Juin 1996
Pour un enseignant Freinet, il n'est pas nouveau de penser la classe autrement, de mettre en place une pratique autre. Cette visée militante devient de plus en plus une nécessité professionnelle si l'on veut faire face aux conditions nouvelles d'enseignement.
En effet, l'enseignement des langues dans ses formes traditionnelles, avec son manuel, sa méthode n'est plus possible. Ce constat ne date pas de l'arrivée des langues vivantes à l'école primaire. L'évolution de l'école en général, un nouveau type d'élève, les nouvelles formes de communication, mais aussi la désagrégation des structures sociales et familiales favorisant des rapports de violence à l'extérieur comme à l'intérieur des établissements, ne permettent plus d'enseigner comme autrefois.
Sans flatterie, on peut dire que le mouvement Freinet a été toujours en tête des innovations pédagogiques. Ces expérimentations n'ont pas toujours obtenu un écho dans le milieu enseignant ; parfois le caractère exceptionnel de ces nouvelles démarches n'est même pas perçu par les militants. Les pratiques de la classe de langues vivantes relève de ce cas. Ainsi, beaucoup de collègues instituteurs chevronnés, ayant une longue expérience des techniques Freinet, sont d'un coup désemparés devant l'incitation administrative d'enseigner une langue seconde. Pourtant cela bouge.
Certes, d'un point de vue de politique scolaire, il est plus qu'incohérent d'introduire une langue vivante à l'école primaire sans avoir formé auparavant les enseignants à cette nouvelle tâche. Vouloir saupoudrer les élèves d'un quart par jour d'un idiome étranger montre l'ignorance technocrate quant à l'organisation d'une journée scolaire. Mettre à la disposition des écoles une cassette vidéo pour assurer une initiation linguistique, cela est peut-être cohérent au niveau didactique mais relève d'un non sens pédagogique. Les conditions officielles sont donc les moins bonnes possibles. Faut-il démissionner pour autant devant cette situation ?
Les enseignants Freinet n'ont pas attendu les instructions officielles pour sensibiliser les élèves aux cultures et langues dites "étrangères". L'approche internationale est un pilier ancien de la pédagogie Freinet.
De plus, les techniques et outils de cette pédagogie ne sont pas propres à l'apprentissage de la langue maternelle ou du calcul. Elles s'appliquent de la même façon à l'apprentissage d'une seconde langue. Certes, il n'y a pas une recette qui propose la solution idéale et parfaite pour la classe de langue. Mais les principes de base tels que la méthode naturelle et le tâtonnement expérimental gardent leurs valeurs. Le Nouvel Educateur s'en est déjà fait l'écho. (Voir D. Baillet dans le n° 75, 1995, G. Schlemminger dans le n° 53, 1993.)
Dans ce dossier, conjointement réalisé par l'équipe de Tracer, revue du Secteur Langues de l'I.C.E.M. et celle du Nouvel Educateur, nous souhaitons montrer la richesse et la variété des pratiques Freinet en classes de langues à l'école primaire. Nous présentons donc trois expériences qui se situent à des pôles opposés.
Marine Baro réalise régulièrement des correspondances - échanges avec chaque fois un pays différent. Dans son texte, elle relate l'expérience de sa classe avec des correspondants russes auxquels ses élèves ont rendu également visite. Marine Baro n'a aucune compétence particulière en russe. Ainsi, au même titre que ses élèves, elle tâtonne pour s'initier à la culture et à la langue russe. Certes, d'un point de vue purement académique, les résultats de l'acquisition du russe restent élémentaires. Mais est-ce que l'on peut aller plus loin dans les conditions actuelles (où l'anglais domine toute autre langue) ? Son texte montre néanmoins une belle expérience d'apprentissage interculturel.
Corinne Lhéritier enseigne à la Calandreta nimesenca Aimat Serre, une école maternelle occitane à Nîmes. Les élèves sont de langue maternelle française. L'expérience présente la production d'un journal occitan : Corinne Lhéritier parle à ses élèves toujours en occitan. Ceux-ci réagissent d'abord en français, puis utilisent progressivement la deuxième langue. En linguistique, nous parlons d'une "immersion totale" dans la seconde langue. Ajoutons quelques précisions : ce n'est pas parce que l'occitan n'est pas reconnu comme une langue nationale qu'elle ne mérite pas les mêmes considérations que toute autre langue dite étrangère. Par ailleurs, Corinne Lhéritier ne se considère pas comme enseignante de "langue". Elle enseigne un contenu - dans une autre langue. Une telle approche "intégrale" d'une seconde langue, nous pouvons déjà la rencontrer dans quelques écoles (privées) réservées à l'élite des enfants des diplomates et managers internationaux. Elle n'a pas encore franchi la porte des écoles plus ordinaires (sauf exception, comme l'exemple le montre). Néanmoins, une telle pratique de la langue seconde constitue l'avenir d'un réel apprentissage interculturel et multilingue.
A mi-chemin entre ces deux "extrêmes" se trouve l'expérience de Florence Saint-Luc. Elle a une maîtrise correcte de l'anglais. Elle en fait profiter ses élèves en organisant une correspondance avec une classe australienne. Son article montre le franc succès de son expérience.
Dans un dernier article, Emmanuelle Henssien et moi, nous avons essayé de reconstituer, dans le cadre d'un dialogue fictif, les résistances et craintes des professeurs de langue face aux changements de pratique auxquels les conditions d'enseignement les poussent parfois. Quelquefois les enseignants souhaitent modifier leur pratique mais n'osent pas franchir le pas. Nous sommes conscients que ce n'est pas par un discours que la pratique changera. Néanmoins, nous avons essayé de proposer face aux "contraintes" des solutions praticables. Ces réflexions concernent le second degré mais leur principe s'applique également à l'école primaire.
Quelle conclusion après la lecture de ces articles ? Il n'y a pas UN enseignement de langue dans une classe de type Freinet, mais des pratiques adaptées aux conditions de l'établissement, aux compétences de l'enseignant et à ces relations interculturelles.
G.SCHLEMMINGER
L'échange scolaire avec une classe à Leningrad
La mise en oeuvre
Pourquoi une correspondance internationale? C'est un choix délibéré de ma part : pour s'ouvrir à d'autres cultures, à d'autres modes de vie, à d'autres modes de pensée.
Les enfants repèrent que d'autres enfants ne vivent pas comme eux (certains l'acceptent, d'autres non, ils en feront ce qu'ils voudront en fonction de leur propre milieu familial).
Quel pays ? Quelle partie du monde ?
Le choix se fait en fonction des propositions qui me sont offertes, des conditions matérielles ou d'évènements importants, sociaux et politiques, car cela veut dire que les enfants vont en entendre parler par la presse et la télévision. Exemples : 1986, correspondance avec l'Inde et année de l'Inde en France ; 1990, correspondance avec l'URSS, glasnost et perestroika.
Le choix se fait aussi en fonction de l'intérêt que vont y trouver les enfants. Exemple : les fêtes, les traditions, la richesse du passé et des légendes (Chine) - et l'intérêt des enfants, ça peut être aussi la découverte d'un mode de vie radicalement différent du leur. Enfin, la correspondance internationale développera chez certains le goût des voyages.
La prise de contact
C'est moi qui informe les élèves qu'on va chercher des correspondants. On pourrait voter en classe pour le choix d'un pays mais il y a peu de demandes de l'étranger et le choix se fait également en fonction des facilités et des conditions matérielles (vitesse du courrier, acheminement des colis...).
Pour commencer
Je présente le pays des correspondants sur les diverses cartes et le planisphère qui sont en classe, puis il y a explication du projet, planification des recherches à faire, des envois. On se "distribue" les correspondants pour les lettres individuelles - qui écrit à qui ?
Les envois
D'abord, ce sont les "cartes d'identité" de chacun qui se présente (nom, prénom, âge, hobby, famille, lieu de vie, loisir, copains...). On prépare ensuite des informations sur notre environnement : l'école, la maison, le quartier, notre ville, notre pays. On explique notre vie quotidienne (les jeux, les repas - avec les produits alimentaires - le vie à l'école, la vie dans la famille, les professions des parents, les loisirs en famille).
On prévoit des envois d'objets : objets de type scolaire (le quotidien de l'écolier), des cadeaux, des livres... sont envoyés également : des cartes postales, des posters de paysage français, des plans, des dessins, des textes, des exposés, des comptes rendus d'expositions et de sorties, des lettres individuelles...
La mise au travail
Cela implique la mise au travail, on demande aux élèves de produire. Ce sont des productions collectives, individuelles et par groupe. Cette mise au travail consiste en
- la recherche de documents, de textes, de photos,
- la fabrication d'exposés, de lettres, de textes.
En classe, je donne des pistes, mais très souvent il faut répondre aux questions des correspondants. Dans les lettres individuelles, chacun cherche ce qu'il veut dire puis le support pour le dire (le papier, la machine à écrire, le traitement de texte, et on peut perfectionner le système avec la lettre-vidéo...).
A partir d'une correspondance, on peut aborder toutes les autres activités d'apprentissage nécessaires à une classe d'âge donnée :
- apprendre à lire les lettres, les informations dans les documents qu'on reçoit, dans les documents qu'on utilise, à travers les tris de ces informations ;
- apprendre à écrire ;
- faire des mathématiques (par exemple : faire des repérages, utiliser des quadrillages, travailler sur les décalages horaires, les kilométrages et les grands nombres, les monnaies et les échanges, les relations...)
- faire de l'histoire : on apprend à se repérer dans le passé récent ou plus lointain pour situer des époques, des personnages remarquables ; on utilise le calendrier pour planifier les envois ;
- faire de la géographie : le climat, la situation géographique dans le monde, le relief, la faune et la végétation en France et dans le pays des correspondants ;
- faire des sciences : pour exemple, nous avons mené des recherches pour savoir ce qu'est une céréale (consommation du riz en Inde), pourquoi la mer Baltique qui gèle donne en surface des glaçons qui ne sont pas salés (au cours d'un voyage chez nos correspondants soviétiques, les élèves ont pu marcher sur la mer gelée), les oeufs des poissons (boîte de caviar)...;
- se cultiver en musique : traditions musicales du pays des correspondants, danse (ex. Katakali en Inde) ;
- en arts plastiques : ayant la chance d'être à Paris, de nombreuses institutions présentent les facettes de ces pays, ce qui nous permet de rester en contact avec la civilisation de nos correspondants (le musée Kwok-On et les fêtes en Asie, le musée Guimet où l'on peut tout savoir sur la vie de Bouddha, le théâtre de l'Alliance française...).
Le journal de la classe s'enrichit de toutes ces informations et nous classons ce que nous envoyons et recevons.
Tout ce travail s'élabore grâce au plan de travail où l'activité de chacun est individualisée et programmée avec un contrat minimal pour tous.
Les raisons du voyage et ses objectifs
Depuis deux années, ma classe entretient une correspondance régulière avec la classe de Tatiana MOUR, école n° 17, rue Maòakovski à LENINGRAD - U.R.S.S.
Grâce à ces échanges, le contact s'est établi avec le monde extérieur ; nous découvrons la vie de nos correspondants soviétiques. Comme nous, les élèves soviétiques apprennent le français et leurs premières expériences sont bien souvent semblables aux nôtres.
Se déplacer dans un pays lointain, inconnu, nous demande un travail préparatoire sur la connaissance de ce pays. Depuis deux années, nos correspondants nous racontent, à travers leurs envois, leur ville, leur école, leurs vacances, leurs loisirs, leur vie...
La découverte de l'autre et d'un autre ailleurs où on ne vit pas tout à fait de la même façon, développe la notion du droit à la différence.
Nous voulons vivre pendant une semaine, la vie de nos correspondants. Tout d'abord leur vie d'écolier, tous les matins nous nous rendons à l'école. Avec nos amis nous allons suivre les cours de musique, de dessin, de français, et un cours d'initiation au russe.
Ensemble l'après-midi, nous parcourons la ville de Leningrad et découvrons ses monuments les plus célèbres, (cf. le programme préparé par l'agence soviétique INTOURIST). Nous verrons leur quartier et leur maison, nous irons dormir chez eux et partagerons leur repas.
Concernant la langue étrangère, quelle fonction a t-elle eu dans la correspondance ? Elle apparaît très peu, puisque les échanges se sont toujours faits en français. Elle est objet de curiosité, elle n'entre pas dans le bilinguisme indispensable à tout individu européen, mais les élèves connaissent toujours quelques mots de la langue de leurs correspondants (d'usage courant..., de gros mots...). Ailleurs on ne parle pas de la même façon, on n'a pas tout à fait les mêmes idées, les mêmes rituels, la même Histoire. La langue des correspondants, et d'autres usages (manger, mourir...) sont des "objets" à regarder, pour le droit à la différence, pour connaître leurs idées.
Marine BARO
Démarrage de la première année d'anglais en CM1-CM2
Cette année, je viens d'être nommée dans une nouvelle école . J'ai une classe de vingt six élèves CM1-CM2, dans une école avec un Centre de Loisirs Associé à l'Ecole (CLAE).
Méthode naturelle et premiers pas
La première semaine, les enfants ont voulu apprendre une chanson en anglais, et après en avoir écouté plusieurs, ils ont choisi If you're happy. Après une semaine de classe, un de mes élèves a proposé de montrer ce qu'il savait déjà en anglais. J'ai demandé à la classe d'écrire un papier avec des mots en anglais, et cela a été très riche, si riche que je n'ai pas encore fini de l'exploiter. J'y ai retrouvé immédiatement réinvestis des mots de la chanson. Certains élèves avaient déjà fait un peu d'anglais au CE1, d'autres avaient identifié des mots dans des chansons en anglais, d'autres encore ont repéré des mots anglais sur des objets autour d'eux, comme off / on, guaranteed...
Voici la liste des mots proposés par les enfants à cette occasion :
Mohamed : sad - angry - sleepy - scared (repéré dans la chanson distribuée auparavant)
Jonathan : no - yes - thank you - pleaseAudrey : now - ten - star
Laura : Do you speak english ? The love
Clémence : cats - I'm nine - gymnastics - sport
Jordan : Goodmorning - English - yes - no
Dominique : Great Britain - French - police - wet - one - two - tour - controll - rail - fire - emergency - exit - world - violet
Florian : off - on - kiss me - I'm happy - yes - no - star - English
Julie : off - on - to you - guaranteed - pens - sportswear - company - music - all stars - start - basket
Alexandra : happy - clap your handsMarie : ifyou're happy - yesManon : hello - good
Emmanuelle : no - I - goodbye - I love you - Monday
Dominique : car-ferry - city - bus - blue - red - yellow - athletics - animals - dolphin - old - ranchy - green - orange - coffea - cheese - year - foot - knee - happy - policeman
Ophélie : horse
Arnaud : Australia - goodnight - hello
Alexandra : click - your fingers
Sébastien : athletics - car - city - yes - no - september - october - december - man - men - worman - bat - spider - cat - fire - stone - fireman - office - works - olive - electrician - silver - ever - for - street - the - English - blok - foot
Aurélie : boy - planets - april - february
Sophie : september - october - november - december - thursday - monday - tuesday - wednesday - friday - saturday - january
Pour l'instant, les enfants sont très motivés par l'anglais, et ils ont envie d'en faire tous les jours. Ils sont très enthousiastes, et je les ai trouvés très actifs dans l'émission d'hypothèses. Par exemple, un enfant a repéré le mot day dans les jours de la semaine, il a demandé si cela voulait dire jour, et il a été capable de réinvestir immédiatement dans la compréhension du fax que nous avons reçu : après étude du contexte, il a compris que birthday voulait dire anniversaire, jour de naissance. Il faut dire que cet enfant est déjà allé en Angleterre, que sa mère est allemande, son père professeur d'allemand, et qu'il sait parler et lire l'allemand....
Je peux en déduire qu'il a comparé le mot monday avec le mot Montag, ce qui lui a permis de faire cette hypothèse. Il a donc mis en oeuvre tous les éléments à sa disposition pour comprendre la signification. La disparité de niveaux a donc été une source de richesse dans la classe grâce à la méthode naturelle.
La méthode naturelle dans la correspondance
Je continue la correspondance avec l'Australie, entamée l'année dernière avec une classe de CE1-CE2, dans mon ancienne école. En effet, les enfants de ma classe sont très motivés par la correspondance et par l'apprentissage de l'anglais. Dès le jour de la rentrée, ils m'ont dit qu'ils voulaient apprendre l'anglais. Je leur ai proposé la correspondance avec l'Australie et ils ont sauté sur l'occasion. J'ai envoyé un fax en Australie avec la liste des élèves. Les Australiens ont aussitôt préparé des lettres individuelles que nous avons reçues une semaine après le fax annonçant qu'ils étaient en train de les préparer.
Toujours la première semaine, une de mes élèves, Julie, est arrivée en classe avec une lettre de présentation en anglais. Elle l'avait faite à la maison avec ses parents. Elle l'a présentée à la classe. Nous l'avons étudiée. Elle parlait du nombre d'habitants de notre ville. Comme tout le monde n'était pas d'accord avec celui qu'elle a annoncé, la classe a décidé d'écrire un fax au maire pour demander le nombre exact. Aussitôt, nous avons essayé d'écrire ensemble une lettre officielle, et sa rédaction définitive a permis d'aborder ce type d'écrit. Nous avons reçu la réponse du secrétariat de la mairie, et nous allons l'introduire dans la lettre collective que nous allons rédiger la semaine prochaine. Des sujets ont déjà été évoqués pour le contenu de la lettre collective : Y-a-t-il des montagnes chez eux ? Pourquoi les animaux d'Australie ne sont-ils pas les mêmes que dans le reste du monde ? Est-ce qu'ils apprennent le français ?
Il leur a été très difficile de comprendre que nos correspondants sont au mois de septembre comme nous, mais que chez eux le printemps vient de commencer. Nous avons déjà repéré que l'Australie est dans hémisphère Sud, qu'elle est traversée par un tropique, et une équipe s'est proposé de faire un exposé sur le soleil et de rechercher l'explication de ce phénomène.
Les lettres individuelles des enfants ont été construites sur le modèle proposé par Julie, après discussion coopérative sur le contenu nécessaire d'une lettre de présentation. Puis, il a été décidé de filmer en vidéo les présentations en anglais pour les correspondants australiens. Chacun a écrit son nom en gros pour qu'il puisse être identifié autant par l'image que par le son, car la prise de sons n'est pas très bonne avec un camescope ordinaire. Les phrases retenues par les enfants et filmées pour chacun étaient :
My name's .... - I'm nine (or ten) - I'm a boy, a girl - I live in a house / a flat / a hôtel - I like... - football / music and dance / gymnastics / basket-ball / KaratÄ / horses / dolphins / animals / Dragon / Ball Z... Dans l'ensemble, il n'y a pas eu trop de problÅme de prononciation, sauf l'enchaînement I 'm nine pour une élève qui n'a pu réussir à le faire correctement.
Je leur ai montré l'album sur l'Australie reçu il y a deux ans par ma classe de CP. Ils ont voulu tout de suite qu'on fasse des photos individuelles, avec pour chacun l'origine de leur famille, comme les Australiens avaient fait il y a 3 ans.
Les élèves sont d'autant plus motivés qu'ils nous sera sans doute possible de recevoir l'enseignant et deux ou trois élèves l'année prochaine.
Florence SAINT-LUC
Mise en route d'un journal en petite et moyenne section de maternelle dans une école occitane
Les idées
Décembre 93, à la veille des vacances de Noël, les "grands" (G.S./C.P./CE1/CE2) nous présentent leur premier journal de l'année et nous en donnent un exemplaire pour la bibliothèque de la classe.
Nous le parcourons. Nous le reprendrons plus longuement et plus en détail à la rentrée de janvier.
Janvier 94, mardi 4. J'apporte une casse d'imprimerie, majuscules, corps 24...
"C'est pour faire un journal !" Adrien, Ambre, Marine, Melissa, Mohand...
"J'ai acheté le journal avec mon père et j'ai colorié les lettres !" Mohand (celui des grands)
Je n'ai pour l'instant rien dit. Je demande si quelqu'un sait comment on peut appeler tout ça.Adrien nomme les lettres qu'il connaît.
"Oui, mais sans dire tous les noms ?" (je parle toujours en occitan... Pour les enfants, quand ils parlent en occitan, si j'ai noté, je le spécifie).
Melissa : "C'est des lettres."
- Qu'est-ce qu'on peut en faire ?
- Pour des journals ! (Betty)
- Non pour un journal ou pour des journaux, on dit comme ça, Betty ! (Adrien)
- Pour écrire ! (Melissa)
- Oui, on peut écrire ce qu'on veut, on n'est pas obligé de faire un journal."
Je propose pour l'instant d'imprimer des cartes de "Bonne Année". Je parle d'imprimerie, de casse, de caractères... Je vais chercher des papiers pour que chacun essaye dans un premier temps d'écrire lui-même "bonne année".
La mise en place
J'ai procédé, au départ, comme pour l'élaboration des textes des albums :
- prise en note des discussions susceptibles d'être imprimées,
- retour au groupe dans un second temps, "Qu'est-ce qu'on garde ? Qu'est-ce qui est pareil ? Comment peut-on le dire ?"
- proposition d'une version écrite où chacun puisse se retrouver, se reconnaître, ne serait-ce que dans un élément....
- recours éventuel au "on écrit comme dans..."
- mise en page / présentation : la part du maître ! En essayant d'y faire participer le plus possible les enfants (choix des illustrations, choix parmi plusieurs possibilités...)
- caractères : même à l'ordinateur, ils devront être assez gros pour que les plus petits puissent commencer à "lire".
- journal des deux P.S./M.S. ? Dans ce cas, partage des articles, travail dans les deux classes, mise en commun, mais aussi travail en décloisonné (notamment tirage et illustrations)... A voir avec Agnès, l'autre maîtresse.
- visite dans la classe des grands pendant un moment d'imprimerie ?
Je n'ai pas de journaux de petits ou moyens de maternelle. Quelques uns des grandes sections et d' autres du primaire.
Un journal d'école maternelle, en français "regards" contient des articles "écrits" par des petits. Il correspond assez, dans l'ensemble, au journal dont j'ai envie, même si tout ne me convainc pas (le travail de réécriture notamment).
Le démarrage
Rentrée Mars 94 : je présente des journaux, scolaires ou non. Celui des grands est toujours dans la classe, et nous avons quelques revues.
J'annonce "ça y est, si vous êtes toujours d'accord on va faire un journal". Enthousiasme général.
"Ce sera le nôtre et celui de la classe d'Agnès, on se partagera le travail, et parfois on le fera ensemble. On en fera un toutes les deux semaines ?" Je montre sur le calendrier ce que ça représente en jours d'école ...
Jeudi 17/03, discussions avec toute la classe pour proposer un titre. On "épluche" les journaux. J'explique, exemples à l'appui, que les titres on souvent une raison. De nouveau, "regards" vient sur le tapis.
Marine "On a qu'à appeler "regarda" ou agacha"... (traductions de "regard")
- On pourrait trouver quelque chose de différent".
Beaucoup de traductions ou de reprises de titres existants sont proposées. Quand j'essaye d'expliquer qu'il faut que ça nous ressemble, que ça dise ce qu'on est, Melissa propose "Calandreta" et Marine "Occitan"."Calandreta" c'est déjà le nom des écoles comme la nôtre, et "Occitan(s)" c'est déjà le titre d'un journal... Ce n'est pas possible. Mais j'en ai un peu marre de trouver des objections...
Arrivent alors des propositions comme "Lunettes" ou "Casquettes", "parce que c'est rigolo".
"Mais notre journal n'est pas forcément rigolo ... A quoi il va servir notre journal ?
"Adrien : Ben à lire, voyons !
- Marine : A dire des choses à des gens.
- Melissa : A écrire dedans !
- Adrien : A des parents pour qu'ils voient ce qu'on fait.
- Mohand : Ah, ouais mon père il l'achètera...
- Bon, je vous propose de réfléchir à tout ça, peut-être que dans la classe d'Agnès ils auront d'autres idées, et puis on en parle demain au conseil.
Le conseil démarrant juste, ce sera un excellent point à l'ordre du jour !
Vendredi 18/03, au conseil, Adrien, Melissa et Marine tiennent à leur idée. Les autres ne se prononcent pas vraiment, du moins ils ne choisissent pas.
Adrien : "En fait, pourquoi on peut pas dire que c'est les trois choses ?
- Pourquoi pas, on pourrait lui donner trois noms...
- Souheil : Comme Marin Kevin Poulet
- Mohand : Ou comme moi Mohand Mokdad Boudifa !"
C'est adopté. Pour l'ordre on suit la logique : on dit, après on Ecrit, et après on lit.Il n'y a pas d'autre proposition, "Dire, Escriure, Legir" sera donc le titre.
L'édition
2ème semaine. Le mardi matin, je présente la maquette définitive (certaines pages ont eu plusieurs versions...) et elle part à la photocopie. Nous imprimerons l'après-midi.
"Dire, Escriure, Legir" sont les seuls mots qui seront imprimés dans ce premier journal : chaque équipe, fixe maintenant, en a composé un.
Tirage - avec des moyens grand bricolage à cause du format - en équipe, puis avec les petits en groupe.
Je tire les derniers exemplaires à la chaîne, le jours prévu de la sortie, avec les enfants de la classe d' Agnès (chacun imprime et colore le sien).
La classe d'Agnès fera un article sur une visite au marché aux fleurs dans la rubrique "Vie des classes" et un sur la neige.
Le journal est sorti...
Vendredi 25/03. Le numéro 0 sort, chacun en prend un pour lui. Il est commenté, feuilleté, apprécié. Nous sommes contents. Au conseil la maîtresse félicite la classe et on décide à l'unanimité de continuer, au bilan du soir il fait naître quelques "soleils" (dont celui de la maîtresse).
Il est gratuit, les suivants seront vendus. Il nous (les maîtresses) semblait important que les enfants aient tous ce premier numéro. Mais il nous semble également important de vendre les suivants, même à un prix très modique...
Les enseignantes signent un "édito", mais ce ne devrait pas être systématique...
Nous distribuons plusieurs exemplaires dans et autour de l'école, et attendons les échos !
Le journal est bien sûr en occitan ! Personne ne s'est posé la question.
Les réactions des lecteurs
Jeudi 07/04. Nous présentons et distribuons le n° 0 à chacun des grands, et à la classe.
Quelques questions avant la distribution sur la façon de travailler et sur le prix "en général". Puis chacun va lire le sien. Nous nous regroupons ensuite pour répondre aux questions et écouter les remarques.
Simon : "Lo trapi polit e ben" (je le trouve joli et bien)
Adrien (sans avoir la parole) "Era ben quand om lo fasiç !" (C'était bien quand on le faisait !)
Simon : "Una question : per de que dins l'article "Verai o fals" avetz dich qu'aimaviatz los libres a mai se son d'istÿrias falsas ?" (Une question : pourquoi dans l'article "Vrai ou faux" vous avez dit que vous aimiez les livres même s'ils racontent des histoires fausses ?")
Aucun n'arrive à répondre autre chose que "parce que" et j'explique que pour nous c'est maintenant un peu loin, mais que nous avions beaucoup discuté sur les histoires fausses...
Sarah B : "Es ben" (c'est bien)
Adeline : "Es ben mas per de que lo moen es rose aqui e lo de Delphine dedins" (c'est bien mais pourquoi le mien est rose ici et celui de Delphine dedans)
La maîtresse (en occitan) "Nous avions commencé par colorer à l'intérieur des fenêtres puis nous avons pensé que se serait plus lisible en colorant autour. Les enfants de nos classes ont plutôt choisi les premiers journaux, c'est pour cela qu'il n'en reste pas beaucoup. Et vous, qu'est-ce que vous préférez ? ".
Une petite majorité préfère le second.
Delphine : "Voliài dire comma Adeline." (Je voulais dire comme Adeline)
Simon : "A la classa d'Agnès : per de que avetz fach un libre sus la nèu ?" (Pourquoi avez-vous fait un livre sur la neige ?)
Anthony : "Je ma rappelle plus..."
Sarah B : "Per de que Chloé est allée aux Angles..." (Chloé est la soeur de Sarah et est dans la classe d'Agnès).
La maîtresse : "Oui, et elle nous avait envoyé une carte. Dans la classe nous avons ensuite parlé de la neige".
Noémie : "Es ben".
Adeline : "Tous les combien vous le ferez ?"
La maîtresse : Qual se'n sovent ? (Qui s'en souvient ?) Cada quinze jorns". (Chaque quinze jours)
Thibaut : "Combien il a de pages ?"
La maîtresse : "Cÿ qu'as dins las mans !" (Ce que tu as dans les mains !)
Vendredi 08/04. A midi nous commençons la vente, pour ceux qui ne reviennent pas l'après-midi. La "grande vente" aura lieu lundi soir, à A "l'heure des parents".
Auparavant, nous avons lu et commenté ensemble le journal (autour de la grande table, chacun ayant un numéro à sa disposition).
Nous avons reçu une lettre d'une classe de grande section qui a lu notre n° 0 et fait quelques remarques. Des yeux brillent.... La lettre sera photocopiée dans le n° 1, et plus tard, quand il sera sorti, nous prendrons la décision d'envoyer un exemplaire à la classe en remerciement.
Corinne LHERITIER
Quelle pédagogie pour la classe de langue ? (Un dialogue fictif)
Carole S. : Après quelques expériences en Français Langue Etrangère, j'ai été déçue par mon travail en tant que professeur de langue dans le contexte scolaire : imposer des textes aux élèves qui n'intéressaient qu'une petite partie de la classe, le côté répétitif des commentaires de textes, l'impossibilité d'obtenir une même progression pour tous les élèves en même temps. J'ai découvert la pédagogie Freinet en classe de langue lors d'un stage de formation. Cela m'a semblé très intéressant, mais comment appliquer cela dans mes classes avec les impératifs scolaires ?
Je sais qu'en pédagogie Freinet, par exemple on laisse le choix aux élèves des sujets qu'ils veulent traiter. Est-ce qu'ils ne risquent pas de passer à côté de points de civilisation qui font partie de la culture générale qu'on exige d'un élève au bac ?
Jérôme L. : Le choix est quand même plus large que tu ne le penses : l'élève, le groupe ne fournit pas seul la "matière première" ; la correspondance apporte également des multiples sujets à la classe de langue. Mais je te comprends bien, tu préfèrerais inculquer une culture générale toute faite à tes élèves. Celle-ci se construit à partir des acquis et des centres d'intérêt des élèves. Il ne sert à rien de vouloir leur faire comprendre par exemple les implications de la protection de l'environnement chère aux Allemands si cette demande ne vient pas de leur part, s'ils ne font pas eux-mêmes la démarche pour la connaître.
De plus, tu as trop peu de confiance en ton groupe d'élèves. Crois-tu qu'ils n'aient aucune curiosité intellectuelle pour la civilisation des pays germanophones ? Peut-être ne veulent-ils pas entendre parler pour la troisième fois de la réunification allemande qu'ils ont abordée dès la quatrième ! Je crois qu'ils ont raison de s'y refuser. Par contre, ils sont sûrement intéressés par d'autres sujets auxquels tu n'as pas pensé.
D'après mon expérience, leurs centres d'intérêt se recoupent grosso modo avec ce qui se trouve dans les manuels usuels. Et encore, je trouve que leur horizon est souvent plus large que celui de ces manuels. C'est pourquoi je ne crains pas tellement les exigences du bac. Les élèves qui ont eu l'opportunité de faire d'une manière autonome des recherches sont mieux armés que ceux ayant suivi un programme imposé.
Carole S. : Tu oublies deux choses : comme on change d'élèves chaque année, on ne connaît pas leurs lacunes et en imposant un programme, on est au moins sûr que tous aient vu tel point de civilisation. D'autre part, en Terminale, ils ont très peu de temps pour faire des recherches personnelles.
Jérôme L. : Ce n'est pas parce que le professeur a vu le programme en classe que l'élève le maîtrise. C'est un concept d'apprentissage de connaissance quelque peu réducteur ne donnant l'élève qu'un rôle passif. Quant aux élèves de Terminale, il me semble préférable qu'ils aient peu de textes mais choisis par eux qu'une quinzaine imposés. D'après ce que j'ai pu constater, ces textes souvent ne les motivent pas, car ils ont été choisis pour des raisons pédagogiques par le professeur.
Carole S. : Alors, supposons qu'on laisse choisir les sujets et textes à travailler en classe par les élèves : d'une part, je crains qu'ils n'aient pas d'idée ; tu connais la passivité dans laquelle le système scolaire les met. D'autre part, ce que certains ont choisi ne plaira pas forcément aux autres.
Jérôme L. : Je n'ai pas connu d'élève qui n'ait pas d'idée lorsqu'on lui donne la possibilité de proposer les sujets. A mon avis, c'est plutôt le cas inverse qui va se produire : il y aura plus probablement une profusion de propositions. Comme ils n'ont pas l'habitude de choisir et de travailler d'une manière autonome, il ne sauront pas délimiter leurs sujets, les réduire à un centre d'intérêt qu'ils puissent réellement traiter seuls et présenter en classe. Ils ne savent pas toujours comment obtenir un matériel précis. C'est là qu'intervient notre compétence de professeur. A nous de le guider, de le conseiller, de lui indiquer ce qu'il peut faire compte tenu de son niveau, où trouver de la documentation (livres, journaux, cassettes audio et vidéo, télévision, correspondance, etc.)
En effet, tous les sujets ne peuvent être traités en classe. Mais tout élève doit avoir la possibilité de travailler sur le sujet de son choix. Il faut, par exemple au moment du Conseil, que la classe fasse un choix, après rapide présentation des différents sujets élaborés. Les sujets non élus ne seront pas pour autant abandonnés. L'élève en fait un "album" qui sera déposé dans la bibliothèque de classe de langue (se trouvant souvent au C.D.I.), il peut également l'envoyer aux correspondants, le publier en extrait dans le journal de classe, faire une affiche murale, etc. Toutefois, il faut éviter de pousser les élèves à utiliser le seul texte comme support de présentation et de communication. Varions les plaisirs avec des supports auditifs, des documents iconographiques, etc.
Carole S. Et si le texte choisi ne présente pas d'intérêt à mes yeux ?
Jérôme L. : Quel est ton intérêt et quel est celui des élèves ? Les élèves ont probablement leurs raisons d'avoir choisi ce document-là. Ces raisons ne sont pas forcément d'ordre linguistique ou didactique. Ils l'ont peut-être choisi parce qu'il est court, plus facile, parce qu'ils apprécient les camarades qui l'ont présenté, qu'ils connaissent déjà le sujet. Je crois qu'il n'y a rien à reprocher à ces critères. Si le groupe n'a pas encore confiance en lui-même et en ses apprentissages, il est peut-être tout à fait justifié de faire d'abord un texte court et facile. Au professeur de leur insuffler de la confiance en leur capacités langagières. (Ils éliront alors comme sujet de travail des documents plus difficiles.)
J'ai souvent vécu le cas contraire : le sujet choisi par la classe est difficile. Il est plus aisé pour un professeur d'introduire dans le travail davantage de réflexion et de difficulté que faire le contraire.
Carole S. : Et la progression grammaticale qu'en fais-tu ? Dans les manuels surtout du premier cycle, les textes sont présentés selon une progression grammaticale.
Jérôme L. : Il y a en effet deux cas de figure qui se présentent : soit il s'agit de textes d'auteur, soit ce sont des textes de fabrication didactique. Pour les premiers, on peut certes distinguer les textes difficiles de ceux qui le sont moins, mais de là à prétendre qu'il y ait une progression grammaticale des textes.... Celle-ci s'y trouve parce que les auteurs ont délibérément choisi de traiter tel point de grammaire avec un tel texte. Pourquoi toi et ta classe, vous ne feriez pas pareillement ?
Quant aux textes construits et artificiels, je préfère nettement ceux qu'écrivent les élèves, ceux qu'ils reçoivent de leurs correspondants ou qu'ils trouvent eux-mêmes. Certes, parfois ces textes présentent des difficultés qui n'ont pas encore été abordées. Par exemple, en classe de sixième, les correspondants relatent une expérience au prétérit. Au professeur d'apprécier s'il aborde cette question d'une manière explicite en faisant un point de grammaire ou s'il se contente de l'expliquer brièvement pour assurer la compréhension. Il fera noter un exemple dans le cahier de grammaire pour pouvoir y revenir ultérieurement.
A mon avis, la progression grammaticale se construit à partir de la communication et ce qu'elle apporte comme questionnement langagier. Il n'y a pas d'ordre établi ; même les linguistiques ne sont pas d'accord sur les étapes exactes de l'apprentissage d'une langue (seconde).
Carole S. : Et le collègue qui récupère les élèves l'année suivante ?
Jérôme L. : J'espère que toi ainsi que tes élèves, vous tenez à jour un cahier de grammaire, que vous avez un plan de travail, un cahier des textes personnels corrigés, un classeur des documents étudiés en classe, etc.
Carole S. : Tu fais alors de la grammaire à partir des documents présentés par les élèves ? Je croyais que tu utilisais des fiches autocorrectives de grammaire ?
Jérôme L. : Cela dépend. Comme dans mes classes les élèves écrivent beaucoup je pars, d'une part, des erreurs que je relève dans leurs écrits. Je renvoie alors tel élève à tel point de grammaire, qu'il peut réviser avec le fichier autocorrectif de grammaire, en classe lors du travail en groupe ou en heure de permanence au C.D.I., voire à la maison. D'autre part, je pars des documents pour demander à un élève de présenter un (nouveau) point de grammaire. S'il s'agit d'une leçon grammaticale difficile, je l'introduis moi-même. Néanmoins, il m'arrive de ne pas faire de la grammaire sur un texte, car il faut Eviter que le travail sur un document traîne en longueur.
Carole S. : Si les élèves travaillent sur fiches, comment faire une Evaluation sommative pour tous ?
Jérôme L. : Si ton fichier est bien connu, il dispose, après chaque point de grammaire, d'une fiche - test. Tu comptabilises cette note dans ta moyenne tout en exigeant que l'élève passe, dans un temps donné, tant de fiches - test. En ce qui concerne les points de grammaire nouveaux, tu renvoies les élèves, après la leçon, aux fiches correspondantes, puis tu annonces que tel jour, il y aura un test de grammaire pour toute la classe.
Dans l'évaluation, notre rôle n'est pas de détecter tout ce que l'élève ne sait pas. Notre objectif doit Etre que tout élève ait compris le point de grammaire abordé. Il est donc incohérent de lui donner une mauvaise note en grammaire. Si un élève n'a pas compris, il doit refaire des exercices et de repasser un deuxième test sur le même sujet. Ainsi, dans ma classe, si l'élève n'a pas 14 sur 20, il refait un contrôle, parfois il réussit seulement au 3e test. Cela n'est pas important, l'important est d'avoir enfin compris le point de grammaire...
Carole S. : Donc, les élèves peuvent faire le test quand ils le veulent ?
Jérôme L. : C'est vrai, ils le passent pendant le travail en groupe ; mais je leur demande de passer un certain nombre de tests par plan de travail. Un point de grammaire qui n'a pas été testé compte zéro point dans la moyenne des tests.
Carole S. : Par conséquent, tu ne donnes que de bonnes notes...
Jérôme L. : D'abord, je trouve toute notation peu appropriée ê ma conception de la pédagogie, de l'apprentissage d'une langue. Hélas ! Parents, proviseurs et par contrainte, les élèves eux-mêmes, en réclament. Je suis dans l'obligation de vivre avec ce système quelque peu absurde mais que j'aménage en conséquence : en grammaire, les élèves n'auront que de bonnes notes ! Pour le plan de travail, je donne 14 sur 20, s'il est accompli, si l'élève fait plus, j'augmente la note (jusqu'à 20 sur 20) ; dans le cas contraire, je baisse la note. Ce qui compte ici, c'est assiduité dans le travail. Puis, je donne toutes les trois - quatre semaines une note orale ; si l'élève ne parle pas du tout, par exemple lors des discussions libres régulières, je constate l'absence de travail oral et note en conséquence. Si l'élève participe, il a d'office la moyenne. Si, au niveau linguistique et argumentatif, il est "bon", la note augmente. Enfin, il y a des devoirs sur tables. Les élèves peuvent utiliser toute aide et je note selon le niveau de langue et le contenu. Il se trouve que la moyenne des notes par classe correspond ê cette fameuse courbe de GAUSS ; mais j'ai eu rarement des élèves avec une très mauvaise moyenne. même un élève considéré comme faible, peut - en travaillant régulièrement - s'en sortir.
Carole S. : Il semble que dans ton travail, ce que l'on appelle en didactique le "transfert linguistique" fonctionne très bien : la discussion libre, la correspondance, les productions d'élèves, les textes libres, etc. Mais qu'en est-il de la fixation de faits de langue nouveaux ? Les manuels proposent pour les textes de leçon de si bons exercices d'approfondissement. Doit-on renoncer ê tout cela ?
Jérôme L. : Le document de base n'est qu'un prétexte. Le travail d'application de structures nouvelles s'effectue lors de la préparation de la discussion libre, de la réponse aux correspondants, etc. Pour fixer ces nouvelles structures, il faudrait peut-Etre construire un fichier autocorrectif de vocabulaire. D'ailleurs, fais-tu faire ê des "secrétaires" un compte rendu du cours relevant les faits de langue nouveaux ? Il pourrait Etre un point de départ pour la construction d'exercices non pas centrés sur le document de départ mais utilisables Egalement dans d'autres contextes.
Carole S. : Toutes tes propositions me semblent très pertinentes, mais ne crois-tu pas qu'elles sont peu incompatibles avec les contraintes éxtérieures imposées dans le second cycle (emploi du temps des élèves surchargés, place mineure des langues, mode d'apprentissage dominant favorisant la passivité des élèves, mode évaluation au baccalauréat, etc.) ? Tes idées seraient-elles pas un peu trop utopiques ?...
Emmanuelle HENSSIEN, Gerald SCHLEMMINGER
Les auteurs : BARO, Marine (professeur des Ecoles) : 82, rue Roquette - 75011 PARIS
HENSSIEN, Emmanuelle (professeur de lycée) : 214, rue St.-Maur - 75010 PARIS
LHERITIER, Corinne (professeur des Ecoles) : 90, rue du Grillon - 30000 Nîmes
SAINT-LUC, Florence (professeur des Ecoles) : Les Escleauveoux n° 15 - Belgentier - 83210 SOLLIES-PONT
SCHLEMMINGER, Gerald (maître de conférences) : 23, rue de la République - 93230 ROMAINVILLE
Dossier élaboré par G. SCHLEMMINGER.
La Calandreta
Es qu'aquo es plan util ?
Est-ce que c'est bien utile ?
Toute langue est partie irremplaçable de la Culture de l'humanité que nous ne devons pas laisser perdre. La langue historique d'un lieu permet une relation à son pays où tout est plus clair : les noms de lieux, de maisons et de familles. Toute intégration sociale passe par la prise en compte de ces repères pour en apprendre d'autres : ceux donnés par les autres mondes et pays rencontrés.
La Calandreta est une "escola del pais", des pays, parce qu'elle aspire à faire aimer sa langue et son pays pour faire respecter les autres pays du monde. les enfants peuvent alors, enracinés dans un pays vivant, affronter la vie.
La maîtrise de deux langues est une dimension d'ouverture sur l'universel. Ainsi les enfants vont vers un développement intellectuel particulièrement averti pour l'acquisition d'autres langages : langues étrangères, langages mathématique, informatique etc...
Es plan rasonable à l'ora de l'Europa ?
Est-ce bien raisonnable à l'heure de l'Europe ?
Les enfants des Calandretas deviendront Occitans, Français et Européens. Cette citoyenneté nouvelle nous semble aller de pair avec l'apparent paradoxe de nos écoles : "apprendre et vivre le local pour s'ouvrir au monde".
Cal parlar Occitan per inscriure sos enfants a Calandreta ? Non !
Faut-il parler Occitan pour inscrire ses enfants à Calandreta ? Non !
Peu d'enfants de Calandreta entendent régulièrement parler Occitan en dehors de l'école. Nombre de parents viennent d'horizons très divers, tant au niveau géographique que social.
C'est en cela que Calandreta est une école à part entière.
Quant costa l'escolaritat ?
Combien coûte la scolarité ?
L'école Calandreta est gratuite.
Elle n'est pas l'école de privilégiés, mais un service public d'enseignement en langue Occitane. L'Etat Français contractualise, depuis janvier 1990, cette filière.
Quina es la formacion dels regents ?
Quelle est la formation des instituteurs ?
Lors de leur embauche, l'association Calandreta demande aux instituteurs stagiaires le même niveau d'étude que celui de recrutement pour l'IUFM (Institut Universitaire de Formation des Maîtres), c'est à dire Bac + 3, ainsi que la maîtrise de la langue Occitane.
La formation se fait ensuite par des stages dans les Calandretas, à l'Université, pour ce qui concerne le perfectionnement de la langue Occitane, et au cours de stages organisés par divers mouvements pédagogiques.
La nèu
Dins la classa fasèm un libre sus la nèu.
La nèu es blanca.
La nèu es fresca.
La nèu fond.
Se pot faire de bolas de nèu...
Classa d'Agnès Fiol
Extrait de "Dire, Escriure, Legir"
En classa verda...
Erem dins un jaç a Marouls. Es a la montanha, en Cevena.
Dormissiàm totes dins un dormitori, dins nostras bassacas. Agnès, Myriam e Corinne fasiàn un torn de rotle per las nuèits.
Dins la sala onte manjaviam, faguèrem de cantons pels talhièrs coma a l'escola.
Nos calià faire la vaissèla e èra ben.
Faguèrem de musica verda : es de la musica amb d'èrbas, de fuèhas o de troces de brancas.
Nos agradèt força !
Faguèrem tanben de batèu que metèrem a l'aiga dins lo riu.
Partir en classa verda es força, força ben !
Classa de Corinne Lheritier.
Extrait de "Dire, Escriure, Legir"
Une semaine chez nos correspondants soviétiques
Samedi 10 février
Surprise à l'arrivée à Leningrad : nos amis étaient tous présents, mais la neige était absente. le passage de la frontière et de la douane furent très simples malgré notre quantité de bagages : médicaments, cadeaux et ... vingt kilogrammes de café. Nos correspondants nous attendaient avec des fleurs - des oeillets rouges - et des sourires timides pleins de curiosité...
...Mercredi 14 février
A 14 heures, notre rendez-vous de l'après midi est au musée d'Ethnographie. Là sont rassemblés de nombreux objets traditionnels de tous les peuples d'Union Soviétique.
Avec des maquettes, des dioramas, les enfants découvrent les coutumes des pays du nord, de Sibérie, d'Asie centrale et des peuples de la Mer Noire : traîneaux en bois, vêtements en peau de poisson, ustensiles ménagers, yourtes, berceaux, costumes de fête, bijoux. Sur de grandes maquettes sont reconstituées des scènes villageoises et des tentes en coton sont dressées un peu partout dans le musée...
... Ce soir, on sort. Tatiana nous a réservé des places au cirque de Leningrad. Lumineux, coloré, le cirque nous a éblouis...
Jeudi 15 février
A l'école, nos correspondants nous attendent... à coups de boules de neige. Tous les enfants du monde se ressemblent.
C'est Tatiana qui vient nous chercher : les cours du matin commencent. En français, Tatiana apprend à ses élèves le nom des mois de l'année, la date, les mots "aujourd'hui" et "il neige".
En cours de russe, nous parlons des symboles de Leningrad et de grandes cartes postales nous renseignent... On termine notre matinée par le cours de gymnastique et encore des compétitions.
Après le déjeuner, on part pour une visite guidée du musée des peintres russes. La guide nous montre les très belles icônes de Pierre 1er dit Pierre "le grand" à cause de sa taille (2 mètres 04)...
Vendredi 16 février
Ce matin on se lève plus tard car on ne va pas à l'école. Nos correspondants préparent une fête en notre honneur. Elle aura lieu cet après midi à l'école...
... En fin d'après midi, un énorme goûter nous attend au réfectoire avec les délicieux gâteaux de Leningrad, le thé chaud, les bonbons fourrés aux myrtilles, une spécialité de la région. Nous, les français, avions amené du Champagne.
C'est avec chaleur que nous remercions tous les professeurs de l'école pour leur accuiel et leur gentillesse. Bien sûr on les attend à Paris...
Dimanche 18 février
Les valises sont pleines des cadeaux de nos amis. Ils nous suivent jusqu'à l'aéroport pour les adieux. Alice pleure et la gorge serrée, on s'embrasse et on se fait plein de promesses : de s'écrire encore, de les attendre à Paris, d'envoyer notre journal et le film vidéo de notre semaine avec eux.
Quand l'avion décolle, Leningrad est sous la neige et c'est beau.
Marine Baro et sa classe de CE1
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