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En mathématiques, de la 6° à la 3°

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Septembre 1978
EN MATHEMATIQUE...
DE LA SIXIEME A LA TROISIEME
 
Deux orientations dans cet article en rapport avec les classes :
En sixième, l'accent a été porté sur la mise en place d'un travail coopératif ; d'où l'alternance entre travaux de groupe et séances collectives, entre la recherche individualisée et l'exploitation collective de ce travail. L'organisation pratique de ce travail coopératif est clairement décrite, les difficultés rencontrées aussi : l'élève ne passe pas facilement ni rapidement d'un état de dépendance à l'exercice de sa responsabilité.
En troisième, par contre, la conception du travail a été différente, et la part personnelle plus importante que celle du groupe dans le travail réalisé, même si le professeur essaye de maintenir des séances de recherche en groupe, sans doute à cause des bilans scolaires inévitables en classe d'orientation. Mais une place importante a été consacrée aux recherches et aux discussions sur les concepts mathématiques.
 
Je ne peux que livrer ce que j'ai fait durant cette année scolaire (76-77).
 
1. EN CLASSE DE SIXIEME
 
Mise progressive sur pied d'une organisation semi-coopérative dont la forme définitive (? ! ) a été la suivante :
 

• Contrat avec les élèves pour le travail à la maison sur une période de quinze jours (soit huit séances math.) :

- rédiger deux problèmes (ou en faire un et le corriger s'il est faux) du niveau certificat d'études, sous forme d'organigramme, méthode permettant de bien séparer les indications du texte des questions à chercher.
- Compléter quatre opérations à trous (multiplication ou division) et en inventer quatre autres avec le nombre minimum de chiffres laissés pour pouvoir la re-compléter.
- Faire deux fiches de calcul mental auto-correctives.
- Trouver deux exercices utilisant le cours de l'année et en inventer deux sur le même "patron".
Tous ces problèmes et exercices se trouvaient dans un classeur, sur fiches. Ce classeur circulait dans la classe durant l'heure et chacun choisissait son travail. Un plan de travail permettait de garder une trace sous forme de tableaux de ce qui a été fait.
 

• En classe, durant cette période de quinze jours, travail en groupe sur différents sujets :
Cartes perforées, triangle de Pascal, carrés magiques, carrés emboîtés, aires, bouliers.

Durant cette période, je m'occupais quelquefois d'un élève seul lorsqu'il avait des difficultés dans une sorte d'exercices demandés à la maison.
Chaque groupe préparait un moyen d'informer les autres de leur travail: affiches, montages diapos, résumé polycopié.

 

• Chaque période de huit séances était séparée d'une période de quatre séances où toute la classe était réunie :

- On discutait de ce que faisait un groupe qui présentait son travail.
- Quelques pistes s'ouvraient alors ainsi que des mises au point qui servaient de résumés de cours.
- Les plans de travail étaient arrêtés lorsque la classe était réunie, mais avant qu'ils me soient donnés, chaque élève essayait d'évaluer son travail à partir de tableaux récapitulatifs et de quelques réponses à "oui-non".
 

• Cette manière de travailler a eu plusieurs avantages :
- Prise de conscience de leur travail par les élèves.

- Nécessité d'une rédaction correcte ressentie comme un besoin de la communication aux autres.

- Suivi personnel de chaque élève beaucoup plus riche et, généralement, épanouissement des élèves bloqués.

 
 • Mais cette manière de travailler a aussi des inconvénients :
- Thèmes pas toujours assez riches pour recouvrir tout le programme (l'amélioration de ceci va être mon travail de juillet).
 
A la fin de l'année, les élèves ont pris conscience qu'il fallait prendre au début de chaque période de quinze jours, les exercices où ils ont des difficultés plutôt que de se précipiter pour choisir les plus faciles.
Je compte l'an prochain ajouter à cette structure de travail un "livre de vie" où seront rassemblés ce qui est produit et les pistes possibles trouvées par une discussion.
Je dois ajouter, pour plus de clarté, qu'il a fallu deux mois pour que l'apprentissage du travail en groupe soit vraiment fructueux, qu'ils étaient 23 et que l'an prochain en cinquième j'espère continuer avec cette classe à laquelle sera rajoutée une autre, ce qui portera le nombre d'élèves à 33 !
(Si certains désirent le montage diapos sur le boulier - techniques opératoires : addition, soustraction, multiplication, d'abord en base 10 ensuite en base 6 - je peux l'envoyer, c'est la seule production suffisamment compréhensible sans explication. Il y aurait peut-être également des affiches sur les fiches perforées et le triangle de Pascal) .



Document n° 1
Quelques exemples de fiches "math" pour la classe de cinquième (envoi de M.A. Ruhlmann)
 
LE NOMBRE QUI SE REPETE
 
Choisir un nombre à trois chiffres et répéter les chiffres dans le même ordre de manière à avoir un nombre à six chiffres.
Diviser le nombre par 7. Quel est le reste de la division ?
Diviser le nouveau nombre obtenu par 11.
Quel est le reste de la division ?
Diviser le nouveau nombre obtenu par 13.
Quel est le reste de la division ?
Quel est le résultat obtenu après ces trois divisions successives du nombre à six chiffres ?
Recommencer avec d'autres nombres en choisissant un nombre à trois chiffres différent à chaque fois.
Que remarque-t-on ? Expliquer ces résultats.
Obtiendrait-on la même chose en divisant d'abord par 13, puis par 11 , puis par 7 ? Pourquoi ?
 

AVEC UNE MACHINE A CALCULER
 
Votre professeur vous a donné à faire la division de 184153 par 237 sans chiffres après la virgule. Vous avez une machine à calculer et vous voulez l'utiliser pour ne pas avoir à faire cette division. Quelles sont les différentes manipulations que vous devez faire (taper sur telle touche de la machine, inscrire tel nombre) pour pouvoir poser la division demandée ?
Avez-vous un moyen de vérifier que la division est juste (même remarque: indiquez ce que vous faites).
Recommencez avec d'autres nombres et voyez s'il s'agit toujours des mêmes gestes à faire.
Si oui faites un organigramme correspondant à ce travail. Quelle égalité avec des moules pouvez-vous écrire ?

DES CERCLES ET DES POLYGONES
 
I. Dessinez un cercle et divisez-le en douze parties "égales". Pouvez-vous suggérer quelques règles pour joindre ces points?
2. Reviendrons-nous toujours à notre point de départ ? Pouvez-vous trouver un nombre (de sommets à sauter) tel qu'on ne reviendrait pas au point de départ ?
3. Quels sont les nombres pour lesquels on revient au point de départ après avoir fait un seul tour ?
Combien de fois doit-on faire le tour pour un nombre donné ? Et pourquoi ?
4. Combien formons-nous de polygones dans chaque cas ?
Que se passe-t-il si nous changeons le nombre de divisions du cercle ? Inventez la suite de ce problème.

AVEC UN PROJECTEUR
 
Fabriquez avec des barres de meccano un support dans lequel on pourra glisser des formes géométriques découpées dans du carton.
Découpez un carré, un disque et un rectangle dans du carton, et placez ces formes successivement dans votre support.
Placez le support entre le projecteur et le mur (parallèlement au mur).
Rassemblez dans un tableau les mesures des longueurs entre le projecteur et l'écran, le support et le mur ainsi que les mesures des dimensions des figures géométriques. Vous pouvez essayer de représenter graphiquement certains résultats. Que remarquez-vous ?
Voyez-vous une suite à ce problème ?
 
2. EN CLASSE DE CINQUIEME
 
Une classe de 29 élèves, extrêmement dure car 10 ou 12 d'entre eux refusaient tout ce qui demandait un travail effectif.
 En moyenne une heure et demi de travail par groupes sur divers sujets : problème du billard, classement des nombres, fiches perforées de 1 à 100 avec les diviseurs premiers, triangles numériques, nombres renversés...
 
Ces différents thèmes ont ouvert la discussion de manière très intéressante sur les sujets suivants :
- P.P.C.M., P.G.D.C.
- organigramme : lecture, utilisation, construction
- algébrisation pour justifier des résultats et les généraliser
- logique mais la plupart des exposés étaient mal faits et je devais apporter une importante part qui a peut-être fait que les élèves ne se sont pas pris en main.
 
3. EN CLASSE DE TROISIEME
Des élèves que j'avais déjà en classe de quatrième et qui avaient appris à travailler en groupe.
Une heure par semaine était réservée au travail sur fichier auto-correctif pour l'acquisition des mécanismes (genre B.E.P.C.), J'en ai construit entre 50 et 60, tous différents, généralement en un seul exemplaire (deux années de travail !).
Je faisais passer des tests à intervalles réguliers mais je souhaitais que cela se fasse plutôt à la demande. Cela suppose :
a) qu'ils sachent dès le début de l'année combien de mécanismes sont à acquérir
b) (utopie) que le corrigé du test fasse intervenir une indication statistique permettant de se placer dans la population de 3e.
 
Un certain nombre d'heures ont été bloquées pour des travaux en groupe sur divers sujets :
• géométrie des ombres - trigonométrie
• droites parallèles - Thalès, réciproques de Thalès, théorème de Desangres, homothétie
• déplacements dans le plan - isométries
• mise en équation - système à 2, 3 ou 4 équations avec les inconnues correspondantes
• avec un compas - ensemble de points équidistants (cercle, médiatrice...).
 
Cela a permis de s'apercevoir que les élèves avaient une vision très globale de la géométrie et que la construction linéaire et axiomatique ne leur est pas naturelle dans une première approche. J'ai terminé l'année avec 16 postulats admis et le reste correctement construit et je crois qu'ils sont mûrs pour trouver de l'intérêt à réduire le nombre des postulats et à passer à l'axiomatique.
Pour compléter cette approche, il y avait une part importante réservée aux devoirs (cinq dans l'année, un mois de cogitation par devoir). J'avais précisé dès la quatrième qu'il ne fallait pas s'arrêter dès la démonstration d'un résultat mais essayer d'explorer et de cerner l'objet mathématique mis en œuvre (par exemple s'ils ont réussi à trouver que ce que je leur propose est une loi de composition, chercher si l'on se trouve en présence d'un groupe, sans que je pose explicitement la question). A la fin de chaque problème je leur demandais une suite ou une proposition de suite (changer les hypothèses) .
Le premier devoir a eu une telle richesse de propositions que nous en avons tiré un dossier ("les carrés latins" ; il reste des exemplaires disponibles ceux qui s'y intéressent peuvent m'écrire). Tous les autres ont été passionnants mais le manque de temps a été trop grand pour les exploiter ainsi que la durée de la correction trop longue pour les élèves (une heure environ par copie! ). Je tiens à préciser que je favorise la discussion entre eux durant la période de gestation d'un devoir ainsi que la discussion avec moi ce qui est d'ailleurs fort intéressant. Mais la rédaction doit être strictement personnelle.
 
Pour clore le travail de cette année j'ai mis en route un "MATHEMATICA" bâti sur le modèle du RETORICA des profs de français mais qui est nettement plus modeste puisqu'il n'a que trente titres et que j'espère pouvoir adapter de façon plus proche de mon genre de travail que les livres. Je compte aussi sur les vacances d'été pour pouvoir le rendre plus opérationnel et peut-être en faire un outil pour les élèves (? ...).
J'avais aussi essayé d'entrer en correspondance avec un collègue de Touraine mais cela a été assez pauvre sans doute parce que nous travaillions de manière différente. Il me semble qu'il y aurait nécessité d'une pré-correspondance entre profs avant de s'engager avec les classes.
Marie-Alice RUHLMANN Ostwald
Document n° 2
MATHEMATICA
Mon "Mathématica" se compose de dossiers fermés d'un côté par des agrafes recouvertes d'une bande de papier portant le nom du sujet auquel se rapportent les documents se trouvant à l'intérieur. Ces documents peuvent être soit des travaux d'élèves, soit des morceaux de bouquins, soit des références au bulletin de l' A.P .M. (Association des Professeurs de Mathématique).
Voici la liste des titres actuellement existants :
 



Astronomie
Axiomes. d'incidence
Carrelages-papiers peints
Carrés la tins
Carrés magiques
Com binatoire-probabilités
Division Euclidienne
Distance
Droite affine
Droite graduée
Fiches perforées-logique
Figures géométriques planes
Géométrie des ombres
Géométrie Euclidienne
Graphes
Groupes
Histoire des maths
Jeux à stratégie
Jeux conduisant à l'algébrisa-
    tion
Numération
PGCD-PPCM
Polyèdres réguliers
Réels
Résolution géométrique d'un pb
Repérages- quadrillage s
Simulation
Structures fines nécessitant une
   étude exhaustive
Suites de nombres
Transformations
Triangle de Pascal
Vecteurs
Vitesse et temps.



 



Document n° 3



Liste des livrets autocorrectifs utilisés au niveau de la classe de troisième
 



• Somme, différence, produits de réels ( 6 feuilles différentes)
• Parenthèses ( 4 feuilles)
• Encadrements (5 feuilles)
• Quotients (7 feuilles)
• Equations (8 feuilles)
• Identités remarquables (5 feuilles)
• Polynômes ( 4 feuilles)
• Inéquations (3 feuilles)
• Radicaux (5 feuilles)
• Système de 2 équations à 2 inconnues (2 feuilles)
• Fractions rationnelles ( 4 feuilles)
• Trigonométrie ( 1 feuille).



 



J'entends par "feuille" une page d'exercices (format 21 x 29,7) suivie de la correction.
 
Document n° 4
 
PLAN DE TRAVAIL INDIVIDUEL n°      du .......... au ............
(mathématique classe de sixième )

 
NOM, prénom ..............................

Contrat

 

Evaluation

date

numéro

correction du numéro

 

J'ai amélioré la disposition de la solution des problèmes                                                    oui I non
J'ai amélioré le calcul
1. calcul mental                                           oui I non
2. dans les problèmes                                 oui I non
J'ai des difficultés particulièrement :

 

 

 

 

 

 

 

 

Calcul mental

 

date

numéro

correction de fautes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Opérations à trous

 

J'ai fait des erreurs en complétant une opéra­tion à trous du carnet                                                                oui I non
 
Dans les exercices, j'utilise correctement les définitions                                                   oui I non
 
En groupe, j'ai travaillé régulièrement, chaque heure                                    
                                                                   oui I non

date

numéro

nombre d'opérations
inscrites / carnet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Exercices

 

date

numéro

corrigé des exercices

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nombre d'heures d'absence .

 

Je pense que cette quinzaine, mon travail a été

 

Avis du professeur :

BON

MOYEN

INSUFFISANT

 

EN HAUSSE

STATIONNAIRE

EN BAISSE

 
             
Marie-Alice RUHLMANN
LES MATHEMATIQUES : POUR QUI ? POUR QUOI ?
 
Quelle est la finalité de l'enseignement des mathématiques au premier cycle ? Préparer au second cycle ? Mais combien d'élèves y atteindront ?
Dans un article de La Brèche (mars 1978) Edmond LEMERY écrit (je résume) : "Les trois thèmes (constructions dans l'espace - transformations du plan - combinatoire) pourraient constituer des éléments de programme plus naturels d'activités mathématiques au premier cycle, activités qui seraient préparatoires aux concepts plus abstraits du second cycle, toujours mal préparé par le premier, dans les programmes actuels".
 
LA FINALITE DE L'ENSEIGNEMENT DES MATHEMATIQUES
 
Ceci pose clairement le problème de la finalité de l'enseignement des mathématiques en premier cycle. Cet enseignement a-t-il pour seul but de préparer les élèves au second cycle ? Un chiffre : (référence "L'école capitaliste en France", Baudelot et Establet) : 80 % de jeunes d'une classe d'âge n'atteignent pas le niveau seconde-B.E.P.
Autrement dit : environ 20 % des élèves arrivent en seconde.
On peut ajouter que sur ces 20 % rescapés il n'y en a pas énormément de la classe ouvrière... Alors ?
 
LES MATHEMATIQUES : UN OUTIL ?
 
J'enseigne en C.E.T. Pour moi (ou plutôt pour mes élèves), les mathématiques c'est avant tout un outil qui peut aider à se défendre; pour un jeune de 16-17-18 ans qui va entrer dans la vie active, un outil que l'on acquiert bêtement à coups de recettes de cuisine (la comparaison n'est même pas juste, car pour faire une bonne recette de cuisine, il faut de l'imagination, de la création, de l'intuition, autant de qualités pratiquement inutiles en mathématiques...).
 
"Et notre rôle de formation de l'esprit logique dans tout ça ? " Il n'y a pas que les maths (et de loin! ) qui forment le raisonnement logique. Les mathématiques dites modernes sont d'ailleurs souvent encore plus dénuées de raisonnement et de synthèse que les autres. Exemple : Quel est de ces deux problèmes celui qui demande le plus de réflexion et de logique ?
1.      A =   { a, 1, carotte, huile         }
         B =  { 9, pomme, a, moto }
(entre parenthèses, ça se rencontre vraiment souvent ce genre d'ensembles dans la vie ? ) former A union B.
 
2. Les bas-côtés d'une route sont délimités par des bordures de ciment de 1,20 m de long.
Sur l'échelle de 1/20000 la longueur de la route est 432 m. Calculez le nombre de bordures. "Il faut leur apprendre à raisonner".
La vie de tous les jours, le français-philo, l'histoire, la physique-technologie, le dessin... n'ont-ils pas également largement leur part dans la formation du raisonnement ? A-t-on besoin des mathématiques pour apprendre à raisonner clairement ? Elles y contribuent en partie, en partie seulement.
Alors, quand j'entends des enseignants de T.M.E. (C.E.S.), d'ateliers (C.E.T.), dire que les élèves ne savent pas tracer une diagonale, calculer un pourcentage, ce qu'est un triangle isocèle, et s'en inquiéter, je pense qu'ils ont raison .
"Oui, mais cela, ils l'apprendront bien tout seul" : FAUX !
Mes gamins du C.E.T., fils de prolétaires et/ou d'immigrés, je préfère les amener de suite à savoir compter, lire une feuille de paye, plutôt que de les livrer aux patrons les mains vides (plus exactement, la tête vide! ).
"Oui, mais en C.E.T. ce n'est pas pareil" - FAUX ! Les élèves qui arrivent en C.E. T., ils viennent d'où ? De C.E.S.
Ce sont les 80 %
 
Jean-Yves SOUILLARD
Issy-les-Moulineaux