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Novembre 2004

 

CréAtions, n° 114- ArTissages
novembre/décembre 2004 (Editions PEMF)

Musée de la soierie de Charlieu (Loire). Photographies de Adam Rzepka

 


ODON ou “ la couleur tressée ”
Au Musée de la soierie de Charlieu (Loire).
Photographies de Adam Rzepka

 

Patience de Patak – Ø 250 cm – juin 1991

 

Depuis de nombreuses années, Guy Houdouin, devenu Odon imagine un monde de papier tressé. Il torsade, vrille, tresse sans fin des lanières de papiers issues d’étoiles géantes découpées au cœur de peintures qu’il réalise lui-même ou avec la complicité d’autres peintres. C’est ainsi que Alechinsky, Messagier, Cueco, Soulages, Zao Wou Ki et bien d’autres qui se sont prêtés à ce qui semblait un sacrifice, leurs œuvres devenant simple matière première. Mais sous les doigts de Patak II, chaque bandelette de l’œuvre lacérée devient la mémoire de l’œuvre originelle au cœur de ses “ attrape rêves ” car il sait, avec respect, transfigurer et mêler la création initiale à sa création finale.

 

Construction de Patak – hauteur 100 cm – 1989

 

Une fois dans la salle du musée où les œuvres envahissent totalement l’espace, nous nous sentons immédiatement aspirés dans ses “ spirales célestes ”.
Captifs dans ses filets de papier, nous sommes invités par l’artiste à traverser le miroir. Nous nous frayons un passage d’un vide à l’autre ou parmi la multitude des chemins qui s’ouvrent à nous, qui sont autant de pistes vers une aventure nouvelle. Malgré nous, nous sommes portés par les milliers de lianes qui s’entrecroisent, nouées par ce vannier du papier. Prisonniers, enchaînés dans la trame, nous sommes comme attirés jusqu’au cœur des œuvres, jusqu’au cœur de l’artiste, comme pour démêler avec lui la complexité du monde. Nous sommes invités un instant à tisser avec lui des liens de passage.

Le pari de Patak – Kraft peint et tressé – 1991 (détail)

Entre les entrelacs des fines cordelettes de kraft coloré, nous nous enroulons, nous nous laissons tresser, au fil de cette énergie libérée ou retenue par la torsion des fibres. Dans cet enchevêtrement plaisant, nous nous amusons à nouer et dénouer les liens et traçons notre chemin jusqu’à l’extrémité des torons (plusieurs fils tendus ensemble) pour finir dans le réceptacle des feuilles de ginkgo qui se balancent en liberté au moindre souffle.

 

Patak Apart II – Ø 70 cm –1990

 

Patak 1 Revolutionnaire– Kraft tressé – Ø 120 cm.

 

Nous passons d’une roue à l’autre, rebondissons d’une étoile au soleil, guidés par les doigts d’Odon, qui, en répétant à l’infini un même geste sait créer une magie des lignes, une alchimie des couleurs par des combinaisons multiples, inépuisables, complexes, démultipliées à l’infini vers une fin ou un recommencement.
Quelle impression étrange !
Obsédés à notre tour par l’obsession de l’œuvre n’allons-nous pas devenir prisonniers de ces toiles tendues par l’artiste comme aurait pu le faire une araignée ? A quelle sauce va-t-il nous manger ? Odon semble tresser le temps, de peur qu’il ne se sauve et nous nous sentons attirés dans son infini vertige. Va-t-il nous piéger, par le simple regard que nous portons sur autant de mouvements concentriques et divergents qu’il nous offre ? Ils vont de la dispersion au recentrage comme un jeu. C’est une gravitation dans un désordre ordonné, où des roues et rouages de toutes configurations communiquent dans le vacarme de leurs folies.

Patience de Patak – juin 1991 (détail)

Le pari de Patak – Kraft peint et tressé – 1991 (détail)

Nous comprenons enfin que nous n’avons rien à craindre de ce monde de mandalas, univers de papier, création du roi Patak II, comme se plait à se nommer l’auteur de ces œuvres.
Contrairement à l’araignée tissant sa toile, il règne sur ses spirales et retient ses visiteurs un simple instant avant de les conduire à la croisée des chemins et de leur ouvrir de nouveaux espaces. Souverain aux mille cordelettes, ce vannier du papier, ce tisserand du temps qui passe, vient certainement d’une civilisation future !
Tel Pénélope, il vous attend.
Si vous le rencontrez, dites lui que nous avons aimé croiser son chemin, tourbillonner dans ses volutes cosmiques, sauter à cloche pied sur ses infinis damiers poétiques et plonger dans ses attrapes rêves.
Nicole Bizieau

 

 

SOMMAIRE CREATIONS N° 114

 Tissage