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Entrez, c'est ouvert ! (une expérience vécue en 2013-2014 en PS-MS)

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Article publié dans Le Nouvel Educateur n° 200 « Les parents à l'école ».
 


 

En début d’année scolaire, m’inspirant directement de ce que pratique une camarade, j’avais informé les parents de la classe de PS-MS que je souhaitais que l’anniversaire de leur enfant soit une journée de partage vécue entre le groupe et ses parents, le mettant ainsi « à l’honneur » ce jour-là.

Il s’agissait pour lui/elle de venir avec une ou plusieurs photos depuis sa naissance et de nous raconter l’histoire de sa vie, avec l’aide de son papa et/ou de sa maman. Il pouvait aussi ce jour-là apporter un objet qui lui tenait à cœur, ou nous présenter une activité, un loisir qu’il aimait pratiquer, en somme une tranche de sa vie en dehors de l’école.

Beaucoup d’élèves ont alors apporté des panneaux sur cartoline ou sur support rigide, voire sur une « bâche », illustrés, légendés par les parents, parfois accompagnés du faire-part de naissance, d’une comptine…

Un des élèves vint un jour avec son lapin, plus âgé que lui, et pesant 5 kg ! Ce fut un moment inoubliable pour tout la classe : on touchait, caressait l’animal, affrontait ses peurs. Il y avait là, dans tous ces moments vécus, quelque chose de vivant, où l’enfant, mais ses parents également, pouvaient se sentir véritablement accueillis.

La classe devenait un lieu ouvert, dans une école où, comme dans beaucoup d’autres, l’accès au bâtiment -sous la surveillance de la directrice postée à l’entrée- et dans les salles de classe était très réglementé mais non écrit.

J’avais pour ma part décidé dès le début d’année de m’affranchir de ces carcans que je considérais inutiles et aliénants, ce qui, ajouté au jugement négatif porté par certains de mes pairs sur la façon de faire fonctionner la classe, m’attira par la suite beaucoup d’ennuis et provoqua mon départ au bout d’un an, résigné ; mais là n’est pas notre sujet.

Le point culminant de ces moments de partage fut la proposition de Christine, maman de Victor(1), de vivre cette journée d’anniversaire en forme d’enrichissement mutuel, de créer quelque chose avec le groupe, sur un thème d’apprentissage : les lettres et les prénoms. On pourrait opposer ici : « Attention, chasse gardée ! La pédagogie, c’est mon affaire. Chacun à sa place. » Ce ne fut pas ma position. Je pourrais en exposer les motifs... J’accueillis la proposition de C. avec bienveillance et nous nous mîmes au travail, nous concertant en dehors des heures de classe. Elle avait déjà, en amont, fait un travail de préparation remarquable, tant dans la démarche que dans l’organisation matérielle ; je dois ici préciser qu’elle est professeure d’arts appliqués en CFA. Le travail proposé était donc solide.

Évidemment, j’eus le réflexe de penser à la faire agréer comme intervenante extérieure ; je consultai donc en ligne les textes réglementaires : les délais ne permettaient pas d’entrer dans ce cadre, nous approchions de la fin de l‘année. Je décidai, là aussi, en conscience, de m’affranchir de ce que je considérais comme un carcan inutile au vu du bénéfice que pouvait tirer le groupe de cette expérience.

Nous organisâmes donc une suite de 3 séances où se mêlaient arts, écriture, lecture. Le dispositif était le suivant : les cinq équipes déjà constituées - N.B. : je parle d’équipes et non de groupes, en référence à la pédagogie institutionnelle : elles ont donc été constituées par la technique du « sociogramme-express »(2)- travailleraient sur une toile de 80x80 cm préparée en amont par C., sur laquelle se trouvait peinte en grand à l’acrylique l’une des lettres du mot ÉCOLE ; cinq lettres, cinq équipes, tout avait été prévu ! Les trois séances de travail consisteraient, par superposition de techniques successives, à enrichir ce matériau de départ, sous le guidage d’un adulte : 2 parents dont C., 1 ATSEM titulaire, 1 ATSEM stagiaire, l’instituteur. Le travail final fut une œuvre d’art collective. Remarquable par sa qualité artistique, mais aussi par tout le cheminement qui avait permis de la réaliser...

Je pourrais approfondir en décrivant le prolongement de ce travail : Mail Art, adressé aux parents. C. avait tout prévu ! Vous l’aurez compris, il y a dans cette expérience en particulier mais aussi dans celles vécues au long de l’année avec les parents, un positionnement politique auquel je tiens. Mais de cela nous pourrons peut-être reparler…

José Antonio Tomé, instituteur

(1) Les prénoms ont été changés.
(2) Vasquez, A., & Oury, F. (1971 ; réédition, 2000). De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle. Vigneux,       Matrice. p. 520-537