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Limites du journal scolaire, avantages et inconvénients

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Limites du journal scolaire

Avantages et inconvénients

 

Intérêt du journal scolaire

En PS-MS (Petite et Moyenne Section de maternelle), la confection d'un journal  requiert un investissement majeur, une place centrale dans la vie de la classe. Avec des enfants plus âgés, elle devient une activité annexe. Par définition, ce média a pour finalité première de diffuser vers l'extérieur des productions internes à la classe. Il permet de communiquer certaines investigations, de mettre en lumière des « morceaux choisis » de tranches de vie. Il rappelle les aptitudes précoces  des enfants à utiliser dessins et textes pour exprimer réflexions, pensées profondes ou fruits de leur imaginaire. Le journal s'adresse  à l'environnement immédiat, aux classes, aux écoles alentours, aux parents. En pédagogie Freinet, il est souvent l'un des éléments de la correspondance scolaire. Il met en valeur l'expression enfantine et peut rendre compte aux partenaires culturels (bibliothèque de quartier, théâtre) et administratifs (mairie, hiérarchie) des investissements de la classe. Le journal laisse une trace témoignant de pratiques alternatives à la pédagogie du modèle. Il permet, a posteriori, de repérer les évolutions techniques et cognitives d'individus et du groupe-classe. Il est un thermomètre de l'évolution qualitative d'une représentation se complexifiant. Les éléments se multiplient. Les personnages et les évènements sont contextualisés. Le journal évolue au cours de l'année avec l'histoire de la classe, au cours de la scolarité avec  l'âge des enfants. Et plus les enfants grandissent, meilleure est leur contribution à sa réalisation (dactylographie, mise en page, recherche documentaire). Le journal scolaire est aussi un support de l'action éducative pour la co-formation, l'échange, l'émulation entre collègues.

En début d'année de PS-MS, le journal est d'abord l'attribut des MS, plus âgés, ayant acquis une dextérité graphique et aptes à symboliser des personnages et  associer un commentaire à un dessin. Ce premier journal est composé essentiellement de dessins commentés.  Les Petits (PS) y sont associés progressivement, en fonction de l'évolution de leur savoir-faire graphique, de leur prise de conscience et de leur intérêt pour les activités de la classe. En début d'année, les Moyens peuvent avoir un vague souvenir de l'objet « journal scolaire » pour peu qu'ils aient connu sa publication en Petite Section. La classe à cours multiple assure ce luxe de laisser à chacun le temps de grandir et de mûrir raisonnablement.

 

Au delà de la vitrine

Lorsqu'il n'est pas ponctuel, le journal du genre « dessins commentés » est un prolongement de l'expression libre graphique comme pratique de classe. Cette activité offre à l'enfant la possibilité de s'approprier le langage graphique pour s'exprimer et émettre des hypothèses sur son environnement immédiat et le monde, pour mieux (se) comprendre. Elle implique une procédure particulière exigeant l'implication des éducateurs et l'investissement des enfants « s'apprenant ». Elle nécessite le temps de la répétition. La liberté de l'expression résulte d'un travail d'entrainement, la spontanéité n'y suffit pas. Elle s'enrichit de la ritualisation de la mise en condition de créer. Dès l'enfance, l'individu parvient à dépasser les  lieux communs par exercice et non par génie. Savoir manipuler un outil et l'utiliser pour (se) dire ne se décrète pas. Patience et retour sur l'ouvrage en sont les artisans. A mille lieux du laisser-faire et du laxisme, la libre expression se conquiert par l'effort dans le travail. Pulsion de vie et capacité à différer les plaisirs veillent à son épanouissement. Goûter à la jouissance de parvenir à exprimer, sublime les tâtonnements et les essais douloureux. La liberté de maîtriser toujours mieux un outil d'expression, un langage, décuple les forces et le sentiment de puissance de son auteur. Concrètement, l'expression peut se libérer grâce à un cadre strict. Il s'agit de respecter un rituel spatio-temporel adéquat, de choisir des outils adaptés et de garantir la bienveillance au sein du groupe-classe. Les critiques sont bienvenues pour promouvoir l'émulation. L'imitation, l'entraide et la coopération sont encouragées car elles s'inscrivent  dans le processus de tâtonnement et d'expérimentation conduisant à la réussite.

 

Vertus de l'imprimé

Imprimer, publier, c'est jouer dans la cour des grands. C'est se poser de sérieuses questions éditoriales, résoudre des problèmes techniques comme utiliser le feutre de taille et de couleur convenables pour résister au photocopiage noir et blanc. C'est découvrir des manières variées de mise en forme à travers bande dessinée, écriture manuscrite, photographie et modification de formats. La publication  aide à mesurer l'impact de la Une. Elle conduit au tri de l'information par domaine, rubrique ou numéro spécial : fictions, récits de vie, textes d'imagination, informations scientifiques, recherches mathématique, etc. L'impression met à distance dessins et textes devenus « articles de presse ». Elle facilite l'analyse de rédaction.

La principale vertu du journal scolaire est d'ancrer l'apprentissage de l'écrit-lire sur le travail graphique et rédactionnel des enfants. Les lecteurs sont sensibles au contenu des « articles » du journal car ils en connaissent les auteurs, camarades de classe. Rédacteurs eux-mêmes, les enfants s'interrogent alors plus facilement au sujet du sens, des motivations et des techniques utilisées. Ils analysent le travail des autres de l'intérieur, en connaisseurs.

 

Préserver la libre expression

 Après quelques numéros publiés, les enfants ont compris le sens de la consigne : «  Pendant que vous dessinez, vous réfléchissez à ce que vous allez dire de votre dessin. ». Le maître a une oreille attentive pour capter les dictées des enfants. Puis il compose la maquette virtuelle par sa lente découverte des technologies de la communication car, lui aussi, apprend de l'expérience et s'adapte. Ses connaissances pédagogiques s'enrichissent de ses observations et de ses interrogations lorsqu'il se retrouve, lui-même, en situation « d'apprenant ». Le métier se peaufine par ce va-et-vient permanent  de la théorie à la pratique et par la confrontation avec des pairs bienveillants. A l'usage, le maître reconnaît la valeur de la libre expression et l'obligation de la protéger. Dans la salle de classe où  a été édictée la loi du respect de chacun, dessins et textes libres sont préservés. Le journal scolaire les livre en pâture aux interprétations et critiques du monde extérieur. Anticiper les risques auxquels la publication du journal expose induit la question de la censure.  Instinctivement, les individus équilibrés pratiquent l'autocensure. Ils découvrent très tôt des subterfuges aptes à protéger leur expression du regard d'autrui et d'éventuels discours malveillants. En PS-MS, le journal  vient peut-être prématurément mettre à la lumière du grand jour l'expression profonde de très jeunes enfants incomplètement prévenus et préparés aux astuces des pirouettes de l'échappatoire. Le maître doit les y aider. La question de la censure doit être posée et débattue. Au fil des publications, des règles sont définies, des interdits énumérés : respecter un certain niveau de langage, ne pas citer de noms de la classe,  se camoufler, utiliser des symboles, transférer des situations, etc.  En fin d'année de PS-MS, la participation des Petits a cru, créer des rubriques, des numéros spéciaux devient une nécessité. La post-paration alimente inévitablement toute réalisation du journal scolaire semée de problèmes techniques à résoudre, de réponses à compléter,  d'erreurs à corriger. Contrairement à l'expression libre, incontournable technique pour préserver et entretenir l'équilibre des enfants, le journal scolaire n'est pas un indispensable pédagogique. Il est seulement un instrument de pédagogie active reflétant l'implication de sujets vivants contant leur histoire et interprétant le monde. Il est un outil évolutif à respiration propre. 

 

 

Marseille, mai 2014

Jean Astier