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Naissance d'une pédagogie populaire 1 - Voyage en U.R.S.S.

VOYAGE EN U.R.S.S.
 
    En fin de l'année scolaire 1925, Freinet se rend en voyage d'études pédagogiques en U.R.S.S. avec la première délégation d'Occident invitée par les syndicats du pays de la Révolution socialiste.
    Très fatigué physiquement, il part malgré les conseils alarmants de son docteur. Il sent le besoin de s'appuyer sur du neuf, de l'inédit, et de tourner définitivement le dos à la pédagogie statique qui en France garde si jalousement ses prérogatives. Il assiste au préalable à un Congrès national des Instituteurs, à Paris, où, bien entendu, il n'a pas l'occasion de parler en séance de ses expériences. Il file sur Bruxelles où se tient un Congrès de l'Internationale de l'Enseignement, et, en dépit des tracas que lui cause un accident de santé, il se décide à partir pour ce grand voyage vers l'Est. La délégation comprenait quelques Français, un Luxembourgeois, un Belge, une Italienne, un Portugais, des Allemands. Voyages par train jusqu'à Stettin, embarquement par bateau, mer déchaînée, malaises, épuisement... Mais, à Leningrad, accueil enthousiaste des syndicats russes, visites dont la délégation fixe l'itinéraire de manière à avoir une vue d'ensemble de la pédagogie russe. Freinet s'en va vers Moscou, et de Moscou à Saratov et Stalingrad.
    Dans ce dénuement des premières années constructives de la Révolution, dans cette pauvreté qui lui rappelle de façon si saisissante sa pauvreté de Bar-sur-Loup, il se retrouve. Cet élan qui anime si profondément les pédagogues soviétiques est son pain à lui, et sa seule richesse. Il a plaisir à pouvoir parler longuement de sa technique de l'Imprimerie à l'école et des perspectives qu'elle ouvre devant lui. Kroupskaïa, qui est alors ministre de l'Education Nationale, reçoit la délégation au Kremlin, et, dans une entrevue d'une cordialité spontanée, tout en mangeant des pommes offertes avec simplicité, les délégués écoutent de la bouche de Kroupskaïa les réalisations pédagogiques en cours et les créations à venir. Ce qui les frappe dans la parole du ministre, si humble devant l'immense tâche, c'est ce souci permanent de l'enfant, l'effacement de l'éducateur devant lui, l'ambition d'ouvrir des perspectives nouvelles à ses initiatives.
    Dans une petite brochure, « Un mois avec les enfants russes », Freinet relatera ses impressions sur les écoles soviétiques qu'il a visitées, et ses contacts avec les pédagogues russes.
    Il rentre précipitamment en France, remonte dans son village, pour voir où en est l'installation électrique mise en chantier depuis quelques mois. Il a créé là-haut un syndicat communal, et maçons, ouvriers électriciens, paysans, apportent leur part de besogne ; la source qui dévale vers le moulin a été captée ; la petite usine électrique a vu le jour ; et bientôt le courant apportera la lumière dans chaque foyer... Cette entente solide des travailleurs pour une œuvre commune le réconforte. Et c'est le retour à Bar-sur-Loup dans l'impatience de la rentrée.