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Une classe à la recherche de l'autonomie

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Mars 1976

 

UNE CLASSE
A LA RECHERCHE DE L'AUTONOMIE
J'ai abordé la Pédagogie Freinet cette année, par très petites doses et ne suis pas parvenu à un modèle très éblouissant.
 
 
Je pense cependant fondamental (par expérience) que le désir de vouloir trop faire et surtout trop rapidement nuit beaucoup à l'accomplissement des comportements et des prises de conscience que nous voulons susciter.
Nos élèves comme nous évoluent entre des types d'éducation (familiaux ou scolaires) très différents et ce sont des réalités qu'il nous faut d'abord comprendre avant ou en même temps quenous les aidons dans leur évolution personnelle.Naturellement les techniques que nous utilisons favorisent cette évolution mais il me semblenécessaire de mettre en place d'abord avec les enfants un "climat" basé sur la confiance et le respect interindividuel. L'explication la plus détendue possible des attitudes, des réactions de chacun (c'est à nous les enseignants d'en être les catalyseurs) doit permettre de dédramatiser les relations entre nous. .. En même temps nous nous déculpabilisons mutuellement et prenons tous en compte les insécurités que nous vivons pour tout changement qui intervient dansla classe.
Ainsi pour illustrer cette réflexion d'intellectuel déformé (mais sans complexe) nous avons procéselon ce schéma pour prendre conscience ensemble des valeurs réelles de la sacro-sainte dictée.
Au premier trimestre j'ai alterné tous les quinze jours une heure de grammaire, leçon-exercices et un heure de dictée. Par petites touches, je distillais (je n'aime pas ce mot) quelques petitesdérogations à ce schéma traditionnel que les élèves connaissaient, par exemple :
- longueurs différentes pour la même dictée selon les élèves
- bonus de points pour les élèves les plus faibles
- texte de dictée emprunté à un texte d'élève ...
Au deuxième trimestre, j'ai espacé le nombre de dictées. Je les remplaçais par des séances de déblocage de l'imagination, (que tout le monde appréciait) et j'ai petit à petit supprimé les leçons de grammaire en leur proposant des recherches grammaticales partir du manuel de Mitterand "Itinéraire grammatical", dont certains exercices sont très bien).
Ce n'est qu'au milieu du 2e trimestre que j'ai introduit le fichier d'ortho de la CEL mais encore pas de fon systématique.Je profitais des erreurs commises dans leurs textes libres pour leur signaler les fiches à faire.
Parallèlement au 2e trimestre, nous avions une heure de travail libre par semaine. La réunion de classe instituée n'est venue qu'à la fin du 2e trimestre. Naturellement la question de la dictée et de la diminution inquiétante pour certains s'est vite posée. Il y a eu débat, puis le plus partisan de son maintien a proposé un sondage dont lesrésultats ont crié à l'évidence la parfaite inutilité de cet exercice (au 3e trimestre).Il est apparu clairement à tous que le seul rapport note influençait favorablement ou non l'idée qu'on avait de cet exercice. Quant à l'efficacité de la dictée pour apprendre l'orthographe, elle est apparue comme nulle. En plus tous ont pris l'engagement d'utiliser en tout ou en partie uneheure libre pour faire des fiches d'orthographe. (Dans les faits, l'engagement a été plus ou moinstenu mais ceci est encore un autre problème qui est l'utilisation que l'on réussit à faire de saliberté).
Cette démarche m'a intéressé car elle est le résultat de mon attitude "au coup par coup". Il y a deux ans (avant le Québec) j'aurais radicalimon attitude au départ et aurais fait le choix de ne pas donner de dictée depuis le début de l'année J'emploie le conditionnel car j'enseignais alors seulement l'anglais). Je n'avais pas non plus prévu l'évolution de cette prise de conscience collectiveet ne l'ai donc pas systématiquement dirigée. J'ai seulement conscience d'avoir donné quelquescoups de pouce et très honnêtement avec les enfants, nous avons cherché à analyser le problème et à en trouver les solutions.
J'ai, je le dis très objectivement, contribué à une prise de conscience individuelle , collective à un engagement de tous et de chacun sur une forme de travail que nous avons rejeté à l'unanimité.
Je vais donc plus loin dans mes conclusions temporaires ; j'ai oeuvré à certains moments dans une perspective autogestionnaire (c'est un bien trop grand mot pour nous !) de notre groupe. Tout au long de ces tâtonnements, je n'ai pas cherché à imposer mes idées et ai montré dans un cas précis (puisque je détiens certaines rênes) que j'étais prêt à reprendre le système une dictée par semaine si nous en décidions ainsi.
C'est je crois la confiance qui a existé en nous qui a permis surtout un heureux mon sens)
dénouement. Je me suis laissé un peu aller à mon travers préféré, le bavardage mais cette petite histoire me paraît très bien illustrer mon comportement de cette année ; ce qui m'a permis avec les élèves de passer une des meilleures années depuis que je suis pédagouine ! Cependant comme d'autres je ressens la difficulté du passage de l'individuel au collectif et tout particulièrement de l’écoute de l'un par tous les autres. C'est une prise de conscience difficile àacquérir pour les adultes, alors pour les enfants !
Nous avons cette année essayé au cours des réunions de classe de rechercher des formes qui aillent vers une meilleure écoute des uns des autres. Tout est en nuance, car si les règles sont trop strictes, cela nuit à la spontanéité.
R. et J .P. SINQUIN
5 65 30 Queven
 

 

 

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