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L'autogestion en situation

Octobre 1979

 

L'AUTOGESTION EN SITUATION
 

Cet article est un montage de textes rédigés par quelques participants â un stage autogéré. Il nous parait révélateur du questionnement que provoque la communication.

 

L'absence de "structures de travail pré-établies", d'animateurs patentés, de "garde-fous" institutionnalisés n’on t-ils pas permis de susciter des moments de vie nécessaires â la mise en place d'un vrai travail coopératif, plus authentique parce que plus conscient des possibilités et des limites de chacun La question estouverte ...

 

INSTITUT COOPÉRATIF DE L'ÉCOLE MODERNE (Pédagogie Freinet)
Stage Régional Bourgogne·Champagne autogéré 1976
 

Château de MELIN, commune d'Auxey-Buresses (Côte d'Or) du 1/9/76 au 8/9/76

Vivre huit jours ensemble en s'inventant collectivement nos structures de vie. Y aura pas de cuisinières, de repas servis, d'organisateurs, d'activités toutes prêtes, d'emploi du temps préétabli, de gentils animateurs.
Mais y aura des copains pour vous accueillir, un vrai château, un parc, tout ce que vous apporterez.
 
HÉBERGEMENT
Apporter son couchage
Il y a soixante·dix lits (matelas, couvertures) répartis dans quinze chambres, des chambres vides où on peut s'installer, quelques emplacements de tentes (pas de place pour les caravanes)
- N.B. on n'occupera les lieux qu'après avoir pris collectivement une décision sur nos structures d'habitat.
 
MIAM-MIAM
Premier jour : apporter largement pour ceux qui peuvent (buffet collectif)
Après : matériel : apporter comme si camping pour huit jours et si possible gros
barbecues
• cocottes
• camping·gaz
gamelles
• etc.
Organisation des repas et ravitaillement à décider sur le tas.
 
ACTIVITÉS
À décider sur place en fonction des désirs, des compétences, des apports.
- Y aura un dépôt CEL
- Si vous pouvez, si vous voulez apporter tout le matériel dont vous pensez avoir besoin et que vous pensez mettre à la disposition des autres
le petit : par exemple chiffon, colle, ficelle, papier, vieux habits, ciseaux, etc ...
le gros : par exemple métiers à tisser, instruments de musique, piano à queue, appareils ... y compris limographe, imprimerie, audiovisuel et n'oubliez pas les travaux réalisés dans les classes.
 
LES ENFANTS
On organisera sur place la prise en charge apporter peut-être jeux, livres etc.
 
PRIX
100 Francs adultes, 50 Francs enfants, prix de la location des lieux, de l'assurance, de l'organisation matérielle.
Le prix de la bouffe et du matériel utilisé, du chauffage si besoin est, n'est pas compté.
 
ACCUEIL
Voir fiche plan des lieux
- On peut arriver le mercredi à partir de 10 heures
- Assemblée générale - Prise de décision à 14 heures - Soyez tous là car c'est là qu'on mettra en place les structures de vie :
habitat
• bouffe
• enfants
• activité
 
 

Sur les quarante-et-un stagiaires dont les noms ont été retrouvés à la date où parait cet article,on recense :

 

Cinq premier degré Côte d'Or

 

Onze premier degré d'autres départements

 

Quinze second degré Côte d'Or

 

Quatre second degré d'autres départements

 

Un non-enseignant

 

Cinq premier ou second degré (on ne se rappelle plus) venant d'ailleurs que de la Côte d'Or (dont un allemand).

 

Sur ces quarante·et·un stagiaires une dizaine se connaissaient bien ou assez bien. Les premier degré et le second degré de Côte d'Or ne se connaissaient pratiquement pas avant le stage. Il y avait en plus une quinzaine d'enfants et d'adolescents. Pas de chiens, chats ou autres animaux familiers.

 
Septembre 1976 : Fin du stage. Les participants qui désirent écrire quelque chose sur le stage peuvent l'envoyer à l'un d'eux (désigné à l'avance, bien sûr).
Septembre 1976 · Novembre 1977 : Des textes arrivent.
Novembre 1977 : Post-stage. Une vingtaine de participants. Une quinzaine font un montage à partir des textes. C'est ce que vous allez lire ci-dessous. On peut se procurer l'intégrale des textes en écrivant à
 

Marie SAUVAGEOT

 

1 Quai Galliat

21000 - DIJON et en joignant 5 Francs en timbres.
 
Après ces huit jours, je ne pouvais décemment plus garder mes oeillères ... J'ai bien été obligé de prendre conscience (je devais m'y refuser jusqu'à présent) de mon attitude sociale et de tout un tas de problèmes inconscients. J'ai consulté un psychologue pour m'y aider, après le stage. Je crois bien que si le stage avait fonctionné d'une autre manière (genre Domois par exemple), j'aurais pu me jeter encore longtemps de la poudre aux yeux ... Je m'explique : cette situation tout à fait inhabituelle pour moi a fait naître chez moi, un sentiment d'insécurité très intense (...)
Pendant tout le stage j'ai eu le sentiment d'être écrasé par des gars et des filles parfois bien plus jeunes que moi
(J'ai 24 ans) et qui pourtant ont déjà pris conscience de tout un tas de choses que je soupçonnais tout juste ...
J'ai eu le sentiment de me sentir exclu, abandonné ... Sentiment entraînant des perturbations intenses, des tensions ... se traduisant par des troubles psychosomatiques tels que la transpiration excessive (mais pas la transpiration saine d'un bon effort physique). Ce complexe d'infériorité qui s'est manifesté tôt dans l'enfance (j'en ai conscience maintenant, et l'école n'y est pas pour rien !) m'incite à refuser les situations sociales où je pourrais me trouver en situation d'inférieur. Qu'est-ce que j'ai pu être crispé pendant ces huit jours ! Tu vas me dire, pourquoi t'as pas exposé tout ça au groupe ? Pas si simple ... J'aurais peut-être bien voulu ... Ça m'a été impossible. J'aurais pas pu proférer un son. ·
Heureusement que personne n'a essayé de me récupérer comme ça se fait sous prétexte de sociabilité, sinon je passais à côté ...
A part ça, je crois quand même que L'Éducateur a mal présenté la chose. Plus de précisions ne seraient pas mauvaises ... (dans l'annonce des stages Bourgogne-Champagne, et plus particulièrement du stage autogéré).
En tout cas, cette formule me paraît excellente, à condition dtre bien averti.
On pourrait bien sûr essayer de parcourir le chemin que le groupe de Melin a parcouru avec des enfants d'une classe, mais j'ai pas l'impression que les parents du Charolais me laisseraient le tenter.
J'ai peut-être pas choisi le bon stage ... mais les journées entièrement minutées de Domois, elles me donnaient aussi des boutons ....
Je ne pense pas être le seul à avoir été déçu par, disons, le manque de travail à un niveau plus pratique de la pédagogie Freinet. .. J'attendais autre chose ... Je ne pensais pas que l'autogestion et un travail certain de pédagogie"à court terme" soient incompatibles ... Je ne le pense toujours pas vraiment.
 

René, le 21 septembre 1976

 
Une des choses du stage qui m'a le plus marquée c'est le bonheur de caresser les autres, de sentir une caresse.
Quand je parlais aux autres, j'avais envie de les toucher, de les prendre par les épaules, de leur faire une bise et j'osais le faire et cela ne faisait pas de problème, c'est-à-dire que j'avais un désir de contact physique avec l'autre et que mon geste se faisait normalement sans que s'élève entre mon désir et le geste une barrière (celle de se demander par exemple, comment ce geste pourra être interprété par l'autre). Je savais d'instinct à cause de l'ambiance qui s'était créée que mon geste serait accepté d'une façon naturelle. J'ai été étonnée de cette libération de beaucoup d'entre nous. Cette sensualité diffuse dans le stage ne signifie absolument pas qu'il y ait eu une atmosphère de "partouze", c'est-à-dire de quelque chose de crispé autour du sexe. Un point noir pour moi comme pour d'autres d'ailleurs je crois, c'est que tous les stagiaires n'aient pas pu participer à cette fête des sens, soit à cause de leurs problèmes personnels, soit à cause de leur attitude qui faisait que, vis-à-vis d'eux, un certain nombre de barrières me revenaient : je ne savais pas comment je serais reçue, perçue. Quand je dis que, pour moi, j'ai ressenti que l'atmosphère n'était pas crispée autour du sexe, cela veut dire que les caresses données aux autres et reçues des autres créaient une sorte de calme sexuel, tout en veloppant le désir ; mais un désir pas forcément fixé sur une personne et, je crois, beaucoup plus favorable, si le stage avait duré plus longtemps, à des relations plus riches, avec des individus précis (plus riches parce que moins tendues, moins explosives, moins le résultat d'un désir longtemps comprimé).
Je trouve extraordinaire le nombre de gens avec qui j'ai eu envie de faire l'amour, même des gens que je connais depuis un certain temps, avec lesquels il ne me serait pas venu l'idée de faire l'amour auparavant ; et le désir des caresses des femmes, de leur faire des caresses, cela je ne l'avais jamais éprouvé et cela m'a bouleversée.
Une chose qui m'a étonnée énormément, c'est de ne pas sentir le fossé entre "génération" que ce soit dans les discussions générales, ou par groupes, ou à l'atelier "jeu dramatique", ou partout ailleurs. C'est très chouette quand on a quarante ans de se sentir accepté dans sa totalité, d'une façon naturelle, par des jeunes de vingt,vingt-cinq ans, et c'est très chouette aussi de sentir que l'on parle un langage qui ne tient pas compte de la différence d'âge et d'expérience.
Le lendemain soir, il y eut la séance de l'atelier de massages dont je me suis sentie frustrée, parce que je n'en avais pas eu connaissance et que j'aurais aimé y aller. Donc je suis partie me coucher très tendue et je sentais que j'étais trop tendue pour pouvoir dormir et j'ai eu envie d'aller leur dire, à ceux de l'atelier, que ce ntait pas chic de faire des ateliers comme ça sans en parler à tout le monde. Je me suis assise sur le perron, tremblante des pieds à la tête, entendant leurs rires et leurs discussions dans la pièce juste au-dessus de moi. Je me sentais terriblement seule et exclue, mais je n'arrivais pas à me décider à aller leur parler.
J'avais peur de leur réaction, j'avais peur de paraître idiote à leurs yeux, mesquine, ou je ne sais trop quoi ; j'avais peur aussi de ne pouvoir maîtriser mes mots.
Au bout d'un moment, malgré tout, une force est montée en moi qui m'a permis de monter les marches du perron, de frapper à la porte et de leur dire que je me sentais frustrée. Je ne suis pas restée longtemps, mais les quelques paroles qui m'ont é(é données, de même que le fait d'avoir pu dire ce que j'avais à dire ont permis à mon corps et à mon esprit de se détendre et je suis partie me coucher. Les affaires de Gérard étaient restées dans la tente et j'avais le désir très violent qu'il reste encore à coucher avec moi et en même temps, je savais très bien qu'il ne le ferait pas pour plusieurs raisons que je comprenais très bien. Un peu plus tard, il est venu chercher ses affaires. Nous avons parlé un peu de l'atelier de massages, comment il s'était créé, comment lui en avait eu connaissance. Puis il m'a dit que le groupe de l'atelier avait décidé de boire du thym et il m'a invitée à venir avec eux. Je n'osais pas trop et puis je me suis décidée pour ne pas paraître leur en vouloir, puisque, maintenant, je ne leur en voulais plus. Nous avons bavardé, ri,
Thérèse m'a fait des massages faciaux. J'ai rejoint ma tente seule, mais j'ai bien dormi, j'étais détendue.
 

Annie E.

 
Premier jour : assemblée générale ... nous décidons ... les repas des enfants ... le matériel, .. les dortoirs ...
Deuxième jour : assemblée générale ... activités ... afficher panneaux activités ... quelques-unes ... parler apprentissage de la lecture et de l'écriture ... les problèmes d'organisation de la classe sont envisagés ... l'utilisation du magnétophone dans les· classes.
Troisième jour : utilisation du limographe ... l'imprimerie ... Assemblée Générale du soir : les mères ... le problème de la prise en charge des enfants (1) ... les seules à s'en occuper. .. Le lendemain une Assemblée Générale rassemblant les enfants. Assemblée Générale à propos de la visite d'un journaliste (2) aucune décision ne sera prise ...
Quatrième jour : l'Assemblée Générale ... 3/4 d'heure de retard ... signifiant... article ou non ... la discussion s'enlise ... catacombes ... peu clairs envers nous-mêmes ... le soir une grande bouffe ...
Cinquième jour : pas dormir avant deux ou trois heures du matin ... jeux dramatiques se poursuivent... la quasi totalité du stage y participe ... vider les poulets et éplucher les légumes pour toute la collectivité en chantant.
l'après-midi un vielleux ... une soirée de danse ...
Sixième jour : encore jeux dramatiques ... ceux qui restent libres plutôt que de glandouiller. .. décident de discuter sur la pédagogie Freinet... nous décidons de faire un papier annonçant une réunion "fonctionnement du stage" ... l'Assemblée Générale qui devait commencer à 14 heures débute à 15h30 propositions d'envoyer l'argent à la C.E.L. en difficulté et à divers mouvements politiques.
CONCLUSIONS : pour ma part, bien qu'ayant obtenu une réponse partielle à ce que je cherchais : l'apprentissage scolaire - plus par des discussions que par des techniques précises - j'ai été satisfaite de ce stage. Ce stage autogéré était pour moi la première expérience de ce type et cela m'a beaucoup apporté en ce qui concerne la vie de groupe :
- difficulté : s'insérer dans un groupe déjà en partie constitué
- richesse : discussion avec des gens que je ne côtoie pas habituellement et qui m'ont beaucoup apporté sur le plan des relations humaines. Cette forme de stage m'apparaît comme quelque chose à poursuivre, car ce n'est pas en un séjour que l'on peut tirer des conclusions objectives. Le fait que le groupe, bien que non homogène,ait réussi à prendre en charge tous les problèmes matériels sans défaillance et sans échappatoire est quelque chose de très positif.
Ce que j'ai trouvé de très positif c'est qu'à aucun moment un membre du groupe 21 n'ait cherché à prendre le pouvoir et à s'octroyer le rôle de chef ou de responsable.
En fait durant ce stage la prise en charge individuelle a été mise en évidence. Chacun y a trouvé ce qu'il était en mesure d'assumer face aux autres.
 

Marie-Noelle

 
Comment vais-je vivre huit jours avec des gens dont beaucoup sont des inconnus, en sachant très bien ce que je veux, ce que je ne veux pas, sans pouvoir bien préciser ce que je viens chercher dans ce stage ?Les gamins vont-ils m'empêcher de faire ce que j'ai envie ? Seront-ils heureux pendant ces huit jours ?
C'est donc avec une confiance inquiète que je suis arrivée à Melin. Au dernier moment j'ai même hésité à partir ...
Et huit jours après je n'avais pas du tout envie de rentrer et de quitter ceux que je commençais à connaître.
A propos du départ, si une telle expérience se renouvelle, je souhaiterais que tous soient sur la ligne de départ à la même heure, car j'ai trouvé très dur à vivre ces départs successifs trop échelonnés dans le temps.
Pendant ces huit jours j'ai bien mangé et bien bu pour pas cher, mais j'ai peu dormi.
J'ai par contre accroché quelques atomes avec ceux du 21 premier degré et des isolés au cours d'activités plus ou moins sauvages, en tout petit groupe, simplement "comme ça". J'étais bien avec Sabine et Régis à la recherche de la chicorée et du houblon sur la route d'Orches ou avec Denise, René, Martine ... au bout du monde quand la corneille mangeait les teaux sur le toit de ma voiture et ne voulait pas partir ...
J'ai beaucoup apprécié la vie que les jeunes ont apportée dans le stage avec leur musique, leur danse, leur façon d'être et de discuter. Ils m'ont beaucoup attirée, mais j'ai toujours eu l'impression que j'avais plus besoin d'eux qu'eux de moi. Comme j'avais peur d'imposer, ma relation avec eux n'est pas allée très loin et je le regrette.
Quant aux trois enfants que j'avais amenés, je crois qu'ils ont été heureux après une courte période d'adaptation. Ils ont pu faire ce qu'il leur plaisait, se sont laissés apprivoiser par de nouvelles têtes, ont découvert des activités et ont vécu des moments dont ils parlent encore : qu'ils soient allé piquer des pommes dans le village où qu'ils aient découvert "la pièce aux costumes" ou la cabane au fond du parc. A part les deux premiers jours, les enfants ne furent pas un poids pour moi et j'ai beaucoup apprécié cette liberté jamais connue au cours des week-ends ou des stages précédents.
 

Marie

 
"0h, moi, à Melin, je changeais de papa tous les soirs ! "
 

un enfant (ravi!)

 
1) Ce que, avec ma tête ou ma lorgnette j'avais pensé ou observé avant Melin :
Une absence déclarée de structure cache toujours une structure implicite et provoque
a) L'angoisse, l'inquiétude, l'agressivité chez certains.
b) L'écrasement de ceux qui ont du mal à s'exprimer, à s'extérioriser verbalement ou qui se sentent très mal dans un groupe sans repères. Les autres, merci, ça ne va pas trop mal, et, si ça va mal, on pourra toujours pousser un coup de gueule.
c) un pouvoir d'autant plus incontrôlable qu'il est caché, diffus.
2) Je pense que l'absence de structure doit être compensée par des recours possibles très nombreux et qui n'utilisent pas seulement la parole (cf. les affiches à Melin ; problème des enfants, du bruit...). Il faut de multiples possibilités, trucs, outils, dont les participants puissent se servir pour remettre en cause ce qui se passe ou crier :"au secours", "ça ne va pas" ou "je m'ennuie". A cet égard, l'Assemblée Générale me semble un moyen relativement peu efficace (il faut oser causer devant quarante personnes et prendre le risque de passer pour un(e) con(ne)). Vous me direz que quand on a réussi à oser ... L'Assemblée Générale, ce serait bien, si tous les participants avaient la même capacité d'intervention et les mêmes éléments d'information.
3) Les douches collectives c'était bien. C'est con de se doucher toujours tout seul.
4) L'atelier massage, il fallait oser le proposer et le faire. J'en menais pas large !
5) Et, un jour, le plaisir de ME faire cuire MA telette sur MON réchaud et dans MA poêle. Et j'ai mangé quand MON frichti a été cuit, sans attendre les autres.
6) Horrible, beaucoup, beaucoup, le dernier jour. Le panneau du grand Jacques pour dire adieu le matin. Et puis les gens qui partaient les uns après les autres. J'en suis encore tout retourné rien que d'y penser ...
7) Le groupe qui avait préparé le stage avait demandé que deux petites chambres soient laissées libres. Comme ça on pouvait s'isoler, tout seul, à deux, à plusieurs, quand on en avait assez des dortoirs ou qu'on voulait faire un peu l'amour. Ça serait bien de faire ça dans tous les stages l.C.E.M ....
 

Gérard

 
- La difficulté de réunir une Assemblée Générale quand il n'y a pas de règles, quand le temps est à nous.
- L'impossibilité d'engueuler le responsable puisqu'il n'y en a pas.
- La manière très lente de progresser dans la réflexion sans compter le nombre de voix pour ou contre. Attendre que la décision mûrisse.
- Sur un plus long temps de stage, serait-il possible que chacun ne fournisse pas la même somme de travail, certains se défilant un peu devant les tâches quotidiennes ? (dont moi, qui culpabilisais plus ou moins).
La première fois que je démystifiais un bal à partir de ce bal de copains.
La tendresse pour certains et certaines pas toujours exprimée en mots. Des fois ça vaut mieux, on a le bénéfice du doute. Des fois ? ç'aurait pu être chouette si... la rencontre était réelle.
 

Jacqueline

 
La réunion doit démarrer à 18 heures. Les gens se pointent à 19 h 30. Moi, bonne poire, j'étais là à 18 heures (par respect pour le groupe). Alors dedans moi, ça devenait agi, je dirais même facho. Je tricotais, je tricotais ...
Un pull entier (du quatre ans, mais quand même !)
Dites, le coup de refuser le vote, qu 'est-ce que vous en pensez ? Moi, ça me laisse sceptique. Enfin y a le tricot...
La dernière réunion sur le partage de l'argent m'a exaspérée. Le jeu infernal. (Une manche entière, que j'ai terminée !).
D'ailleurs on a l'impression, dans ces cas-là que la loi implicite traque les, comment di t-on déjà, les mitigés, les mous, les modérés, qui ferment prudemment leur gueule.
Sur l'ensemble du stage : ben, c'était intéressant, parce que, vu que les cartes étaient brouillées et que les repères habituels manquaient, chacun avait ses petites révélations personnelles ...
Moi, par exemple, j'ai vécu dans la panique. Une peur dingue des jeunes. La différence d'âge, c'était comme une violence qui m'était faite. Face à eux - je les parais de toutes les vertus (beauté, intelligence, vitalité, liberté, j'en passe ...) je n'arrivais pas à exister. Du coup, la panique a gagné presque toutes mes relations avec les gens.
J'ai regretté qu'on ne soit qu'entre enseignants (ou presque). Je rêve d'un stage mixte avec d'Autres. (C'est d'ailleurs un ve un peu maso, j'ai l'impression qu'on en prendrait plein la gueule).
Et puis il y avait la fameuse règle non formulée, donc très présente :"Il n'y a pas de règle". Je me suis dit que tout groupe a peut-être des lois, mais que, quand ces vaches-là sont implicites, elles sont encore plus féroces ; on met du temps à les trouver, on les sent qui rôdent et, pendant ce temps, on s'écrase. Enfin, c'est peut-être complètement con, ce que je dis là. Faut bien meubler ...
Sur les activités :
Ce qui est rendu possible, grâce à l'absence de structure, c'était la recherche des désirs, leur découverte, la plongée dedans. Aventureuse et difficile.
On a quand même beaucoup voyagé début septembre !
 

Evelyne

 
C'est donc au niveau des relations, de la communication que j'ai (et sans doute qu'on a) eu, je pense, le plus de difficultés à réussir une "autogestion". C'est d'ailleurs à ces problèmes-là qu'on se heurte en matière de pédagogie plut qu'à des problèmes matériels auxquels on donne souvent trop d'importance et qui voudraient être la cause d'échec ou de réussite.
On a touché du doigt des trucs drôlement importants qui se sont avérés délicats, voire impossibles à résoudre de façon satisfaisante dans le groupe : là on avance, là on évolue (ou pas). Le problème de la prise de décision, des moyens de communication, le travail, la famille, la sexualité. Tous ces trucs-là on t été abordés ou effleurés, pas toujours par tout le monde, mais dans les petits groupes, "les ateliers'; les discussions sauvages, même en Assemblée Générale; des fois ça fermentait dur !
Je suis bien arrivé au stage avec certaines idées concernant l'appellation du stage, et en particulier sur le terme "autogéré". Si effectivement sur le plan matériel j'ai eu l'impression que ça tournait plutôt bien (la prise en charge des tâches et des problèmes matériels a été assurée par tout le monde et tout le temps ; dans l'ensemble on a plutôt bien vécu, bien bouffé, bien bu ...) Les problèmes sont plutôt apparus à un niveau relationnel; à savoir est-ce que tout le monde a pu s'exprimer dans des conditions satisfaisantes ? II est évident que non. Je crois qu' il y a bien des raisons à ça, je vais essayer d'en mettre quelques-unes qui me viennent à l'esprit. Ce n'est pas limitatif.
- groupes déconstitués et faisant donc, involontairement d'ailleurs, barrage à certaines relations.
- procédés de communication insuffisants (A.G., affichage). Il faudrait pouvoir communiquer avec les personnes individuellement ou par petits groupes, de telle manière que certaines barrières puissent tomber.
- on a chacun sa personnalité, on est grande gueule, petite gueule, feignant, fatigué, agressif, tout un tas de trucs qui ne facilitent pas non plus la communication.
- on n'a pas l'habitude de se dire, de se montrer, de sentir certaines choses, et en une semaine tout ne peut pas sortir.
La plupart des gens que j'ai rencontrés à Melin, m'ont paru avoir un peu le même désir de vivre un peu autrement, de communiquer avec d'Autres.
On est tous dans la même galère, sauf que ce n'est pas une galère, c'est mieux que ça ...
Non mais, sans blague, c'était bien chouette.
 

Pierre - 26 mai 1971

 
 
(1) On demande aux parents de laisser les gens responsables de toute liberté d'intervention auprès des enfants, ce sera difficile car le niveau de tolérance n'est pas le même pour tous.
(2) A la suite de la discussion il se dégage deux prises de positions. La majorité du groupe Freinet 21 est pour un article écrit par elle-même. Les gens venus de l'extérieur sont en majorité contre la parution de cet article. Un stagiaire fait une critique, à mon sens assez juste, de la presse, il est percutant et agressif ; face à cette position tranchée, la majorité des gens ne supportent pas cette attitude de remise en cause pourtant assez objective, répond par une agressivité massive ; ce que le stagiaire ne supporte pas : il quitte la salle, laissant un malaise général s'installer.