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Exopression libre - sexualité - thérapie ?

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Octobre 1975
EXPRESSION LIBRE - SEXUALITE - THERAPIE ?
en classe de sixième
 

 
"Trois petits cochons faisaient des enfants ; il y en avait un qui ne savait pas faire d'enfant. Il se rendit chez un savant . Le savant lui expliqua. Il se rendit chez le curé qui s'appelait Amour-do·Diou . Et c'rst

 

comme ça qu'il a su faire des onfants. (C'est fini)".
Eric
 

 
Le 13 mars, Eric nous lit son texte (après de longues hésitations ... '

 

La lecture provoque "sourires", "rires", "clins d 'oeil", qui en disent long ... mais personne ne cause ! Je dis alors : "Pourquoi riez·yous ? Moi, je n'ai pas envie de rire. Je ne comprends pas". Gêne ...
A Jean·Michel, le plus excité, je demande :
"Tu sais comment on fait des enfants, toi ?
Ah ! ben "... (II se tord sur sa table ... Les autres rient.
Eric lance :
- Moi, je. sais. Pour un garçon, c'ost un coup ! Pour une fille, un demi-coup ! "
 

Mol - Comment le sais·tu ?

 

Eric - J'ai vu mes parents. Je sais. C'est comme ça.
Moi - Non, tu ne sais pas bien, Eric.
Il est vexé ...
Régine, Marie-France demandent la parole.
Moi," j'ai un livre ; ma mère me l'a donné.
- Moi . aussi.
 

- Si vous voulez, et si vos mamans veulent bien, vous pouvez les apporter à l'école. Mais vous pouvez aussi en parler avec le prof de sciences nat.

 

Isabelle - C'est vrai, quand on est petit, on veut savoir.
Eric - Eh ! oui, la jeunesse évolue ...
La cloche sonne, ils s'en vont assez émoustillés,
••
Le lendemain, le plan de travail indique "Etude de textes" MAiS ....
- Mme L... la prof de sciences, a dit que c'était pas à voir cette année.
Marie-France, Régine et Sophie ont apporté leurs livres :
 

Comment naÎt la vie, édité par Hachette

 

 

Les premiers jours de la vie, de C. Edelman

 

 

La vérité sur l'amour, de M.C. Monchaux.

 

Corinne, elle, a apporté des documents découpés dans une revue.
 

"On regarde les livres ?", demandent les enfants.

 

Ils sont impatients, énervés. Certains rient en douce, des garçons surtout.
J'hésite un instant ... Je suis "prof de français", pas de biologie. Au CEG, il n'y a rien de fait au niveau de l'information sexuelle. Les collègues sont contre.
"On ne sait pas où s'arrêter ... " disent-ils. Je me décide. Tant pis! les enfants sont là, demandent...Pas question de faire de la poésie ce jour-là. En plus, on a deux heures devant nous.
Je leur demande de poser par écrit les questions qui les préoccupent. On dépouille les petits papiers. On écrit les questions au tableau. Voilà ce que ça donne :
 

Comment fait-on un enfant ? Par où sort-il ?

 

 

Pourquoi y a-t-il des femmes qui ont 5 enfants ?

 

Pourquoi certains enfants naissent-ils avant la date ?
Est·ce que la mère souffre quand elle accouche ?
Pourquoi faut-il un homme et pas une femme ?
Pourquoi certains enfants naissent infirmes ?
Pourquoi certains naissent par césarienne ?
Comment se produit une fausse·couche ?
Est-ce qu'une femme peut avoir un autre enfant après une césarienne ?
 

Poids d'un enfant à la naissance ?

 

Quand la femme accouche , est·ce que l'enfant peut rester coincé ?
 

 Pourquoi certains bébés meurent-ils à la naissance ?

 

 

 
A moi de jouer maintenant ?

 

Ils s'accroupissent devant moi et je montre les planches des livres en commentant simplement. Quelques sourires au début ... des garçons surtout. Ca passe vite ? Et ils écoutent, regardent attentivement, n'en perdent pas une bouchée !
 

Eric, lui, fait celui qui n'est pas intéressé. Il se tient à l'écart et dessine ... mais tout en écoutant, je crois.

 

Le temps passe vite ... la cloche sonne trop tôt.
La semaine suivante, je propose d'écouter les disques de l'I.C.E .M. : "Comment naÎt la viel', que j'ai eu le temps de me procurer.
 

"Vous n'êtes pas les seuls à vous poser des questions",

 

dis·je aux enfants.
Après l'écoute des disques, Isabelle remarque :
 

- Ils sont marrants les petits. Ils parlent de "ça" tout naturellement, comme ça.

 

J'ai fait un sondage sur la répercussion éventuelle dans les familles. J'étais un peu inquiète. C'est ma première année au C.E.G, et j'ai déjà pas mal de problèmes à cause de l'expression libre.
Brigitte : Mes parents ont dit que c'était bien d'apprendre ça à l'école. Les profs savent mieux expliquer et ils savent plus de choses.
Sophie : Moi, mon père, il a voulu savoir tout ce qu'on avait dit. Qu'est-ce qu' il était curieux ! Autrement, il n'a rien dit. (Son père est médecin et Président du comité local des parents d'élèves).
Alain, . Thierry et plusieurs autres :
- J'ai pas dit qu'on avait parlé de ça . Y'a pas intérêt ! Je me ferais engueuler ! ..
 

Philippe :Moi c'est pariel. Je pose des questions à ma mère, mais elle ne me répond pas.

 

Plusieurs autres, dont Isabelle, Régine, Marie·France, Corinne :
- Mes .parents n'ont rien dit.
Voilà. On avait parlé du sexe, tout simplement. Les enfants se sont intéressés à autre chose ... sauf Eric qui a continué à écrire des textes où je sentais ses préoccupations conscientes ou préconscientes .. .
Il lisait ses textes et me les donnait. Au début, je l'invitais à corriger le style, l'orthographe, ça l'ennuyait. Je n'ai pas insisté. J'ai gardé ses textes. Il ne les a pas encore réclamés.
L'expression libre lui aura ·t ·elle permis de régler certains problèmes ? Je ne sais. Ce que je peux affirmer, c'est que Eric est épanoui, s'est intégré peu à peu au groupe·classe. Ses parents sont morts quand il était petit. Une famille l'a adopté avec son frère et sa soeur.
 

Un moment, devant tous ces textes à dominante sexuelle, j'ai craint qu'il ne s'y complaise, pour montrer aux autres qu'il savait beaucoup de choses ; je l'interrogeais. Bruno, un autre enfant, a dit juste à ce moment : "Eric, j'aime bien tes textes, mais tu devrais changer de sujet". Les textes d'Eric ont alors changé. Aucun autre enfant n'a écrit de textes de ce genre, ni avant, ni après ceux d'Eric. J'ajoute aussi que les enfants n'ont pas écrit tout de suite des textes libres.

 

On a commencé des exercices de déblocage : écriture automatique, imitation de structures de poèmes d'auteurs, on a eu recours à la musique, au dessin.

 

Certains enfants se sont mis à écrire beaucoup de textes.

 

D'autres en ont écrit, deux, trois dans l'année.
D'autres n'en ont pas écrit du tout . Certains préféraient écrire des sketches et les jouer .
Que de découvertes encore pour moi ! Encore un moyen de connaître les enfants . Les sketches représentaient bien souvent des scènes de la vie conjugale, familiale. Je ne connais pas grand'chose en psycho et je sais qu'il faut être prudent avec le préconscient.
Mais je crois qu'on a des possibilités . Peut-être devrions nous piocher la question ? Peut·être existe-t-il déjà un groupe qui travaille là-dessus ?
Oui, je me pose des tas de questions.
Si l'enfant est noué par des tas de problèmes, comment peut·il être prêt à ingurgiter la grammaire et le reste ?
 

Alors, si on peut l'aider ?

 

Marie·France HERVE
La Petite Rivière - Paramé
35400 Saint·Malo