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logo blog Les programmes 2008 seront-ils bientôt un mauvais souvenir ?

Billet d'humeur

Nous aurions tant aimé qu’en septembre 2012, il y eût la suppression des programmes 2008, au moins un moratoire, mais le projet des rythmes scolaires du ministère a mobilisé tous les acteurs éducatifs jusqu'en juin 2013... et ce n'est pas fini.

Aujourd’hui, tout le monde semble d’accord pour décrier ces programmes et les qualifier de passéistes. En effet, n’expriment-ils pas la nostalgie de l’école du début du 20e siècle avec ses apprentissages fondés sur des textes « sacrés » et appris par cœur, avec son autorité du maître et du manuel indiscutables et avec sa discipline rigoureuse qui règlementait l’espace et le temps scolaire ?  
« Les élèves écrivaient sans faute, résolvaient des problèmes, connaissaient l’histoire de France… », ce fantasme de la bonne école cache la réalité de l’époque : plus de la moitié d’une génération d’enfants quittait l’école sans le certificat d’études.
C’est aussi oublier un peu vite que l’école était inefficace pour de nombreux enfants, ce qui a fait émerger l’Éducation nouvelle avec ce principe : si le système pédagogique ne fonctionne pas, ce ne sont pas les enfants qui sont incapables, mais le système.
Nous en sommes toujours là !
Nous ne sommes pas dupes, cette volonté passéiste n’est pas désintéressée, elle répond à des critères économiques et à une certaine idéologie : certains enfants n’ont pas les capacités requises, ils doivent être orientés vers des études courtes et l’apprentissage ; certaines cultures familiales sont inférieures ; du mérite individuel dépend la réussite scolaire… bref, le système scolaire n’est pas responsable. Les projets libéraux pour l’école qui fleurissent en ce moment sont prêts et attendent leur tour !
 
Entre  autres… sujets de fâcherie de ces programmes 2008  

L’objectif affiché de ces « nouveaux programmes » 2008 était l’obtention du Socle commun avec une focalisation sur « lire-écrire-compter » en simplifiant, morcelant et empilant les connaissances. En réalité, ils sont à l’inverse de l’esprit du préambule du Socle commun qui rappelle que pour accéder à la complexité du monde, il faut viser la transversalité et la pluridisciplinarité.
 

La « pédagogie » par les manuels scolaires 

Puisqu’il n’y a plus de formation, le compagnon idéal de l’enseignant devient le manuel scolaire. La circulaire de la rentrée suivante ne se prive pas de le rappeler :  
« À l'école primaire, l'usage de manuels scolaires conformes aux programmes, dans l'esprit et dans la lettre, permet aux professeurs de disposer d'outils pédagogiques de référence et aux élèves de consolider leurs apprentissages. Leur choix par les équipes pédagogiques s'appuiera utilement sur les méthodes d'analyse qui leur seront proposées par les corps d'inspection dont le rôle est aussi de veiller à la présence et à l'usage de manuels adaptés aux programmes ; car l'on n'enseigne pas sans livre, pas plus que l'on n'apprend sans livre, la photocopie ne pouvant en tenir lieu. »
Ce sont les éditeurs scolaires qui se frottent les mains !
 
Une programmation du temps absurde
Avec des horaires spécifiques et cloisonnés, une programmation annuelle qui dénie les cycles, ce sont 24 heures compartimentées, morcelées en disciplines et sous disciplines, le tout en conformité avec les manuels scolaires et ses petites leçons illustrées qu’il faut bien apprendre, faute de temps, à la maison ou avec les associations d’aide aux devoirs.
L’histoire de l’art entre dans les programmes, mais les pratiques artistiques et culturelles ne trouvent plus de place dans ces 24 heures compressées.
Une triste certitude : le fossé se creuse davantage pour les enfants qui n’ont que l’école pour accéder à la culture.
 
L’éducation civique dénaturée
 L’éducation à la citoyenneté se réduit à l’instruction civique et morale. Dès le CP, on vise en premier l’obéissance, les réflexes du bon écolier : se lever quand un adulte entre dans la classe ou quand il entend la Marseillaise, les formules de politesse, et les « maximes illustrées » de morale. « Coopérer à la vie de la classe », se réduit à effectuer les services de distribution et de rangement, on est loin de la coopération et de la vie de classe.
Au Cycle 3, sur le registre de la transmission, de l’injonction souvent, doivent être étudiés aussi bien la règle de droit, que les différentes règles de politesse, de sécurité, les préventions des risques, les refus de discrimination, que l’étude des institutions françaises et européennes.
Cette accumulation passive de connaissances, dispensées par des leçons, ne peut remplacer la pratique quotidienne de la citoyenneté par une participation active et responsable des enfants aux différents moments de leur vie scolaire.   

Des évaluations sanctions
Et pour suivre, surveiller la bonne application des programmes, on ne regarde plus les progrès réalisés, on met en chiffre les acquis ou les non acquis des élèves. Les comparaisons entre enfants, enseignants et écoles sont ainsi plus faciles...
 
 
Les mesures accompagnant les programmes 2008 – l’aide personnalisée, les stages de remise à niveau, la suppression de la carte scolaire, la répression financière contre l’absentéisme… – n’ont pas amélioré les résultats de notre système éducatif qui restent excellents pour les bons et très bons élèves et toujours aussi médiocres pour les autres, voire même calamiteux pour 20 % d’entre eux.
 
Les nouveaux programmes 2015 retrouveront-ils l’ambition de ceux de 2002 ?
– Des programmes ambitieux, mais « bienveillants » pour tous les enfants sans exception qui suppriment la pression des notes et des évaluations, la performance individuelle et la culpabilisation des échecs et qui mettent en lumière les progrès.
– Des programmes qui n’enferment plus chacun dans des catégories et qui offrent des espaces et des temps pour se projeter, prendre sa place, devenir des sujets et à distance de toute violence.
– Des programmes qui attisent le désir d’apprendre, de savoir, de comprendre le monde dans sa complexité avec la conscience d’appartenir à l’humanité.
– Des programmes qui établissent d’autres modes de relation entre les personnes, entre les connaissances et les cultures où la coopération prend le pas sur la compétition.
– Des programmes qui permettent l’autonomie, la prise de responsabilités dans la visée de conduire l'enfant vers l'homme ou la femme, un citoyen ou une citoyenne capable de prendre sa place dans la société et d’agir à son tour sur elle.
 
Pour le contenu des différentes disciplines, il faut espérer que l’intérêt de l’enfant et de son avenir l’emporte sur les intérêts particuliers.

Quelques espérances… encore !
La consultation des enseignants sur les programmes donnera l’occasion aux équipes enseignantes de réfléchir ensemble sur l’école et son avenir. Il en faudra d’autres.
Les enseignants ont besoin de temps de concertation.
 
La participation des mouvements pédagogiques sera essentielle pour l’élaboration de ces nouveaux programmes. 
Ils sont prêts.
 
Mais que deviendront ces nouveaux programmes 2015 sans une formation initiale et surtout continue des enseignants ?  Et dans ce domaine, la pédagogie Freinet aura tant à partager : son expertise, ses réflexions, ses expérimentations, ses pratiques, ses outils, ses stages… !
Le mouvement Freinet est prêt.

 

Le 26 septembre 2013