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logo ressource btn Parcours: 2 Poilus, 2 frères dans la tourmente de 14-18

Niveau de lecture 5
Dans :  Histoire-Géo › 
Juin 2011

Deux Poilus, deux frères : l'un en revint, l'autre pas.

Qui connaît l’histoire de ces hommes dont le nom est gravé sur les Monuments aux Morts érigés dans les années 30 ? Qui sait, même, l’histoire du grand-père, ou du cousin, revenus de la tourmente en proclamant «Plus jamais ça»… Pourtant, aux noms des "Poilus" de 14 se sont ajoutés 25 ans plus tard ceux de 39-45. Puis d’autres encore…

On oubliera.
Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le cœur consolé de ceux qu'il aimait tant.
Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.

Roland  Dorgelès

POILUS : la guerre, ça se prépare dès l’enfance !

Louis est né à l’Hospice de la Charité à Lyon en 1886 Il était l’aîné de trois enfants, d’une famille ouvrière : maman était fleuriste, papa mécanicien, ils habitaient à Lyon, aux Brotteaux, quartier très populaire alors.
Sa sœur Juliette est venue au monde à la Charité aussi, en 1892.

Le Tour de la France... Archives Corsan-Dhénin

Leur jeune frère Tony-Marius est né à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu de Lyon, en 1896.

Ils ont été scolarisés.
Le livret militaire de Louis précise même : Sait lire et écrire, Certificat d’Études. (Ce qui n’allait pas encore de soi pour tous).
 

L’éducation

À l’école, comme un très grand nombre d’élèves, ils ont pratiqué la lecture dans un manuel scolaire "global" très connu, le Tour de la France par deux Enfants* de G. Bruno, ouvrage qui nous est parvenu.

Le fil conducteur n’est pas neutre : deux jeunes Alsaciens, orphelins, obligés de quitter leur région natale occupée par les Allemands depuis la Guerre de 1870, vont parcourir la France à la recherche d’un oncle : pour les élèves, c’est le prétexte à une découverte de l’histoire, de la géographie, de l’économie nationales. Mais c’est aussi un ouvrage de morale et d’instruction civique, où de nombreuses pages enfoncent dans la tête des enfants le désir de reconquête de l’Alsace et de la Lorraine «occupées» par les Allemands.


Page du "Tour de la France…"
Une main enfantine a rajouté la couleur !
cliquer sur les documents "textes" pour les agrandir

En fait, après 1870, et pendant  40 ans, le discours national s’est fait de plus en plus belliqueux, préparant par bien des sources les jeunes (et leurs aînés) à l’idée d’un conflit "légitime".

  * lire à ce sujet : "Un livre d'école : Le Tour de la France par deux Enfants"

 

 

LOUIS : le service militaire avant 14-18Louis Corsan - Archives Corsan-Dhénin

Louis, forgeron, classe 1906, appelé en 1907, accomplit son service militaire : un an, onze mois et dix-huit jours, de 1907 à 1909 (de 21 à 23 ans)
Il est "2e canonnier servant" dans le 32e Régiment d’Artillerie de Campagne (32e R.A.C.), basé à Fontainebleau.
Louis accomplit presque deux ans de service militaire, de 1907 à 1909 (de 21 à 23 ans)
Son premier fils Julien naît fin 1909 : la vie s’ouvre devant la famille qu’il fonde.

Son frère Tony-Marius est encore un enfant alors : il a 13 ans.

Libéré le 1er octobre 1907, Louis est versé dans l’armée de réserve, définitivement libéré de ses obligations le 1er octobre 1932.
En théorie… Car deux feuillets roses, ajoutés au début du livret militaire, organisent à l’avance une mobilisation éventuelle.
 

 

Août 1914 – La mobilisation générale

Juillet 1914, Louis a 28 ans. Tony-Marius vient d’avoir 18 ans.Journal - Archives Corsan-Dhénin

Le samedi 1er août 1914, le gouvernement français décrète la mobilisation générale.
Le 2 août 1914, l'ordre de mobilisation est affiché dans toutes les mairies de France. Les hommes laissent leurs affaires et leur famille, et vont rejoindre leurs unités en train : jeunes et réservistes montent «en ligne».

Louis part-il comme beaucoup "la fleur au fusil", convaincu de rentrer très vite ( victorieux bien sûr ) ?
Puisqu’il est dans "la réserve active", il a dû partir entre le 3 et le 12 août 1914.

En tous cas, Louise son épouse, est catastrophée.
 

Journal de Louise

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Les illusions

Fleur au fusil - Archives Corsan-Dhénin

7 mois plus tard, les convictions ne sont pas tombées,

Le 6 mars 1915, le Bataillon de Louis est dans le Nord ; il écrit à sa sœur et son beau-frère, au dos d’une photo :
"Vous voyez bien que nous ne souffrons pas trop et que le moment venu nous serons en état pour le grand coup, pour le grand jour où nous ficherons les Boches hors de chez nous."

 

 

 

 
1914-1918 : le "théâtre" des opérations en France

Carte 1892 - Archives Dhénin

 

 

 

 

 carte : Nouvel Atlas de Géographie moderne,
ed. Belin 1892

(noter le traitement de la région Alsace-Lorraine perdue en 1870, ici ni tout à fait EN France, ni tout à fait HORS de France).


 

 

 

 

Louis, canonnier :
les campagnes de son Bataillon, de 1914 à 1918

Le 32 R.A.C. dans la Première Guerre mondiale : un perpétuel va-et-vient d’un terrain de bataille à un autre.

1914 Retraite de Charleroi (21-23 août)   
Bataille de la Marne (6-13 sept.)
Bataille des Flandres (du 31-10 à fin déc 1914)

1915
Armées du Nord
1916 Nord : Nieuport (février  - avril 1916)   
Rive gauche de la Meuse (304) (juin - juillet)   
Verdun (fin juil.)   
Rive droite de la Meuse (août)   
Verdun (octobre – décembre)

1917
Chemin des Dames (avril – octobre 1917) -1917)
1918 Picardie (mars – avril 1918)     
Aisne (mai – juillet)

     Ravin st-Jacques 14-18 - Archives Corsan-Dhénin

Ravin Saint-Jacques (région de Verdun), juin 1916.
Groupe de Poilus
sur le Front, dans une zone en cours d’aménagement des tranchées.
Archives Corsan

Pourquoi "les Poilus" ?

Au début de la guerre de 14, "qui devait durer très peu de temps", les conditions d’hygiène précaires poussaient les soldats à laisser pousser barbe et moustache : ils étaient "pleins de poils". Avec l’usage des gaz de combat, et le port du masque à gaz, ils ont rasé  leur barbe, mais conservé la moustache.

 

Exemples de journées, dans le Journal de Marche et d'Opérations (JMO*) du 32e RACtranchées - Archives Dhénin

11 novembre 1915 : "Dans la nuit du 10 au 11, on reçoit des renseignements d’un agent (?) annonçant une attaque allemande générale sur l’Yser pour le 11. Alerte : %26**. L’observatoire est violemment bombardé de 8h à 11h et endommagé. Le 2e groupe le quitte provisoirement pour T.H. [Tour des Halles ndlr]. Un déserteur allemand du 2e Régiment d’Infanterie de marine vient dans nos lignes par la brèche faite par la 3e Batterie

9 décembre 1915 : "Une mine placée dans la digue du canal de Plasschendale (entre ce canal et le canal d’évacuation) doit sauter à 10h et provoquer l’inondation des tranchées du Groot-Bamburgh ; le  2e groupe et les Batteries disponibles (8 et 9) doit surveiller la région et tirer sur les fuyards ? La mine saute, la brume empêche de voir les résultats. L’inondation n’est pas ce qu’on espérait. Reçus : 90 p[ièces] Envoyés : 75."

19 décembre 1915 : "Dans la nuit du 18-19, arrosage des routes. Menaces d’attaque par les gaz : vigilance. Tir de la flotte anglaise. (…)"

18 janvier 1916 : "Un accident se produit à la 7e par l’éclatement d’un engin manipulé par le canonnier Renault.
Pertes : Renault tué. 1 Maréchal des Logis, un Brigadier blessés
."

Écopage. Dans les tranchées, l’eau, la boue, étaient un problème permanent.

__
* Chaque Bataillon, chaque corps d’Armée… tenait un Journal, le J.M.O., où étaient consignés les actions, mais aussi, les pertes d’hommes et de matériel, et les conditions de vie (conditions climatiques, ravitaillement, etc). Un très grand nombre de J.M.O. ont été conservés, et sont disponibles en ligne
** cette notation n'a pas été élucidée.
 

TONY-MARIUS : la mobilisation des plus jeunes

Photo Archives Dhénin

Tony-Marius Corsan - Archives Corsan-DhéninTony-Marius, de la classe 1916, a probablement été appelé en avril 1915 : il n’avait pas encore 20 ans.
Il se trouve qu’il travaillait comme agriculteur dans un petit village de Savoie, Moye ; il est donc incorporé dans une unité locale : le 30e Bataillon de Chasseurs alpins, à Grenoble.

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mobilisation 14-18

En 1914, en France, 8 millions d’hommes entre 18 et 45 ans ont été mobilisés (20 % de la population). Mais les "classes" suivantes ne sont pas dispensées.

 

Tony-Marius : les campagnes de son Bataillon, d’avril 1915 à août 1916

Parcours du 70° B.C.A. de 1914 à 1918 (Bataillon de Chasseurs Alpins formé à Grenoble le 2 août 1914 )

  1914 - opérations d’Alsace-Lorraine
  1915 - Vosges
  1916 - Alsace, puis Bataille de la Somme ; puis Vosges
  1917 - Vosges, Lorraine, Champagne. Front italien
  1918  - Italie (mars). Contre-offensive Marne (juillet). Picardie, Somme, Canal du Nord.

 

Dans la Somme, une grande partie des combats a été menée par les troupes alliées anglo-saxonnes (Grande-Bretagne, Canada, Australie…). Des unités françaises étaient aussi présentes : de la Somme à la frontière nord, les nombreux cimetières nationaux se souviennent de cette coopération dans la tourmente…

  Maurepas - Somme 14-18 - carte Annie Dhénin

 

Le "Front de Somme"
Entre Amiens et Peronne, près du cours de la Somme,
Maurepas, et Etinehem

 

 

  

 

La Bataille de la Somme, 1916

La "Bataille de la Somme" a duré 5 mois - du 1er juillet 1916 à la fin de novembre 1916. Elle a fait plus d’un million de morts et de blessés, de part et d’autre de la ligne (623 907 morts et blessés alliés, 660 000 Allemands.). Les Alliés ont avancé d’environ 13 km sur un front de 35 km.

14-18 Maurepas" Le 13 août 1916.
Dès le matin l’artillerie ennemie bombarde violemment toutes nos positions de 1ère et 2ème ligne, avec de l’artillerie lourde (105 – 130 – 150 et 210) . Ce bombardement se continue avec la même intensité pendant tout le jour, et une partie de la nuit, bouleversant surtout nos lignes de soutien.
Le 3e objectif fixé pour le 12 n’ayant pas été atteint par le 30e Bataillon, ce qui oblige le bataillon à se replier légèrement, ordre d’attaque de ce 3e objectif est donné pour 18h15. À l’heure fixée, les deux Compagnies d’attaque du
Bataillon 7e à droite, et 9e à gauche, doivent s’avancer sur le 3e objectif (chemin partant de l’angle sud du cimetière de Maurepas, direction S.E. cote 120).
La 9e
Compagnie atteint facilement son objectif ; une ½ section de la 7e Compagnie avec une section de mitrailleuse arrive sur le chemin creux, et au tournant tombe sur un fort groupe ennemi. Ce détachement du Bataillon fait une trentaine de prisonniers qui se rendent facilement, mais le reste du groupe ennemi voyant le petit nombre de chasseurs démasque une mitrailleuse et résiste. Notre détachement avec ses deux mitrailleuses se retranche et reste en position. La Compagnie gauche du 30e Bataillon ne peut avancer sur le chemin creux, de même que la section de droite de la 7e Compagnie en liaison avec le 30e.
Vers 20h30, le chemin creux n’ayant pu être atteint, les éléments du Bataillon reviennent sur leurs positions de départ.
"

Source à consulter pour un format plus lisible : pages 11 et 12 du journal de marche et opérations du 70e BAC 22 juil - 31 déc 1916
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/jmo/img-viewer/26_N_834_014/viewer.html

14-18 JMO BCA 13-8-1916

 

 cliquer pour accéder à l'original

 

 

Décompte funèbre du 13 août…
8 colonnes bien remplies, avec les noms, le grade, les Tués, les Blessés, les Prisonniers, les Disparus, les Chevaux tués ou perdus, les Observations…

Ici, Tony-Marius est noté
"Antoine"
 

  

 

 

 

 

 

 


La mort de Tony-Marius

Tony-Marius a été blessé mortellement le 13 août, près du cimetière de Maurepas.
Ce jour-là, le J.M.O. (Journal de Marche et d'Opérations) du 70e B.C.A. compte 7 tués, 49 blessés ; et (au crayon) : 7 disparus ; parmi ces hommes blessés ou disparus, combien ont réellement survécu ? Combien de ces fiches de décès, conservées dans les Archives ?

 

Fiche de décès : http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/

Blessé le 13 août, près du cimetière de Maurepas, Tony-Marius a été transporté à l’ambulance 7/20 d’Etinehem (Somme). C’est là qu’il est mort "des suites de ses blessures", 4 jours plus tard, le 17 août.

Il a été enterré sur place.

Un avis envoyé au casernement de Grenoble le 3 septembre 1916, est transmis à Marie-Léonie, sa mère, Lyon le 8 septembre 1916.

Tony-Marius est inhumé dans la nécropole nationale d’Etinehem, "La Cote-80" : à l’origine, cette nécropole était le cimetière de l’hôpital militaire de campagne. Après guerre, on y a rassemblé les soldats de plusieurs lieux d’inhumation des alentours.

 


L’écrivain-médecin Georges Duhamel (1884-1966) a fait la guerre en tant que chirurgien dans des ambulances* d’immédiat arrière front ((Ambulance 9/3 du 1er Corps d’Armée)). Il était à Etinehem en août 1916.
"La cote 80, c’est là. Vous y verrez plus de blessés que vous n’avez de cheveux sur la tête, et couler plus de sang qu’il n’y a d’eau dans le canal. Tout ce qui tombe entre Combles et Bouchavennes rapplique ici" (in Civilisations)

 

14-18 Nécropole Etinehem 1 - Photo P & V Carpentier 14-18 Nécropole Etinehem 2 - Photo P & V Carpentier

La nécropole "La Cote-80" à Etihehem
1004 corps reposent dans la nécropole nationale d’Etinehem, "La Cote-80", où ont été réunis deux cimetières temporaires ; parmi eux, 49 soldats du Commonwealth : 19 britanniques, 1 Canadien, 29 Australiens.
Photos Patrick et Véronique Carpentier

______
* En 1914-1918, on appelle "ambulance" un poste de secours avancé : les véhicules de transport des victimes sont des "voitures sanitaires"
 

LOUIS : le Chemin des Dames

 

À Oulches (front de l’Aisne), février 1917
14-18 Oulches 1 ruines - Archives Corsan-Dhénin  14-18 Oulches 2 cimetière - Archives Corsan-Dhénin  14-18 Oulches 3 ruines - Archives Corsan-Dhénin
Format 7*4cm. Pauvres, minuscules photos, tirées par contact, où les hommes s’assemblent, et témoignent,
dans les ruines des villages du Chemin des Dames. (Archives Corsan)

 

Les blessures de Louis à Craonne

Chemin des Dames, Craonne (Aisne), 6 mai 1917

(En avril-mai 1917 ce qui reste du village de Craonne est détruit par l'artillerie française. Le site est classé "zone rouge" ; un nouveau village sera reconstruit plus bas à partir de 1921.)

Chemin des Dames, Craonne - carte Annie Dhénin

 Le "Chemin des Dames", une promenade construite au XVIIIe siècle pour de nobles dames...
un chemin pour l'enfer au début du XXe siècle

Localisation : Craonne se trouve à l'extrémité Est du Chemin des Dames

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JMO Craonne 1917-04-19

Il faut reconnaître à l'armée de l'époque une solide organisation bureaucratique :
- la plupart des parcours des nombreux bataillons, régiments, armées, etc, sont renseignés jour par jour dans les JMO (Journaux de Marche et des Opérations), aujourd'hui accessibles au public (forcément, quelques  JMO ont  disparu dans la tourmente)
- il ne se passe que quelques heures entre la blessure et sa déclaration, et quelques jours pour que la hiérarchie publie un " bulletin".

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14-18 citation - Archives Corsan-Dhénin


Question de style

Elles sont choquantes, ces lignes où on félicitait Louis d'avoir conduit ses hommes à la boucherie.
Mais, en parcourant les pages internet, les journaux militaires, on trouve bien d'autres "citations" semblables, généralement après blessures, avec un lexique formaté.

Les félicitations : un certain lexique
Pris au hasard dans les Journaux de Marche et d'Opérations :

" Malgré la violence du bombardement et les pertes subies, a maintenu sa fraction dans la tranchée, en apportant un concours courageux et dévoué à la défense de son front pendant l'attaque du 2 janvier 1917."
" Officier énergique et modeste. Commandant avec autorité la compagnie de mitrailleuses. S'est dépensé en toutes circonstances sans compter, particulièrement pendant la période du 21 février au 30 mars 1916. La compagnie occupant sans interruption la cote 304, au nord de Verdun, n'a cessé d'encourager ses hommes par sa présence et son sang-froid."
" Officier énergique et courageux. Blessé le 28 juillet 1916 en se portant au secours d'un de ses hommes frappé par l'éclatement d'une mine. Tué le 3 septembre aux avant-postes, au cours d'une ronde sur la ligne des sentinelles. Déjà cité."

Rien que de banal dans un univers militaire ?
Il faut rapprocher ces "félicitations" d’un grave mouvement de révolte  qui se développait : quelques jours plus tard, les mutineries de 1917 éclataient ; en avril, en 15 jours de combat, près de 150 000 hommes étaient tombés dont 40 000 morts, ce qui n'avait pas empêché un deuxième assaut le 4 mai. Le 15 mai, devant l'ampleur des pertes humaines, hors de proportion avec les gains de terrain sur le plateau, le général Nivelle était remplacé par Pétain, qui allait juguler la révolte, mais s'efforcer d'épargner les hommes en attendant les renforts nécessaires pour d'autres offensives.

Reste de cette boucherie la Chanson de Craonne :

1° Refrain
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
 C’est nous les sacrifiés !

2° Refrain
Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,
Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !


1917 - Paroles anonymes recueillies par Paul Vaillant-Couturier

Reste aussi la mémoire des Mutins, fusillés pour l’exemple.
81 ans plus tard, en 1998, le Premier Ministre Lionel Jospin a prononcé un discours sur le plateau de Californie dans la commune de Craonne, dans l'Aisne. Il y a souhaité que les soldats, "épuisés par des attaques condamnées à l’avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond", qui "refusèrent d’être des sacrifiés", victimes "d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale."
 

Louis, "Gueule cassée"

Un Site à signaler (mais il est TRÈS dur) sur les Gueules cassées  et les tentatives de réhabilitation des visages et des fonctions de la face : 

http://documentaire.unblog.fr/2009/10/15/14-18-gueule-cassee/documentaire.unblog.fr

Louis au Val de Grâce

Blessé au visage par des éclats d’obus* le 6 mai, Louis est à l'Hôpital temporaire du Panthéon, 8 rue Lhomond à Paris, le 11 mai. Il en sort le 27 octobre.

14-18 Val de Grace - Archives Corsan-Dhénin

A son arrivée, le médecin "Oto-Rhino" note dans le livret militaire :

Plaies région sus orbitaire.
Fracture des os du nez
Exentération O. G.

A la sortie, sur la même page du livret :

Fracture du maxillaire droit
Eclat d'obus situé dans la région du lobe frontal  gauche
O.G. exentéré à l'avant
O.D - V = / après correction par[eyl] - Od 75 à o°
Larmoiement dû probablement au rétrécissement du canal lacrymal

Hôpital temporaire du Panthéon, à Paris, été 1917

__
* Les artilleurs étaient chargés de défendre leurs lignes, et de préparer le terrain pour les fantassins au moment de attaques : ils pilonnaient les lignes adverses, avec des obus de tous calibres ; les artilleurs en face repéraient la position des tireurs… et visaient. 

 

14-18 médaille - Archives Corsan-Dhénin

 

 

2 décembre 1917 : la Croix de guerre

Décoration en série de grands blessés du Val de Grâce

     14-18 Décorations - Archives Corsan-Dhénin

 

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Retour à la vie civile

14-18 Louis décoré - Archives Corsan-Dhénin14-18 Carte invalide - Archives Corsan-DhéninAprès 4 ans d'absence (parfois bien plus, pour les malchanceux qui enchaînèrent service militaire et guerre), il fallait retrouver un emploi.
Les grands blessés n'étaient pas toujours aptes à reprendre  leur métier d'avant-guerre.
Aussi, un certain nombre d'emplois de la Fonction publique leur ont été ouverts - dans la mesure des disponibilités.
Louis est donc devenu facteur de ville, dans le quartier du cours la Fayette à Lyon.

Gueule Cassée

Le grand nombre aidant, la notion d'Invalide de Guerre apparaît, les handicaps sont reconnus. Par ailleurs, les victimes de la guerre se regroupent, s'organisent en associations.
Louis décède des suites de ses blessures à l’âge de 55 ans.
 

 

 

POILUS : la Mémoire des pierres

14-18 Monument aux Morts Dardilly - photo Annie DhéninRestent des milliers de Monuments aux Morts dans toutes nos villes, et tous nos villages.
Certains parlent de bravoure, de Patrie. D’autres adoptent un tout autre ton, et se révoltent.

Il est très engagé, le Monument aux Morts de Dardilly (Rhône) inauguré en 1924 :

"Contre la guerre, à ses victimes, à la fraternité des peuples".
"Que l'avenir console la douleur"

Bien sûr, il ne s'est pas fait dans l'harmonie : privé d'inauguration officielle par les autorités de la région ! Mais il a tenu bon.

Il y en a d'autres encore en France, qui méritent peut-être une recherche?

 

Monument aux Morts
dans le cimetière de Dardilly (Rhône)

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- Page BTn : Un livre d'école : Le Tour de la France par deux Enfants
- Page BTn : Enquête pour un Poilu oublié de 1914-1918 (dans cette page BTn on retrouve Tony, le plus jeune Poilu, sous un autre angle)

Ressources et bibliographie: 
site : http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/jmo/
Crédit iconographique : 
photos Archives Corsan-Dhénin & P. et V. Carpentier - cartes Annie Dhénin (sauf carte ancienne)
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