieux. Alice pleure et la gorge serrée, on s'embrasse et on se fait plein de promesses : de s'écrire encore, de les attendre à Paris, d'envoyer notre journal et le film vidéo de notre se­maine avec eux.
Quand l'avion décolle, Leningrad est sous la neige et c'est beau.
Marine Baro et sa classe de CE1