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Forger des outils méthodologiques ... même en Français

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Juin 1979
D'UNE DISCIPLINE A L' AUTRE...
 

Forger des outils méthodologiques...

même en francais ?

 

A la suite de discussions qui eurent lieu à Laroquebrou (Stage second degré - septembre 1978} autour de l'outil “Fiches de lecture”, François Sébastianoff écrivit un article que nous publions ici avec la réaction qu'il a suscitée chez Mauricette Raymond.

 
Cet après-midi là, j'en avais marre de me regarder dans le miroir de mes collègues de français. Il faut dire que, le matin, j'avais participé à un dialogue de sourds au sujet des fiches de lecture et de l'étude de la langue, et que j'en étais en partie responsable ! Je me suis donc promené... dans l'atelier des géographes. Je les ai vus chercher à préciser ce qu'était le raisonnement géographique en discutant avec un membre d'un groupe de chercheurs scientifiques non-récupérés par le système (ou le moins possible... ou pas encore...) ; les oiseaux rares, ça existe. Il suffit, comme dans les contes, de les chercher et... de les surveiller. Dans ce cas, il s'agissait du groupe Hérodote.
 
Mes collègues géographes étaient conscients que la géographie n'est pas neutre, mais d'inspiration militaire et mercantile, que tout leur vocabulaire est piégé, et qu'il ne suffit pas de motiver les enfants à chercher vaguement “la réalité géographique”, mais qu'il faut leur donner les meilleurs moyens méthodologiques possibles pour s'y retrouver. Faute de quoi, conservant les outils intellectuels faussés par l'idéologie de dominance, les enfants ne seront pas capables, une fois sortis de nos classes, de résister seuls par eux-mêmes à l'information géographique truquée que les media diffusent ; ils resteront manipulables.
 
Vous devinez ce que je me suis dit ; et si on faisait pareil en français ? Notre langage n'est pas plus neutre que la géographie, le vocabulaire traditionnel en classe de français non plus. Par exemple, les notions de correction et de “niveaux” de langue impliquent que flic serait une manière “ pittoresque ” peut-être, mais vulgaire, de dire gardien de la paix, lequel serait la manière correcte de dire ; or, on sait qu'il n'en est rien, car flic dit autre chose que gardien de la paix (il exprime le point de vue des dominés...) ; linguistiquement, il est aussi correct... Le “discours” ( = les paroles à la télé, les journaux, les livres, les conversations de toutes sortes}, c'est pas neutre non plus. Or, depuis quelques dizaines d'années, les sciences humaines ont avancé, notamment la linguistique et l'étude scientifique du discours.
 
Nos collègues de français n'en voient pas souvent l'intérêt, et s'en méfient. On les comprend. Car le système s'est empressé de brouiller les cartes ; l'Université, l'Inspection Générale, les éditeurs de manuels scolaires se sont hâtés d'étouffer ce que le regard scientifique sur leur langue maternelle a de démystifiant, de libérateur, pour les futurs adultes que sont nos enfants.
 
Mais il ne faut pas jeter l'enfant avec l'eau du bain. Il y a en français, comme en géographie, des chercheurs non récupérés, des enseignants au courant des acquis et des recherches susceptibles de servir nos objectifs, voire de les affiner. Nous ne sommes pas condamnés à remplacer la lecture “ naïve” de droite (les manuels actuels) par une lecture “ naïve” de gauche (fiches de lecture C.E.L., futurs manuels (!}, lectures naives grâce auxquelles le système continuera à manipuler les mômes par enseignants interposés (tous de bonne foi).
Il est possible d'aider les enfants à mieux décoder un discours quel qu'il soit, c'est-à-dire à ne pas gober n'importe quoi. La bonne volonté et l'intuition n'y suffisent pas ; il faut des outils méthodologiques (genre : grille de lecture non récupérée} et familiariser l'enfant avec l'outil scientifique, même en sciences humaines. A nous de contrôler ces outils, depuis leur conception jusqu'à leur utilisation.
 
Qu'on nous comprenne bien ; nous cherchons à pratiquer un bon usage de la recherche scientifique. Ce que nous voulons, c'est que les outils méthodologiques, dont l'élaboration est actuellement réservée aux milieux dits scientifiques, ne soient plus seulement ni conçus dans l'intérêt du Pouvoir, ou récupérés par lui au niveau de leurs applications, mais conçus et utilisés aussi, grâce à notre contrôle critique, en vue de notre objectif ; que peu à peu enfants et adultes aient vraiment prise sur leur propre devenir.
François SEBASTIANOFF
 
 
 

Forger un esprit scientifique... (même en francais)

 
A la suite de l'article de François SEBASTIANOFF, il me semble urgent de lancer, (d'une discipline à d'autres...), une réflexion plus approfondie sur nos outils et leurs objectifs.
 
Situons d'abord l'objet de la réflexion. Dans nos classes existent plusieurs sortes d'outils. Certains, que nous qualifions parfois “d'outils de compromis”, ont essentiellement pour but d'aider les enfants et adolescents à acquérir le minimum de connaissances qui sera exigé d'eux pour franchir les étapes de la scolarité, passer des examens... Ces outils existent dans nos classes, fabriqués par nous et parfois même édités par la C.E.L. Il n'est pas question de les nier ou de les renier. Il suffit de bien les situer, avec les enfants eux-mêmes, par rapport à leur utilité pratique immédiate. La réflexion proposée ici ne portera pas sur eux.
 
Elle visera essentiellement les outils qui :
1. Aident à la responsabilisation = éduquent la liberté.
2. Permettent l'élaboration de l'esprit scientifique.
Objectifs qui rendent ces outils “irrécupérables”, par quelque système que ce soit.
 
 

QUELQUES PRECISIONS SUR LES TERMES EMPLOYES :

 
- Responsabilisation : capacité de choix d'un contenu culturel, d'un savoir, en même temps que projection et organisation du travail choisi dans le temps. C'est l'éducation du travail.
- Esprit scientifique : c'est l'arme de l'appropriation du savoir. Il permet à l'enfant de SE situer par rapport aux autres et au monde extérieur, de situer les éléments du monde extérieur les uns par rapport aux autres. Il s'acquiert par tâtonnement expérimental à partir du vécu de l'enfant, et analyse de ce vécu.
Celle-ci implique des opérations intellectuelles telles que: reconnaître, nommer, classer, ordonner, associer, connecter...
 
 

METHODES NATURELLES ET OUTILS SCIENTIFIQUES :

 
 

Notre théorie psychologique du tâtonnement expérimental, base de notre pédagogie, va sans cesse s'affirmant. Elle est intuitivement admise et comprise par ceux qui pratiquent nos méthodes naturelles. Elle est critiquée et rejetée de parti pris par ceux qui, sans en connaÎtre les vrais fondements, la considèrent comme s'opposant à la science dont on vante volontiers les conquêtes contemporaines.

 
C'est ce malentendu que nous voudrions dissiper : il n'ya nullement opposition entre les méthodes scientifiques et le tâtonnement expérimental. C'est le progrès scientifique qui se fait par tâtonnement expérimental [1]
 
Cette citation de C. FREINET peut constituer la réponse à l'article sur “ Les Outils Méthodologiques... même en français ”.
Précisons-la en reprenant le schéma du tâtonnement expérimental :
 

 “ A partir du premier acte réussi par tâtonnement expérimental (A), l'individu répète cet acte jusqu'à ce que la trace soit creusée d'une façon indélébile, qu'elle soit devenue mécanique et tecbnique de vie. Le temps de cet exercice varie avec la perméabilité à l'expérience, c'est-à-dire l'intelligence.

 
Lorsque la maÎtrise mécanique est acquise, un nouveau tâtonnement expérimental conduit à un second acte réussi (8) qui, à son tour, va se répéter jusqu'à l'automatisme, puis laisser la place à d'autres tâtonnements (C, O, etc.) ”C. FREINET [2] .
 
Il n'était sans doute pas inutile de rappeler ici ces fondements de notre pédagogie, afin de mieux situer les outils scientifiques dans notre démarche. Qu'il soit bien clair que nous ne les nions pas, nous ne les ignorons pas. Mais nous ne commençons pas par les donner aux élèves, avant même leur recherche. Nous les introduisons lorsque, à une étape du tâtonnement de l'enfant ou du groupe, nous sentons qu'ils peuvent aider à FORMULER INTELLECTUELLEMENT une découverte. Ils vont alors devenir un bon outil de l'étape répétition du processus d'apprentissage. Mais ils ne doivent pas emprisonner l'enfant ou l'adolescent - ou l'adulte - dans une démarche intellectuelle qui deviendra finalement sclérosante, même si elle satisfait apparemment l'esprit et donne une illusion de puissance et d'impact sur le système (cf. linguistique, évoquée dans l'article de F.S.).
 “Toute création, dans quelque domaine que ce soit, ne se fait que par tâtonnement expérimental, sur la base d'outils perfectionnés peut-être, mais qui ne sont que des tremplins pour des recherches nouvelles. C'est l'aspect création du processus scientifique ”(cf. in Méthode Naturelle, T. 1).
 
Et cet aspect fait intervenir l'individu tout entier, en particulier SENSIBLE.
 
 
 

 
 
 
LES FICHES DE LECTURE :

 
Le problème ne me semble donc pas être de savoir si les fiches remplacent “ une lecture “naïve” de droite par une lecture “naïve” de gauche”, critère idéologique qui dépasse bien souvent la conscience politique que peuvent avoir les enfants, et par conséquent, qui viserait à mesurer l'outil fiche à son impact manipulatoire.
Mais il me semble important de préciser comment un tel outil se situe, dans ma classe, dans une démarche globale d'apprentissage :
 
1. Les fiches de lecture sont situées dans un système d'outils (fichiers coopératifs retorica et grammatica, par exemple). Le premier de ces outils est la pratique quotidienne du texte libre. (Et pour compléter cette réflexion sur nos outils, il sera donc nécessaire d'y revenir).
 
2. Comment est CHOISI un livre de lecture ? Un livre n'est jamais imposé artificiellement au groupe-classe. Il répond toujours à une motivation des enfants/adolescents. Cette motivation est :
a) Soit individuelle : l'élève apporte un livre qu'il/elle “aime”, donc qui répond à des préoccupations profondes. L'élève constitue alors une équipe de trois ou quatre, partageant son intérêt pour le livre. Avant de faire la fiche, je discute toujours sur le livre avec ceux qui l'ont choisi.
b) Soit collective, parce que le livre répond à un problème soulevé par un texte d'élève, par un débat (mais ceux-ci naissent souvent, eux aussi, de l'expression libre).
 
3. Comment est faite une fiche ? D'abord en fonction de la motivation qui a suscité le choix du livre.
Puis des autres aspects qui peuvent apparaître dans ce livre, à condition qu'à travers mon dialogue avec les enfants et adolescents, j'aie senti qu'ils étaient capables de sentir et comprendre la portée de ces autres aspects. Voilà pour le contenu. Cela explique pourquoi une fiche ne se veut surtout pas exhaustive.
 
Par ailleurs, certaines de ces fiches font appel à des grilles scientifiques d'analyse. Pas toutes. C'est qu'elles tiennent compte du tâtonnement expérimental des enfants qui lisent. La méthode naturelle de lecture ne concerne pas que le premier apprentissage au C.P ., elle se prolonge par la suite, avec la même démarche, et ce n'est que parce que les adolescents lisant Malataverne en 3e avaient découvert par eux-mêmes la notion de structure du récit qu'une question de la fiche repose sur l'analyse structurale du récit.
 
Et par expérience, je peux dire que la même fiche, livrée SANS MODIFICATION à des élèves de début de 4e n'a réussi qu'à donner aux enfants un sentiment d'échec intellectuel, parce qu'ils n'arrivaient pas à comprendre la question.
 
• Une fiche n'est donc qu'une proposition de pistes, donnée dans une classe précise, qui a un vécu spécifique. Elle n'est pas transposable telle quelle. Si nous la redonnons parfois (pourquoi ne pas l'avouer ?), sans la modifier, parce que le temps de le faire a manqué, nous prenons le risque de transformer un outil qui avait été efficient en “mauvais” outil, parce qu'il plaque des analyses trop difficiles - qui se situent à un autre palier du tâtonnement - et conduisent donc à un sentiment d'échec.
 
C'est la raison essentielle pour laquelle les fiches paraissent sous forme de livraison et non d'édition définitive.
Ceci dit, la réflexion proposée à partir de la lecture d'un livre repose généralement sur des attitudes à la base d'un comportement scientifique: classer et ordonner des éléments du livre, nommer, définir des notions, des situations ; établir des relations entre les éléments de l'ouvrage, entre le livre et d'autres livres, entre le livre et le réel, entre le livre et l'enfant. Après tout, n'est-ce pas là, sans que la grille porte un nom d'école universitaire, une attitude scientifique ?
 
Précisons enfin que la lecture débouche souvent sur la création (exemple : écrire un chapitre du Petit Nicolas) toujours sur la communication, {au-delà de la fiche, mais enrichie par elle) par le journal, aux correspondants, à la classe sous forme de montage, etc.
 
Conçue ainsi, la lecture n'est pas “naïve”, pas plus que le livre n'est conçu comme objet d'observation méfiante à décoder, à situer dans “le système” et à l'extérieur de soi, il est objet rencontré par l'enfant qui se l'approprie pour l'intégrer à SA culture, c'est-à-dire à tout ce qui permet une évolution de sa personnalité, un enrichissement de sa méthode de penser.
 
C'est pourquoi l'utilisation prolongée une ou deux années des fiches de lecture, doit nécessairement aboutir à l'acquisition d'un comportement face à la lecture, qui devient mécanique et technique de vie, et permet évidemment l'autonomie par rapport à l'outil : mon but est que mes élèves, en me quittant, n'aient plus besoin de fiches pour lire.
 
Cette réflexion ne doit pas être limitée à la lecture, même si son point de départ est ici la réponse à un article concernant celle-ci. Parce que c'est dans toutes les disciplines que des scientistes nous font le reproche de ne pas appliquer les grilles portées par la pointe du progrès, et que notre réponse est la même, quel que soit le domaine d'enseignement. Parce que, surtout, si on resitue l'outil fiches de lecture dans un système d'outils, pour lui donner un sens, et s'il n'a de sens que dans une classe de français où se pratiquent également l'expression libre, le journal, la correspondance etc., il est encore plus pertinent quand un travail en équipe des enseignants permet que l'adolescent pratique par ailleurs la libre recherche en mathématique.
 

Mauricette RAYMOND

 

 

 

N.D.L.R. quatre fiches jointes




 

LE JEU DRAMATIQUE                                                 fiche 1

PRINCIPE : Jouer des situations sans se préoccuper de “monter” un spectacle à présenter publiquement.
OBJECTIFS : Sans en faire une panacée, on peut dire qu'ils sont multiples et importants :
- Psychologiques : développer l'imagination ; lutter contre les blocages qui entravent l'expression orale et gestuelle ; faire prendre conscience des possibilités créatrices de chaque individu... (II faut cependant éviter le psychodrame, très dangereux à manier sans expérience, surtout dans une classe) .
- Pour la vie de la classe : un plaisir intense au cours d'une activité qui ne peut exister que dans une atmosphère de liberté. Casser la passivité inhérente à la structure scolaire actuelle...
- Culturels : faire comprendre concrètement les lois de la construction dramatique : son lien profond avec le plaisir; les éléments nécessaires de l'action et leurs racines culturelles ; la cohérence des personnages et leurs racines dans la vie... et, à un certain niveau de réussite, les principes de base de la formalisation artistique.
 
QUELLE PRATIQUE ? Dans des conditions qui s'y prêtent (stages, groupes théâtres... etc. avec uniquement des volontaires), le mieux est de lier le jeu dramatique avec un travail physique intense (échauffement, exercices de confiance, “expression corporelle”, relaxation, etc.).
Mais il nous faut être beaucoup plus modestes, car le cadre de la classe s'y prête très mal :
- Parce que c'est un lieu où tout mouvement physique est difficile et le plus souvent réprimé (il faudrait un travail interdisciplinaire entre E.P.S. et français).
- Parce que la classe est un groupe trop nombreux (il faudrait ne pas dépasser 15) et artificiel, formé de gens qui ne sont ensemble que par obligation, alors que, pour vraiment jouer devant les autres, il faut un minimum de confiance en eux pour ne pas craindre leur jugement.
- Parce qu'on ne peut réellement jouer par obligation.
- Parce que, chez les élèves de second cycle, l'âge et l'école ont déjà produit de nombreux blocages... etc.
 
Il faut donc éviter de forcer des gens à jouer (mais on peut tout de même solliciter) ; d'imposer un sujet contre l'avis du groupe qui jouera; de refuser un sujet si certains y tiennent (sauf cas exceptionnel, par exemple s'il y a risque de situation psychologiquement pénible pour certains) ; de critiquer d'une façon qui puisse être ressentie comme blessante...
 
Compte tenu de tout cela (faut pas désespérer), il existe un éventail de possibilités que l'on peut schématiquement résumer ainsi :
 
 
 

 

LES IMPROVISATIONS TEXTE ET JEU DRAMATIQUE fiche 2

 
 

I - LES IMPROVISATIONS

- L'improvisation libre : on détermine une situation et des personnages, le développement étant entièrement improvisé... procédé très intéressant pour l'imagination et les qualités d'observations. On peut faire intervenir dès le départ ou en cours de route des acteurs avec une consigne particulière (pas toujours connue des autres). Le problème principal est souvent celui de la fécondité de la situation de départ.
- L'improvisation sur canevas : le groupe qui jouera ne se contente pas d'une situation de départ, mais commence par inventer un canevas sur lequel jeu et texte seront improvisés. S'il est parfois plus difficile d'obtenir ainsi un jeu “vivant”, certains élèves ont besoin au début de la sécurité que donne le canevas (savoir que faire). En outre, ce procédé permet souvent de repérer plus facilement, et donc d'approfondir les choses intéressantes qui apparaissent au cours du jeu.
De fait, tous les intermédiaires existent, et on peut, par exemple, commencer par une improvisation libre dont les meilleurs éléments fourniront un canevas pour une nouvelle improvisation (avec les mêmes acteurs ou des acteurs différents)...
 
 

II - TEXTE ET JEU DRAMATIQUE

- Le jeu d'un texte dramatique: aborder une pièce par le jeu et non par l'explication de texte, ce qui est à la fois primordial (combien d'élèves rejettent tout théâtre après avoir été rebutés par les sempiternelles explications de textes des “classiques” !) et très difficile si l'on veut obtenir autre chose qu'un “anonnement”. Le problème est de se débarrasser de la vision du texte comme un absolu, et de retrouver la démarche créatrice de l'auteur: construction de personnages et de situations. Il y a donc à mêler un travail de recherche sur les situations et les personnages, et d'expérimentation en se seryant en particulier d'improvisations... On peut ainsi aboutir au jeu de la scène elle-même, ou à sa réécriture dans une autre perspective.
- La dramatisation de textes non-dramatiques : deux directions possibles :
1) Le transformer en texte dramatique (en se servant des improvisations).
2) Le jouer sans en transformer la structure non-dramatique (cf. les “montages poétiques”).
De fait, ce n'est pas tant un exercice précis qui compte, qu'une démarche globale dont le moteur est l'improvisation en tant que “création collective”, renforcée par le plaisir du jeu. Il y a donc automatiquement tâtonnement, et on peut craindre à juste titre une dispersion qui empêche de progresser .
C'est pourquoi il est nécessaire de faire alterner les moments de jeu et les moments de discussion sur le jeu, ainsi que de faire des reprises successives pour engager une formalisation progressive. Le jeu dramatique étant un processus collectif au sens fort du terme, il serait regrettable que l'animateur arrive en début de séance avec un projet trop précisément arrêté. Le mieux serait que les situations et même les formes de travail soient entièrement proposées par les élèves. En cas de difficultés, il faut que l'enseignant ait à sa disposition une “réserve” de propositions à faire.
 
Il peut d'autre part être intéressant d'accéder au vœu des élèves en prenant soi-même part au jeu.
 
 
 
 




 

QUELQUES EXEMPLES de SITUATIONS D'IMPROVISATION           fiche 3

 
- Repas du soir dans la famille (elle marche souvent bien sous la forme :
les enfants rentrent en retard, demandent à sortir le soir même et la (une des) fille(s) annoncera qu'elle est enceinte).
 
- Une scène de classe (souvent demandée, rarement réussie car cette improvisation est prétexte à un défoulement rarement créatif, et de plus, elle est “polluée” par des histoires connues... son intérêt est donc généralement la prise de conscience des raisons de son échec).
 
- Dans un jardin public: des élèves qui sèchent des cours et/ou la drague (il peut se passer des choses intéressantes en faisant intervenir, au fur et à mesure, des personnages avec des consignes inconnues des autres).
 
- Dans un magasin, avec un certain nombre de clients susceptibles de créer des conflits (gosse qui touche à tout, client grincheux, client qui essaie de passer avant son tour, client qui fait tout déballer pour ne rien acheter... etc.). Eventuellement un essai de vol.
- Un procès (plutôt en construisant un canevas).
- Un groupe en danger dans un lieu clos (bateau, vaisseau spatial, etc.) : type même de l'improvisation qui nécessite une formalisation progressive à force de reprises.
- L'arrivée sur une planète inconnue (improvisation qui nécessite une grande liberté pour permettre un certain “délire” imaginatif).
- La pêche miraculeuse : improvisation qui peut se développer aussi bien dans le sens de l'observation quotidienne (la mère qui en a marre, les gosses qui jettent des cailloux dans l'eau, etc.) que du délire imaginatif à propos des objets pêchés (cela peut aller jusqu'au fantastique).
- Dans le hall d'un hôtel : des gens qui ne se connaissent généralement pas (liste totalement libre) : on expérimente ce qui peut se passer entre eux. On peut passer par des phases de mise à la question des personnages pour obliger les acteurs à définir leur personnage le plus précisément possible.
 
 
Ce n'est que quelques exemples possibles destinés à donner des idées et non pas forcément à être repris tels quels. Devant l'impossibilité de faire le tour de la question, signalons que certains organismes tels que la jeunesse et les sports, ou les C.E.M.E.A., organisent parfois des stages... etc, au fait, ne serait-il pas possible que l'I.C.E.M. en organise aussi ?
 
Signalons enfin un bouquin très intéressant: Le Jeu Dramatique en Milieu Scolaire de Jean-Pierre Ryngaert dans la collection Textes et Non Textes aux éditions CEDIC. J.P. Ryngaert relatant des expériences essentiellementdans le premier cycle, nous avons à adapter, surtout sur deux points: avec des élèves plus vieux, nous avons moins à craindre les stéréotypes (car leur apparition sert plus facifement à les faire mettre à distance). Par contre, il nous est beaucoup plus difficile de faire jouer tous les élèves, et je crois 1ue nous sommes obligés d'en passer par un travail par ateliers.
(Fiche de Bernard FRANK - 54800 Jarny - Décembre 1978)
 
 

COMMUNICATION DANS LA CLASSE

Quelle que soit l'organisation de la classe, le problème de la communication des productions se pose. La question essentielle me semble être : est-ce que tout doit être communiqué à tous ? Je modulerai (en ce qui me concerne actuellement) la réponse ainsi :
 
 

EXPRESSION LIBRE

Les productions (textes, montages, etc.) sont communiqués à TOUS, car cela répond à un double désir: curiosité de ceux qui reçoivent et besoin de se faire écouter /reconnaître pour le créateur .
Cette communication se fait à chaque cours, au début, avant les “trois minutes avec vous” (cf. fiche), considérées également comme un exercice d'expression libre, quant à son contenu.
Le travail de reprise des textes libres se fait à huit ou dix (maximum). C'est un lieu de communication intense.
 
 

CORRESPONDANCE

Communication des envois reçus à TOUS.
Réponse prise en charge par une équipe (quatre ou cinq maximum).
Communication de la réponse avant envoi à TOUS.
 
 

DEBAT

Sujet né d'une communication à tous (expression libre).
Débat préparé par une petite équipe (deux ou trois).
Débat: quinze maximum.
Traces du débat (synthèse au journal, fiche) à la disposition de tous et/ou envoyées à des correspondants.
 
ATELIERS : quatre élèves maximum.
Le travail est préparé INDIVIDUELLEMENT à la maison.
Le cours est le lieu de communication des travaux individuels au sein de l'atelier.
Communication des ateliers entre eux: cf. Fiche.
 

M.R. 01-79

 




 

TRAVAIL EN ATELIERS                                                                (Communication des ateliers)

 
 

COMMUNIQUER POURQUOI ?

 
- Education sociale (et humaine).
- Echange culturel.
- Exercice oral (ou écrit ou audiovisuel).
 
 

COMMUNIQUER QUOI ?

 
Pas nécessairement tout : le travail sur une fiche de lecture est trop précis et n'intéresserait pas ceux qui n'ont pas lu le livre. Par contre, un atelier travaillant en lecture, en plus de la fiche, effectue un travail spécifique en vue d'une communication au groupe: montage (20 mn maximum), ou fiche grammatica distribuée à tous sur un thème, une information que la classe a demandée à l'équipe à partir du livre. Une enquête peut déboucher sur un bref exposé ou une fiche à tous, mais aussi sur un débat, qui ne concerne alors qu'un groupe (une quinzaine en général) d'élèves.
La poésie (création ou constitution de dossiers de textes) peut déboucher sur une communication partielle à tous, et une présentation plus détaillée à ceux qui le désirent. LA COMMUNICATION DOIT ETRE DESIREE, RESSENTIE COMME ENRICHISSANTE, NON COMME UN PENSUM, et lorsque j'imposais la communication de tout à tous systématiquement, je me suis rendu compte que cela ME sécurisait, mais que les séances de communication étaient éprouvées comme artificielles et ennuyeuses souvent.
 
 

COMMUNIQUER COMMENT ?

 
Communication d'un atelier à un individu.
Communication d'un atelier à un autre atelier .
Communication d'un atelier à plusieurs ateliers.
Communication d'un atelier à un groupe d'élèves issus d'ateliers.
Communication d'un atelier à la classe.
Communication d'un atelier aux classes correspondantes.
Sous forme de: fiches - débats - exposés limités dans le temps (5 mn) - journal - lettres - panneaux exposition...
 
LE RESULTAT est une classe assez fluctuante dans les réseaux de communication du travail en ateliers, ceux-ci étant brassés, regroupés, fondus... Mais le travail en ateliers est à resituer par rapport au reste des activités et de la communication.
M.R. 01-79
 
“TROIS MINUTES AVEC VOUS” :
Expression libre orale.
Chaque élève s'inscrit sur le calendrier obligatoirement. Deux élèves interviennent par séance.
 
Chaque intervention est individuelle. Le thème de l'intervention est choisi librement. On peut classer ainsi les thèmes choisis:
- Information pure: qu'est-ce qu'une lithographie, la vie des animaux, etc. (ce genre de sujets, rassurant, non impliquant, est proposé surtout au début de l'année). .
- Information liée à la vie locale: la M.J.C. vient d'ouvrir un club de secourisme, voilà ce que j'y ai appris, venez-y ; voilà ce qu'est le modélisme, c'est ma passion, si vous la partagez, on peut essayer de monter un club au collège, etc.
- Présentation de livres, films, disques, aimés.
- Prises de position débouchant souvent sur des débats ensuite: Moi je suis contre la vente de cartes Unicef, c'est de la charité; Moi je suis contre les badges, etc.
- Commentaires de l'actualité: suicide collectif d'une secte, affaire Ranucci, etc.
 
OBJECTIFS :
 
- Entraînement oral et entraînement à l'écoute (temps de parole limité précisément à 3 mn, interdiction d'interrompre celui/celle qui parle, 2 mn de questions après-ou débat plus long programmé ultérieurement).
- “Aération ” de la classe, ouverture sur une infinité de sujets, qu'on peut reprendre dans un autre cadre.
 




[1]in “La Méthode Naturelle ”T. 1 p. 8 C. FREINET.
[2]cf. Méthode Naturelle T. 1, p. 8 à 23. B.T.R. n° 18-19: Dans les traces du T.E.