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Quand François souffre, c’est tout le monde de la pédagogie qui pleure et se révolte.

Lettre de soutien de Pierre Frackowiak à François Le Ménahèze. Pour plus d'infos sur les menaces qui pèsent sur François, voir la lettre d'information de l'ICEM du mois d'avril 2011.
 

 On avait déjà vu un inspecteur d’académie transformer son inspection académique à Toulouse en tribunal militaire pour martyriser Alain Refalo qui avait commis le crime de ne pas appliquer bêtement les consignes sorties des tuyaux d’orgue, et d’avoir, au nom de la liberté pédagogique inscrite dans la loi, choisi de prendre tous les élèves durant le temps dévolu à la supercherie de l’aide individualisée plutôt que d’en stigmatiser quelques uns.

On a vu ensuite un grand nombre d’inspecteurs d’académie rechercher l’apaisement, calmant même parfois les ardeurs de jeunes inspecteurs-pilotes qui pourchassaient les désobéisseurs. Il est vrai que dans le même temps, ce dispositif imposé sans concertation et sans la moindre dépense, grâce à l’économie du passage à la semaine de quatre jours, était critiqué de toutes parts et sur tous les bords, y compris par des sommités du monde de la médecine ou de la politique, par une commission parlementaire unanime, et même par des membres de cercles éminents de capitaines d’industries. Il est vrai que ce dispositif ne pourra être maintenu, le ministère lui-même reconnaissant qu’il ne fonctionne que pour les meilleurs des élèves repérés. Faut-il rappeler qu’en dehors de quelques experts marchands de fichiers, tous les pédagogues français étaient hostiles à cette aide individualisée telle qu’elle était conçue et imposée avec un autoritarisme qui n’avait pas de précédent dans l’histoire de l’école depuis la fin de la seconde guerre mondiale
Il est évident que le pouvoir politique avait tout intérêt à rechercher l’apaisement, surtout dans un contexte où contestations et sondages posaient de plus en plus de problèmes. Le syndicat majoritaire des inspecteurs lui-même qui avait pourtant cautionné cette mesure s’est empressé de solliciter une rencontre, certes à Carcassonne plutôt qu’à Toulouse, pour échanger les points de vue et rechercher des accords possibles. Ici et là, la souplesse était devenue de mise. Il est vrai que ce n’est jamais simple pour l’encadrement de retourner sa veste tous les deux ou trois ou cinq ans. Après avoir dit que les programmes de 2002 étaient excellents, fruit d’une large concertation, il leur a fallu dire qu’ils étaient nuls et que le ministre avait eu raison de les balayer d’un revers de main pour imposer ceux de 2008, fac similé de ceux de 1923. Ils doivent commencer à dire que l’aide individualisée a été une expérience et qu’elle sera abandonnée au titre des pertes sans profit. 
C’est dans ce contexte que François Le Ménahèze, un enseignant compétent, reconnu, apprécié, un militant pédagogique engagé à l’ICEM Freinet, un formateur recherché, est victime d’un acharnement surprenant dans un pays démocratique comme le nôtre, dans une institution où éducation est synonyme de liberté et d’intelligence. D’abord empêché d’exercer ses fonctions de formateur en IUFM sous des prétextes les plus fallacieux avant que la vérité ne soit dite : les militants pédagogiques engagés dans une transformation émancipatrice, progressiste, démocratique de l’école ne peuvent participer à la formation des maîtres. Considérés comme subversifs, inaptes à la pensée unique, ils sont jetés. Ensuite, la cascade de sanctions, de menaces, de retenues de salaire, de convocations devant des instances disciplinaires où l’on sait que la voix du procureur est déterminante puisque dans la parité, les cadres ont l’obligation de voter comme le chef et que le chef a finalement le pouvoir suprême de condamner seul.
Au-delà du règne de la pensée unique si souvent proche de la bêtise, on assiste à ce phénomène bien connu dans les systèmes totalitaires : un certain nombre de chefs veulent toujours aller plus loin que la seule réponse aux injonctions de l’échelon supérieur et quand l’échelon supérieur a compris qu’il s’était fourvoyé, il faut toujours un temps pour que les chefs zélés comprennent à leur tour que le temps est venu de remettre de l’humain et de la démocratie dans le système.
Solidarité avec François au nom de la liberté, de la démocratie, de l’intelligence collective, de la pédagogie et des valeurs qui nous unissent !
Tiens bon François. Tu n’es pas seul.
Des jours meilleurs arrivent pour l’école et pour la pédagogie.
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Pierre Frackowiak
Inspecteur de l’Education Nationale retraité
Co-auteur avec Philippe Meirieu de "L'éducation peut-elle être encore au cœur d'un projet de société?". Editions de l'Aube. Mai 2008. Réédition en format de poche, octobre 2009
Auteur de "Pour une école du futur. Du neuf et du courage." Préface de Philippe Meirieu. Editions La chronique sociale. Lyon. Septembre 2009
Auteur de « La place de l’élève à l’école». Editions La chronique sociale. Lyon. Janvier 2010.
Auteur de tribunes, analyses, sur les sites « cafepedagogique.net », « educavox.fr », « meirieu.com »

 
 
 
 

 

 

Merci à Pierre Frackowiak et

Merci à Pierre Frackowiak et à François Le Ménahèze qui permettent aux isolés, victimes de la hargne de la petite hiérarchie de continuer à se tenir droits.
Oui, des classes et des enseignants reconnus, investis sont aujourd'hui partout remplacés par des collègues serviles, à qui l'intimidation fait courber le dos.
Les inspecteurs se discréditent, ils ne sont plus respectés, seulement craints et méprisés.
Mais la classe reste, c'est le lieu qui dit ce qu'on fait, c'est le lieu de la pensée.
gabrielle