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logo blog L’École Freinet doit devenir l’Institut des nouveaux Éducateurs Prolétariens, 30 novembre 1936

Une vision globale de l’éducation qui sort largement des murs de l’école. Ici, l’éducateur se préoccupe de tous les  temps hors famille de l’enfant : son éducation, son alimentation, ses loisirs, ses vacances… L’éducateur professionnel, mais aussi le travailleur se retrouvent  et œuvrent ensemble dans ces activités en dehors des heures de classe.

Une vision globale de la formation également avec un lieu unique pour toutes ces différentes activités éducatives.
Une utopie toujours à réaliser !
 
 
« Nous avons l’avantage – qui est payé, croyez-le, par de bien durs sacrifices – de pouvoir considérer le problème de l’éducation dans toute sa complexité globale.
Nous montrons, par notre réalisation, que l’action individuelle et sociale de l’école proprement dite est bien plus réduite que’on ne croit communément, que la salle de classe ne devrait être que le complément naturel d’une vie harmonieusement organisée, et que l’école proprement dite ne saurait être séparée ni de la vie des adultes, donc des réactions sociales et politiques, ni de la formation physiologique des individus, c'est-à-dire de tout le problème initial de la santé et de la vie.
Cette conception totalitaire de l’éducation a une importance primordiale dont se persuadent peu à peu – grâce à l’action persévérante des pionniers de l’éducation nouvelle – tous ceux qui ont charge de l’enfance.
C’est parce qu’ils l’ont comprisse que nos camarades administrateurs des municipalités ouvrières ne se contentent pas seulement d’améliorer les locaux scolaires, mais pensent en même temps – et parfois avant – à organiser des cantines, des écoles d’anormaux, des patronages, des terrains de jeux, des colonies de vacances.
Le problème éducatif a délibérément débordé l’école. Et il est encourageant que ce soient des administrateurs ouvriers qui aient les premiers admis et réalisé ce fait aujourd’hui incontestable dont devront bien peu à peu se persuader les pédagogues à œillères et les exploiteurs conscients ou inconscients de l’école prolétarienne.
Il n’en reste pas moins que cette conception nouvelle de l’éducation pose un certain nombre de problèmes et de tâches dont la technique pédagogique actuelle n’a point étudié la solution et dont l’urgence pourtant ne fait plus de doute :
– Comment sera réglée l’alimentation dans les cantines ?
– Comment seront conçus et organisés les terrains de jeux ?
– Comment préparer les responsabilités des patronages ? Selon quels principes ? Avec quelles directives ?
– Quelle sera la pédagogie dans les écoles d’anormaux ? Où seront formés ces éducateurs d’enfants délinquants que le Ministre voudrait maintenant recruter pour humaniser ces établissements tant décriés ?
– Quelles activités offrir aux enfants, dans les camps et colonies de vacances, dans les organisations d’enfants ? Selon quels principes ?
A toutes ces questions pourtant essentielles, nul organisme à ce jour n’est en mesure, pratiquement de répondre. Les éducateurs eux-mêmes qui se dévouent pour œuvrer, en dehors des heures de classe, soit dans les patronages, soit dans les diverses colonies de vacances, sont désorientés par la nouveauté des besognes qui s’offrent à eux et auxquelles il ne leur a jamais été donné de réfléchir. Quant aux camarades ouvriers qui, plus méritoires encore, ne craignent pas de s’improviser éducateurs – ou mieux : entraîneurs – ils sont capables d’initiatives de génie, certes ; mais ils useront une énergie précieuse à redécouvrir – avec des tâtonnements dangereux et de graves risques d’erreurs – ce que notre expérience pourrait aujourd’hui leur offrir.
Dans le chaos complexe de ce réseau d’initiatives extra-officielles, nous pouvons affirmer sans fausse modestie, que nous sommes les seuls à pouvoir apporter quelque clarté. Mieux : il faut que ce soient nos idées qui triomphent dans l’organisation naissante si l’on ne veut pas que l’orthodoxie et la routine reprennent leurs droits pour étouffer à leur naissance tant d’initiatives généreuses et enthousiastes.
Outre notre effort de dix ans dans le domaine de l’éducation nouvelle, nous menons ici, depuis un an, une expérience qui est, à tous points de vue, du plus haut intérêt. Ce que n’enseignent pas les écoles officielles, cet élan nouveau vers la vie et l’éducation synthétique, cet effort d’organisation harmonieuse de l’activité enfantine dans tous les domaines, nous sommes maintenant en mesure de les présenter à tous les éducateurs ainsi qu’aux camarades ouvriers qui désirent s’occuper de l’enfance.
C’est à leur intention que nous allons faire de notre école l’INSTITUT DES NOUVEAUX ÉDUCATEURS PROLÉTARIENS, où tous ceux qui s’intéressent à l’enfance viendront puiser directives et conseils.
Nous continuerons, certes, par nos publications, à divulguer notre œuvre. Mais rien ne vaut, pour s’imprégner d’un idéal et d’une technique, la vie, ne serait-ce que quelques semaines, dans une communauté de recherche et de travail telle que la nôtre.
Nous sommes donc en mesure de recevoir dans notre École Institut tous les camarades éducateurs professionnels ou non qui veulent se perfectionner dans une des branches que nous avons indiquées ci-dessus. Outre le spectacle édifiant de nos réalisations, il sera organisé des cours théoriques qui complèteront la leçon efficace des faits et de la vie.
Dès que les engagements seront assez nombreux, nous prendrons des mesures pour offrir à nos grands élèves des conditions de séjour certainement compatibles avec les possibilités économiques des associations et municipalités désireuses de préparer méthodiquement des entraîneurs expérimentés pour les œuvres vitales dont ils prennent l’initiative. »
Célestin Freinet