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Salon de Nantes 2012 : discours de Christian Rousseau, président de l'ICEM

Dans :  Région Grand Ouest › 

Bonsoir à tous et merci de votre accueil,

Je suis en effet président de l’ICEM-pédagogie Freinet ce qui est un grand honneur mais surtout pas une reconnaissance car en PF on n’est jamais arrivé. Comme tout administrateur de l’ICEM, comme tout animateur de groupes départementaux, je suis avant tout un enseignant (en maternelle) qui a besoin des autres pour renforcer ses expériences, pour prolonger sa réflexion. En effet, la PF est avant tout une pédagogie sociale, une pédagogie de la rencontre.

L’an passé, c’était en avril, nous vivions des moments sombres où la résistance aux politiques d’exclusion étaient durement éprouvées, où la nécessité de se tenir chaud, de renforcer notre confiance était l’objectif du dernier salon.
Aujourd’hui le climat est plus apaisé. Cependant méfions nous ! Un Président normal ne peut qu’aspirer à la normalisation. Une politique normale se décline en expulsions normales de sans papiers, en gardes à vues normales, en enrichissement normaux pour des appauvrissements normaux, et puis on arrive rapidement à l’exploitation normale de gaz de schiste et à la construction normale d’un aéroport.
Gare ! Le retour aux écoles normales nous guette !
C’est pourquoi, ce qui s’annonce de réformes ne sera pas suffisant pour faire de l’école le lieu qui aide l’enfant à grandir.
Il nous faut maintenir notre vigilance très haut et ne rien céder à la compromission au prétexte que des changements s’annonçant, il faudrait laisser faire.
Il nous faut encore et malgré tout rappeler en permanence la nécessité de placer l’enfant au centre de toutes les questions qui se posent, que posent le système éducatif et des discussions en cours, car on voit bien la tentation qu’il y a dans les phases de négociation de vouloir envelopper des intérêts trop personnels des habits bienveillants de l’intérêt des enfants.
Souvenez-vous, il y a 4 ans, la suppression de 2 heures d’enseignement hebdomadaire avait soulevé des protestations de toute part affirmant communément que cela empêcherait l’enfant de grandir à son rythme, scolairement parlant, par une concentration horaire trop grande pour un programme trop dense. Il semble qu’à présent les choses aient changées, que les 24 heures hebdomadaires seraient suffisantes pour le temps d’enseignement (pour qui ?), que l’aide personnalisée aurait des vertus qu’on ne soupçonnait pas et que les enseignants auraient de gros besoins de temps de concertation … et de loisirs !
Alors quoi ? français/math le matin et math/français l’après midi ?
Si on réduit mon temps d’enseignement, cela veut dire qu’on réduit mon activité d’enseignant aux seules matières dites principales.
Or en pédagogie Freinet, nous avons besoin de temps partagé avec les enfants pour les accompagner dans leur cheminement, pour les mettre en confiance, nous avons besoin de temps partagé avec leurs parents pour leur permettre de prendre la mesure des enjeux de ce qui se fait à l’école. Il faut du temps pour installer les processus de création, d’expression, pour libérer la parole de chaque enfant, garantir une sécurité affective pour tous et que s’installent des interactions conduisant à des formes d’autorégulation.

Pourtant n’allez pas imaginer que l’enseignant Freinet est un moine soldat dévoué corps et âme à son métier.
Simplement, sa pratique le porte à prendre la mesure du temps de chaque enfant, chaque famille, temps qui n’est pas celui de l’école.
Simplement il est porté par l’enthousiasme de la vie qui s’installe dans la classe et de l’étonnement de l’inattendu qui s’offre à lui quand il regarde les enfants grandir.

En quoi la pédagogie Freinet est-elle une réponse pertinente à la problématique posée ?
Nos invités nous aideront à éclairer cette question centrale. Mais c’est aussi fort de notre expérience, de notre curiosité que nous pourrons vous convaincre, s’il en était, de l’évidence de la pédagogie Freinet.
Une école qui aide les enfants à grandir c’est une école qui n’empêche pas les enfants de grandir. C’est une école qui accueille l’enfant dans ce qui le constitue : son corps, son affectivité, sa famille.
Poser la question en terme freinetiste c’est penser « une école qui aide les enfants à s’émanciper ».
Quand vous circulerez dans les allées du salon, quand vous écouterez les conférenciers, pensez avant toute chose au prolongement que cela conduit. Ce prolongement ne se fera pas seul. C’est avec les autres que nous nous prolongeons. Les groupes départementaux sont des lieux où l’on construit sa reconnaissance pédagogique garante d’une certaine estime de soi, où on peut s’autoriser à dérouler le ruban de son propre cheminement.
Tout est là : bienveillance et expérience.

Un peu plus loin dans le temps, il y a le prochain congrès de l’ICEM qui se tiendra à Caen dans le Calvados du 20 au 23 aout 2013 et qui sera une sorte de continuité de la thématique de ce salon puisqu’il a été retenu comme fil rouge en filigrane, l’invariant qui dit que : « l’enfant est de la même nature que nous », phrase qui fait écho à ce que Korczak disait, s’adressant aux éducateurs : « Mesure les limites de tes capacités avant de fixer celles des droits et des devoirs des enfants. Tu es arrivé avant eux, c’est donc par toi qu’il faut commencer»

Bonne soirée et très bon salon