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Conférence d'Hubert Montagner - 19ème Salon de Nantes

Dans :  Région Grand Ouest › Formation et recherche › 

 

Conférence Hubert Montagner à l’hôtel de région le 25 mars 2009

 
 
Introduction par Eric Cluzel. Il lit un article de « l’Humanité » qui raconte comment Freinet a été traduit devant le conseil départemental.
 
Montagner est en accord avec la philosophie, les démarches et les combats du mouvement Freinet pour former des citoyens accomplis.
Deux thèmes :
  • Le développement du petit enfant
  • Les rythmes
 
Il semble que le président de la République n’aime pas les enfants, au vu des dispositions prises depuis deux ans :
  • diminution du nombre de maternités, dans des petites villes notamment, qui posent des problèmes humains
  • congé maternité remis en question, pour la réduction de ce congé
  • devant le Sénat, le ministre de L’EN, s’étonne qu’il faille une formation bac+5 aux enseignants qui n’ont qu’à changer des couches… Hubert Montagner trouve cela insupportable. Cela prépare le lit pour le remplacement de la GS : les jardins d’éveil. C’est une coquille vide, il n’y a rien dans le projet, il n’y a pas de conceptualisation du projet.
Il s’agit de voir quelles sont les finalités de l’école maternelle : pour quelle société ?
 
Cette succession de mesures ne s’inscrit pas dans le hasard :
  • la maternelle coûte chère, il faut des structures d’accueil valables, et il faut tenir compte de la formation des enseignants. Pourquoi si peu d’allusions à la petite enfance dans la formation des enseignants ? Il faut repenser cette formation sans oublier la petite enfance.
 
Dans « l’arbre enfant … » , Montagner affirme qu’on ne peut comprendre les enfants si on ne prend pas en compte le fait que la sécurité affective est moteur chez l’enfant : il ne doit pas être en danger, maltraité, abandonné. Cette sécurité permet à l’individu de prendre confiance en lui, de développer de l’auto-estime. Cette sécurité affective est d’autant plus nécessaire pour les enfants en souffrance.
Les vraies questions, ce n’est pas l’auto-exclusion de la société, le trop-plein de mouvement, les enchaînements de violence mais quels sont les enchaînements d’insécurité affective.
Quand l’enfant est installé dans la sécurité affective, son langage oral peut se développer et ainsi libérer ses émotions. Cette libération lui permet de partager ses émotions pour être plus tard à l’écoute de celles des autres.
 
La narration contribue au développement de l’enfant. Raconter une histoire : quelle réaction pour les enfants insécures ?
 
Les enfants sécures :
  • posent des questions sur les émotions des personnages de l’histoire. Ils n’hésitent pas à entrer dans l’univers affectif des personnages.
  • libèrent leur attention auditive et visuelle soutenues. Ils sont capables de combiner les 3 dimensions d’un même message : symboles au tableau (info visuelle), gestuelle du maître (information visuelle), discours du maître (information auditive). les enfants communicants peuvent combiner ces informations.
  • Ils ont un élan à l’interaction très fort, et attirent de ce fait les autres. Leur répertoire social est développé (adhésion à notre discours, à nos situations mises en place…). Fondements de la socialisation.
  • Ils sont capables d’imiter et d’être imité.
  • Ils développent des habilités gestuelles, de la créativité
 
Ils libèrent ces 5 capacités et donc leur processus cognitifs qu’ils ont en eux depuis leur naissance. Tous les enfants ont ces processus, mais ces processus doivent être extraits des enfants en cours de développement.
 
Les enfants non sécures :
  • Ils ont une capacité d’attention visuelle faible, leur regard balaie le tableau. L’enseignant a l’impression qu’ils n’écoutent pas, en fait, ils ne regardent pas. Il leur manque la combinatoire entre visuel et auditif.
  • Ils ont très peu d’élan à l’interaction, peu de comportements affiliatifs. Ils développe nt des conduites de fuites ou d’hyperactivité ou s’enferment dans de l’autodestruction.
  • Ils hésitent à s’interroger sur les émotions des personnages, ils n’interrogent pas l’éducateur, ils s’éloignent et quittent la situation de narration, comme s’ils avaient peur d’entrer dans les émotions des personnages. Ils ont peur pour les personnages.
  • Ils ont un déficit d’habilités motrices
 
 
Trois leviers sur lesquels jouer pour s’insérer dans la sécurité affective :
 
Celui constitué par les éducateurs (crèches et école maternelle) en tant que personnes relationnelles (être humains avec affection et émotion).
 
L’enfant doit lier des liens avec ces personnes. La figure d’attachement sécure peut être pour plusieurs enfants. C’est d’autant plus important quand il n’y a pas d’attachement à la maison. L’insécurité est aussi créée par la culpabilité développée chez des enfants : on a alors un empilement d’insécurité affective.
Autre situation d’insécurité affective : avec ses pairs. L’enfant doit créer un groupe, non-hiérarchique, en coopérant et en s’entraidant avec d’autres. Les enfants ont en eux toute la gamme des éléments de la socialisation, dont l’entraide et la coopération, sachant qu’avant d’arriver à l’école maternelle, ils ont déjà construits des élans d’interaction, des comportements affiliatifs, des comportements de socialisation.
 
 
Aménager le temps pour que ce ne soit pas à contretemps des rythmes de l’enfant.
 
C’est la catastrophe dans notre pays. Cela fait plus de 20 ans que la communauté scientifique parle de cela : si on veut aider les enfants à se développer, il faut les considérer dans les 24 h. Ils se structurent par l’alternance du jour et de la nuit. Cela se construit très tôt (chez le fœtus de 6 mois déjà : coïncidence alternance jour/nuit avec la mère. Le fœtus s’agite au moment où la situation physique de la mère change, qu’elle se couche par exemple).
Quand ce rythme change, on a du mal à se remettre en phase (éclairée et obscure). Dans un cycle de sommeil, les deux derniers états attirent l’attention des scientifiques. L’hormone de croissance se développe chez les enfants pendant la phase de sommeil lent. Cela a des effets anabolisants et leur permet de fabriquer de la matière. Cette phase permet de reconstituer les protéines que nous brûlons en situation d’éveil. Cela joue aussi un rôle pour la récupération du sommeil.
Les enfants qui ont le sommeil interrompu en sommeil lent auront du mal à récupérer. Ils ne peuvent alors pas s’ajuster au message du maître. Pendant le sommeil paradoxal le cerveau est actif et il rêve. Cela sert à la consolidation de la mémoire.
 
Deux moments où les capacités d’attention sont faibles :
  • Entre 7 h et 8 h, car les enfants ont du mal à se réveiller. Les élèves en difficulté sont particulièrement concernés.
Il faut commencer à 9h30 pour donner à chaque enfant toutes ses chances. Puis, cela va jusqu’à 11h.
 
  • 14h30 – 16h30 , pour l’après-midi.
 
Cinq heures de travail dans la journée est un grand maximum, à 16h30, les enfants sont fatigués.
 
Semaine de 4 jours + nouveaux programmes :
Il s’agit de faire en 4 jours ce qui se passait avant en 4 jours et demi. Donc les enseignants accordent plus de temps au français, aux maths et au calcul.
L’enfant de CP doit suivre 10 h d’apprentissage formel en français, et 5 h en maths. Il n’y a donc plus de temps pour le reste. Les enfants doivent rester concentrer 15 h.
La journée scolaire en France est la plus longue du monde, et cela, sans compter les devoirs.
 
Le lundi est une mauvaise journée pour la pédagogie… avec les activités du week-end en plus. Les deux jours libérés le week-end peuvent provoquer une déstabilisation chez certains enfants.
 
Et que faire des enfants insécures qui vivent mal le milieu familial ?
 

Gérer les espaces pour allier corps et santé

 
On peut changer les choses, à condition d’agir sur ces leviers.
C’est au mois de septembre que l’on peut essayer d’agir sur ces trois leviers, pour sécuriser.
 
Questions :
 
Préciser ce qu’est le temps sujet, ou le temps-objet :
 
Temps sujet : l’enfant meuble comme il l’entend, il choisit (temps de 8h30 à 9h30). En classe, il faut un cadre mais on peut développer des interactions pour que l’enfant le vive comme un temps sujet, sans les enfermer dans des temps explicites d’apprentissages formels.
 
Un éducateur de jeune enfant intervient : il est surpris de la méconnaissance du jeune enfants chez les professeurs des écoles, il s’interroge d’autant plus par rapport aux réformes, il est inquiet.
 
Les enfants ne peuvent supporter la pression actuelle, même pour les bons élèves. 3h45, c’est trop. Il faut prendre en compte la personne qui est derrière l’élève. En ce moment, on peut constater que les enfants sont inquiets, anxieux, et qu’ils peuvent avoir du mal à dormir. Les mesures actuelles sont une catastrophe : augmentation du poids des fondamentaux et diminution de la semaine scolaire.
 
Au sujet de la personne qui peut aider l’enfant : quelles conditions créer pour être une « figure d’attachement » ?
 
Il faut s’intéresser à l’enfant, ne pas le maltraiter, le considérer, pour qu’il ne se sente pas en danger et accepter les élans affectifs des enfants.
 
En ce qui concerne la pression sociale : ce n’est pas nouveau (citation de 64), on en fait un réel problème que depuis peu.
 
On en parle depuis un moment mais l’opinion publique n’était pas forcément à l’écoute. Il faut utiliser des arguments crédibles.
 
Sur le 3ème levier, si je veux que mes élèves s’installent dans la sécurité affective, comment gérer l’espace de classe ?
 
Il s’agit d’allier corps et pensée dans la classe et hors classe :
  • escalier, plans inclinés, mezzanines, blocs de mousse, bacs à balles, pour qu’ils maîtrisent l’espace. Ils doivent le conquérir.
  • Dans les cours : aménagement pour que les classes d’âges différents puissent se transmettre des processus (escalade : prendre de la hauteur pour prendre de la hauteur, voir tout du dessus).
  • Espaces verts à l’extérieur : montagnes russes (buttes de terres engazonnées), labyrinthe, manchons
 
A propos du rythme de la semaine, du mercredi matin, que penser de mettre en place cinq jours consécutifs comme dans d’autres pays européens ?
 
Pour diminuer la durée de la journée scolaire, il faut prévoir l’accueil des enfants en dehors du temps pédagogique.
Donc, pour trouver du temps, il faut travailler le mercredi. Il n’y a pas d’autres solutions que le mercredi matin.
On peut accueillir en classe jusqu’à 11h, puis introduire un temps nouveau : des clubs culturels peuvent venir au sein de l’école et organiser un menu pour l’après-midi. Ils sont ainsi préparés cérébralement. Les enfants qui veulent garder leur enfant le mercredi après-midi pourraient le faire. Cela resserrerait les liens entre tous les acteurs qui tournent autour de l’enfant.
C’est de la responsabilité des pouvoirs publics de ne pas abandonner l’enfant. C’est un projet de société pour réduire les inégalités sociales.
 
Ce qui est proposé serait idéal, mais il y a déjà des problèmes de répartition selon les communes…
 
Il faut constituer un fond, par la région, pour ajuster aux besoins véritables des communes.
Au niveau national, une partie des fonds de pensions et des bonus pourrait servir à développer l’école pour tous.
 
Revenir sur la réforme : l’âge d’acquisition est réduit, il faut connaître les choses plus tôt, l’enfant est-il capable d’intégrer toutes les notions ?
 
Il ne faut pas faire de ségrégations, on accepte les enfants tels qu’ils sont. On ne doit pas raisonner en terme de précocité de compétences. Ce n’est pas l’âge qui compte, c’est d’accéder aux compétences quand l’enfant est prêt, quand il a envie d’être prêt. Dans les pays scandinaves, c’est différent. Il faut accepter l’hétérogénéité.