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logo blog Coup d’œil de fin d’année et tâches à venir, 15 juillet 1937

Un bilan de l’année que Freinet juge très satisfaisant. Le mouvement a dépassé pour la majorité des enseignants, les seuls objectifs d’utilisation de l’imprimerie dans les classes,  il est devenu un acteur reconnu de la rénovation de l’École pour qu’elle réponde aux besoins des enfants certes, mais aussi aux nécessités de la société moderne. Les réalisations quotidiennes des techniques de l’Imprimerie à l’École sont de plus en plus connues et suivies et permettent de rêver l’école populaire et l’École nouvelle.

Freinet porte beaucoup d’espoir dans la jeunesse enseignante qu’il trouve très sensible aux propositions du mouvement. Il faut continuer la double action : créer et améliorer le matériel au sein de l’Imprimerie à l’École tout en visant l’agrandissement du cercle pédagogique qui de développe autour.
Pour l’avenir, Freinet énonce quelques pistes dont la création d’une nouvelle collection, les Brochures d’Éducation Nouvelle Populaire, qui seront à petit prix pour permettre à un grand nombre d’enseignants de se les procurer et ainsi d’étudier les principes essentiels de la pédagogie populaire.
 
« L’année a été marquée, ont souligné quelques camarades, par une sorte de changement de font de l’Imprimerie, qui prend conscience de sa rapide évolution vers une action de masse.
Nous sentons, d’une part, la nécessité de nous lier davantage encore entre camarades conscients, possédant l’esprit Imprimerie à l’école et de freiner plutôt que d’accentuer la divulgation commerciale de notre matériel qui doit toujours rester au service de notre idéal et des buts pédagogiques que nous poursuivons.
Nous l’avons déjà déclaré fermement à Nice : ce qui nous importe, ce n’est pas de vendre des milliers de presse, mais de donner vie, activité et puissance à un groupement de camarades qui, sachant tout ce que nos techniques apportent de nouveau et de libérateur, sont décidés à collaborer fraternellement, à apporter leur travail et leur effort à notre entreprise de rénovation et d’adaptation de l’école populaire française.
Mais, d’autre part, les idées que nous défendons depuis dix ans, font aujourd’hui rapidement leur chemin dans la masse des éducateurs. Rares sont maintenant les instituteurs ou professeurs qui ne connaissent pas l’Imprimerie à l’Ecole ; l’idée de l’expression libre de l’enfant a désormais triomphé dans le domaine pédagogique et est sur le point de bouleverser tout notre enseignement.
Pour cette masse d’éducateurs prêts à nous suivre, mais hésitants devant les perspectives de transformation rationnelle de l’enseignement il nous fallait faire un dernier effort. C’est pour les diriger et pour les aider que nous avons mené une action profonde qui a eu un grand retentissement.
Nous avons publié, en cours d’année, sous forme de numéros spéciaux de l’Éducateur Prolétarien, des documents de toute première valeur dont l’influence sera certaine sur l’évolution de notre pédagogie populaire : numéros sur le Nouveau Plan d’Études Français, sur l’École Nouvelle Unifiée de Catalogne, sur la Réforme du Certificat d’Études.
Nous avons gagné à cette action une compréhension plus large et plus sympathique de nos réalisations. On avait tendance à croire que notre mouvement pédagogique n’était que l’Imprimerie à l’École et que, de ce fait, il ne pouvait intéresser tous ceux – et ils sont nombreux – qui ne se sentent pas encore en état d’introduire l’imprimerie dans leur classe. Nous avons montré que nous avions des objectifs autrement profonds et importants, basés certes sur l’expression libre par l’Imprimerie à l’École, mais qui débordent considérablement le simple emploi de notre matériel.
Nous avons élevé cette année notre mouvement pédagogique jusqu’à en faire le seul effort français de réadaptation de l’École, non seulement aux besoins actuels des enfants, mais aussi aux nécessités matérielles et sociales qu’impose l’évolution moderne.
Il nous a été facile de prouver, dans ce domaine que nos réalisations matérielles et techniques rationnelles orientent de façon décisive et plus que les meilleurs discours, notre école populaire vers l’École nouvelle de nos rêves. Les éducateurs nous comprennent et nous suivent. Avec notre vieille garde d’imprimeurs, avec les milliers d’éducateurs qui nous approuvent, nous irons plus hardiment encore, plus témérairement de l’avant.
 
***
Dans cette action nouvelle, nous nous sommes trouvés en contact plus spécialement avec les jeunes instituteurs qui sentent plus profondément que vous autres les tares que nous dénonçons. Notre Congrès de Nice a été très significatifs à ce sujet : il a été un exemple émouvant de l’enthousiasme que notre effort est susceptible d’éveiller au sein des masses enseignantes.
Il nous faut continuer cette double action, qui se confond d’ailleurs durant un bon bout de chemin puisque la mise au point incessante que nous faisons au sein de notre groupe, le matériel que nous ne cessons de créer ou d’améliorer seront la plateforme qui attirera tout particulièrement les éducateurs.
Nous verrons plus loin nos projets de travail pour notre groupe. Disons tout de suite ici l’action à envisager pour agrandir encore autour de nous, le cercle pédagogique qui se développe autour de l’Imprimerie à l’École et qui, telles les ondes à la surface de l’eau, va s’élargissant toujours.
Si nous voulons progresser, il faut :
1) Que nous fassions connaître notre matériel : Imprimerie à l’École, correspondance, fichiers, bibliothèque de travail, disques, etc.
2) Que nous donnions des indications très précises sur la conception, la préparation coopérative, la fabrication, l’édition et la vente de ce matériel, et sur la technique de son application dans les diverses classes, même si elles ne possèdent pas l’imprimerie.
3) Que nous donnions notre réponse aux grandes questions d’École Nouvelle qui nous sont si souvent posées.
Que nous le voulions ou non, en effet, nous sommes, en France, pratiquement, le seul mouvement actif d’éducation nouvelle. C’est vers nous que se tournent et que se tourneront de plus en plus tous ceux qui sentent la nécessité de marcher de l’avant.
Il nous faut répondre à leurs besoins.
Et s’avère alors la nécessité d’une littérature simple, compréhensible, pratique et bon marché, qui sera diffusée largement en France.
Nus voilà justement à un tournant : nos éditions diverses sont épuisées. Il nous faut, bon gré mal gré recréer celles au moins qui sont indispensables à la vie de notre mouvement. Mais c’est un gros livre qu’il faudrait maintenant, donc un livre cher, qu’hésiteraient à acquérir ceux justement qui seront nos meilleurs adhérents.
Nous avons pensé à une autre formule, celle des brochures bon marché, éditées par souscription d’abord et largement diffusées ensuite dans le personnel enseignant.
Nous allons lancer une collection de Brochures d’Éducation Nouvelle Populaire que nous livrerons à 1 fr. l’une et qui seront consacrées chacune à l’étude approfondie d’une question essentielle :
            1. L’Imprimerie à l’École
            2. Le calcul nouveau
            3. Les sciences pratiques
            4. La grammaire en 4 pages par l’Imprimerie à l’École
            5. Rédaction libre et textes d’enfants
            6. Principes d’alimentation naturiste
            7. Les plans de travail scolaire
            8. Le Fichier Scolaire coopératif
            9. Le Phono et les Disques
       10. La Bibliothèque de Travail
Nous avons fixé la souscription à la première série de ces brochures au prix modique de 9 fr. Mais il nous faut un nombre important d’adhésions pour que nous puissions commencer l’édition dès octobre. Si les camarades le veulent bien, c’est par milliers que doivent se vendre aujourd’hui ces Brochures d’Éducation Nouvelle Populaire.
Nous continuerons, d’ailleurs, à partir d’octobre prochain, les tournées de propagande qui ont eu un tel succès et une telle portée cette année. Nos camarades aussi, riches du matériel nouveau que nous allons préparer, pourront multiplier les conférences et les expositions pour que notre mouvement prenne, en France, une irrésistible ampleur. »

Célestin Freinet