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Comment défendre les enfants à travers la Convention Internationale des Droits de l'Enfant ?

Dans :  Région Grand Ouest › Principes pédagogiques › 

 

Intervention de Jean Le Gal à la Table ronde du 1er Juillet 2006 Lors d'un parrainage d'enfants sans papier à Nantes

Journée de parrainages et de défense des enfants sans papiers
 
Table ronde du 1er juillet 2006
 
Thème :
Comment défendre les enfants à travers la CIDE ?
 
Jean Le Gal
 
Je voudrais d’abord faire deux remarques :
1. La CIDE est aujourd’hui, dans tous les domaines qui concernent les enfants, un des points d’appui internationaux les plus importants.
Encore faut-il qu’elle soit connue de tous ceux qui sont chargés de la mettre en oeuvre, et en particulier des parents et des professionnels, mais aussi des enfants eux-mêmes, pour qui c’est un droit. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui dans notre pays malgré l’article 42 qui stipule que :
«  Les Etats parties s’engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants »
Mais la faire connaître ne suffit pas pour qu’elle soit respectée.
Nous savons ce qu’il en est dans les pratiques administratives actuelle de « chasse aux enfants », dans les textes concernant la délinquance des jeunes, mais aussi dans les pratiques quotidiennes de certains adultes.
Ici va intervenir, comme d’ailleurs pour tous les droits humains, l’action des militants des droits de l’homme et de l’enfant dans laquelle sont engagées de nombreuses organisations, actions de formation, actions de défense...
 
2. Protéger l’enfant et défendre ses droits sont des obligations pour l’Etat, pour les parents et pour tous les citoyens. Mais les faits quotidiens nous montrent que ces droits sont souvent méconnus et bafoués. C’est pourquoi les enfants doivent aussi apprendre à défendre eux-mêmes leurs droits individuellement et collectivement.
Il n’est plus question de faire seulement pour eux mais aussi avec eux.
 
D’ailleurs dans les écoles, des enfants ont été, et sont, très actifs dans la défense de leurs camarades menacés d’expulsion. Nous avons pu aussi les voir dans la rue avec leurs parents. Ils étaient aussi présents pour la défense des libertés en 2002 et lors d’autres manifestations.
Et dans de nombreuses écoles, aujourd’hui, ils peuvent donner leur avis et sont associés aux décisions qui les concernent.
En agissant ainsi, ils mettent en oeuvre les droits d’expression, de réunion, d’association qui leur sont reconnus par la CIDE et se forment à une citoyenneté active et responsable.
 
Je me permets de vous citer un extrait du rapport 2003 de l’UNICEF

L’UNICEF appelle « l’attention du public sur l’importance, la raison, l’intérêt et la faisabilité de la participation active des jeunes à la vie de la famille, de l’école, de la communauté, de la nation. »  et encourage « les Etats, les organisations de la société civile et le secteur privé à promouvoir l’engagement véritable des enfants dans les décisions qui les concernent. » La participation des enfants « passe par un changement radical des modes de réflexion et de comportement des adultes. ». Cela suppose qu’ils « partagent avec eux, la gestion, le pouvoir, la prise de décision et l’information. ».
 
Rapport UNICEF, 2003, sur «  la situation des enfants dans le Monde »
 
C’est là, la mise en oeuvre du droit de participation de l’enfant qui repose sur l’article 12 .
 
Article 12 §1. Les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
Article 12 §2. A cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.
Aujourd’hui ce droit de participation doit pouvoir s’appliquer dans tous les lieux où vivent les enfants et pour toutes les questions qui les concernent.
 
Pour ce qui est des enfants et des familles dont la défense nous réunit aujourd’hui, nous devons constater que dans les décisions administratives ils ont été considérés exclusivement comme des mineurs dépendant de parents étrangers en situation irrégulière.
 
Or la Convention internationale les reconnaît comme des personnes à part entière, dont la dignité doit être respectée et qui sont titulaires des libertés publiques que la loi doit garantir.
 
La France a ratifié la Convention Internationale des Droits de l’Enfant adoptée par les Nations Unies le 20 novembre 1989. La Convention est un traité international. Conformément à l'article 55 de la Constitution de la Ve République, elle a une valeur supra-législative : elle prend place entre la Constitution et les lois et règlements dans la hiérarchie de nos textes de droit.
 
La France a  donc l'obligation de mettre sa législation et sa réglementation en accord avec la Convention mais aussi "l'ensemble de sa politique et de sa pratique dans le domaine de l'enfance"
 
Elle s’est engagée à garantir l’ensemble des droits reconnus aux enfants, à tout enfant relevant de sa juridiction, sans distinction aucune, « indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation » (art 2.1)
         
 «  Elle doit donc prendre « toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes les formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille ».(ART 2.2)
 
Et « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » (Article 3).
 
Nous en sommes loin aujourd’hui.
 
Nous revendiquons que le statut de l’enfant soit déterminant pour accorder à leurs parents un statut administratif qui permettrait à ces enfants de bénéficier de tous les droits auxquels ils doivent pouvoir prétendre.
          
Pour pouvoir vivre pleinement leurs droits d’enfants, les enfants ont besoin de la présence, du soutien et de la protection leurs parents.  Le préambule de la Convention précise que  « L’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension »
 
Pour le Conseil de l’Europe (Recommandation parlementaire du Conseil de l’Europe   1286 (1996))  «  La société a une responsabilité à long terme à l’égard des enfants et doit reconnaître les droits de la famille dans l’intérêt de l’enfant. La prise en compte des droits, des intérêts et des besoins de l’enfant doit être une priorité politique. »
 
Tous les enfants ont droit à l’éducation (art 28), droit de jouir du meilleur état de santé possible(art 24), droit à un niveau de vie suffisant pour permettre leur développement physique, mental, spirituel, moral et social  (art 27.1) mais ce sont leurs parents qui ont la responsabilité « d’assurer dans la limite de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires  à leur développement » (Art 27.2).
 
Et, il revient à l’Etat d’adopter « les mesures appropriées, compte-tenu des conditions nationales et dans la mesure de leurs moyens, pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l'enfant à mettre en oeuvre ce droit et offrent, en cas de besoin, une assistance matérielle et des programmes d'appui, notamment en ce qui concerne l'alimentation, le vêtement et le logement. »(Art 27.3)
           
C’est ce que nous exigeons d’un  Etat qui aujourd’hui viole les droits qu’il devrait être le premier à respecter.
 
DROIT A L’EDUCATION et DESOBEISSANCE CIVIQUE
 L’école doit respecter la dignité de l’enfant et lui permettre d’exercer les libertés publiques qui lui sont reconnues, en particulier le droit de donner son avis et d' être associé aux décisions qui le concerne.
En créant et en faisant fonctionner des institutions démocratiques à l’école, en élaborant des règles de vie commune, en réalisant de véritables projets collectifs participatifs, les enfants apprennent la nécessité du respect de l’autre et de ses droits, les exigences de la vie en collectivité qui impliquent de s’engager, d’assumer des responsabilités et de respecter ses règles.
Or l’action que nous menons aujourd’hui, à laquelle les enfants participent à l'école et avec leurs parents, préconise la désobéissance civique.
Dans l’appel aux personnalités dont la LDH a pris l’initiative, il est écrit :
«  Nous savons que dans toute société démocratique la loi est la règle qui s’impose à tous. mais nous savons aussi que lorsque la loi viole des principes aussi élémentaires, c’est notre devoir de citoyens, notre devoir de conscience de ne pas s’y plier. »
C’est déjà ce qui était écrit dans l’article 35 de la Constitution du 24 juin 1793 :
« Quand un gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs »
L’exercice des droits des enfants à l’école implique qu’ils apprennent à respecter leurs obligations et les limites qui ont été décidées ensemble, c’est ce qu’on appelle l’apprentissage de la loi, mais puisqu’un citoyen responsable doit aussi être capable de se révolter contre toute atteinte à ses droits ou à ceux des autres, nous devons aujourd'hui nous interroger : les éducateurs doivent-ils aussi apprendre aux enfants à protester, individuellement et collectivement, lorsque leurs droits sont bafoués, lorsque leur dignité n’est pas respectée, lorsque l'autorité abuse de son pouvoir, lorsque les règles sont injustes et parfois illégales? "