Raccourci vers le contenu principal de la page

Correspondance scolaire et voyage-echange

Dans :  Principes pédagogiques › communication › Techniques pédagogiques › 
Mars 1983

 

pcdem-0001.JPG (28604 bytes)

Les POURQUOI-COMMENT

de la Pédagogie Freinet

  

CORRESPONDANCE

SCOLAIRE

et                                          

VOYAGE-ECHANGE

 

 

Guides pratiques de l'École Moderne


Télécharger le document au format RTF


Plan général 

POURQUOI ?        3 à 15 
COMMENT ?          17 à 47 
TEMOIGNAGES   49 à 77

 

Mots-clés 

Maternelle                         58
1er degré                             55 – 73
Enseignement
Spécialisé                           51 – 53
Collèges
Lycées                                54 – 69 – 75
Français                             13 – 62 - 64

Math                                  66
Histoire-géo                       69
Langues                             14 – 51
Sciences                             68 

Sommaire détaillé page 2 

pcdem-0002.JPG (32021 bytes)


SOMMAIRE

POURQUOI la correspondance ?      

Être et agir vrai, plus des élèves mais des enfants     
La correspondance et le voyage-échange permettent d'ouvrir l'école sur la vie  
En même temps qu'ils répondent à un besoin naturel de relations             
Ils aident l'individu à se construire
à acquérir son autonomie            
à se situer         
à se socialiser                    
au sein d'un groupe qui lui-même se construit et évolue       
Et les apprentissages ?       

Mais COMMENT introduire cette vie dans la classe ?    

La correspondance peut prendre différentes formes  
Avec qui correspondre ?                                                
Qui dit choix, dît engagements                                  
La correspondance placée au centre des activités                       
La prise en charge de la correspondance par le groupe-classe
L'enfant, l'adolescent choisit son corres
Il écrit à son corres
La gestion des échanges
Le rythme des échanges
Le groupe-classe écrit à l'autre groupe-classe
La gestion des échanges collectifs
Autres échanges
Les cadeaux ce n’est pas si facile que ça
Le désir de rencontrer les correspondants
L’intégration de tous au projet du voyage-échange
Il est possible de se rencontrer en un même lieu
Attention aux écueils
La correspondance permet à l'enseignant d'approfondir ses recherches
Et pour les parents ?                                                                                           


POURQUOI la correspondance ?


 pcdem-0003.JPG (37948 bytes)


« Nous cultiverons avant tout ce désir inné chez l'enfant de communiquer avec d'autres personnes, avec d'autres enfants, surtout de faire connaître autour de lui ses pensées, ses sentiments, ses rêves, ses espoirs. Alors, apprendre à lire, à écrire, se familiariser avec l'essentiel de ce que nous appelons la culture sera pour lui une fonction aussi naturelle que d'apprendre à marcher ».

C. Freinet - L 'Éducation du travail

 

pcdem-0004.JPG (33535 bytes)

pcdem-0005.JPG (42484 bytes)

 

Etre et agir vrai,plus des élèves mais des enfants, en situation d'apprentissage à même la vie

 

L'école est encore trop souvent un milieu artificiel, où la vie n'existe qu'en marge, qu'en infraction pourrait-on dire.
Ici l'élève se plie à des rites,
l'enfant parfois les transgresse. 

Or dans cet univers factice, proposez aux élèves d'avoir des correspondants et tout à coup vous les verrez se mettre à vivre vrai : ce sont des enfants qui vous répondront, qui vous crieront leur enthousiasme. 

Et cette manifestation de vie risque de vous surprendre à tel point qu'il vous faudra sans doute prendre sur vous pour l'accueillir, tant sont lourdes les peurs sans fondement que cultive l'école pour protéger ses rites. 

 

De toutes les techniques de l'École Moderne, la correspondance (avec le voyage-échange qui la vivifie) est peut-être celle qui influence le plus sensiblement le climat de la classe...

... encore faut-il qu'elle y ait une place privilégiée et ne soit pas une sorte de fantaisie marginale, quelque chose qu'on fait « en plus ».

 

La correspondance et le voyage-échange permettent d'ouvrir l'école sur la vie...  

Grâce à la correspondance, la vie extérieure se mêle à celle des élèves, le contact s'établit avec le monde extérieur par l'intermédiaire de la vie d'une autre classe ou de plusieurs autres classes avec laquelle ou lesquelles on coopère, on échange, on travaille. C'est aussi un moyen d'établir une liaison plus facile avec les parents toujours sensibles à la vie affective de leurs enfants, à leur désir d'écrire, à leur soif de recherches, stimulés par l'ambiance nouvelle que la correspondance ne manque pas de faire s'instaurer dans la classe. 

1. Ouverture sur un milieu différent 

C'est plus la connaissance par l'intérieur que l'aspect purement documentaire qui importe dans cet échange. Étudier ce qu'est un bassin minier peut se faire de façon livresque, mais connaître la vie des travailleurs, l'ambiance d'une cité, peut-être les problèmes d'une grève, d'un accident, n'est-ce pas l'élément le plus important, le plus passionnant parce que le plus humain ; le reste (l’organisation du travail, la technique, les aspects scientifiques et économiques) sera donné en plus. 

2. Regard neuf sur son propre milieu 

Nous croyons, bien à tort souvent, connaître notre cadre de vie mais les questions parfois naïves des correspondants nous montrent à quel point nous ignorons ce qui nous entoure et cela nous amène à étudier des problèmes que nous ne nous étions jamais posés. D'où vient l'eau de nos- robinets ? Pourquoi y a-t-il tant de parents cheminots dans le quartier ? Que signifie tel nom de rue ? Pourquoi telle coutume bizarre ?

 

Parce qu'il a besoin de les décrire, l'enfant prend conscience de ses conditions de vie personnelle, de la vie de son village ou de son quartier, de sa province même. Il découvre le travail de ses parents, des ouvriers de la région, les circuits commerciaux... Alors qu'il vivait trop près des choses, voilà qu'il prend de la distance pour mieux les pénétrer, établir des relations.

en même temps qu'ils répondent a un besoin naturel de relations 

La correspondance touche d'abord l'affectif, auquel elle apporte une nourriture nouvelle.

Dans cette microsociété qu'est une classe, une école, chaque enfant sans doute s'était forgé un réseau relationnel, avec plus ou moins de réussite. Voici que s'offre à lui une ouverture nouvelle. Et que cette ou­verture soit le fait de l'école. Voilà qui rapproche singulièrement celle-ci de la vie.

L'école doit accepter la vie comme elle vient et s'en nourrir. 

On voit rarement une classe ne pas accueillir avec enthousiasme la pro­position « d'avoir des correspondants », même lorsque la chose est tout à fait nouvelle pour les enfants.

A chaque rentrée, ceux qui y ont déjà goûté le réclament. Et il est fré­quent de voir dans une école cette pratique faire tache d'huile, les enfants dont le maître ne s'y est pas encore lancé demandant à avoir « des corres » eux aussi.

 

Dans l'échange, l'émotionnel prédomine. Il faudra y souscrire sous peine d'oubli et de stérilité.

Le refus individuel d'un enfant de s'intégrer à ce nouveau réseau d'échanges est très rare et révélateur de blessures antérieures souvent décelables à d'autres signes qui confirment cette importance de la vie affective. Et très fréquemment, au contraire, pour les enfants mal intégrés à leur propre milieu, la correspondance offre un recours.

Pour eux, avoir un correspondant personnel était particulièrement important c'était l'assurance, pour ces enfants souffrant de l'indifférence ou même de l'hostilité de leurs parents, d'un regard ami posé sur eux. 

Même dans un milieu accueillant, tel enfant reste, quoiqu’il fasse, celui qui mouille encore son lit, le brutal qui a toujours des histoires à la récréation, le fils du travailleur émigré qu'entoure un racisme latent. Par contre, pour les correspondants, seul existe celui qui a écrit une si belle lettre, rédigé un texte si intéressant, fait un si joli dessin. Aussi n'est-il pas surprenant que certains « enfants-problèmes » trouvent dans la correspondance l'occasion d'échapper à leurs difficultés, de se rééquilibrer, de devenir enfin eux-mêmes, malgré leur passé, malgré leur milieu.

  

La construction de l'individu n'est réelle que si elle intègre dans sa globalité l'affectif, le sensoriel, le social.

Les échanges, correspondance et voyage, font rentrer dans le domaine scolaire la dimension qu'il refusait : la reconnaissance de l'échange affectif, apportant ainsi à l'enfant une plus grande motivation pour s'investir, se construire.

Ils aident l'individu à se construire. . . 

Par la motivation affective dynamisante, la correspondance oblige l'enfant à se décentrer pour communiquer à l'autre des nouvelles de lui, de son village, de son milieu immédiat.

Lorsqu'il écrit, l'enfant s'arrête pour prendre conscience de ses goûts, de ses espoirs, de ses actes.

Pour communiquer il se regarde vivre et exister. 

En retour il devra peu à peu apprendre à se mettre à la place de l'autre pour écouter, entendre, comprendre ses questions afin de leur apporter une réponse satisfaisante.

La connaissance du monde ne passe plus alors uniquement par ses yeux. L'autre l'oblige à avoir un changement de point de vue, à relativiser sa perception des connaissances. 

Pour la réalisation de ses envois, petit à petit il se mettra à la place de l'autre pour imaginer comment il réagira, ce qu'il comprendra, ce qu'il pensera au reçu d'une lettre, d'un texte, d'un colis.

Il est confronté à un autre système de compréhension, de recherche.

à acquérir son autonomie 

Sur le plan proprement scolaire, la correspondance pousse l'enfant à se confier, elle suscite des entretiens où le professeur joue plus profondément encore son rôle d'éducateur, elle crée des liens affectifs nouveaux.

(M. Bertrand, professeur d'anglais)

 

Auto-évaluations, responsabilités, engagements sociaux contribuent à dépasser l'égocentrisme par l'ouverture au monde et à autrui.

Voir témoignages page 69

  

La correspondance, comme le texte libre, favorise une prise de contact avec chacun des élèves et une connaissance profonde de ceux-ci.

Elle peut être le premier pas vers l'individualisation du travail et la recherche des différentes personnalités.

Elle favorise l'accès à l'autonomie progressivement.

à se situer.. 

La correspondance, le voyage-échange sont des portes importantes pour la prise de conscience du temps et de l'espace.

Savoir qu'au même moment, dans un autre espace, quelqu'un que l'on connaît ou que l'on ne connaît pas encore mais qui cependant se manifeste, vit dans un monde identique au nôtre et cependant différent, cela met l'enfant à un autre degré dans la situation de relativiser son vécu.

S'efforcer de comprendre quand a été vécu, écrit, envoyé ce dont on reçoit la trace, quand sera lu, entendu ce que l'on transmet aujourd'hui, évaluer la distance qui nous sépare en la confrontant à l'étalon des déplacements qu'on a déjà vécus, quelles conquêtes difficiles et primordiales !

Là se réalise l'approche de la conscience du temps et de l'espace par le vécu affectif. Elle se fera, certes, progressivement, plus ou moins rapide, plus ou moins profonde suivant l'âge des enfants, mais toujours de façon solide, intégrée, parce qu'elle est une véritable construction « de l'intérieur » de notions que l'école s'épuise souvent en vain à tenter de faire acquérir par une gamme d'exercices artificiels. 

 

Moi, ce qui m'intéresse dans la correspondance, c'est de savoir qu'il y a quelqu'un que je ne connais pas mais que je connais quand même, qui vit là-bas sur un point de la carte de France. Et puis après, je vais aller le voir. C'est drôle tout ça

Fannette  - C.M.2

 

L'enfant va peu à peu construire ses notions de temps et d'espace avec toute l'efficacité qu'apporte la motivation affective.

à se socialiser... 

Après un voyage-échange, il est intéressant de voir comment les enfants analysent leur vécu par rapport à ce qu'ils connaissent déjà : « Les algues, c'était pas les mêmes qu'à la mer où je vais en vacances ». La connaissance se construit toujours sur du solide. Et puis c'est ce qui touche l'enfant dans sa vie quotidienne qu'il retient : « Ils vont faire du sport dans une salle ».

Ces échanges élargissent son champ visuel si l'on peut dire ; ils invitent à une ouverture d'esprit. L'enfant prend tout à coup conscience qu’il existe d'autres façons de vivre : « Ils mangent ceci et comme cela ! » Comparaison de vies quotidiennes : jeux, loisirs, alimentation, habitat, école, habillement, équipement.

A travers cinq jours de vie intense il éprouve des sentiments : appréhension, mal du pays parfois, accueil chaleureux. Il éprouve aussi des sensations qui éduquent son goût: « Ils ont des belles maisons, les falaises étaient hautes, les vagues puissantes ».

Et puis il y a toute la partie dialogue avec la famille qui reçoit : « Comment c'est chez toi ? », famille qui voit vivre en son sein d'autres enfants, cela peut permettre de mieux voir comment sont les siens (une couleur ne s'apprécie que par rapport à une autre).

Je crois que c'est cet aspect social, humain, qui marque le plus les enfants. Beaucoup plus que le géographico- touristique dont ils parlent finalement assez peu.

Positif, le fait qu'ils vivent au moins une pleine journée dans la famille. Bien sûr il y a les enfants qu'on a bousculés un peu, qui n'avaient pas bien envie de venir, qui ont suivi le mouvement; ceux qui d'habitude sont les marionnettes de leurs parents ou ceux qui vivent dans l'ombre d'une copine. Ils se retrouvent à se prendre par la main, seuls chez le corres : ils faut devenir grand tout d'un coup et c'est dur parfois mais c'est toujours salutaire.

Enfin positif, les parents qui s'écrivent et invitent. La correspondance devient un mouvement social dans un village.

Jacques Querry

 

Nous sommes persuadés que la multiplication des échanges, favorisant la connaissance des autres, permettant de comprendre leurs mentalités est un moyen de faire prendre conscience des valeurs que nous voulons faire « passer » : tolérance, respect des différences, acceptation d'autres modes de vie, création de liens affectifs en acceptant les autres tels qu'ils sont... 

Militer pour la paix universelle, contre les chauvinismes stupides et l'effacement des frontières de tous ordres doit passer nécessairement par des expériences vécues...

Jacques Masson 

Voir témoignages pages 51, 74

au sein d'un groupe qui lui-même se construit et évolue 

Si les échanges permettent à l'enfant de se construire en tant qu'individu et en tant qu'être social, ils ont le même effet sur le groupe-classe, qui, confronté aux exigences de la communication, est amené à prendre conscience de sa propre identité, à l'affirmer, la renforcer même, tout en apprenant à tenir compte d'identité autres, de valeurs autres faisant ainsi l'apprentissage de la tolérance. 

La correspondance a été pour mes élèves de classe enfantine une des rares occasions régulières de regroupement Les deux, trois ans ont beaucoup de mal à adhérer à une activité collective, mais l'envoi et la réception du courrier sont des moments privilégiés où ils s'insèrent pleinement dans le groupe-classe, autour de la grande lettre collective.

 

Avec les plus grands (5 ans et plus) la correspondance commence à sus­citer un certain nombre de travaux collectifs, en particulier en mathé­matiques, ou encore en psychomotricité (exemple, symbolisation d'une évolution). Les enfants prennent l'habitude de chercher des idées de tra­vail à proposer aux correspondants.

Colette Brouard

Confrontation entre deux groupes 

Très vite, on s'aperçoit qu'au sein de deux classes, les points de vue sont loin d'être identiques. Dans telle classe, la majorité des enfants réprouve la chasse ; chez les correspondants c'est l'inverse, parce que les pères sont chasseurs. A propos de problèmes souvent très simples, les valeurs traditionnelles qui ont cours dans le milieu se trouvent contestées par les correspondants qui en respectent d'autres.

Les enfants prennent alors conscience de la relativité de certaines données qu'ils croyaient intangibles et ils se libèrent, dans une certaine mesure, de leurs conditionnements familiaux et sociaux pour s'ouvrir à la tolérance et à une vue plus large des problèmes humains.

 

Je pense que la correspondance peut enrichir la vie de la classe et amener à débattre des problèmes qui n'y seraient pas sans cela (en 5e , nous avons reçu deux débats enregistrés sur les handicapés et les prisons, cela a fait naître des débats chez nous aussi). Les enfants apprennent à faire quelque chose pour d'autres et à accepter la critique. Je m'aperçois également que tous les travaux d'équipe spontanés sont partis de la correspondance.

 

Voir témoignages pages 58, 60, 69

Et les apprentissages ? 

Mais si nous tenons à introduire dans l'école une vie vraie, nous sommes aussi dans l'école lieu d'apprentissage, direz-vous. Il n'y a là aucune contradiction.

Placée au centre des activités de la classe la correspondance est source de réalisations. Elle induit les apprentissages et favorise des activités qui n'étaient que scolaires et deviennent fonctionnelles. Ainsi la lecture, l'écriture, l'histoire, la géographie, les mathématiques, l'observation, l'acquisition d'une langue étrangère, entre autres, seront fortement mo­tivées. Programmes et instructions officielles n'en sont pas pour autant oubliés, ils y trouvent leur compte mais avec « un petit quelque chose en plus ». 

Je me suis lancée dans cette technique, la première fois, pour essayer de sortir mes élèves de leur désintérêt notoire - sinon de leur franche opposition – vis-à-vis de la chose scolaire en particulier et de toute acti­vité tant soit peu astreignante et continue en général.

Je n'ai pas été déçue : les enfants se sont vite investis dans la corres­pondance et surtout, ont été capables de maintenir leur intérêt tout au long de l'année, et d'accepter certaines contraintes (s'obliger à répondre

régulièrement à son correspondant personnel, ce n'est pas évident pour un caractériel et même pour un enfant dit normal).                            

Colette Brouard

 Pour les petites classes, pour les enfants qui démarrent le code écrit, elle leur permet de s'exercer, de produire leur propre écrit, de jouer avec comme l'enfant joue avec le langage quand il commence à parler. Quand il reçoit une lettre, il décode, repère les mots, prend plaisir à lire le message important.

Les enfants qui ont passé ce stade ont encore beaucoup à faire pour s'emparer des ressources infinies de l'écriture. La motivation, les exi­gences de la correspondance vont les amener peu à peu, avec l'aide du maître ici naturellement sollicitée, avec l'aide du groupe-classe aussi, des parents souvent, à explorer ce domaine toujours plus avant. La rédaction n'est plus un exercice, un devoir, elle répond à un besoin. La valorisation n'est plus une note, un bon-point, une place dans une hiérarchie illusoire, mais la joie de donner et de recevoir.

Ainsi en classe de langue, au second degré, par la correspondance, l'en­fant est au contact direct de la langue vivante, il y a peu de décalage entre le vocabulaire qu'il acquiert ainsi et celui nécessaire pour s'exprimer à peu près correctement avec un Anglais, par exemple.

En ce qui concerne la grammaire, peu de points importants restent dans l'ombre au hasard des textes qui arrivent. Et c'est bien compréhen­sible : l'acquisition d'une langue, c'est l'acquisition d'un comportement, d'un ensemble d'habitudes et d'automatismes, et quel exercice plus natu­rel que la pratique de la correspondance pourrait mieux favoriser cette acquisition ?       

M. Bertrand, professeur d'anglais

  

La correspondance est source de réalisations. Elle motive les apprentissages et établit un cadre souple pour le travail écrit qu'elle rend nécessaire.

Voir témoignages pages 62, 66, 68, 69

 

Rééquilibrant psychique, moyen d'enrichissement et d'approfondissement de l'expression (sous toutes ses formes) et de communication, outil d'un nécessaire déconditionnement et d'une bonne formation de l'esprit, équilibrant social, source sans cesse renouvelée de petits plaisirs et de grandes joies, la correspondance scolaire ne peut être assimilée à quelque accessoire supplémentaire mis à la disposition d'un corps d'enseignants en mal de rénovation pédagogique !

Si l'on souhaite mener à bien une correspondance scolaire vraie, il est nécessaire de savoir que l'on ne s'engage pas à la légère dans une entreprise sans conséquence dans une expérience susceptible d'être à tout moment interrompue sans dommage.

Il faut être sûr que l'utilisation de cette technique entraînera à elle seule et de manière infaillible la mise en place de nombreuses autres pratiques dans la classe : enquête, production de textes et d'albums, édition d'un journal scolaire, discussions en réunions coopératives ou en conseil, élaboration commune de lois nécessaires à une bonne organisation peut-être moins que cela, peut-être plus encore.

Il faut être persuadé que l'existence même des correspondants, la fréquence et la richesse (ou la pauvreté) des échanges auront des incidences importantes sur la vie et l'équilibre du groupe-classe et des individus qui le composent.

Il faut être conscient de l'importante responsabilité que l'on prend aussi bien vis-à-vis de ses propres élèves que de ceux de la classe correspondante.

Somme toute, pourquoi correspondre sinon parce que l'on ressent la pratique de cette technique comme une nécessité vitale pour sa classe et pour soi-même ?     

Renée Bideaux

pcdem-0006.JPG (30009 bytes)


Mais COMMENT introduire cette vie dans la classe ?


 De nombreux modes de fonctionnement existent et je ne pense pas qu'on puisse définir un mode type.

L'essentiel est de préserver le plaisir que le groupe ou l'enfant à titre individuel peut éprouver à travers la correspondance.

Sans nier les contraintes qu'elle impose. Il faut à tout prix qu'elle soit

dépourvue de tout aspect routinier.                                                                                 Monique Bru

La correspondance peut prendre différentes formes :

correspondance ponctuelle, occasionnelle... 

Tentative de définition : « Ecrit adressé à un individu ou à un organisme, une collectivité dans un but bien précis et en utilisant les formes et les codes de la correspondance universelle » (ceci pour faciliter et augmenter la rapidité et la qualité des échanges).

Le message /à a toute son importance.

L'échange est réel. Lecture/recherche d'information, mais /à au contraire de la correspondance collective où l'on ne sait pas toujours ce qu'on va recevoir, de par la demande que l'on a faite, on pourra anticiper, décoder plus facilement la question.

Cette correspondance était très importante dans ma classe. Elle présente aussi l'avantage de n'être pas « scolaire » et de donner la possibilité à l'enfant de communiquer avec les adultes. Elle était collective, mais très vite des enfants ont voulu écrire à leur grand-mère, à leur marraine... On se servait bien sûr de la présentation classique, de l'enveloppe...

Elle est souvent utilisée dans les classes Freinet et depuis longtemps, par nécessité. Je pense cependant qu'elle n'est peut-être pas assez exploitée. Elle apporte comme la photo des avantages certains : lecture, information, écrit synthétisé... Je réécrivais en grand la lettre reçue, je polycopiais pour tous la lettre envoyée. C'était pour moi un véritable « outil » de travail.

C'est la seule qui donne bien la dimension de ce que doit être la correspondance : dialogue-échange véritable entre individus en passant par un code écrit particulier.

correspondance de classe à classe 

Une classe correspond avec une autre classe et chaque élève de la première est en principe « couplé » à un camarade de la seconde, en même temps que s'instaurent des échanges collectifs.

Les circuits (ou réseaux) de correspondance naturelle. 

Un circuit de correspondance, quant à lui, comporte 10 à 20 classes de cours différents. Le circuit peut être national, régional ou local.

De nombreuses formes d'échanges sont possibles : lettres individuelles, collectives, par groupes, d'un individu à un groupe ou à une classe, d'enfants du C.M. à des enfants de maternelle... Tout comme dans la correspondance classe à classe, on peut échanger beaucoup de choses : lettres, dessins, recherches de maths ou de français ou d'éveil, enquêtes, journaux, bandes sonores, montages audiovisuels, cadeaux... En outre peut paraître une « gerbe », sorte de bulletin de liaison à laquelle les classes envoient ce qu'elles veulent communiquer à l'ensemble du groupe. Une gerbe « adultes » ou des multilettres peuvent de même répondre au désir de communication des maîtres. 

En correspondance naturelle, l'affectif trouvera-t-il son compte ? 

On nous a souvent demandé ce que devenait dans cette forme de correspondance, la part affective, si importante au cours des échanges de correspondant à correspondant.

Cette affectivité n’est pas ignorée ; bien au contraire. Elle se manifeste au maximum, puisque l'enfant est libre de ses choix et qu'il peut, suivant ses désirs, la reporter sur un seul camarade ou sur plusieurs (dans nos classes, certains enfants correspondent avec sept ou huit camarades et assument totalement leurs engagements), sur une ou plusieurs classes. Elle se manifeste aussi en respectant la personnalité de l'enfant, ce qui nous semble primordial: dès le début de l'année pour ceux qui ont besoin de se lier immédiatement, beaucoup plus tard et selon la sensibilité de chacun pour ceux que certaines contraintes empêchent d'écrire trop vite ou trop tôt à un camarade inconnu.

« Cette forme de correspondance comble réellement mes enfants. Mes filles de 9- 10 ans ont écrit à toutes les maternelles, aux C. P., et uniquement pour des raisons affectives. La preuve, c'est que ce sont les mêmes qui, dans la cour, jouent avec les petits de S.E., les chouchoutent, les portent.. »

« Pour l'instant, beaucoup ont un ou plusieurs correspondants et des liens affectifs se sont établis. Pour certains, ce n'est même que cela. Ainsi, une certaine Nicole (13 ans), qui correspond avec une petite Valérie de 5 ans qu'elle chouchoute ». 

Voir témoignages page 55

Les circuits d'échange de journaux scolaires 

Échanger son journal au sein d'une ou plusieurs équipes de six classes, disséminées dans toute la France, permet de découvrir les autres, de comparer, d'enrichir ses propres techniques d'impression et même parfois de faire naître spontanément des correspondances de types collectif ou individuel.

 

Comment trouver une correspondance de type classe à classe ?

            - Par relation personnelle.

            - Beaucoup de revues pédagogiques et syndicales publient des listes de demande de correspondance.

            - Dans un stage, une rencontre, un congrès, etc.

            - En s'adressant à un groupe départemental I.C.E.M.

            - En s'adressant au service de correspondance nationale et internationale de l'I.C.E.M. qui permet de

   répondre au besoin de chacun

 

Comment s'intégrer à un réseau de correspondance naturelle ?

- S'adresser au chantier : « Correspondance naturelle » de l'I.C.E.M. On recevra alors une liste de classes et des indications pour démarrer et continuer.

- On peut créer soi-même un réseau à condition de trouver des collègues désireux de tenter l'expérience.

Avec qui correspondre ?

Correspondants proches ou éloignés 

Ce qui compte n'est pas la distance mais un certain dépaysement et le dépaysement, selon les âges, n'a pas la même signification.

Pour les petits, des camarades qu'on ne voit pas chaque jour c'est déjà l'inconnu et certaines classes correspondent avec profit au sein d'une même ville, entre quartiers. Cela permet des rencontres régulières qui rendent l'échange moins abstrait.

Avec de plus grands, il n'est pas toujours nécessaire d'aller bien loin pour trouver un milieu très différent (petit bourg rural et grande banlieue, quartier ancien et grand ensemble, vocation industrielle ou commerciale). Même au sein du département, l'échange peut être très riche et surtout permettre aux enfants de se rencontrer plusieurs fois dans l'année. 

Le correspondant éloigné apporte un dépaysement parfois souhaitable. 

« Une correspondance avec Marseille avait été très enrichissante, car les enfants de l’Aveyron n'avaient aucune idée de la mer ».

L'avantage du correspondant proche est la possibilité de contacts 

« Ce qui m'a donné le plus de satisfaction : une classe de perfectionnement à 30 km de notre école. 

A vantages :

1. Nous ne passons pas un mois sans nous voir entre maîtres. 

2. Les enfants se rencontrent une fois par trimestre dans une sortie commune. 

3. Les frais engagés par ces rencontres ne sont pas excessifs. 

4. Le correspondant devient rapidement une réalité humaine et non un mythe affectif ».

 Beaucoup de camarades voudraient concilier dépaysement et proximité ce n'est pas souvent facile.

 

Des questions parmi d’autres que l'on se pose parfois 

Ancien ou débutant ? 

Là n'est pas le problème. Ce n'est pas tant la compétence que la bonne volonté, le sérieux, le sens de la réciprocité qu'il faut voir.

Est-il souhaitable de garder plusieurs années le même correspondant? 

C'est en tout cas souhaité parfois par les élèves. En septembre, mes en­fants étaient contents de retrouver leur correspondant. A la fin de l'année ils avaient d'ailleurs voté pour garder les mêmes.

La correspondance deux années de suite est une preuve de la réussite pendant la première année. En juin, nous étions d'ailleurs sollicités par deux classes : les enfants ont préféré garder leurs camarades d’Abbe­ville. // faut dire que pendant plusieurs années, ils avaient eu l'impression de donner plus qu'ils ne recevaient.

En mars, l'intérêt continue, et pas seulement sur le plan affectif. Nos camarades nous apportent encore plus que l'an passé : l'album sur la ferme d'un correspondant a été très apprécié et a suscité des enquêtes chez nous. Nous attendions avec impatience des silex préhistoriques.

En cas de voyage-échange, on reçoit la première année, et l'on rend la visite l'année suivante.              

P. Yvin

 pcdem-0007.JPG (11690 bytes) 

Correspondance ponctuelle, correspondance de classe à classe, parti­cipation à un réseau de correspondance naturelle, correspondants proches ou éloignés, de niveaux semblables ou différents, de milieux équivalents ou non votre choix se fera selon votre personnalité, vos conditions de vie, vos possibilités matérielles, vos désirs.

Et puis, vous aussi vous tâtonnerez, multipliant les expériences au fil des années, la correspondance n'est pas une technique figée. 

Voir témoignages pages 55, 58

Qui dit choix, dit engagements 

N'entreprenez rien que vous ne pourrez tenir.

Demander, accepter de correspondre n'implique pas seulement vous-­même et votre classe. 

Lorsque nous décidons d'utiliser dans notre classe la correspondance, nous nous engageons et nous engageons de ce fait le groupe-classe à respecter le contrat de travail qui va nous lier aux autres, à ceux qui, quelque part, attendent quelque chose de nous.

L'enseignant est alors garant du contrat, de la nature, de la qualité des envois.

                   Monique Bru

 Une bonne entente préalable entre les maîtres est essentielle

-           Sur l'esprit dans lequel ils abordent la correspondance.

-           Sur les modalités de sa mise en oeuvre que cela implique.

-           Sur leur propre investissement qui se traduira en relations étroites et régulières entre eux parallèlement aux relations entre leurs classes.

 

Certaines classes appuyant toute l'activité sur l'échange, il serait malhonnête de les priver en cours d'année de cette puissante motiva­tion. Si vous êtes hésitant, commencez modestement, mais soyez régulier.

Les échanges me semblent plus riches si - moi aussi - je les attends avec curiosité - cas d'un collègue que je ne connais pas.

La lettre du maître, dans l'enveloppe collective est importante aussi pour les gamins - elle est preuve que les exigences sont appliquées pour tous - le délai c'est le délai et si ce jour-là on n'a pas terminé, on atten­dra l'envoi suivant. Quelquefois, il m'arrive de la leur lire pour leur mon­trer que je ne trame rien dans leur dos mais que je complète éventuelle­ment des informations, que je signale les absents...

... en fait il faut être clair avec ce qu'on attend personnellement de la correspondance, pas seulement sur le plan pédagogique - une reconnaissance ? Un soutien ? Une émulation ? Une soupape ?

Catherine Mérat

Je corresponds depuis septembre dernier avec une instit. de La Roche-sur-Yon. L'expérience a si bien réussi que nous les accueillons en mai prochain.

Comment en sommes-nous arrivés /à ? La collègue a cinq ou six ans d'expérience ; moi je débute, et ce ne fut pas un handicap. La réussite est due au fait que nous avons dépassé un mode de relations, purement professionnel. Nous avons un peu échangé nos vies privées par courrier. Elle n’hésite pas à me téléphoner, non seulement (et c'est important) pour parler boulot, mais aussi, tout simplement pour me souhaiter, comme dernièrement à Pâques, de bonnes vacances.            

François Guignouard 

Je ne peux pas dissocier pour ma part la correspondance entre les enfants et la correspondance entre instits.

D'expérience, je constate, que plus je sens d'affinités avec mon ou ma collègue correspondant(e), plus la correspondance générale de la classe marche. Je crois que je ne pourrais pas ne pas être dérangée, pertur­bée dans le rythme et la qualité de la correspondance si je ne m'entendais pas ave c l'autre instit. . .

                    Françoise Champroux

 

Il me semble effectivement très important que les échanges entre élèves soient complétés (et même précédés) d'une connaissance entre enseignants.

Ceci permet une meilleure coordination entre le travail de chaque classe, une connaissance plus profonde des buts poursuivis et de ce que chacun attend de la correspondance scolaire.

Mais à mes yeux, le plus important, au-delà des progrès en français dus à la correspondance et de la motivation pour écrire qu'apporte cette technique, est le contact entre élèves et la connaissance entre correspondants afin de  « libérer » les échanges et pour sortir des sentiers battus que sont les échanges de photos, la composition de la famille.. .

Pour cela il est évident que les rapports entre collègues sont primordiaux. C'est la raison pour laquelle, jusqu'à présent mes élèves correspondaient avec une classe semblable dont je connaissais bien la maîtresse. J'appliquais donc le processus inverse. La classe étant peu éloignée, cela nous permettait à peu de frais d'avoir des rencontres entre classes ce qui enrichissait les échanges qui en découlent.           

Pierre Léonard

La correspondance placée au centre des activités 

La correspondance casse la classe. On laisse ce qui est en cours. Tout chauffe.          

Hubert Heintz

 

On ne « fait » pas correspondance de telle heure à telle heure, mais on accepte qu'elle bouleverse les structures de la classe, le groupe-classe étant ainsi amené à repenser l'organisation de sa vie et par là-même de son travail.

 

Si on accepte que la correspondance modifie l'activité en cours, parce qu'elle a introduit une rupture avec la quotidienneté, c'est qu'on éprouve la nécessité de mettre en place une organisation souple qui n'est pas

Sacro-sainte, une organisation capable d'accepter des parenthèses et sus­ceptible d'être remise en cause : cela dans un souci de cohérence par rapport à la notion de plaisir mais aussi dans le souci de préserver cet aspect dynamique, moteur de bien des activités.              

              Monique Bru

 

Dans certaines classes secondaires, on distribue aux élèves des corres­pondants étrangers mais les échanges se situent hors du travail scolaire qui ne peut donc en bénéficier que très indirectement. Nous voulons au contraire que la correspondance soit partie intégrante de la vie pédagogique. Toute activité du groupe (enquête, album, débat) est communiquée à la classe correspondante.

 

Pas moyen de coincer ça entre deux leçons ou deux exercices ! Ça prend tout de suite sa place, et pas une place de parent pauvre.

Tout vrai outil de notre pédagogie est ainsi: si on veut qu'il apporte toute sa richesse, il faut lui donner toute la place dont il a besoin.

Jean-Marie Marty, Henriette Gruel

Pratiquer la correspondance impose la mise en place d'une organisa­tion souple de la classe dans son fonctionnement. Le facteur est prio­ritaire sur l'emploi du temps ou le plan de travail prévu.

 

Voir témoignages page 60

La prise en charge de la correspondance par le groupe-classe

 

La proposition en est faite d'abord aux enfants, aux adolescents. Elle n'est généralement pas introduite d'autorité mais il est rare qu'ils ne s'en emparent pas.

Une réflexion s'engage alors dans la classe sur ce qu'entraînera la corres­pondance et les premiers contacts sont pris.

 

                                Voir témoignage page 60

L’enfant, l'adolescent choisit son corres… 

Cas de la correspondance classe à classe 

L'attribution à chaque enfant d'un correspondant individuel ne se pratique pas toujours de la même façon. Tantôt les maîtres se mettent d'accord pour le jumelage d'après ce qu'ils savent de chaque enfant (son niveau, ses intérêts, etc.) ou ce qui est préférable d'après la présentation écrite par l'enfant lui-même dans le premier échange ; tantôt ils attendent que le besoin de correspondance individuelle se fasse sentir, parfois après quelques mois ; les premiers qui ressentent ce besoin choisissent alors leur correspondant et progressivement s'établit le jumelage.

Avec les plus grands, il arrive aussi qu'un enfant ne garde pas toujours le même correspondant : c'est d'après les échanges de textes, de tra­vaux qu'il décidera d'écrire à Jean-Pierre sur le karting, sa passion, puis à Claude à propos de son texte sur les gitans.

Ainsi s'établit une correspondance libre, très souple où chaque enfant vit en contact direct avec tous les camarades de l'autre classe.

Nous ne devons toutefois pas nous cacher que ce système qui favorise les plus dynamiques, peut laisser sur la touche, si nous n'y prenons pas garde, les timides, les hésitants, les amorphes.

Ce qui compte c'est que l'évolution vers une pédagogie plus vivante pro­fite réellement à tous et notamment aux élèves faibles et lents. C'est pourquoi nous introduisons généralement les techniques nouvelles avec un relatif systématisme qui s'assouplira progressivement. L'essentiel est que jamais cette rigueur ne vienne contredire l'esprit que nous voulons introduire et que les garde-fous ne deviennent des murailles indestruc­tibles. Tout est là affaire de bon sens et de doigté.

  

Tant que maîtres et enfants sont peu familiarisés avec la correspon­dance, les contacts entre les maîtres pour guider les choix individuels seront importants.

Avec l'habitude, l'expérience, les échanges s'établiront naturellement.

Jusqu'à présent dans le premier envoi, je recevais ou j'envoyais une liste d'élèves avec leur âge et une appréciation sur chacun. Ça permettait de répartir au mieux les correspondants.

Cette année rien de tout ça.

Nous avions inscrit dans notre planning, un jour, de parler de la correspondance. Je devais informer les enfants sur ma demande au 38, la réponse de Mireille et nous devions débroussailler un peu (c'était mon but) les notions de correspondance, les procédés, etc., établir aussi quelques projets.

Par pure coïncidence, ce jour-là est arrivé un colis. Jamais je n'avais assisté à pareille fête spontanée en classe. Quelle effervescence ! Quelle joie ! Quand on a pu à nouveau se parler, on a ouvert. il n'y avait que des lettres individuelles, sans liste accompagnatrice. Qui donner à qui ?Rapidement un plan : chacun prend une lettre, la lit et puis... j'ai été dépassé. Tout s'est fait sans moi, les brouillons de réponse ont été com­mencé, certains avaient échangé leurs lettres sur quels critères ? Pas plus mauvais que ceux que j'aurais pu établir sans doute.

Un os ! Chez Mireille ils sont moins nombreux que chez nous. Mais ici personne ne voulait partager un corres parce qu'on ne savait pas où il coucherait quand ils viendraient à Cadenet et personne n'était prêt à le laisser aller dormir chez quelqu'un d'autre.

Nous avons réglé ça en coop. Mais quand ce sera l'échéance...

Depuis, chaque arrivée de colis déclenche la même fête, la distribution faite par le responsable, c'est à nouveau la ruche. Et moi là-dedans ?

Je me sens avant tout correspondant comme eux ; j'éprouve, je crois, une j oie très proche de la leur, j'attends la lettre de ma corres et je lui réponds, comme eux, avec empressement.     

Jacques rey

 

On ne change pas sans arrêt de corres pour un oui pour un non.

 

Cas de la correspondance naturelle 

Quand le maître reçoit la liste, il la communique aux élèves. Chaque enfant volontaire choisit alors la classe dans laquelle il souhaite avoir un correspondant. (Il peut prendre autant de correspondants qu'il le désire, pour peu qu'il s'engage à leur écrire à tous). Il écrit alors une lettre de présentation qui arrive dans la classe de son choix. Là-bas elle est lue par le collègue qui demande si un enfant veut bien correspondre avec l'expéditeur. Dans l'affirmative, la correspondance démarre entre les deux enfants à leur rythme. (Il faut veiller toutefois à ce que les envois ne soient pas trop espacés dans le temps). Dans la négative, la lettre est retournée à son auteur à qui il ne reste plus qu'à tenter sa chance ailleurs.

Voir témoignages page 55

Il écrit à son corres 

Quand ? 

Suivant les classes, l'écriture des lettres individuelles se place à différents moments.

Un moment privilégié étant tout de même l'arrivée d'un colis qui donne envie de répondre.

Certains enfants écrivent, bricolent en continu pour leur corres dans la plupart des classes coopératives, des moments de travail personnel sont prévus au cours desquels on peut, entre autres choses, écrire à son corres. 

Comment ? 

L'enfant étant ici en situation naturelle d'apprentissage de l'écriture puisqu'il désire communiquer, l'intervention du maître sera donc plus ou moins importante suivant le degré d'autonomie de l'enfant.

L'enfant trouvera une aide aussi auprès de ses camarades. 

Il est important que les lettres soient présentables, propres et corrigées, car elles vont dans les familles.   

Françoise et Alain Raynaud

 A la maternelle 

Des lettres individuelles sous enveloppes cachetées ou non - écrites par moi à la demande puis décorées, - écrites par les enfants avec modèle, - écrites par les enfants librement (lettres, mots, chiffres), - dessins publicités découpés, - petits carnets fabriqués par les enfants où ils ont écrit leur nom, quelques mots et que les corres. termineront peut-être.

 

Il faut limiter l'envoi des cadeaux bidons, vieilles gommes, trognons de crayons.              

Françoise et Alain Raynaud

 Au collège 

Je ne vérifie l'orthographe et l'expression que de ceux qui en font la demande - laissant tranquilles ceux qui cachettent leur lettre en l'apportant en classe : ce qu'ils écrivent les concerne. J’essaie toutefois de les aider à développer leur lettre - surtout les premières. Cela me paraît être un garant de la richesse des échanges, la réception d’une lettre courte les laisse souvent amers : « Mon correspondant S. quand je lui envoie une lettre avec beaucoup de choses il ne me répond qu’une lettre sans rien dedans, pas longue et pleine de fautes » (Laurent - remarque sur son bilan de travail).

J'interviens pour une aide en orthographe, et sur la présentation des lettres. Pourtant la correspondance individuelle se situait le plus souvent « hors classe » mais parfois « dans la classe ». Certains me demandaient de corriger leurs lettres, ou demandaient des conseils sur ce qu'ils pouvaient envoyer. Jintervenais uniquement d'après leurs demandes.

D'autres préféraient se faire aider par leur mère.     

Jacqueline

 

L'orthographe est un code social. Sans surestimer son importance, il convient de ne pas la négliger surtout lors des premiers contacts.

 

L'illustration de la lettre 

Elle n'est pas indispensable mais elle égaie, flatte l'oeil comme les images dans un livre, comme un beau papier enveloppant un cadeau.

Chez les petits, elle naît naturellement. On dirait qu'ils complètent de cette manière une expression écrite dont ils ne se sentent pas encore les maîtres. Graphismes aux crayons de couleur, aux pointes feutres, collages prolifèrent. On est même parfois obligés de freiner cette profusion surtout pour les collages - et de s'orienter vers un choix...

Pour les grands, l'illustration offre l'occasion pour eux de tâtonner dans l'art décoratif et je suis émerveillée en feuilletant les lettres de voir la richesse, l'originalité du graphisme.

Avec les lettres, il y a une stimulation renouvelée pour trouver mieux que le camarade de classe, que le correspondant, que son propre graphisme de la précédente lettre, compétition non pas dégradante mais source de création dans la joie.

 

La recherche de la qualité 

Le respect des correspondants implique des lettres bien écrites, bien corrigées, illustrées avec goût. Le temps qu'on y passera ne sera pas du temps perdu, mais un moment d'éducation (peut-être plus utile que l'application au « cahier du jour »).

La gestion des échanges 

Gérer l'envoi des lettres 

Nous avons évoqué la nécessité de garder individuellement les traces des échanges mais, Pour savoir où on en est et accessoirement pour rendre des comptes, il est bon de tenir à jour un cahier (ou planning ou autre support) de correspondance de la classe, avec indications précises des envois et de ce qu'on a reçu. Grâce à cela on peut veiller à ce que personne ne soit oublié. 

Gérer les lettres reçues 

Les enfants sont-ils tous capables de gérer ce qu'ils reçoivent ? Savent-ils ranger ? (classeur, pochette).

Il semble préférable de laisser aux enfants la liberté de ne pas montrer ce qu'ils reçoivent mais de les habituer à conserver un moment leur courrier.

 

Inciter, si nécessaire, les enfants à écrire davantage 

Les envois individuels sont parfois assez pauvres parce que l'enfant pense que l'autre sait déjà. Il est difficile pour lui de prendre conscience qu'il y a tout à lui dire et dans les moindres détails.

Faire s'imaginer l'enfant (est-ce possible ?) dans la situation de récepteur.        (revoir p. 9)

 

Un petit truc utile : garder les traces des lettres qu'on écrit.

Utile et sécurisant, pour l'enfant, pour ses parents : là est la trace des activités de rédaction ; là peuvent être constatés les progrès dans la maî­trise de l'écriture.

Mais par delà cet aspect sécurisant, bien légitime, cette mémoire sera un recours d'une richesse extraordinaire pour aider à la construction de la notion de temps (revoir page 10).

Utile pour le maître, aussi, qui peut évaluer travail et progression, en rendre compte éventuellement, qui peut surtout en faire usage et aider l'enfant à en faire usage lorsque celui-ci aura besoin de repères.

Plusieurs façons de garder ces traces :

- Cahier individuel de correspondance, dans lequel l'enfant écrit ses lettres qu'il fait corriger par le maître avant de les recopier au propre pour son correspondant.

- Dans certaines classes, où l'acte réussi est important pour l'enfant (plus particulièrement dans l'enseignement spécialisé), on écrit avec un carbone ou on fait une photocopie afin de conserver la trace de l'envoi lui-même, que l'on classe ensuite dans un dossier.

 

 pcdem-0009.JPG (13467 bytes)

 

Il est important que tout envoi soit daté, ainsi que la trace qu'on en conserve.

Ce rappel n'est pas superflu car si la chose paraît évidente aux adultes, elle ne l'est pas pour les enfants. Il faudra donc savoir intervenir jus­qu'à ce qu'ils en acquièrent le réflexe.

Le rythme des échanges

La réciprocité 

Dans tout échange, il faut un certain équilibre. Les meilleures volontés se lassent si le décalage est trop grand entre ce qu'on donne et ce qu'on reçoit. Par contre l'émulation naturelle de classe à classe sera un stimulant bénéfique. Attention, même le correspondant d'un enfant malade doit recevoir des nouvelles de son correspondant (parfois même un envoi personnalisé d'un autre enfant de la classe, sans que cela soit systématique). 

Le rythme 

Sur le rythme des échanges, les maîtres se seront mis d'accord au départ. Il est possible que ce rythme évolue au fur et à mesure que l'on vivra la correspondance. 

La régularité 

Dans toute correspondance (même d'adulte) il vaut mieux une courte réponse à temps qu'une tardive lettre fleuve.

 

Les correspondants déçus le sont par :
-          La négligence dans l'acheminement des colis.
-          Les envois non affranchis
: donc taxés à la réception.
-          Les lettres reçues, rédigées sans soins, écrites au crayon, dessins non coloriés, nombreuses fautes d'orthographe.
-          Le non-retour de documentation riche et onéreuse.
-          L'absence de la part du maître.
Ne pas abandonner la correspondance en cours, ce qui crée parfois un grand dérangement et bouleverse maître et enfants.

 

Voir témoignages page 62

Le groupe-classe écrit

à l'autre groupe-classe 

Les échanges collectifs ont d'autres motivations, un autre impact, une autre action. Ils ne concurrencent pas les échanges individuels, ils ne viennent pas après ou avant ces derniers dans une illusoire hiérarchie. En fait ils sont tout aussi nécessaires et enrichissants.

Par les échanges collectifs les deux groupes-classes existent, se construisent. Chaque enfant à travers eux, intègre l'existence de son propre groupe-classe et de celui où vit son correspondant.

Aussi les échanges individuels ne peuvent-ils que bénéficier d'une pratique réussie d'échanges collectifs et réciproquement. Il y a interaction entre les deux registres d'échanges.

Peut-être le danger de scolarisation est-il plus important pour les échanges collectifs ? Ici la part des maîtres est importante, leur vigilance constante est nécessaire, leur étroite coopération vitale.

Ici plus particulièrement, il serait dangereux d'attendre et de donner des recettes, de vouloir imiter ou imposer des modèles. Par contre on peut énoncer quelques principes de base.

 pcdem-0010.JPG (15117 bytes)

Veiller à la présentation des lettres, ceci plus dans le respect de celui qui recevra que dans le souci de soin absolu.                         Jacky Querry

 

Voir témoignages page 64

La gestion des échanges collectifs 

-           Tout échange doit être motivé par la vie des deux classes et non répondre à un désir, avoué ou non, des maîtres soucieux de programme, d'exploitation.

-           Toute question doit recevoir une réponse.

-           Par contre, tout envoi de questions doit être recevable : on ne peut répondre si on est submergé.

-           La présentation doit être très soignée.

-           Le rythme des échanges doit tenir compte à la fois de la nécessité de répondre dans un délai raisonnable et du temps nécessaire parfois pour récolter et mettre en forme les éléments d'une réponse satisfai­sante. En tout état de cause, ne jamais oublier de remercier, ou simple­ment d'accuser réception : ça fait toujours plaisir de savoir que les autres ont bien reçu votre envoi.

Comme pour la correspondance individuelle, il est important de garder les traces des lettres pour savoir ce qu'on a écrit. Donc on peut avoir un cahier où le maître ou un enfant (suivant l'âge des enfants, leur degré d'autonomie et la pratique de la classe coopérative) sera responsable de recopier la lettre collective avant l'envoi.

La gestion des envois collectifs de l'autre classe pose aussi parfois des problèmes. Aussi on pourra décider du format de la lettre collective afin de pouvoir, au fur et à mesure de la réception, les exposer au mur, les unes sur les autres (comme un tableau de conférence) ce qui offrira l'avantage de pouvoir les consulter tout au long de l'année et d'avoir une présence vivante de la succession des événements, des renseignements de la classe éloignée, ce qui dans les petites classes est « une frise du temps vivante ».

Bien sûr il ne s'agit pas non plus avec le choix d'un format de scléroser l'imagination pour la présentation de la lettre collective.

 

Je pensais alterner la lettre individuelle et la lettre collective ; ça n'a pas marché, du moins pas trop bien. Les lettres individuelles se font automa­tiquement, à chaque fois. La lettre collective n'est collective que dans le choix des sujets à y traiter et dans l'énoncé des indications à suivre. Elle est rédigée au brouillon à deux ou trois puis présentée à la classe pour critiques. On est en train de l'abandonner au profit de lettres-affiches ne comportant qu'une information et très décorée. On peut envoyer plusieurs lettres-affiches en même temps.

La lettre collective naît spontanément quand tous les élèves de la classe veulent exprimer un sentiment commun, raconter un événement ou poser des questions qui concernent la collectivité.

C'est ainsi que l'arrivée d'un colis de cadeaux pour Noël ou Pâques, la réception d'un album, de peintures particulièrement jolies, provoquent un enthousiasme si grand que chacun éprouve le besoin de remercier non seulement dans les lettres individuelles, mais par un message collectif qui atteint toute la classe correspondante. Il neige pour la première fois, ou une tempête exceptionnelle a ravagé la région ; événements qui méritent l'honneur d'une lettre collective.

Les enfants sentent que la lettre collective confère solennité, importance aux sentiments, aux nouvelles ainsi transmises. Le format généralement grand pour que la lecture soit possible pour tous les amis en même temps, contribue à cette mise en valeur. Pour ce message qui émane de tous, on cherche avec application l'expression la plus juste, on choisit chaque mot, on illustre le mieux possible.

Une lettre collective est en quelque sorte un miroir pour la classe et chacun veut y trouver une image dont il sera fier et satisfait. C'est pourquoi nous attachons une part importante à tout le travail coopératif. Le plus souvent le maître écrit lui-même la lettre collective très gros, avec une pointe feutre pour que l'écriture soit la plus parfaite possible. Des élèves soigneux, habiles, peuvent le remplacer. Tout le monde participe à la rédaction.

 

La lettre collective en maternelle

Son démarrage avec un groupe parfois, d'autres fois collectivement, lors d'un entretien puis progressivement, je note dans la journée (quand j’entends : « On pourrait dire aux correspondants... ») :

- Je repropose (ce que j'ai entendu) lors d'un regroupement. - On discute.
- J’écris hors de leur présence (ils ne tiendraient pas longtemps en place).
- On lit plusieurs fois ensemble et à la demande individuelle ensuite.
- Je polycopie.
- On décore individuellement, on colle dans un cahier.

Autres échanges 

Les échanges sonores 

Le magnétophone, complément de la correspondance graphique, par la présence qu'il apporte, est un auxiliaire précieux pour la naissance et le développement de liens d'amitié enrichissants.

Il permet de transmettre comptes rendus d'enquêtes, parfois couplés avec des diapos (petit montage), interview, messages personnels individuels ou collectifs, chants, poésie, bruitages, feuilletons « radiophoniques »...

Attention, n'oubliez pas que l'écoute d'un enregistrement brut de vingt minutes ou davantage lasse l'auditeur. La réalisation optimum est celle de cinq à dix minutes d'écoute (voir B.E.M. 18-19 « Les techniques audiovisuelles » et l'ouvrage à paraître dans la collection « Pourquoi Comment »).

 

 pcdem-0011.JPG (18667 bytes)

 

Le magnétoscope, chaque fois qu'il est possible d'en disposer, offre des possibilités accrues : présentation, avec commentaires, de dessins, expériences, maquettes, jeux dramatiques, danses, enquêtes, fête scolaire, séjours en classes de mer, de voile, messages personnels permettant de mieux connaître son corres, la classe, l'école, la ville ou le village...

Ici, la présence de l'image permet d'aller jusqu'à quinze ou vingt minutes de message, à condition qu'il soit fait de séquences brèves de deux à trois minutes (voir comptes rendus détaillés dans la revue L'Éducateur).

Les échanges imprimés

Tout ce que la classe imprime (si c'est le cas) sera systématiquement adressé aux correspondants réguliers, en avant-première.

Le journal, ou la revue, que la classe édite, leur sera aussi envoyé à chaque parution.

Les échanges de réalisations diverses

Chaque fois qu'un travail est réalisé dans la classe, son produit ou son témoignage accompagnera les lettres

- une cassette,
- des photos,
- du pain qu'on a confectionné, de la confiture,

- un album qu'on a réalisé
- des dessins,
- des sculptures,

- etc.

Les recherches menées de concert

Si un album, une enquête, un montage audiovisuel répondent à des questions des correspondants, ceux--ci accueilleront avec plaisir le « produit fini ». Mais l'échange systématique de travaux achevés deviendrait vite lassant car artificiel.

Par contre, une question que l'on se pose ici peut être posée là et alors démarre une recherche commune où l'on échange les hypothèses, les résultats d'expériences ou d'enquêtes, les documents, où l'on conjugue les efforts. L'expression

« saine émulation » retrouve son véritable sens.

Les Cadeaux (voir page suivante)

Les cadeaux ce n'est pas si facile que ça 

Les cadeaux souvent posent problème. La société de consommation imprègne les enfants de ses valeurs. La tentation est grande de manifester son affection au « corres » par l'envoi de cadeaux que l'on aura achetés.

Alors apparaissent : la disparité des moyens, révélation des clivages sociaux, mais aussi des choix éducatifs des parents, les sentiments de gêne, de jalousie, de frustration qu'elle va engendrer.

« Mon corres m'envoie des cadeaux ; moi, je ne peux pas lui en envoyer ». « J'envoie des cadeaux à mon corres, il ne m'en envoie pas ».

« Un tel reçoit plein de cadeaux de son corres, moi pas » etc.

Cette phase est normale, naturelle, ainsi que les crises qu'elle provoque. Ici jouera pleinement le rôle éducatif de la vie coopérative dans la classe et entre les classes.

Nous envoyons aussi tout ce que nous réalisons et qui est digne de partir chez les corres.

Individuellement les enfants ont des cadeaux pour leur correspondant: une liasse de feuillets de différentes couleurs, des découpages, des dessins, des réalisations échappant à tout critère de beau et de laid mais qui ont demandé du temps, de l'attention, ils troquent. Puis un jour l'un arrive avec une tête offusquée, la colère au bord des lèvres :

« Regardez ce qu'il m'envoie, un machin tout bâclé et moi je lui envoie des beaux dessins de Walt Disney, et ma mère l'a remarqué aussi ». Eh oui ! Le découpage représentant un masque de chien n'a pas tellement plu à Gérald, il nous en a parlé à tous, on a essayé de lui faire percevoir la qualité du travail de son corres mais lui qui pyrograve des dessins que lui fait son cousin, à la maison, est persuadé que son envoi était beaucoup plus beau.

Mais au bout de quelques semaines

d'échanges réguliers,

les enfants ont naturellement

le désir de rencontrer

 leurs correspondants 

Ignorant les distances comme les difficultés matérielles et financières, ils posent généralement la question en séance de coopérative : « Est-ce qu'on pourrait aller chez les corres ? » ou « Est-ce qu'ils pourront venir nous voir ? »

Si ces derniers n'habitent pas aux antipodes, il faut bien se garder de mettre en avant les impossibilités mais examiner ensemble les données du problème : distance, moyens de transport possibles, avoir financier de la coopérative, participation financière des familles, moyen de se pro­curer d'autres fonds, autorisations administratives. 

Alors ? faire des visites... 

La visite aux correspondants

Lorsque ceux-ci sont proches, les rencontres pourront se multiplier et chez les petits, c'est l'intérêt de choisir des correspondants qu'on puisse visiter facilement en une journée, deux ou trois fois par trimestre si pos­sible. Si les écoles sont suffisamment proches, il sera même possible d'organiser chaque rencontre dans un après-midi, ce qui simplifie encore les problèmes. Ce type d'échanges convient particulièrement aux mater­nelles. 

            des voyages-échanges

C'est sûrement la formule la plus complète : pendant plusieurs jours, chaque enfant est reçu dans la famille de son correspondant, puis inver­sement, le correspondant est invité à son tour. La formule est couram­ment utilisée au secondaire dans les échanges avec l'Angleterre ou l'Allemagne mais généralement sans lien direct avec la classe. Dans notre cas, c'est la classe en bloc qui part chez les correspondants. Certes il n'est pas toujours facile de décider les parents qui sont parfois logés à l'étroit mais qui surtout craignent que leurs conditions de vie soient mal jugées. Généralement la grande majorité accepte une solution momenta­née en voyant le plaisir que cela ferait à leur enfant. Certains plus favorisés acceptent même les correspondants qui n'auraient pu être hébergés ailleurs. S'il n'y a pas d'autres possibilités, on peut même s'organiser à l'école.

Les rencontres situées dans le premier trimestre renforcent la corres­pondance dans les mois qui suivront.

Les enfants sont dans les familles pour la nuit et les repas (du soir et du matin, en tout cas). Puis ils se retrouvent à l'école et ont les activités communes qui ont été préparées d'avance (enquêtes, visites, recherches, expression dramatique, rencontres sportives, etc.). Ils peuvent même préparer ensemble une fête simple pour les parents.

L'organisation d'un pareil voyage-échange peut sembler irréalisable à beaucoup de collègues. Pourtant, la plupart de ceux qui l'ont entrepris, ont été enthousiasmés et surpris par les résultats.

Avec les autres types de rencontres, on touche les enfants. De cette façon, on met les parents dans l'affaire et les plus réticents sur l'introduc­tion de nouvelles méthodes comprennent souvent mieux le travail en pro­fondeur réalisé dans la classe.

Si les correspondants sont d'une région très différente, d'un autre milieu social, les adultes prennent conscience de l'unité de l'éducation au­-delà des barrières artificielles. Au cours des voyages-échanges, on a en­tendu des paysans déclarer : « Il est pas mal élevé, ce petit gars, pour un fils d'ouvrier » et des citadins juger : « Pour des campagnards, ils sont dégourdis » Bien des préjugés sont mis en cause : mieux, à l'oc­casion de ces échanges, les parents ont eu l'occasion de s'écrire (pour signaler que le petit ... ), ils continuent parfois à le faire et il n'est pas rare que des visites de parents au cours de vacances viennent succéder à l'échange des enfants.

On pourrait citer des exemples de véritables jumelages réalisés naturelle­ment et non, comme cela se fait généralement, par notables interposés.

Même si le voyage n’est prévisible qu'en fin d’année 

Il n'est jamais trop tôt pour le préparer dans les esprits (convaincre les parents, sensibiliser ceux qui pourraient aider), dans les modalités pra­tiques (étude du transport, organisation matérielle du séjour, préparation du programme optimum). Il est bon de prévoir longtemps d'avance les autorisations administratives afin de ne pas se heurter au dernier moment à un refus sans recours.

Des classes ont par-fois travaillé des mois sur la préparation d'un voyage chez les correspondants.

 

Se renseigner auprès de la S.N.C.F. pour avoir des tarifs spéciaux Voyage scolaire, promenade d'enfants.

 

Voir page 77

Pour le plaisir de tous,

l'intégration de tous

au projet du voyage-échange

Il faut le préparer soigneusement et notamment que les enfants parti­cipent activement à la préparation. Dans un premier temps, on laisse fuser toutes les suggestions, même les plus farfelues qui fourniront peut­-être les pistes les plus intéressantes.

Les invités indiquent ce qui les intéresserait : voir le petit bois dont parlent si souvent les correspondants, connaître tel monument, tel grand magasin qui est près de l'école, organiser un match en commun, peut-être en brassant les deux classes dans les équipes. Ils préparent aussi les tra­vaux, les petits cadeaux qu'ils offriront en arrivant.

De leur côté les hôtes envisagent tout ce qu'ils pourraient organiser pour mieux faire connaître leur milieu, leur classe. Ils font des propositions et ménagent également quelques surprises. On préparera une exposition des travaux du trimestre, on présentera nos plantations et animaux, les dernières recherches en math, un jeu dramatique ou des marionnettes, on pourra faire un débat enregistré, on préparera telle visite de la vieille ville, telle promenade, on confectionnera crêpes ou gâteaux.

Le repas et le goûter pourront être simples, réalisés avec les apports de chacun, l'essentiel est que la présentation, l'atmosphère en fassent un moment un peu exceptionnel.

Peut-être sera-t-on plus ravi de partager, dans la détente, les sandwiches et les fruits avec les correspondants que de faire un repas complet dans une atmosphère de cantine.

Il importe aussi de réserver des moments de simple rencontre libre entre amis qui ont envie de se parler, de jouer ensemble, de rire.

 

Dans certains cas, il est difficile

 d'aller en une journée

chez les correspondants

mais il est possible

de se rencontrer dans un même lieu

 

On peut se retrouver pour pratiquer une même activité, soit en un lieu équidistant (chacun fait à peu près la moitié du chemin) soit à un endroit particulièrement intéressant pour tous. Des enfants de banlieues éloignées ont ainsi fait ensemble la découverte d'Orly. Des élèves de Rouen et de Paris se sont retrouvés dans une croisière éducative sur la Seine, d'autres encore à un rassemblement de jeunes coopérateurs ou dans une auberge de jeunesse.

L'essentiel dans de telles rencontres est de ne pas laisser passer au se­cond plan les échanges interpersonnels entre les correspondants, c'est pourquoi la préparation de ces rencontres demande peut-être encore plus de soin que les autres.

Nous connaissons des classes correspondantes qui ont réussi à partir en­semble en classe de neige. Lorsqu'elles revinrent de la montagne, la sym­biose était telle que l'appartenance à l'une ou l'autre des écoles semblait un détail secondaire.

Écrire à ses correspondants, échanger avec eux lettres, textes, albums, c'était déjà bien et cette pratique remue effectivement au fond des individus des possibilités inemployées. Mais voir ces correspondants, jouer avec eux, manger à leur table, monter sur leur vélo, cela décuple encore ce besoin inné chez les enfants de sentir autour d'eux battre le cœur d'êtres dont la destinée est désormais mêlée à la leur.

Voir, observer, se souvenir, ce n'est que l'aspect secondaire du pro­blème, celui qui « va de soi » le bassin de la fontaine se remplit for­cément si la source a été trouvée et canalisée pour jaillir en flots bouil­lonnants. Par les échanges, nous prospectons les sources et nous établissons la canalisation.   

C. Freinet

 

Voir témoignages pages 69, 73, 74

 

ATTENTION AUX ECUEILS ! 

Il faut que nous ayons vis-à-vis de la correspondance la même attitude que le jardinier devant une plante en croissance. N'a-t-il pas la patience d'attendre que les rameaux poussent lentement, n'élague-t-il pas parfois pour sélectionner les plus beaux, ceux qui porteront les fleurs et les fruits ?

De même il nous faudra ne pas multiplier les bourgeons, ne pas tirer sur les rameaux pour les allonger plus vite, ne pas hâter la floraison et la fructification car, non seulement nous risquons de cueillir des fruits atrophiés, mais nous pourrions faire mourir une plante si prometteuse.

Je veux dire que devant la correspondance, il faut abandonner une attitude d'enseignant non informé qui consisterait à exploiter la moindre chose, le moindre mot, à en tirer toute une suite de travaux longs et lassants, à plaquer sous le couvert d'une technique libératrice, tout un fatras de connaissances, de lois, de règles. Au contraire, la part du maître consiste, comme l'explique si bien Élise Freinet (B.E.M. 40-41, La part du maître - 8 jours de classe) à faire prendre conscience de la différence entre la gravité de l'événement et la banalité de « l'incident ».

Ce choix, rejetant le médiocre, influencera la qualité des échanges, évitera l'éparpillement au profit d'un approfondissement plus formateur. Le maître veillera également à la présentation des réalisations guidant vers la simplicité, la clarté, la beauté. Rien de plus repoussant qu'un travail confus, touffu, brouillon. Cette remarque n'est pas accessoire. Habituer l'enfant dès son plus jeune âge à veiller à la présentation et à la qualité de ses réalisations, n'est-ce pas lui donner le sens de la dignité du travail ?

L'enfant sent bien que la correspondance est une activité sérieuse qui le grandit et qui l'engage. De là naît cet élan, ce désir de toujours mieux faire, alliés - comme nous l'avons vu - à la satisfaction de travailler pour un autre.

Et Freinet nous conseille sagement :

« Le secret pour nous, c'est de ne pas amortir ce désir, de ne pas refroidir cet enthousiasme parce que l'un et l'autre seront les leviers décisifs de notre éducation ».

Là est la part du maître la plus délicate. Comment maintenir ce climat de dépassement perpétuel dans le plaisir.

Il faut trouver en nous assez de richesse humaine et de délicatesse pour consoler un enfant déçu par le peu qu'il a reçu, pour l'aider à découvrir la petite chose qui illumine le reste, pour encourager les efforts de celui qui réalise lentement, pour rester au diapason de cet enthousiasme créateur.

Établir et maintenir un climat d'expression libre, de plaisir créateur, donner le goût et le désir d'un travail bien fait, favoriser la réussite de chacun, telle est la part du maître discrète, indispensable pour que la correspondance porte ses fruits.

La correspondance

et le voyage-échange

 permettent à l’enseignant

d'approfondir ses recherches,

de découvrir les problèmes qu'il se pose

résolus dans la classe de son collègue,

 d'avoir un échange formateur enthousiasmant

 

 pcdem-0012.JPG (35657 bytes) 

 

Ma correspondante m'a beaucoup apporté, elle est très dynamique. Elle m'entraîne dans son sillage.

 

La correspondance nous a permis d'échanger des idées sur le travail de la classe, sur la manière de procéder en telle matière.

 Voir témoignages page 69

 

Et pour les parents ? 

Des mamans chez les correspondants 

Des parents ensommeillés et anxieux avaient laissé leurs enfants, avec de plus ou moins gros paquets, au parking de l'école ou à la gare, dans le matin encore tout noir.

Les petits voyageurs, eux, se rassuraient en faisant un inventaire de leur sac, des « cadeaux » ou en susurrant « on va prendre le train », ce qui constituait une grande première pour onze d'entre les vingt et un enfants.

Dans le wagon, nous nous comptâmes, deux mamans plus Gigi pour vingt et un enfants sagement assis, nous allions pouvoir faire face. A Mézidon déjà, Mikaël... et d'autres demandaient si nous étions arrivés ! Un monsieur qui essayait de lire un ouvrage sur La méthodologie de la recherche, en face de Vincent et non loin de petites filles qui faisaient pépier leurs « kikis », sourit. Un peu plus tard, il devait sépare,, Vincent et Tony qui se bagarraient, l'un n'arrivant pas à « tuer » l'autre avec son pistolet fictif car celui-ci ressuscitait toujours en appuyant sur un bouton. 

Chacune notre tour, nous emmenions un enfant aux toilettes et, en route, la troupe grossissait. L'activité occupa tout le monde de grands moments.

Quand Le Mans arriva, le petit groupe était bien réveillé, des fourmis dans les jambes, mais nos réserves de patience n'avaient pas trop souf­fert, n'en déplaise aux gens qui nous regardaient d'un air apitoyé. Un car nous conduisit à l'école de Saint-Pavace et notre nuée de moineaux se colla à nous, n'osant avancer vers le groupe qui piétinait en nous attendant depuis neuf heures. Les bouffées de timidité, les yeux baissés, ne durèrent pas. Après la présentation des enfants entre eux, un climat chaleureux remplaça la gêne et chacun se mit à dessiner cependant

qu'une première équipe allait faire des gâteaux.

Nous étions sidérées, les mamans du Mans et nous, de la facilité d'adap­tation des enfants qui, tout à la découverte de la nouvelle famille, ne se souciaient plus de nous et s'organisaient comme pour rester longtemps. Tous ont déploré le lendemain de partir aussi vite, même ceux qui appréhendaient la nuit à cause des « pipis au lit » car personne n'a fait chez le correspondant.

Le retour a été plus dur car, toute inquiétude envolée, désormais aguerris aux voyages, les enfants se sont installés, explorant avec délices et exclamations le casse-croûte préparé par la famille du correspondant, les voisins, les sièges...

Quels parents s'inquiétaient d'abandonner leur petit aux vicissitudes d'un voyage sans eux ?               

Brigitte et Marika



Cette année, deux classes du collège de Lunel ont des correspondants (pas en anglais mais en... mathématiques !), une 6e et une 5 e. La 6 e avec une classe de Dompierre-sur-Mer, près de La Rochelle et la 5 e avec une classe du Mans.

Les 6 e sont venus en novembre et ont passé trois jours entiers à Lunel Ils étaient arrivés le lundi soir en gare de Monpellier et nous aurions bien du mal à vous dire qui étaient les plus émus, des enfants, des parents venus nombreux pour accompagner les enfants chez leurs correspondants à Lunel, ou de la prof. Tout le monde s'était rassemblé en bas de l'escalier roulant et attendait, le cœur un peu serré, le train en provenance de Bordeaux. Et c'est /à qu'on voit des parents que l'on ne verrait jamais aux réunions, que l'on fait la connaissance du grand-père et de la grand-mère qui sont là eux aussi à l'occasion de l'événement.

 Maire-Claire Combes

pcdem-0013.JPG (34643 bytes)


TEMOIGNAGES

    Plus des élèves mais des enfants
     (la présence d'un camarade malade)
    Aider l'individu à se construire
     (le démarrage de Mohammed)  
    La correspondance peut prendre différentes formes
     En S.E.S
     En L.E.P   
     Au 1°
, degré, évolution d'une correspondance
     En maternelle, déjà
    La correspondance placée au centre des activités et prise en charge par le groupe-classe
     (gerbe de témoignages)
    L'enfant écrit à son corres.
     Pour les lettres individuelles, une aide parfois nécessaire
    Le groupe-classe écrit à l'autre groupe-classe
     La lettre collective
    Et les apprentissages ?
     des maths  
     recherche scientifique au C.E         
    vivre l'histoire-géographie à travers la correspondance        
   Toutes les richesses des voyages-échanges   
   Par-delà les frontières          


pcdem-0014.JPG (25345 bytes)

Plus des élèves, mais des enfants 

La présence d'un camarade malade

 

 

Un « enfant malade », pour l'institution, c'est d'abord un « élève absent ». Tony n'est pas un élève-absent, mais un enfant-malade. Il n'a jamais été aussi présent... durant son absence !

C'est tout naturellement que Tony, hospitalisé, a écrit à ses camarades de classe et que ceux-ci lui ont répondu. Leur maître, Louis Olive, raconte 

Première lettre de Tony à la classe 

Cher Monsieur Olive et toute la classe. 

Ce matin, mercredi à 7 heures et demie, on est allé à la clinique. C'est le docteur qui nous avait dit de venir à 7 heures et demie.

On nous avait dit que c'était demain qu'on m'opérait. On m'a fait une piqûre à l'oreille et une prise de sang, Après je me suis un peu amusé et de 7 heures et demie jusqu'au soir j'étais à jeun, ça veut dire « de ne pas manger tout un jour ». A trois heures, on m'a amené dans une « charrette » pour aller m'opérer. Il y avait des hommes qui avaient un grand « foulard » devant le nez. Après, j'avais mal. Ça me tirait, J’étais dans mon lit et ma maman était devant moi. Ça me tirait beaucoup. Après j'avais moins mal. Ma maman me souriait et mon papa aussi me souriait.

On m'a fait voir un morceau d’estintin » pourri. C'est pour ça que j'avais mal.

Il est bien temps de vous quitter,

Au revoir.

Tony

 

Deuxième lettre ... 

Cher Monsieur Olive, j'espère que ça va bien dans la classe. Moi, ça va bien.

Maintenant, il faut que je boive « rinque » du bouillon aux légumes ? Le numéro de la chambre c'est le 2.

Quand j'étais sur la « charrette » après je « m'étais mis » sur une grande planche blanche. Alors, on m'a mis sur mon nez et mes yeux un masque qui sentait (de) la colle Rock

Tony

 Troisième lettre, le jour de la rentrée (3 avril) 

Cher Monsieur Olive et toute la classe. Je dis un grand salut. 

Quand on m'a opéré, deux jours après, je me suis levé. Ca va bien. Maintenant il faut me faire des piqûres de

« pilissiline ».

On m'en a déjà fait deux !

Maintenant, c'est vendredi: on va me faire une piqûre de « pilissifine ». Je me décontracte et ça fait pas mal !

C'est vendredi : je peux boire une grosse soupe épaisse avec des « patates » dedans la soupe.

Samedi je pourrai manger du tournedos avec de la purée et une compote. Pour le (petit) déjeuner je bois du poulain à l'eau.

J'ai un petit ami avec moi: il s'appelle Henri.

A moi, la maman, Marité (c'est la maman de Tony), elle m'a acheté un Pif des livres à colorier, des enveloppes, un stylo à bille et des crayons de couleur.

Cet après-midi, elle va m'acheter une grosse voiture blanche avec des taille-crayons pour tailler mes crayons,

Je vous réponds... aux questions.

 

(Nous avions bien entendu répondu à Tony, faute de pouvoir aller le voir).

 

... Christophe André, vérifie toi aussi ce que tu m'as donné.

(Il s'agissait d'une « longue division », notion abordée pendant l'absence de Tony).

 

Je (ne) me sens pas de le faire !

Je réponds à Benoît: quand je me suis réveillé, j'avais la bouche « sec » et j'avais très soif.

La question de Benoît est bonne !

Je crois qu'il y en a plus... de questions

Au revoir à tous et à tout le monde qui m'a écrit.

Tony

 

Depuis Tony est rentré.

 

Il nous a apporté son appendice (dans une éprouvette remplie de formol), dessiné « comment ça c'est passé » et tenu à nous montrer sa cicatrice !

 

Aider l'individu à se construire

Le démarrage de Mohammed

Le 25 octobre, inopinément, a débarqué dans ma classe un petit Marocain de treize ans, complètement effarouché.

Peu après neuf heures, nous venions de rentrer, le principal me présenta, en quelques mois, dans le couloir, ce nouvel élève : « Je vous amène un nouveau en attendant qu'il soit examiné... C'est peu--être provisoire... Mohammed, treize ans, habite en face de la cave coopérative.. . Prenez-en soin ! »

Très vite je constate que l'enfant parvient à se faire comprendre mais ignore la signification de mots très simples : il faudra constamment que je m'assure de sa compréhension... 

Le « démarreur »

Mohammed a quitté le Maroc le 30 septembre. Par chance, il a suivi des cours de français. Je pense tout de suite à lui prêter la Gerbe Franco-Arabe reçue depuis peu avec Chantiers (1). Cette gerbe est un recueil de textes d'enfants migrants exprimant leur nostalgie, leurs joies et leur fierté. Ces textes ont été recueillis dans une classe de perfectionnement de Nice et traduits, tantôt en arabe, tantôt en français par M. Bounaoura qui assure un cours d’arabe à ces enfants, le mercredi.

L'enfant était ravi : il a tout de suite voulu en faire autant. A ce moment, j'étais occupée pour l'aider en français. Je lui ai demandé d'écrire d'abord en arabe, ce qu'il a fait. Ensuite il m'a traduit son texte que j'ai écrit après avoir corrigé les phrases au fur et à mesure. Cela s'est reproduit pour les six textes suivants, à cette différence près que Mohammed écrivait tout seul la traduction en français. Je recopiais après correctement avec l'aide de l'enfant.

Mohammed a compris que (hélas !) c'était inutile d'écrire d'abord en arabe puisque je ne pouvais pas le corriger ! Il a donc continué à écrire ses histoires en français.

Mes regrets 

Je suis désolée que ce garçon soit obligé d'abandonner sa langue maternelle. Que faire ? Raisonnablement, je ne peux pas me lancer dans l'apprentissage de l'arabe ! Vous souriez... mais, dans nos classes, nous faisons à peu près tout... comme nous pouvons !

(1) Chantiers : revue I.C.E.M. de l'enseignement spécialisé. 

Une ouverture 

Et si j'écrivais au collègue de la classe de perfectionnement de Nice pour lui demander, si possible, de nous envoyer le journal et peut-être une lettre de ses élèves ?

Le 4 décembre, Mohammed écrit le premier jet de sa lettre. Les deux jours suivants, il la recopie, l'illustre avec la plus grande application, tire son premier dessin au duplicateur à alcool, limographie son texte et son illustration. Le tout est expédié le 10 décembre. 

Première lettre  : 

Chers copains, 

J'ai été content de lire votre journal. Dans « Chez Nous », il y a beaucoup d'arabe et du français. J'ai compris tout ce qu’il  y a écrit, même les mots difficiles. J'ai été heureux.

Bonnes vacances.

Mohammed

 

Recevra-t-il une réponse ? (Je sais que le maître est très occupé : je lis souvent ses articles, albums dans Chantiers).

De toutes façons, grâce à cette gerbe, l'enfant est lancé. Malgré de très grosses difficultés, il écrit avec plaisir. J'espère qu'il fera de rapides progrès.

Le 4 janvier, arrivent : une lettre illustrée et écrite par trois petits Marocains, un journal : Arc-en Ciel, un texte et un chant bilingues et une lettre du maître qui me demande si nous acceptons de faire paraître, dans Chantiers, la lettre de Mohammed avec la réponse des enfants de sa classe et des extraits de ma lettre pour illustrer concrètement l'utilisation possible de la gerbe bilingue. Je demande l'accord de l'enfant devant ses camarades étonnés...

Mohammed est radieux. Après la lecture, je lui donne les feuilles imprimées en lui demandant : « Tu es content ? » J'ai cru qu'il allait m'embrasser : il était vraiment heureux ! A cinq heures, quand il m'a dit au revoir, sa frimousse sympathique rayonnait de bonheur... 

Voici la lettre de Nice et la réponse postée le 21 janvier avec un texte et quatre feuilles fraîchement imprimées.

Cher camarade, 

On est très contents que tu aies lu notre journal. On est très contents aussi que tu nous aies écrit. On trouve que tu sais bien lire.

Je m'appelle Saida, j'ai dix ans. Moi aussi je suis Marocaine, j’habite à Fès. 

Moi je m'appelle Abdel, j'ai onze ans. Je suis Marocain, j’habite à Casablanca. Et toi où tu habites ? 

L'illustration de la lettre est de Saloua. 

Mohammed ne tarde pas à répondre. 

Chers camarades, 

Je suis content parce que vous m'avez donné un journal. Je sais mieux lire que l'autre jour.

J'ai treize ans. Au Maroc, j’habitais à Kénifra. Maintenant j’habite à Lasserade, près de Plaisance.

J'ai trois frères qui s'appellent : Montassire (4 ans), Abdelhak (7 ans), Abdellgami (12 ans). Toute la famille va bien.

Saida, Abdel et Saloua, combien avez-vous de frères et de sœurs ?

Hier après-midi, je suis allé au circuit de Nogaro. Il y avait trois voitures et trois motos. Elles allaient vite. Un monsieur a pris un virage à toute allure... Je n'ai pas eu peur. J’étais content.

J'ai montré votre journal à maman. Elle était contente de le lire. Elle a chanté. Nous sommes heureux. J'ai chanté avec elle la chanson arabe. Je vais l'apprendre.

Au revoir et à bientôt.

Mohammed

 

Pour conclure 

Je suis persuadée que cet album bilingue a permis à ce nouveau de s'intégrer rapidement dans la classe. L'enfant a été tout de suite en confiance.

Mohammed a lu en arabe devant ses camarades et montré cette belle et mystérieuse écriture. Ils ont vu également comment il écrivait ! ... Cela a contribué à valoriser ce garçon. « Que ferions-nous si nous devions aller à l'école là-bas ? ... Mohammed se débrouille très bien mais il aura souvent besoin d'aide... de votre aide : Je compte sur vous... »  Maintes fois j'ai entendu : « il faut l'expliquer à Mohammed! » 

L'enfant se montre bon copain, très attentif et travailleur. J'apprécie énormément ses qualités et je veille à ce qu'il ne souffre pas de sa condition d'immigré. Je pense qu'il restera dans ma mini S.E.S. West un pis-aller). 

Théette Tajan

 

La correspondance peut prendre différentes formes 

En S.E.S.

Le problème majeur de mes quelques années de correspondance avec des élèves de S.E.S. a été celui de leur adhésion véritable à cette activité ; il est parfois difficile de concilier l'introduction en classe de nos techniques et le principe du libre choix que nous prônons par ailleurs. Difficulté accrue du fait que les élèves arrivent en S.E.S. ayant déjà connu une pratique de la correspondance pas toujours exempte de scolastique.

En 77, j'ai donc attendu la « demande ». Elle est arrivée un peu tardivement, exprimée par un élève, plutôt mal accueillie par les autres. J'ai aussitôt dédramatisé en disant que ne feraient de la correspondance que les volontaires . Après de longs débats, les désirs se concrétisaient ainsi :

- Deux élèves voulaient une correspondance autonome, individuelle. (Ils me demandaient quand même de leur trouver des correspondants... dans l'Ile de la Réunion. J'y suis parvenue.

- Deux élèves ne voulaient pas d'une correspondance avec des classes, ni même des jeunes, mais d'une correspondance variée selon les besoins. lis étaient en somme chargés de tout le « courrier » de la classe (il y eut de multiples occasions).

- Deux élèves ne voulaient pas écrire du tout. - Les autres voulaient une correspondance régulière avec une classe, mais pas d'échanges individuels au départ.

Et c'est ainsi que commença la correspondance avec l'E.N.P. de Meynac (Corrèze) qui dura trois ans. 

Le voyage-échange, très riche affectivement a amené des lettres individuelles, et comme je gardais chaque année, la moitié de l'effectif,

le choix d'une correspondance ne posa plus de problème ; on écrivait à Meynac. Comment faire dans la pratique pour que cette correspondance reste le « nœud » de la vie de la classe, sa charpente, ne tombe pas dans la routine, le scolaire, donc comment continuer à motiver, émouvoir, etc.

Je me basais sur un principe : ne jamais forcer, laisser un libre-choix., sans oublier son symétrique : aider à respecter les engagements. Réception d'un paquet = réponse.

- Pour ce qui est des échanges collectifs, j'avais renoncé depuis longtemps - sauf événement exceptionnel - à la réponse rédigée dans sa totalité en commun. Nous dégagions les grands points de notre réponse et chaque élève (ou groupe d'élèves) choisissait le thème du paragraphe qu'il voulait rédiger. On présentait ensuite à l'ensemble du groupe.

- Pour ce qui est des échanges individuels, les élèves refusaient à chaque rentrée le correspondant attitré. Alors on attendait... En lisant les envois, lettres, textes, des Corréziens, si l'un de nous semblait particulièrement intéressé par telle ou telle information, je lui suggérais d'écrire au copain concerné pour obtenir de plus amples renseignements. Se nouaient ainsi des liens, quelquefois durables, se renouvelant après quelque silence, entre chacun des élèves de Rezé et chacun des élèves de Meynac.

A la fin de l'année, quand arrivait le moment du voyage-échange, chaque élève avait écrit plusieurs fois à chaque élève de la classe correspondante. On se connaissait mieux, semble-t-il, que par le système des « couples ».

Et la correspondance était vraiment librement consentie, plus naturelle, plus motivante.

Mireille Gabaret

En L.E.P.

Cela fait déjà plusieurs années que nous tâtonnons pour trouver « la » forme satisfaisante d'échanges entre nos élèves... Heurts et malheurs, joies et déceptions, frustrations et enrichissements... 

Des 1e, C.A.P. Maçonnerie ou Couture aux 2 e B.E.P. Electronique ou Télécommunications, la différence est grande et les mêmes techniques ne sont pas applicables. Avec nos ados de 14 à 18 ans, la relation garcon-fille n'est pas toujours facile à tenir, et il n'est pas rare qu'elle apparaisse autant bloquante qu'enrichissante... 

Enfin on se retrouve toujours un peu piégé par les délais de réponse : beaucoup d'élèves se découragent vite quand une réponse ne leur revient pas dans les quinze jours, et c'est plus souvent deux ou trois mois ! Tous les professeurs du réseau n'accordent évidemment pas la même place à la correspondance, d'une part, et , d'autre part, la gestion des envois et réponses n'est pas toujours facile... 

Nous pratiquons donc actuellement deux types de correspondance, non exclusifs l'un de l'autre d'ailleurs : le « réseau » ouvert, qui donne plutôt la priorité aux échanges d'idées, d'informations, de questionnaires et sondages ; c'est une forme assez souple, chacun possédant son propre réseau de correspondants, les envois n'exigeant pas de réponses obligatoires :

la classe, en ateliers, se partage les envois, chacun répondant en fonction de ses propres motivations et intérêts ; la réponse n'entraîne pas l'attente d'un lien permanent, elle est surtout l'occasion de creuser un problème, de s'exprimer sur une question ; c'est d'ailleurs assez souvent le point de départ de travaux plus développés dans la classe... 

Avec les « petites » classes, je préfère pratiquer des échanges plus stables, plus suivis, établir des contacts plus institutionnalisés de classe à classe et une écriture collective : un contact plus sensible, plus affectif... Bien sûr, quand ça peut déboucher sur un voyage-échange... mais il y a eu au moins échange de travaux, d'expériences de vie, de conditions de vie. Pour chacun, il s'agit de s'adapter à sa classe, à la classe correspondante, à la façon dont l'autre prof « pratique » la correspondance. 

Il y a eu des ouvertures : correspondance avec des écoles primaires, des maternelles, ou des « terminales », ou bien demandes d'élèves aux adultes-profs. Nous cherchons un moyen d'institutionnaliser, sans le rendre rigide, un lien avec les E.N.N.A. et les profs « stagiaires ». 

Tony Rouge

pcdem-0015.JPG (26071 bytes)

 

Au Premier degré, évolution d'une correspondance

Voici maintenant huit ans que je pratique la correspondance dans le cadre de la pédagogie Freinet, et je crois avoir vécu, au cours de ces huit années, l'évolution souhaitable d'une correspondance. 

Sorti en septembre 1968 d'un stage Freinet j'avais peur de l'éloignement et de l'inconnu: et c'est dans le cadre du stage que j'avais décidé de choisir un correspondant, veillant bien à ce que la structure de sa classe puisse se calquer au mieux sur celle de la mienne (j'avais alors un C.M.1. - C.M.2. - F.E. rural). Je craignais la disparité, je pensais devoir appliquer à des rapports humains un esprit cartésien, espérant ainsi que les « mariages » n'en seraient que plus logiques, donc plus efficaces. 

Cette première expérience s'est déroulée tant bien que mal. Nous avons alors connu, mes gosses et moi, nos premières erreurs, nos premiers échecs, nos premières déceptions, mais aussi cette immense joie qui naît des échanges entre amis cherchant à toujours mieux se connaître.

Suivirent quatre années de correspondance du même type, où j'eus la possibilité de calquer, comme la première année, non seulement les structures de classes, mais aussi les structures d'écoles : ma femme et moi-même travaillant en poste double rural, nos cinq premières années de correspondance se firent avec des postes doubles du même type.

C'était rassurant : les « mariages » nous paraissaient relativement faciles, et souvent même réussis (nous connaissons quelques correspondances qui durent encore depuis cette époque). Nous terminions généralement l'année par deux voyages : nos deux classes allaient chez les correspondants, et leurs deux classes venaient nous voir.

La solution, il faut le dire, nous a apporté d'immenses satisfactions, à nos gosses comme à nous-mêmes (ce qui est loin d'être négligeable). Nous avons découvert ensemble l'amitié, la joie de recevoir, celle d'envoyer, celle de donner, celle de découvrir, mais aussi la critique, l'attente, la déception, en un mot tout ce qui fait la qualité des rapports humains. 

Et puis, il y a eu en 1972, le congrès de Lille. Là, certains d'entre nous ont osé se remettre en cause, et remettre en cause la structure habituelle de la correspondance interscolaire.

Celle perpétuelle remise en cause, qui est le propre de la pédagogie Freinet, n'était pas un reniement de ce qui s'était pratiqué jusqu'alors, mais tout le contraire : il s'agissait de parfaire une organisation qui risquait de faire sombrer bon nombre d'entre nous (et bon nombre de nos gosses) dans la routine, d'autant que la formule des « mariages » jusqu'alors appliquée nous semblait obliger les enfants à s'engager dans un processus d'échanges irréversible, à un moment bien précis, non choisi par eux, alors qu'ils n'en avaient peut-être pas besoin à ce moment-là, les motivations en étant trop artificielles. Et puis, le rythme et la forme des échanges étaient souvent très rigides ; on attendait généralement que toutes les lettres partent en même temps, car on risquait de décevoir les correspondants à la réception du colis, on écrivait donc tous en même temps, même si l'on n'avait rien à dire (n'ayons pas peur des mots 1), etc., etc. 

Tout cela commençait à me peser, et les copains de Lille ont servi de révélateur en ce qui me concerne. Des possibilités de correspondance plus naturelle me sont apparues et je me suis engagé, à partir de ce congrès, dans le jeu de cette nouvelle correspondance.

Mais, il faut bien le dire, j'avais encore la frousse : j'étais séduit par l'esprit de la correspondance naturelle, mais je voulais quand même garder tout ce qui nous avait apporté les années précédentes tant de joies et de satisfactions (je pense en particulier aux voyages chez les correspondants et aux échanges de travaux de classe à classe, pour ne citer que cela). Alors, pendant deux ans, j'ai opté, en bon Normand que je suis, pour une solution qui me paraissait ménager la chèvre et le chou : inscrits en correspondance naturelle, mes gosses pouvaient écrire où ils voulaient, quand ils le voulaient, sous la forme qu'ils souhaitaient, mais ils avaient parallèlement une correspondance de type habituel, chacun ayant un ou deux correspondants dans une classe relativement voisine, avec laquelle nous avions donc des relations privilégiées (à noter toutefois que cette deuxième correspondance était bien moins contraignante qu'autrefois puisque chacun s'était choisi, dans la mesure du possible, son correspondant, et lui écrivait seulement quand il le désirait : il n'y avait donc plus cette obligation d'être prêts tous en même temps). 

Ces deux années ont été pour moi très lourdes, car je tenais à ce qu'un pointage systématique avec date et nature des échanges permette aux enfants de s'y retrouver rapidement. Là encore, nous avons trouvé d'excellentes choses dans cette formule, mais après avoir, avec les camarades voisins et ceux des congrès, analysé ces deux années de travail, il m'a paru nécessaire de jouer, totalement cette fois, le jeu de la correspondance naturelle.

C'est pourquoi, à la rentrée de septembre 1975, mes quatorze gosses de C.M.2 n'eurent au départ aucun correspondant : nous avions seulement à nous mettre sous la dent une liste de trente à trente-cinq classes de tous niveaux, toutes plus inconnues et plus lointaines les unes que les autres.

Voilà pour l'évolution de ma correspondance, mais avant de raconter l'année qui vient de se terminer, je voudrais revenir sur quelques options de la correspondance naturelle. 

Esprit et démarrage en correspondance naturelle 

On ne le dira jamais assez, et je tiens à le rappeler ici encore, la création des circuits de correspondance naturelle n'est en aucun cas la négation de ce qui s'est pratiqué et affiné depuis plusieurs dizaines d'années : il y a tant de bonnes choses, tant de trouvailles coopératives, tant de chaleur dans ce qui s'est fait si longtemps et se fait encore dans les classes qui pratiquent la pédagogie Freinet que personne n'a pu souhaiter qu'on tire un trait là-dessus. Bien au contraire, il faut préserver ce qui est bon, et c'est ce qui m'a poussé à adopter momentanément la solution mixte dont je parlais plus haut. Ce que veut la correspondance naturelle, c'est rendre à l'enfant la part de liberté à laquelle il a droit. Il nous a semblé que le libre choix devait retrouver sa vraie place dans le domaine de la correspondance, en particulier en offrant à l'enfant la possibilité de ne pas écrire s'il n'en a pas envie. C'était pour nous un moyen de rendre à la correspondance cette vérité et cette affectivité qui distingue, à mon sens, la pédagogie Freinet d'autres pédagogies dites modernes ou rénovées, souvent froides et désolantes parce qu'elles n'utilisent que les techniques sans en voir l'esprit (voir le sabotage du texte libre !) : on n'attachera jamais assez d'importance à l'affectivité, faisons-la entrer à pleines bouffées dans nos classes (au risque de paraître bizarre aux yeux de certains... ).

Ce qui nous a donné, au sein de la correspondance naturelle, le plus de mal (et qui nous pose encore de gros problèmes, puisque le groupe qui a travaillé au congrès de Clermont-Ferrand a décidé de proposer pour la rentrée 1976 plusieurs options nouvelles), c'est le démarrage.

Finie la photo ou la carte d'identité qu'on envoie la première quinzaine de septembre, finis les « mariages » fait par les maîtres, finis les démarrages tous ensemble. Alors, que faire ?

Se présenter dans une Gerbe ? Lancer un hameçon individuel ou collectif ? Attendre qu'un ou plusieurs enfants désirent écrire ? Poser des questions à d'autres ? Demander un ou plusieurs correspondants au hasard, sans aucune autre envie que celle d'écrire ? Attendre les questions des autres ?

Je crois pour ma part qu'il n'y a pas une mais des solutions. Notre rôle, notre part du maître doit consister à saisir toutes les occasions car, qu'on le veuille ou non, neuf mois et demi, c'est court, et dans le monde où nous vivons, nous n'avons pas toujours le temps d'attendre !

Oui mais, quand la machine est lancée, j'affirme qu'il faut y mettre bien peu d'huile pour qu'elle continue à bien rouler. La seule vraie condition à respecter, celle qui me paraît essentielle pour que ça marche, c'est de trouver dans la classe une structure de travail coopératif qui donne priorité à la correspondance et qui permette à l'enfant d'écrire dès que le besoin s'en fait sentir et de répondre vite à toute demande qui lui parvient.

Quant à ma crainte en ce qui concerne le caractère aléatoire d'un voyage-échange, elle s'est vite estompée, au fil des mois, et je crois pouvoir affirmer, à la fin de cette année scolaire 1975-76, que cet acquis primordial de la correspondance en pédagogie Freinet peut et doit être préservé. C'est pourquoi je me propose maintenant de résumer en quelques paragraphes l'évolution de nos correspondances au cours de l'année, flot de vie qui a débouché sur un voyage que mes gosses ne sont pas prêts d'oublier. 

Notre année de correspondance naturelle 

Pour tenter de préciser l'importance qu'a pu prendre la correspondance dans ma classe cette année, j'ai cru bon de résumer en deux tableaux le volume de mes échanges, en les classant très arbitrairement en deux catégories : les échanges de type individuel et les échanges de type collectif.

J'ai ainsi recensé 233 envois individuels et 66 envois collectifs. C'est beaucoup! Mais il faut dire aussi que la production des textes libres ne semble pas en avoir souffert et nous avons continué à imprimer notre journal scolaire. Aurions-nous eu plus de textes si la correspondance avait été moins volumineuse ? Cela reste à prouver.

Comment en sommes-nous arrivés là ? et surtout, comment avons-nous démarré ?

Voici trois ans que nous avons choisi, dès les premiers jours, les gosses et moi, de présenter notre classe dans la première Gerbe que reçoit chaque classe du groupe en début d'année scolaire. Ce point de départ nous a souvent permis, comme je le disais plus haut, de lancer la machine.

Ainsi sont nés des échanges de toutes sortes avec Besayes, Vesoul, Hergnies, La Luze, Saint Genis-les-Ollières... Nous apprenions au fil des semaines à mieux connaître, non pas une, mais plusieurs classes. Quel enrichissement ! 

Parallèlement à ces échanges de type collectif, plusieurs de mes gosses ont écrit dans des classes, choisies par eux-mêmes dans la liste, pour demander un ou plusieurs correspondants ; d'autres (parfois les mêmes) ont accepté de répondre à une ou plusieurs demandes du même type parvenues chez nous. Cette façon de démarrer nous a causé bien du souci, car elle semble, à première vue, relever du plus grand hasard, de la plus grande fantaisie, ce qui paraît aller à l'encontre de l'esprit que nous recherchions en correspondance naturelle. Certains camarades ont dit leur désapprobation, pensant qu'il fallait d'abord essayer de connaître, par le biais d'échanges collectifs, les milieux de vie où l'on choisirait ensuite éventuellement un correspondant ou une correspondante. Et pourtant, il m'a paru normal et nécessaire d'accepter ces demandes de mes gosses adressées aux quatre coins de France. Ainsi, quand Sylvie, le 3 novembre, a posé sur ma table une lettre demandant une correspondante chez Marcel Jarry, à Châteauroux (pourquoi justement là ?), je n'ai pas cru bon de refuser cette demande, et de cette espèce de coup de dé est née une importante série d'échanges : je n'ai pas eu à le regretter. 

Ainsi, la correspondance a pris dans notre classe la place prépondérante dont je parlais précédemment. Combien de fois notre emploi du temps s'est trouvé bousculé, maltraité, anéanti même par la correspondance ! Bien évidemment, la correspondance naturelle bouleverse la vie de la classe et l'individualisation du travail, ou du moins le travail en groupes, deviennent vite une absolue nécessité.

Je ne crois pas que mes gosses aient été déboussolés par la dispersion et la grande diversité de nos correspondances, car j'ai toujours tenu à assurer avec eux un pointage rigoureux et un repérage géographique systématique. En un mot je ne croîs pas les avoir bousculés en leur laissant la possibilité de tant écrire, de tant échanger. 

Ce que j'ai bousculé, ce sont les structures traditionnelles de la classe : la réussite de la correspondance est à ce prix. 

Jean-Pierre Têtu

pcdem-0016.JPG (27956 bytes)

 

En maternelle, déjà ... 

J'ai pratiqué en maternelle (moyens-grands) deux types de correspondance :

1. Une correspondance globale de classe à classe.

2. Une correspondance ponctuelle avec une ou deux classes sur une recherche donnée. 

I. Correspondance de classe à classe 

Elle est très importante car il y passe tout un affectif qui stimule le désir de communication. Ainsi cette année, les lettres collectives ne se répondaient pas : chaque classe se racontait sans tenir compte de la lettre reçue. Puis, petit à petit, on a commencé à questionner : « Est-ce que vous avez des ballons? Est-ce que vous faites de la gomme ? » et on a commencé à se répondre. Un jour, au deuxième trimestre ça a démarré : les corres ont raconté qu'ils jouaient à la bille à trous. On a demandé ce que c'était, après la réponse, on a essayé. C'était enfin une vraie communication. 

1. Comment on l'a pratiquée 

a) Un instit fait la proposition dans sa classe (en général celui qui a des « anciens ») si la classe est d'accord (et elle l'est généralement), elle commence une lettre collective où chacun donne ses propositions - que la maîtresse écrit - une présentation du groupe (on fait un album de dessin par exemple où on s'est représentés). Puis c'est la réponse. 

b) Le colis-réponse est ouvert et découvert par les enfants : travaux individuels ou collectifs, lettre, tout est étalé. On regarde, commente, emporte, affiche, la lettre est lue puis affichée ou mise au coin lecture (tout dépend de l'encombrement), les travaux collectifs sont explorés pendant plusieurs jours si besoin est. La lettre est relue dans la semaine. 

c) On échange tout ce que proposent les enfants : dessin, peinture, fiches maths, lettre individuelle, albums, recherche, poésies, cassettes, etc. Les enfants placent librement ce qu'ils veulent envoyer dans une boite et le tout est regardé, discuté. On discute aussi l'envoi des travaux collectifs (B.D., albums, recherches), puis on organise la lettre. 

2. La part du maître 

a) Il est le garant du rythme de la correspondance. En maternelle, il est souhaitable que ce rythme soit rapide et régulier (cinq jours maximum entre l'envoi et la réponse) sinon il y a oubli. 

b) Il incite, propose : Et si on envoyait notre B.D. de la sorcière ? » Les enfants peuvent accepter, refuser ou donner leurs limites « oui, mais ils nous la rendent après », ce qui est précisé dans l'envoi 

c) Il apporte des techniques de présentation pour varier les envois. Ainsi les lettres ont pu être immenses, « on peut tous se cacher en dessous », ou présentées en journal, en album, ou écrites en escargot, en vagues, ou tirées pour chaque enfant au duplicateur, ou décorées par les enfants avec différentes techniques. 

d) Il rappelle souvent les corres, en relisant la lettre, les albums, etc. 

3. Ce qui aide 

a) Que les instits se voient au moment des envois pour donner des détails du vécu qui ne paraissent pas forcément dans l'envoi. 

b) Que les enfants se voient (nous, on se voyait deux fois : deuxième et troisième trimestres). 

c) Que les envois soient le plus libres possibles (ne pas mettre de limites) si l'enfant veut envoyer, c'est qu'il a ses raisons. 

d) Faire la lettre et l'envoi dans un moment calme et favorable à l'expression des enfants : pas le soir quand on est fatigués, pas le matin à froid, le mieux est de placer ce moment dans les projets de la semaine et de faire choisir le jour par les enfants. Prendre son temps. 

e) Ne pas vouloir trop « exploiter ». Être à l'écoute des enfants, regarder, sentir ce qui se passe. C'est un facteur important pour l'installation de l'écrit en maternelle. L'écrit interroge, informe, amuse, raconte, répond. On retient petit à petit des mots chargés affectivement : bonjour, au revoir, des bisous, les prénoms, des dessins, etc.

C'est aussi un apport de propositions de recherche, de techniques, d'expériences.

II - La correspondance avec une ou plusieurs classes autour d'une recherche 

1. J'ai participé avec ma classe à un circuit dessin avec une section de petits et un C.E.2 

a) Les envois allaient d'une classe à une autre. 

b) Ils étaient choisis suivant un critère de nouveauté (ou présentant une nouvelle technique). ou des critères de recherche (tel travail avait nécessité beaucoup de soin ou de temps). 

c) On notait les réactions des enfants devant chaque production. 

d) On réutilisait les techniques dans nos classes suivant l'intérêt des enfants. 

Intérêt : 

a) Pour les petits : plaisir de voir ce que faisaient les plus grands : « c'est beau ». C'est aussi, pour eux, se voir en devenir. C'est aussi une occasion d'élargir son champ d'expériences dans ce domaine. 

b) Pour les grands : plaisir de voir ce que faisaient les Petits et comparaison avec ce qu'ils faisaient eux quand ils étaient petits. C'est une façon de constater le chemin parcouru. C'est aussi pour les grands, l'occasion de retrouver une appréhension de la matière et de l'espace qui est souvent plus spontanée chez les petits. 

2. J'ai participé avec ma classe à un échange autour du géoplan 

a) Les enfants de ma classe ont envoyé des fiches qu'ils avaient réalisées. Puis j'ai expliqué la construction du géoplan. 

b) Les enfants du C.E.2 ont accueilli cet envoi avec enthousiasme ; en particulier des enfants un peu perturbés qui ont saisi l'occasion au vol : ils ont construit le géoplan, puis essayé ce qu'avait envoyé les petits ; c'était facile, alors ils ont cherché pour eux. 

c) Ensuite ils ont eu le projet de faire pour les « petits » un fichier de leurs expériences ; mais bien sûr, il fallait prendre les plus simples. 

d) Quand les enfants de ma classe ont reçu le fichier, ils ont essayé. Mais, pour éviter le découragement, j'ai dû opérer un second tri. Quand les enfants avaient réalisé une de ces fiches, ils étaient très contents et assez fiers d'eux. 

III - Les limites de la correspondance de classe à classe 

Je crois que les limites sont surtout dans le manque de vécu commun : deux rencontres, c'est peu, surtout quand il y a le voyage, le dépaysement et tous ces enfants que l'on ne connaît pas (et les parents).

C'est aussi un peu artificiel dans la mesure où c'est entièrement » géré » par l'instit

Pourtant les enfants y accordent de l'importance puisqu'ils le redemandent chaque année. Alors ? 

Michèle Massat

pcdem-0017.JPG (22240 bytes)

 

La correspondance placée au centre des activités

et prise en charge par le groupe-classe  

(gerbe de témoignages)

La correspondance s'inscrit inévitablement dans une organisation 

La correspondance prend du temps mais je pense que cela ne pose pas de problème avec une bonne organisation. Elle sert de motivation à de nombreuses activités de la classe. Il y a eu des échanges d'albums (traces écrites de travaux de groupes sur l'étude du milieu, l'étude de notre région), de bandes dessinées, de dessins libres, de poésies, de plans... Je pense que presque tous les jours, au travers de ces activités, nous avons travaillé à la correspondance scolaire. (Jacqueline) 

Il n'y avait pas de jours fixes, ni de temps défini. Pour la correspondance individuelle, chacun répondait quand il voulait. Je veillais à ce qu'un temps trop long ne s'écoule pas entre une réception et un envoi. (Alain) 

La correspondance collective s'inscrit autant, je pense, dans un processus pédagogique d'organisation de la classe, de l'organisation du travail que sur un plan psychologique. (Ferdi) 

Cette organisation ne peut se faire qu'avec les enfants 

Le temps que nous passions à la correspondance était variable. Chaque fois que les enfants manifestaient le désir de préparer quelque chose pour les correspondants, nous le faisions. L'organisation de nos activités dans la journée n'était pas stricte. En principe, le vendredi après-midi était réservé à l'expression (écrite ou orale). La rédaction de la lettre collective se faisait généralement un vendredi, mais pas systématiquement. (Jacqueline) 

De plus, elle (la correspondance) ne peut s'inscrire que dans l'activité générale de la classe, de son degré « d'évolution » dans la prise en charge coopérative du travail par les enfants. (Alain) 

On s'accroche à la correspondance à partir du moment où un plan de travail collectif a été élaboré en commun, quand il y a échéance, contrat à remplir. (Ferdi) 

Cette organisation permet à chacun, et au groupe, de « se prendre en charge »

- Prise en charge personnelle et affective.

- Prise en charge au niveau du groupe.

Cela a été positif pour l'ensemble des enfants. Certains assez repliés sur eux-mêmes au début de l'année se sont ouverts à la classe par le biais de la correspondance. Je pense que cela a également favorisé les échanges entre eux. Ils avaient envie de parler de leur correspondant, de ce qu'ils recevaient ou envoyaient.

Chacun exposait ses projets. Certains élèves ayant de grosses difficultés sur le plan scolaire comme le petit Laurent, comme Gilles étaient vraiment heureux de correspondre. Comme les autres, à travers la correspondance, ils étaient capables de s'exprimer, de communiquer.

Par exemple, Laurent n'attendait pas l'envoi collectif, il écrivait seul plusieurs fois avant et il était très fier de me montrer ce qu'il envoyait. Cela le mettait en valeur. 

La correspondance individuelle se situait le plus souvent « hors classe » mais parfois « dans la classe ». Ils écrivaient quand ils voulaient et où ils voulaient. Certains me demandaient de corriger leur lettre, me demandaient des conseils sur ce qu'ils pouvaient envoyer. J'intervenais uniquement d'après leur demande. D'autres préféraient se faire aider par leur mère. (Jacqueline) 

Il apparaît important de souligner qu'une correspondance qui « marche bien » (mais qu'estce que cela veut dire ?) est le moyen pour les enfants d'accéder à une certaine autonomie dans leurs activités, notamment :

-          Par rapport au rythme d'envoi.
-          A la qualité des envois.
-          Au contenu des envois.

Il y a là une mise en place nécessaire de plans de travail de programmation liés à une réalité, qui est l'échange avec d'autres. 

Toutefois, cela ne se fera pas tout seul et la part de l'adulte est importante dans la mise en place des structures de fonctionnement, et l'animation postérieure de ces structures. 

Il faut que « quelqu'un » renvoie sur le groupe les décisions prises en leur temps. En ce sens, la correspondance est un élément d'une démarche autogestionnaire. (Alain)



La réponse à un envoi nécessite une organisation déterminée en commun 

Exemple : les correspondants ont demandé des renseignements sur « la pêche aux civelles ».La question est :

- Qui va travailler à cette réponse, et pour quand ?

D'où le plan de travail collectif ci-contre

 

thèmes

présentation

Mise au propre

René : interview de son frère

16.01

22.01

Jean : dessin des lieux de pêche

18.01

22.01

Jacques : texte qui décrit sa pêche          

19.01              

22.01

 

Yves : naissance des civelles     

26.01

4.02

Anne : recette de cuisine

14.01

20.01

Albert : voyage des anguilles (B.D.)

13.01

20.01

Cathy : coupures de journaux                                                                           

18.01

26.01

Christine : dessin des instruments de pêche

13.01

26.01

Janine : poids et prix des pains de civelles                

13.01

26.01

 

                

Ces travaux organisés pour les correspondants se feront en fonction des possibilités de chacun. 

Jacques a des choses à raconter, mais ne sait pas s'exprimer par écrit... Robert l'aidera. (Ferdi)

Il apparaît bien aux réponses des camarades au questionnaire, que l'introduction et la pratique de la correspondance amène une remise en cause de la pratique quotidienne dans la classe, et l'inscription de la correspondance dans un processus nouveau.

Ce processus peut avoir ses limites, d'autant plus qu'il sous-entend la mise en place de réseaux affectifs qui ne sont pas toujours évidents.

 Il faudrait que le champ de relations à l'intérieur de la classe devienne insuffisant parce que trop riche de créativité, d'échange pour que naisse le désir de communiquer ce que l'on fait et qui l'on est... ailleurs. Ainsi naîtrait le désir de correspondre ou autre chose :

-          un journal, -          des expos,

-          une ouverture de la classe sur l'école, sur le quartier (les parents).

 

Souvent on fait le contraire ; on amène la correspondance, alors que rien n'existe dans la classe pour espérer en faire un des moyens privilégiés de l'expression libre.

 

(Extraits d'un échange entre collègues de Loire-Atlantique).

pcdem-0018.JPG (31307 bytes)

 

L'enfant écrit à son corres 

Pour les lettres individuelles,

une aide est parfois nécessaire

C'est généralement le lendemain de la réception que l'on répond aux lettres individuelles des correspondants. Pourquoi le lendemain ?

Parce que le jour où les gamins reçoivent la lettre, ils la lisent, la relisent, la regardent, la montrent, la portent sur eux et parfois l'embrassent : ils vivent avec le correspondant. Le lendemain, ils sont encore imprégnés affectivement par le contenu de la lettre reçue et impatients de « dire » à leur corres.

Ceci n'est pas exact pour tous les gamins. Si l'un d'entre eux n'a pas le désir d'écrire ce jour-là, inutile de le forcer. Il le fera plus tard, sinon un copain s'en chargera pour cette fois : la règle veut que toute lettre reçue doit avoir une réponse, et que toutes les réponses doivent partir ensemble. Je m'assurerai également que la règle d'or de la correspondance, à savoir l'équivalence des échanges, soit respectée. 

Voici comment se déroule une séance de « lettres individuelles ».

Je suis assise à une table isolée.

Chaque groupe prend une fiche-guide : « J’écris à mon corres » (voir modèle ci-joint). 

J'ÉCRIS A MON CORRES 

-          Je relis sa lettre (je repère ses questions).

-          J’écris sur mon brouillon (en sautant deux lignes).

o        Je réponds aux questions.

o        Je raconte ce que je veux.

o        Je lui pose mes questions.

-          Je vais mettre mon nom au tableau sur la première liste, et je travaille seul (plan de travail, décoration de ma lettre, lecture ... ). Je ne dérange pas la classe.

-          Le maître m'appelle : je prends mon brouillon et la lettre du corres.

-          Je recopie la lettre au propre (voir au dos de la fiche).

-          Je vais remettre mon nom au tableau sur la deuxième liste, et je décore ma lettre.

-          Le maître m'appelle : je prends la lettre recopiée et mon stylo.

8. Je termine la décoration ou le travaille seul. 

Au verso de cette fiche se trouve un modèle de présentation de lettre

La date .............  Béziers, le ...

Son prénom ....     Cher (ou chère …) (ou Bonjour...)

1. Je réponds ……………………………………….

2. Je raconte .....………………………………….

3. Mes questions ..………………………………..

Ma signature ...                                         A bientôt

                        .....................                             (ou ce que je veux)

(Regarde la dernière page du dictionnaire pour les petits).

 

Quelques remarques au sujet des différents points de la fiche-guide

 

1. Après lecture rapide, les questions sont signalées dans le bord de la lettre par un ?

2. Deux lignes sautées pour la correction et la mise au point.

J'évite qu'il y ait plus de cinq questions par lettre.

3. Sur le tableau, deux colonnes : « Lettres au brouillon » - première liste. « Lettres recopiées » deuxième liste.

-          Plan de travail : les enfants ont chacun un plan de travail hebdomadaire, grâce auquel ils travaillent seuls sur des fichiers autocorrectifs.

-          La décoration est, bien sûr, totalement libre.

-     Lecture libre, également à ce moment.

- « Je ne dérange pas » : loi primordiale dans la classe.

 

4. Le gamin me lit sa lettre reçue, s'il le souhaite. Je corrige le brouillon. je souligne les erreurs qui pourraient être corrigées par l'enfant, soit par simple réflexion, soit à l'aide du « J’écris tout seul » (répertoire orthographique C.E. L.). Dans ce cas, il va à sa place, corrige sur la première ligne, et se réinscrit sur la première liste. Mais cette correction n'est pas obligatoire. La deuxième ligne, sert à transcrire le texte mis au point, soit par l'enfant, soit par moi. 

5. Copie de la lettre au propre, en utilisant un carbone et une feuille blanche. La copie au carbone sera collée dans le classeur « correspondance », face à la lettre reçue.

La dernière page du « dictionnaire pour les petits » (C.E.L.) où se trouvent des expressions-clés pour la correspondance peut être remplacée par une affiche contenant ces phrases-clés. 

6. Liste « lettres recopiées ». Chacun reste autonome. Dans la classe, il trouve le matériel qui lui permet de décorer la lettre à son goût : papiers divers, feutres, colle, peinture...

 7 Le gamin me lit sa lettre recopiée et avec son stylo, je ou il corrige les fautes que je décèle.  

8. Chacun a son occupation mais ne dérange pas la classe. Un système d'entraide permet aux plus faibles de se faire aider par les autres et ceci tout au long de la séance. 

* Un responsable « correspondance » recueille au fur et à mesure les lettres terminées et lorsqu'il les a toutes, y compris celle du maître pour la maîtresse, il donne l'autorisation d'envoyer l'enveloppe aux correspondants. 

* Bien entendu, dans ma classe de perfectionnement, tous ne terminent pas dans la séance du matin. Souvent, on continue l'après-midi et pour les plus lents, le lendemain. 

* Et celui qui ne sait pas écrire ? Pas de problème : Un enfant plus fort le prend en charge. Il raconte ce qu'il veut dire à son corres, et l'autre écrit sur un brouillon. (Parfois c'est moi qui le fais). Dans ce cas, au début, les échanges sont surtout constitués de dessins. Le désir d'écrire personnellement surgit assez rapidement en général. 

* Si les effectifs ne sont pas identiques dans les deux classes ? Les élèves motivés et compétents de la classe la moins nombreuse, prennent deux correspondants. Et ça marche bien, en général. 

* Une règle d'importance : toute lettre qui part, doit être très lisible (c'est son but) et sans erreurs d'orthographe. 

Remarque : Il est arrivé qu'un gamin veuille ajouter à la lettre individuelle mise au point, un message « secret » pour le corres. Bien entendu j'ai laissé partir, sans regarder. (Il vaut mieux dans ce cas, prévenir le maître des corres). 

*Quel rythme d'échanges ? En voici un, possible parce que réalisé :

- Une semaine : lettres individuelles + dessins + textes imprimés.

- L'autre semaine : lettre collective avec questions (et réponses aux questions précédentes, sous forme de : oui/non, album, textes, etc.), envois collectifs (albums, recherches mathématiques, bande enregistrée, etc.) + textes imprimés.

- Un ou deux albums par trimestre.

- Un ou deux colis dans l'année (cadeaux individuels, friandises, etc.).

Donc, chaque semaine : des textes + quelque chose. (Penser pour les colis, à l'équivalence des échanges).

 

* Cette démarche n'est pas un modèle, bien sûr, mais un témoignage. Il existe d'autres façons de faire. A chacun de personnaliser en fonction de sa classe, de ses effectifs... et de ses affectifs... 

Patrick Robo (classe de perfectionnement)

pcdem-0019.JPG (14913 bytes)

 

Le groupe-classe écrit à l'autre groupe-classe 

La lettre collective

Comment procédons-nous, cette année pour réaliser une lettre collective ? Il ne s'agira pas, ici, de la première lettre collective de l'année, mais d'une lettre répondant à une autre envoyée par les corres. 

LA RECEPTiON 

Une grande enveloppe arrive en classe. Les deux responsables « correspondance » lisent les indications postales inscrites dessus : c'est les corres ! La joie entre dans la classe ! Ils prennent un couteau et ouvrent l'enveloppe. « C'est une lettre collective ». Ils la sortent et me la donnent pour que je l'affiche sur le mur où elle restera jusqu'à l'arrivée de la prochaine lettre collective. Tout le monde vient devant la lettre. Le silence écrase la classe. Chacun déchiffre le contenu. Les plus rapides la lisent et la relisent. Ceux qui ont des difficultés en lecture suent presque des gouttes pour comprendre « ce qu'ils racontent » (les corres). Certains partent lire dans l'album « correspondance » que nous faisons, le double de la lettre collective que nous avions envoyée, pour vérifier si les corres répondent bien aux questions qu'on leur posait. Un autre va prendre un dictionnaire pour y chercher un mot qu'il ne comprend pas. 

Au bout d'une bonne dizaine de minutes, les responsables correspondance donnent la parole à ceux qui la demandent et les commentaires vont bon train :

Elle est chouette.

Ils ont oublié de répondre à une question. Ils ont bien dessiné.

Il faudra leur dire de plus écrire en jaune. Ils nous envoient des problèmes, on leur en enverra nous aussi. 

De cet entretien, ressortent des questions dont personne ne connaît la réponse, et des enquêtes sont ainsi lancées dans les familles (qui « espionnent » de près notre correspondance !) Les réponses arrivent généralement dans la demi-Journée suivante. Ressortent aussi, des projets de travail, de recherche dont les grandes lignes se mettent en place sur le champ... 

En fait, il ressort une envie, un désir de FAIRE... 

LA RÉDACTION 

1. Chacun revient à sa place et généralement nous commençons alors notre lettre collective.

Il est évident que si les gamins n'ont pas envie de la faire tout de suite, ou si une priorité existe à ce moment-là, en classe, on reporte la lettre à un peu plus tard. 

Comment commençons-nous ?

Chaque gamin, sur un brouillon, écrit ce qu'il voudrait que l'on écrive, que l'on raconte aux corres, puis les questions qu'il voudrait voir poser. (On retrouve ici la même orientation que pour les lettres individuelles : on répond; on raconte, on demande). Bien entendu, ils ne rédigent pas les phrases (perf.), ils se contentent de résumer en un ou deux mots l'idée qu'ils veulent émettre pour la communiquer ultérieurement au groupe et ceci de façon compréhensible. (Cette gymnastique de l'esprit, n'est pas évidente, au début). Au bout de cinq à dix minutes, chacun à son tour dit à la classe ses propositions en les numérotant (actuellement, j'ai chaque fois une trentaine de propositions environ). Malheureusement, on ne pourra toutes les écrire aux corres. Alors, on fait ce qu'on appelle « le tiercé » : chacun écrit sur son brouillon, les numéros des trois propositions qu'il préfère. Puis, on passe au dépouillement : chacun dit ses trois numéros, et je place une barre devant les propositions choisies. Quand tous ont parlé, on totalise les scores et on choisit les cinq ou six meilleurs. On procède de même pour les questions. Ainsi, rapidement, on a le contenu résumé de la lettre qui s'ajoutera aux réponses que l'on fera à leurs questions. Cinq réponses sous forme de phrases, de comptes rendus d'enquêtes, ou d'albums. A partir de là, chaque groupe (il y en a trois, formés à partir de sociogrammes-express) se propose pour traiter un des thèmes : on répond, on raconte, on demande. Puis, chaque groupe relève les propositions qu'il devra rédiger, ou les questions auxquelles il faudra apporter une réponse rapide. 

2. Tout de suite après, si le pouvoir d'attention (le désir) le permet, ou à un autre moment, on passe à la rédaction. Chaque groupe rédige au brouillon ce que l'on mettra sur la lettre. Pour ce, ils se choisissent un rédacteur, un porte-parole, un chercheur de l'orthographe sur « J’écris tout seul » (C. E. L.).

3. Quand la rédaction au brouillon est terminée, on procède à la mise au point collective orale des phrases.

D'abord, on commence collectivement, à chercher l'introduction de la lettre : « Salut les corres » ou « Bonjour les Savoyards » et je la marque au tableau. Ensuite, le porte-parole du groupe «on répond», annonce la première phrase. On la met au point et je l'inscris au tableau. Puis, la deuxième phrase, etc. Puis, c'est le tour du groupe « on raconte », puis le tour du groupe « on demande ». Enfin on cherche collectivement la fin de la lettre, les salutations.

Bien entendu si une question des corres a provoqué une enquête ou la réalisation d'un album ou de la recherche mathématique, cette forme de réponse est laissée de côté et sera traitée dans un autre moment privilégié, puis sera ajoutée à la lettre collective que l'on enverra. 

Remarque : Lorsque la lettre collective attend, pour être expédiée, le compte rendu de l'enquête ou la réponse du problème, une certaine impatience flotte sur la classe. D'habitude ça ne traîne pas et le résultat obtenu est bien supérieur à celui que l'on obtient quand nous travaillons uniquement pour nous ! 

4. Lorsque la mise au point est terminée et que la lettre est écrite sur le tableau, on la lit d'un bloc pour avoir un aperçu de notre travail et éventuellement apporter quelques améliorations. 

5. Vient ensuite la préparation pour l'envoi. N'ayant pas, cette année, d'élève suffisamment compétent en écriture, c'est moi qui la transcris sur de grandes feuilles blanches (40 x 60 cm environ). Pour ce, je trace les mots au crayon, très légèrement, avec des formes d'écriture variées. Ensuite, les gamins repassent sur les lettres et les colorient. Pourquoi ceci ? Parce qu'une des règles sur lesquelles je m'appuie en correspondance est l'obligation d'être lisible par « l'autre ». Nous écrivons pour être lus ! Et puis, c'est ma contribution à la réalisation collective dans la classe coopé. Lorsque toutes les lettres sont coloriées, les gamins illustrent les feuilles selon leur goût avec un impératif fixé entre nous et les corres : on ne dessine pas sur, ni entre les lignes pour ne pas compromettre la lisibilité. 

6. La décoration terminée, on assemble les feuilles sur l'envers avec du ruban adhésif de manière à obtenir un accordéon vertical en deux ou trois morceaux, chaque morceau ayant une longueur telle qu'on puisse l'afficher sur un des murs de la classe. 

-          Nous affichons notre lettre terminée, nous la lisons, la contemplons avant de la glisser, avec éventuellement un album, un compte rendu d'enquête, une affiche, un problème, une cassette... dans l'enveloppe pour l'expédition.-           

8. Remarques : 

* Au moment de la décoration, il y a un élève volontaire (sinon ce serait moi) qui recopie la lettre collective sur une feuille 21 x 29,7. Ce double sera collé puis illustré dans notre classeur « correspondance », face au double de la lettre reçue des corres. Une mémoire et une preuve. Un témoin de l'activité. et de la vie de la classe. 

* Pour la partie « on demande », nous nous limitons volontairement à cinq questions pour ne pas bloquer la réponse des corres, et surtout pour ne pas les submerger de travail et les étouffer dans et par l'activité correspondance, car généralement les questions entraînent de la recherche, du travail, pour eux 1 Nous faisons en sorte qu'une question au moins soit un sujet possible de recherche ou d'enquête. 

* Les lettres collectives arrivent en alternance avec les lettres individuelles. Cette année nous avons à peu près un envoi tous les huit à dix jours. Bien sûr, si nous en sommes là, c'est parce que, en démarrant la correspondance, avec ma collègue, nous avons mis en place, au préalable, des règles de fonctionnement que nous avons respectées, et améliorées en les adaptant au fur et à mesure. 

* Si l'envoi est trop volumineux (comme pour les lettres individuelles), et nécessite plusieurs enveloppes, nous indiquons au dos de chacune d'elles dans un petit cercle, le nombre total d'enveloppes faisant partie de l'envoi ; par exemple : trois. Ceci pour n'ouvrir les enveloppes en classe, que lorsque nous les avons toutes reçues, évitant ainsi tout choc, toute déception. De plus, pour les envois présentant une particularité, nous nous avertissons par téléphone, avant d'expédier par la poste. 

Tout ceci est bien sûr à améliorer. Votre réaction ou votre témoignage pourra nous aider. Essayons de coopérer. Vous pouvez envoyer une lettre individuelle ou une lettre collective, cette dernière étant un jeu de société très intéressant à expérimenter ! A moins que la correspondance ne soit réservée qu'aux enfants ! 

Patrick Robo

 

Et les apprentissages

des maths

Cet article aurait pu s'intituler : Une séance de poids, mais pas pesante.

Nous voici quelques jours après la rentrée des vacances de Noël. La matinée s'est déroulée normalement avec le « Quoi de nouveau? » l'entretien comme disent les I.O.), des maths, du français, de la lecture, suivant nos pratiques habituelles. L'après-midi s'annonce normale. 

14 heures : on arrive en classe et on s'installe. Deux stagiaires du centre C.A.E.I. sont avec nous depuis la rentrée, et pour trois semaines. Nous avions projeté de poursuivre une étude entreprise sur des problèmes mondiaux relatifs à la nourriture, la santé, l'école... par comparaison des réalités du tiers-monde et de celles de pays dits « civilisés » connus... surtout au travers de la T.V. Ceci parce qu'une classe de Belgique nous avait envoyé un poster évoquant ce sujet. Donc, séance d'éveil (comme disent les I.O.).

Mais... la concierge frappe à la porte ; elle nous porte un colis. - Msieur, qu'est-ce que c'est ? - Msieur, c'est les corres ?. - Je ne sais pas. Les deux responsables de la correspondance se lèvent et viennent voir le colis. Ils essaient de « décoder » les indications portées sur l'emballage : Classe de Perf., École Gaveau._ C'est pour nous ! Ils continuent leurs investigations Expéditeur : Classe de Perf. École de Ragon. - Ouais ! C'est les corres ! 

Un rayon de soleil vient d'entrer en classe. Vais-je les ramener à notre étude ? L'idée ne m'en vient pas à l'esprit. - Tas vu tous les timbres qu'y a ? - Oh ! y a un grand dessin sous le colis - Bon, on l'ouvre, Msieur, vous nous prêtez votre couteau ? dit l'un des deux responsables. - Eh ! C'est lourd ? s'écrie un gamin qui s'approche - Oui. - Non. - Si. - Y a qu'à le peser ! dit avec gravité un ancien de la classe – Comment ? - Avec le truc qui est là-bas sur les étagères. (c'est une balance Roberval poussiéreuse. Et pour cause ! On n'a pas encore eu d'occasions de l'utiliser, ni abordé les notions de masses). - Msieur, on peut le faire ? - Oui. 

Alors un gamin va chercher la fameuse balance ; le responsable du placard va chercher la boite de poids que certains n'ont encore jamais vue. Un bureau est apporté devant le tableau, la balance installée dessus. Et la pesée commence, dirigée par les responsables « correspondance » entourés par l'ensemble de la classe. Je me place un peu à l'écart et laisse faire. (Ne pense-t-on plus à ce qu'il peut bien y avoir dans ce colis-surprise ?). Quelle effervescence ! Ça bouillonne, ça tâtonne, ça discute. Les responsables ne s'en sortent pas très bien. Un élève s'avance spontanément et les aide à manipuler les poids. On hésite. Commence par le lourd propose une gamine. Combien c'est celui que t'as mis sur le truc ? –J’sais pas – Regarde-le, c'est marqué dessus je crois -C'est un kilo - Attends je le marque s'écrie un matheux. Tiens ! Des cahiers de brouillon sortent des bureaux. Une gamine va vers le tableau et inscrit : 1 kilo. La pesée continue, tant bien que mal jusqu'à l'équilibre. Tous les poids utilisés sont notés sur les cahiers et au tableau – l’faut chercher. (J'ai l'impression de ne servir à rien. Un bon maître doit savoir mener sa classe, nous disait-on à l'École Normale). 

Une minute de silence... Même deux. Ce n'est pas du recueillement, mais de la recherche comme ils ont pris l'habitude de dire. Puis, ça repart. Des questions, des soupirs, des coups de poing sur le bureau parce qu'on ne trouve pas, des : Ouais ! J'ai trouvé. Des : Vous dérangez, etc. 

Certains se lèvent et viennent me trouver ou trouver les stagiaires. Et là, c'est de l'individua­lisation en partant du Recompte combien ça fait 4 et 3 jusqu'à Regarde comment tu as placé les virgules en passant par Pourquoi as-tu ajouté ? et par A-t-on le droit d'ajouter des choses qui ne sont pas pareilles entre autre. Deux élèves ont trouvé le résultat 1 kg et 874 g. Beaucoup ont fait des erreurs en tout genre. D'autres ne trou­veront jamais (ce jour-là). 

On en vient alors à une mise en commun au tableau. Chacun ou presque dit son mot. Nous sommes évidemment conduits au problème du poids de 1 kg que l'on ne peut placer dans l'addition parce que c'est pas des grammes. Je demande alors : 1 kg, ça fait combien de grammes ? et j'entends toutes sortes de réponses avec au milieu : Y a qu'à le peser. Le « gros poids » est déjà sur la balance. Au bout d'un moment, stupéfaction : 1 kg, c'est 1 000 g. Et nous revoilà partis dans des additions rien qu'avec des pareils. Le résultat est calculé au tableau :

1 874 g. Puis arrive une proposition de jeu : Si on calculait combien ça fait de grammes, 2 kg, 3 kg, etc, ? Et on « joue ». Puis je lance une « devinette » : Qu'est-ce qui pèse le plus : 1 kg 874 g ou 1874 g ? » (les réponses diverses permettent de sonder rapidement une certaine avance dans l'évolution de quelques gamins). 

Un élève, venu faire tous ses calculs près du colis lance soudain : Et les timbres ? - Faut les compter -Ça doit être cher -- C'est pas eux qui paient, c'est le facteur, etc. Et nous repartons dans des calculs. Les ceintures blanches en opérations se contentent de les compter. Les autres essaient de trouver le prix total par des cheminements divers. Nous voilà face à un nouveau problème : sur les timbres, y a pas si c'est des F ou des c, On clarifie la situation, on fait des additions, des multiplications, des méthodes de calcul analogues à celles qu'ils rencontrent sur les cahiers de Techniques Opératoires, vendus par la C.E.L. Le résultat arrive sur le tableau : 15,50 F.

Une gamine chargée d'expédier le courrier à la poste dit alors : Ça fait comme quand j'ai envoyé notre colis à la poste, la dame l'avait pesé et m'avait dit : ça fait 15,50 F - Msieur pour tous les colis, ça coûte pareil ? La responsable correspondance dit que non et va chercher la feuille des tarifs postaux que nous possédons : C'est marqué là-dessus, dit-elle. Les recherches vont bon train sur l'imprimé : Msieur, y a pas marqué 1874 g. Je fournis les explications. On regarde à nouveau la feuille. C'est jusqu'à 2 000 g. Je lance rapidement un « jeu » de comparaisons : plus ou moins lourd que 2 000 g ? - Msieur, les lettres de 2 000 g, c'est plus cher que les colis de 2 000 g. 

- On ouvre le colis ? demande enfin une gamine. (Oui, je dis enfin, parce que voilà un peu plus d'une heure que la concierge a frappé à la porte, que je les savais impatients de recevoir ce colis, et que mon intuition (fausse) me disait que, lorsque le colis arriverait, il faudrait tout laisser tomber pour voir ce que les corres leur ont envoyé). Le colis est donc ouvert : des cadeaux individuels mais aussi un sac de bonbons et un sac avec des porte-clés et des sucettes en nombre ne correspondant pas mathématiquement à celui des élèves de la classe. 

Et nous revoilà partis encore une fois dans les maths : dénombrement, partages, répartitions, tirage au sort, etc. Ceci a duré jusqu'à la récréation. Comme le partage n'était pas résolu, un vote a décidé que l'on ne descendrait pas dans la cour afin de mener à son terme les calculs entrepris. Nous y sommes enfin parvenus après presque trois heures de recherche mathématique, chose qui n'est quand même pas quotidienne dans la classe. C'est quand même pas mal pour des enfants dits « peu capables de fixer leur attention ». 

Patrick Robo (classe de perfectionnement)

pcdem-0020.JPG (24126 bytes)

 

Recherche scientifique (au cours élémentaire) 

Allers-retours entre Blagnac (classe de Claude Curbale) et Prades (classe d'Yvan Marquié)

Avec une loupe on peut faire quand on regarde avec une bille en loupe. Quand on regarde de loin, on voit petit et quand on regarde de près on ne voit rien.

Sylvie (Blagnac)

Si on met une loupe sur l'écriture, on la voit normale. Si on lève encore, on la voit plus grosse, si on lève encore on la voit grosse, si on continue de la lever on voit trouble puis on ne voit rien,

Andrine (Prades)

Je ne suis pas d'accord avec toi. Parce que moi, je l'ai fait avec une bille-loupe. Et toi tu l'as fait avec une loupe. C'est vrai ce que tu as fait, sauf à la fin. Ce n'est pas vrai qu'on n'y voit rien. On y voit mais à l'envers.

Sylvie (Blagnac)

Je ne suis toujours pas d'accord avec toi. Avec la loupe, tu t'es trompée.
A la fin, de loin, on ne voit rien.
Chez moi je n'ai pas de bille-loupe.
En classe non plus, alors je n'ai pas pu faire comme toi.
Pourrais-tu m'envoyer une bille-loupe ? Je te la renverrai,

Andrine (Prades) 

Andrine lit sa réponse à la classe. Jan qui, de son côté, a fait l'expérience n'est pas d'accord avec elle. Il l'écrit aux correspondants. 

Moi, je suis d'accord avec toi. Quand on regarde dans la loupe de loin, on voit tout à l'envers.

Jan (Prades)

Oui, je me suis éloigné et j'ai tendu le bras.

Jan (Prades)

Est-ce que tu t'éloignais ? As- tu tendu le bras ?

Sylvie (Blagnac) 

 

 

Vivre l'histoire-géographie à travers la correspondance

I. L'origine de cette expérience : 

Nous voulons parler rencontre de jeunes, eh bien ! parlons de la nôtre d'abord : Nicole et moi, nous nous sommes rencontrés lors d'un stage I.C.E.M. à Grenoble, l'an passé. Nous avons travaillé ensemble dans un groupe histoire-géographie et de nos conversations, de nos théories échangées est né le désir d'une pratique commune : lancer une correspondance entre nos classes en histoire-géographie. 

1. Nos objectifs : 

Il s'agissait de mettre en contact des enfants de deux milieux très différents et ce, comme nous ignorions encore quelles seraient nos classes, peu importait le niveau !

Donc établir une correspondance collective et individuelle : correspondance affective, permettant aussi à nos ados d'échanger sur leurs milieux, sur leur vie, (deux classes en milieu très urbanisé) sur leurs racines.

Correspondance aussi avec comme objectif pour chaque classe de faire découvrir son propre milieu aux corres. et aussi de questionner les autres, d'enquêter avec eux sur un même thème. 

2. Les modalités de nos échanges : 

Dès ce stage, nous avons décidé d'un échange par quinzaine entre nos deux classes. Les envois seront groupés et complets. Nous expédierons : des lettres individuelles, collectives, des textes, des poésies, des cassettes, des photos, des panneaux, des albums, des films... tout ce que nous produirons dans nos classes. 

3. La finalité de la correspondance : 

On ne peut faire l'économie de la correspondance. C'est un moyen d'ouverture inestimable : important de dire qui l'on est, de montrer ce que l'on fait, de se rencontrer, de se parler... Pour nous enseignants, c'est un plaisir et une aide car au second degré nous sommes souvent seuls ! La correspondance, c'est la communication et l'ouverture à l'imaginaire. 

II. Les deux classes : descriptif

La classe de Nicole 

J'enseigne depuis quatre ans au Collège de Berre et pour la deuxième année j'ai ma classe qui sera la 5e 4. Nous sommes ensemble en français et en histoire-géo (Dominique n'a la 5 e A qu'en histoire-géo). 

Les 5 e 4 n'ont jamais fait de correspondance. Je vais leur proposer et même un peu leur imposer (eh oui !). Il faut qu'il y goûtent au moins une fois.

En septembre je reçois une première lettre de Dominique. C'est ma classe qui écrira la première une lettre collective. Nous envoyons aussi des lettres individuelles pour nous présenter : dire son nom, son âge, exprimer ses goûts.

Nous avons pris de nombreuses photos dans le collège avec Lin Polaroïd.

J'envoie aussi à Dominique la liste de tous les élèves de ma classe avec leur nom, leur âge, et les traits significatifs de leur personnalité.

Mes élèves ont entre 12 et 15 ans : des enfants de classe populaire (ceux de Dominique entre 14 et 15).

J'ai vingt-deux élèves dont dix garçons et douze filles, parmi eux : cinq Algériens et un Noir marocain. Nous envoyons également une cassette pour parler de notre région : la Provence, de notre ville (415 000 habitants) entourée d'H.L.M. et de pavillons, de notre étang malheureusement pollué par les nombreuses usines chimiques de la ville.

En bref ma classe est sympathique assez dynamique mais les gosses sont instables et peu autonomes. 

La classe de Dominique 

Je viens d'arriver dans cet établissement (collège ouvert, uniquement dans son architecture !). Je suis en pleine Z.U.P. de Perseigne. J'arrive donc avec ma valise de projets, comme à l'habitude pour lancer des pistes (à prendre ou à laisser !). 

La 5 e A : une classe à effectif réduit (vingt), mais peu dynamique, sans motivation scolaire. L'histoire-géographie... bof ! A quoi ça sert ?... Le premier contact est très distant... C'est parce que j'ai senti ces jeunes désintéressés, pleins d'ennui dès qu'ils entrent dans une salle de classe qu'un matin je leur ai proposé la correspondance.

Surprise ! « Vous connaissez des gens à Marseille ? »... et puis c'est l'enthousiasme ! ... et puis les premières précautions.

« On fera cela en histoire-géo ? ». « On peut avoir des corres individuels ? »

Ces enfants se révèlent lors des premières activités de recherches libres : peu actifs, peu curieux, mal organisés, ayant besoin de beaucoup d'aide et surtout connaissant mal leur propre milieu. Certains sont assez perturbés : problèmes familiaux, agressivité entre eux et problème de « colle » (celle qu'on respire ! ... ) Trois sont en foyer, quatre ont des parents séparés ou divorcés, les filles tiennent souvent le rôle de mère » pour les petites sœurs et s'occupent de la maison, un garçon sait à peine lire, un autre a d'énormes difficultés, une fille est très instable et très agressive. Malgré cela et même si on parle plus de nous, l'ambiance est sympathique. 

III Nos deux classes, déroulement et contenu de la correspondance : 

1. Vues réciproques des deux classes

Berre regarde Alençon 

Mes élèves attendent impatiemment les réponses qui arriveront quelques jours plus tard. Le premier échange est dur, difficile, douloureux. Je trouve que vos lettres sont mal présentées, Nathalie (Berre).

Vous êtes trop âgés pour nous. Moi j'ai seulement onze ans et demi.- Nicolas

Vos lettres étaient trop courtes alors que nous avons écrit de longues lettres, Isabelle

Pour ma classe c'est la déception. La 5e A est trop différente. C'est ce que nous croyons à cette époque ! C'est aussi la colère. On ne veut pas poursuivre.

Moi-même je suis un peu déçue : j'attendais mieux (présentation, contenu).

 

Dominique me répond : « J’imagine la bombe que vos lettres vont déclencher... l'heure va être joyeuse... je crains bien qu'ils abandonnent » 

Alençon regarde Berre 

Le groupe perçoit les corres de Berre comme des gens exigeants.

Le premier contact est assez froid, distant et très peu de choses sont envoyées ; cependant rapidement des désirs de correspondance naissent. Un moment fort : on reçoit une lettre de corres qui nous dit : « Vos travaux sont peu soignés... et vos lettres courtes... » Je n'en pense pas moins, mais j'attends leur réaction ! Elle est très nette : « C'est fini, on ne correspond plus... » Et je laisse passer deux heures de cours.

Puis une élève me dit : « C'est fini alors mon travail, puisqu'on n'envoie plus rien aux corres ? » On parle, on rediscute, plus calmement de leurs critiques, de mes évaluations qui soulignaient le même problème...

On admet la critique mais pas venant des corres. C'est la fin de l'heure, on en reste là. La semaine suivante, je vois des lettres atterrir sur mon bureau et les travaux reprennent, plus soignés ; même l'activité trouve un rythme, et des idées

nouvelles surgissent. C'est sur ce point-là que la corres joua un rôle fondamental : créer l'exigence par la communication. On a avec les corres des relations disons « expérimentales ». On cherche à trouver un corres « sympa » avec lequel on va pouvoir communiquer. Une perception plus nette ne se fera que par l'échange. 

2. Déroulement, contenu de la correspondance

A) Finalement la correspondance a démarré. A la 5e on a envoyé tous nos travaux de groupe : ceux sur le département des Bouches-du-Rhône, puis les travaux sur l'islam, sur la faim dans le monde. Lorsqu'on a vu le panneau sur le paysan au Moyen Age on a eu envie de faire nous aussi des panneaux (on était à Berre ce jour là en plein Moyen Age ! ... ) Nous avons ainsi travaillé sur : le moine, le seigneur, le chevalier, le troubadour. Lorsque la classe de Normandie nous a écrit de grandes lettres collectives sur papier kraft on a fait pareil : c'était « chouette » tout le monde pouvait le lire et le relire : on affichait (le groupe responsable) les lettres collectives dans la classe ainsi que tous les travaux qui nous étaient envoyés. C'est alors que toutes mes classes ont voulu faire de la correspondance ! Quelle aventure, quel travail aussi ! On a expédié des chocolats à Noël et nos diapositives. Frédérique, Martine et Valérie étaient responsables, on l'avait décidé en conseil de coopérative. Mais combien de fois ai-je dû contraindre, obliger, rappeler à l'ordre mes élèves négligents, oublieux, instables. 

B) Quelle énergie ai-je dépensée ? Dominique n'en pense pas moins : « Il faut beaucoup proposer, inciter, soutenir pour réussir des travaux à envoyer aux corres... et bien peu de demandes sur l'autre milieu naissent des envois ». Cependant nous travaillons sur le collège, le quartier (un film) une petite expo sur la ville, sur les traditions en Normandie et un dessin animé sur les « Wikings et l'histoire d'Alençon ». Les travaux reçus sont exposés, lus, et critiqués... et là, il n'y a pas de réticences. On attend avec impatience leur courrier et aussi leur évaluation des travaux envoyés et même si on attend leurs compliments, les remarques négatives portent bien.

Les gosses d'Alençon sont surpris des notes figurant sur les travaux et par les travaux eux-mêmes, portant plus que chez nous sur le programme. Rencontrer les corres vient vite à l'idée ! Dès le mois de novembre.

IV. La préparation du voyage et l'échange : 

1. La préparation à Berre :

Nicole écrit un P. A.E. (Projet d'Action Éducative).

Au départ nous pensions nous retrouver en Normandie. Puis Dominique serait venu avec sa classe en Provence. Finalement nous avons décidé de nous rencontrer dans le Massif Central à Vic-sur-Cère. (Quel épanouissement de les replonger dans leurs Z.U.P. respectives ?) L'hébergement était modique, pour le voyage en train nous avons obtenu une réduction de 50 %. Le P.A.E. de Nicole lui a permis d'obtenir 2 000 F pour sa classe, soit une diminution de 100 F pour chaque élève. Le voyage (tout compris) n'est revenu qu'à 200 F pour chaque élève de Berre. 

2. Les projets d'Alençon :

Je dépose un P.A.E. (Dominique). J'aurai 2 500 F plus 1 000 ensuite. Nos objectifs :

-          Mettre en contact deux groupes d'ados.

-          Essayer de vivre coopérativement une semaine.

-          Découvrir ensemble par des activités diverses un autre milieu (Le Cantal).

A Alençon, les enfants entreprennent de petites activités : vente de gâteaux, loterie, pour récupérer de l'argent (là aussi, il faut beaucoup les aider, relancer leur effort). Finalement c'est une participation de 150 F qui sera demandée à chaque famille (18 sur 21 viendront). Bien sûr, je vais leur montrer où nous irons, mais je tiens à leur laisser le regard vierge (Nicole au contraire les a beaucoup préparés, mais n'a pas travaillé sur le terrain). On organise des groupes par centre d'intérêt, paysages, végétation, (je travaillerai à ce propos avec une prof de sciences du collège) les habitants, l'agriculture, les traditions. On désigne les « photographes », les « porteurs de magnétophones ». On se prépare pour l'enquête. Je leur donne une grille globale d'observation.

3. Le séjour :

Dominique et moi nous sommes rencontrés aux Journées d'Études de l'I.C.E.M. d'Aix et nous avons donc mis sur pied une grille d'activités pour Vic-sur-Cère.

* Les élèves de Berre en ont discuté et l'ont modifiée en conseil, on est arrivé à une grille quasi définitive. Nous avons aussi contacté les parents.

a) Les aspects positifs

-          Les enfants ont vécu de façon plus autonome et surtout sur un autre rythme, beaucoup plus reposant.

-          Le contact entre les deux groupes s'il a été difficile au début, a très vite pris forme et est même devenu connivent et le nombre de correspondances individuelles a triplé.

-          Pour le groupe d'Alençon, l'esprit de curiosité, d'observation a été fortement mis en éveil et s'est même révélé pour certains qui ont entrepris des enquêtes de leur propre chef (c'était la première fois !).

-          Le contact entre les élèves d'Alençon est devenu moins agressif, certains même sont devenus plus à l'aise et se sont laissés moins étouffer par les autres. A l'inverse, la fille « leader » de la classe a peu suivi ; elle s'empressera de retrouver ce rôle auprès de certains pendant le retour.

-          Les rapports entre les gosses et nous (Dominique et moi, Yves et Jean-Pierre) se sont vite détendus et sont devenus profonds. Dominique précise : « Ils viendront eux-mêmes me parler de la fameuse colle... on parlera de notre travail de classe... de l'école... et du tutoiement qu'ils s'étaient interdits jusqu'à présent ».

-          J'ajoute que pour les gosses de Berre c'était souvent le premier grand voyage en train, le premier voyage de classe entre copains.

b) Les aspects négatifs :

-          Certains se mettront très vite en dehors du groupe et feront des activités entre eux.

-          Les bilans de chaque soir seront souvent mornes et peu de choses seront dites.

-          Nous aurons du mal à faire faire la vaisselle et un peu de ménage ou de rangement à certains élèves qui n'en avaient pas l'habitude Mais nous y sommes arrivés !

-          Et puis, il y aura le deuxième jour, cette histoire de vol dans le village. Quelques gosses ont voulu acheter des « souvenirs ». Finalement ce sera du chapardage dans les magasins : des flics ravis de tomber sur un enfant de couleur et bien des démarches et du temps de gâché : interrogatoires, peurs, regrets, pleurs. Cela nous a posé bien des problèmes que nous avons mis à chaque fois sur la table et avec eux ; cela a aussi créé des heurts entre eux (dénonciations, disputes) puis une grande solidarité. Finalement nous avons dû assister à toutes les sorties et les surveiller à chaque minute. Il faut ajouter que nous étions hébergés dans un LEPA et que la personne qui s'en occupait ne nous comprenait pas. Nous étions aussi accompagnés par des collègues travaillant plus traditionnellement. Il nous a donc fallu composer avec toutes ces tendances ! Nous avons récupéré puis rendu les objets volés, nous avons accompagné les sorties vers d'autres lieux que le bourg et puis nous avons essayé de détendre l'ambiance.

-          Le lieu d'accueil aussi était mal adapté : un château (parquets cirés, meubles de style, horaires stricts). La rencontre peut nous poser certaines questions.

 

4. Notre questionnement : 

a) Comment pouvons-nous réagir sur de tels faits ?

(Qui existent même en dehors de telles activités bien sûr) mais qui là, cette fois, concernaient des groupes sous notre responsabilité.

b) Comment pouvons-nous penser Éducation quand le milieu environnant (ici la gendarmerie, le lieu d'accueil) ne pense que répression ?

c) Comment faire prendre conscience à des ados d'une autre attitude, d'une prise de responsabilité, quand eux se cachent, nient, se planquent, refilent à d'autres les responsabilités comme les habituelles attitudes répressives leur ont appris à faire ? 

V. Après ?

A Berre 

Pendant quinze jours, la classe est restée silencieuse (il s'était passé beaucoup trop de choses pendant le voyage). Puis on a fait un premier bilan de l'année. 

1. Le voyage a-t-il été pour vous :

amusant : 5

décevant : 7

agréable : 7

très agréable : 1

pénible : 0

2. Souhaitez-vous en faire un autre l'année prochaine ? 

oui : 12

non : 14

Le bilan de la correspondance était positif. On avait envie que la classe « n'éclate » pas et de continuer ensemble l'année prochaine, de sortir de notre Moyen Age... 

A Alençon

Les élèves :

« Je trouve qu'on a découvert plein de choses, j'ai appris à regarder et j'ai retenu bien plus qu'en lisant, en copiant ou en faisant une interro » Frédéric.

« J'ai trouvé l'autre classe turbulente ; ils s'entendent mieux avec nous qu'entre eux » M. Ange.

« Par courrier on avait l'impression par moment de ne pas les aimer ; mais de les voir, ça m’a appris à les connaître mieux et à les aimer » Isabelle.

« Notre classe s'est drôlement bien entendue et je crois qu'on va mieux s'entendre » Serge.

« Si l'école était tout le temps comme cela, je crois que je pourrais y réussir mieux et y faire quelque chose » Ludovic.

« C'est fou, ce que les gens, là-bas, sont accueillants vis-à-vis des jeunes... à part les gendarmes ! » Thierry.

 

Le bilan global

Le groupe de Dominique est plus soudé et plus actif. « Dès le retour nous avons réalisé notre premier planning de l'année. Chacun m'a rendu un bilan écrit du séjour, L'ambiance en classe était plus détendue et le travail pour l'exposition que nous voulons réaliser pour le collège et les parents s'est organisé très vite et sans rechigner ».

Le bilan fut très positif à Alençon quant à la cohésion du groupe, quant à 1’esprit de tolérance qui s'est développé, quant à la plus grande prise en charge du travail, de l'évaluation, quant au développement de leur curiosité, de leur esprit d'observation. Ils avaient l'impression d'avoir réussi quelque chose, d'avoir rompu avec leur échec permanent à l'école, d'avoir vu quelqu'un s'occuper d'eux et leur proposer quelque chose à l'échelle humaine.

A Berre, l'échange entre les deux classes a été déterminant pour l'ensemble du travail de la classe. Le contenu des échanges a permis d'éliminer partiellement les manuels : les productions à partir de documents ou d'expériences permettant une dynamique de la classe. Les envois étaient toujours déclencheurs, détonateurs, incitateurs pour notre classe.

Notre correspondance a été réussie parce qu'elle n'était pas simplement un moment de l'histoire de la classe, mais elle était intégrée et devenait le moteur de toutes les activités.

Le voyage a été ressenti par nous, à Berre, comme un échec. Ainsi nous avons dû nous remettre en question, et aller plus loin, penser à demain, car l'aventure continue.

 

VI. Échange entre adultes :

Cette correspondance était l'occasion entre Nicole et moi de nous connaître mieux.

-          Notre courrier lors des envois fut bref mais précis afin d'améliorer notre fonctionnement.

-          Notre rencontre dans le Cantal nous permit d'aller bien plus loin dans nos conversations et nos échanges. Nous fûmes bien souvent bousculés mais aussi très connivents et très complémentaires.

Je crois que nous avons ressenti les mêmes désirs et envisagé les mêmes compromis (que nous avons toujours abordés ensemble après en avoir parlé).

-    C'est sans doute en raison de nos difficultés que nous sommes allés très à fond dans nos discussions et c'est peut-être aussi, grâce à cela que nous poursuivrons notre expérience l'an prochain, car nous y croyons toujours... et même ce genre d'activités a de plus en plus de raisons d'être !

 

Dominique Verdier (Alençon) et Nicole Garrouste (Berre)

 



 



Toutes les richesses des voyages-échanges 

Un C.E. - C. M. de 21 enfants, participant à des circuits de correspondance naturelle, a établi une corres­pondance privilégiée avec une des classes de ces circuits et, en février, on s'est mis d'accord pour un double voyage-échange. Alors...

Les correspondants viennent chez nous. 

Aussitôt, branle-bas : il nous faut organiser l'accueil :

- projet d'emploi du temps avec les enfants

- réunion des parents pour organiser repas et hébergement

C'est aussi l'occasion pour les enfants qui n'a­vaient pas de correspondant à Courtelevant de prendre en charge un correspondant chez eux.

Du 14 au 18 mars, nous vivrons d'intenses moments de vie collective : visite du village, de la région, danses, chants, jeux... Tout le village vit au rythme de la correspondance et les familles jouent le jeu au maximum : transport vers la gare, visites le mercredi. 

Nous allons chez eux 

Bien sûr, maintenant, c'est évident : il faut y aller !

Problème éternel : il nous faut financer notre voyage et nous aimerions ne pas vider notre caisse de coopé.

Après renseignement auprès de la SNCF, et calcul en classe (pas de problème de motivation), le coût du voyage s'établit à 3 000 F environ. Précisons que, par principe, nous ne demandons aucune participation aux parents. Ils ont hébergé et nourri les correspondants qui sont venus, les parents de Courtelevant en feront autant.

Pour réunir les fonds, nous faisons des demandes de subventions et organisons : ventes de gâteaux et mousses au chocolat deux mercredis, lavage de voiture un samedi.

Il nous manque encore 200 F pour autofinancer notre voyage mais nous attendons encore cer­taines subventions. 

Enfin rassurés, nous pouvons partir du 6 au 10 mai. De nouveau, nous mobilisons les parents pour nous transporter à la gare et nous voilà partis ; 21 enfants et 3 adultes, vers Belfort où nous attendent nos correspondants.

Les retrouvailles sont joyeuses et moins solennelles que la première fois. 

Passons brièvement sur le déroulement du séjour au cours duquel nous visiterons le village, une imprimerie, le lion et le château de Belfort et nous ferons même une promenade jusqu'en Suisse.

Là-bas aussi l'accueil des familles est excellent et nos élèves circuleront beaucoup le dimanche (les Vosges, l'Alsace, la Suisse sont tout près).

 pcdem-0021.JPG (32981 bytes)



Bilan

Bien sûr, au niveau des enfants :

-          Découverte d'un milieu et d'une région différente,

-          Motivation pour de nombreux travaux

-          Vie affective importante

-          Rapports différents avec les enseignants. Mais aussi et c'est très important pour nous

-          Modification du -comportement des parents

-          Nouveaux rapports avec l'école, de gens qui s'y sentent enfin impliqués

-          Contacts plus faciles avec les enseignants (il est plus facile de commencer à parler de transport que de pédagogie)

-          Evocation de problèmes plus personnels (sommeil, pipi, ... )

-          Entraide des familles

 

On modifie plus les rapports parents-école en 10 jours de correspondance qu'en 5 années de réunions. 

J.M. FOUQUER

 



Par-delà les frontières

Quelques idées à bâton rompu ! 

Nous avons derrière nous, mes élèves et moi, trois expériences d'échanges lointains : Varsovie, Budapest, Amsterdam.

Les témoignages des enfants sur ces échanges ont été ou seront publiés dans les revues de 1'l. C. E. M.

On peut retenir cependant, et ce n'est pas toujours explicité dans les rapports des enfants qui sont souvent seulement anecdotiques, un certain nombre d'observations et de constantes.

Comme dans toute démarche pédagogique, il faut tout d'abord être au clair avec les intentions, les buts poursuivis, les objectifs éducatifs ou pédagogiques.

 

Quels sont ces objectifs ?

1. Poursuivre au sein d'un groupe d'élèves les objectifs généraux de la pédagogie Freinet ; c'est-à-dire faire prendre conscience du groupe et de la part de l'individu dans le groupe. Faire en sorte que la classe ne soit pas une somme de personnalités isolées les unes des autres (comme c'est le cas bien souvent dans l'enseignement traditionnel), mais créer les conditions favorables pour qu'il y ait implication de chaque individualité à l'intérieur du groupe.

Tout ceci ne peut se réaliser par le discours, mais seulement par un vécu. Nécessité donc de privilégier les voies qui vont permettre à chacun de prendre des initiatives et assumer des responsabilités au sein du groupe.

 

Moyens : la vie coopérative, l'organisation du séjour et de la réception des correspondants incombant à l'ensemble du groupe, chacun y prenant sa part.

Ceci suppose une relative longueur de temps pour assurer la préparation du séjour : une année scolaire ne me paraît pas de trop pour bien cerner tous les problèmes.

 

2. Préparation pédagogique : Se déplacer dans un pays lointain plus ou moins inconnu, suppose aussi un travail préparatoire à la connaissance de ce pays (travail de géographe, d'historien, de sociologie, de biologie, de langues... )

Ce travail de reconnaissance ne peut se faire qu'avec l'aide des correspondants : échange de documents, de cassettes enregistrées, de relations ayant trait à la vie quotidienne...

 

3. Les buts plus lointains (non dans le temps mais dans l'esprit, et pas forcément conscients dans l'immédiat).

Nous sommes persuadés que la multiplication des échanges, favorisant la connaissance des autres, permettant de comprendre leurs mentalités est un moyen de faire prendre conscience des valeurs que vous voulons faire « passer » : tolérance, respect des différences, acceptation d'autres modes de vie, création de liens affectifs en acceptant les autres tels qu'ils sont.

Militer pour la paix universelle, contre les chauvinismes stupides et pour l'effacement des frontières de tous ordres doit passer nécessairement par des expériences vécues.

 

4. Lors d'un séjour mais également pendant le temps de préparation, les participants apprennent eux aussi à mieux se connaître... Les enfants entre eux, les enfants et les adultes, c'est souvent une découverte ! Et ce n'est pas le moindre des avantages ! Faire quelque chose ensemble modifie les relations que nous pouvons avoir les uns avec les autres...

Il est intéressant aussi d'amener avec le groupe d'enfants des adultes parents d'élèves avec lesquels également auront lieu des découvertes réciproques... Nous n'avons eu à chaque occasion qu'à nous féliciter de la présence de quelques parents.

Au retour, ils sont les témoins qui peuvent informer du vécu de l'expérience sans être taxés de partialité...

En fait, les parents qui nous ont accompagnés lors de nos voyages, pas toujours les mêmes, sont devenus nos amis personnels... (Plaidoyer en faveur de relations plus étroites avec les parents de nos élèves !) L'expérience est là pour le prouver si c'était nécessaire. 

Ce qui est essentiel :

 

La préparation : Elle met dans le bain et chacun se sent intégré dans le groupe et fortement impliqué dans l'organisation. Ce n'est pas le « voyage organisé ».

La recherche de moyens financiers (fêtes, loteries, vente d'objets, etc.) est prise en compte par tous !

La fidélité à la correspondance. Il est nécessaire de tenir un tableau des lettres reçues et envoyées... Ainsi, sans en avoir l'air, chacun se sent un peu obligé de « faire sa lettre ». L'oubli n'est pas toujours du désintérêt mais le plus souvent de la négligence (cela m'arrive aussi et les enfants ne manquent pas de me le rappeler).

En fait, la plupart des enfants ayant participé aux différents échanges (depuis 1980) continuent à écrire à leurs correspondants et reçoivent bien entendu des lettres en retour. 

La réception dans les familles : Il faut que les enfants et les adultes vivent au sein de la cellule familiale. C'est le seul moyen d'appréhender la vie quotidienne, avec ses difficultés, de partager le vécu d'une famille de condition différente et de faire ainsi des comparaisons.

Pour nos enfants, c'est l'occasion de découvertes car s'il y a des constantes dans la façon de vivre le quotidien, il y a aussi de grandes différences , ce qui n'empêche nullement les liens affectifs de se tisser.

Moyen de relativiser nos petites habitudes et nos traditions puisqu'on peut avoir d'autres habitudes et d'autres traditions. 

Anecdotes : 

L'arrivée à Amsterdam ! Réception par les élèves au collège lvko.

Devant nous, une rangée de garçons blouson noir, chaînes, clous, cigare à la bouche Cheveux dressés sur la tête ! (Au sens propre pour les Hollandais, au sens figuré pour les nôtres ! ) Les filles : tenue punk, casquette. Sur les murs, graffitis de toutes sortes, affiches et liste de mots grossiers, revues plus ou moins érotiques sur la table ! ...

Bref ! De quoi dire bonjour, au revoir, nous repartons chez nous Bon ! Le moment de surprise passé, petits gâteaux et thé ont été avalés avec peine. L'angoisse étreint tous les petit (e) s Français (es) qui imaginent à quelle sauce ils vont être mangés ! Dans quelle famille vont-ils tomber ! Avec quel punk vont-ils être contraints de vivre ? S'il n'y a pas de larmes (on a sa dignité !), les yeux sont tout de même humides... Une boule serre l'estomac et les regards sont anxieux.

Et voilà Karine qui part avec trois garçons ! (La plus grande peur de sa vie, nous confie-t-elle le lendemain !)

Emmanuelle s'en va avec deux filles coucher dans une péniche ! ... Hier avec papa et maman, et aujourd'hui avec des inconnus un peu bizarre. Ne parlant même pas français... Quelle aventure

(Si j'aurais su, j'aurais pas venu !)

Mais on ne peut pas faire autrement. On se jette à l'eau, on verra bien.

Et puis, eh bien... On n'a rien vu... qu'une famille un peu semblable à la sienne... Il y avait même des assiettes, des couteaux et des fourchettes ! Et même la télé, c'est dire ! Il y en a qui avaient même le téléphone et une voiture. 

Le lendemain... Blousons et chaînes quittés, nos chers correspondants devenaient de parfaits petits adolescents, pas méchants pour deux sous... et même affectueux... et prévenants. Au fil des jours, les amitiés se forgent, la vie se déroule fort agréablement. On découvre la vie hollandaise et la liberté...

On se quittera au milieu des pleurs !!!! 

On pourrait ainsi (ce n'est pas de la fiction) de la même manière décrire le premier contact en Pologne ou en Hongrie. On prouve ainsi que la méconnaissance conduit à l'incompréhension et au rejet... La peur de l'inconnu !

Et quand on est contraint (même si on l'a voulu) de faire l'expérience, on s'aperçoit que l'on peut finalement vivre en bonne intelligence avec la plupart de nos semblables qu'ils soient noirs, jaunes ou blancs, royalistes, communistes ou socialistes, catholiques, protestants, juifs, musulmans ou athées...

Il faut simplement un peu d'amour. 

Note de derrière les fagots : Si l'expérience vous tente, n'hésitez pas, c'est pas cher et ça rapporte gros. .

Une règle : Pour être enthousiaste, il faut évidemment que l'organisateur prenne lui aussi « son pied ». Essayez d'avoir un ou une correspondante avec qui vous pourrez tisser des liens d'amitié...

Jacques MASSON

Quelques idées pratiques

 

Subventions :

On peut en obtenir auprès

-          des mairies

-          des bureaux d'aide sociale

-          de l'O.C.C.E. qui diffuse chaque année une circulaire à ce sujet

-          de certains comités d'entreprise (R.N.U.R. par exemple) qui considèrent ces échanges comme des centres de vacances. 

Transport :

La SNCF consent des tarifs très avantageux si on part en dehors des périodes rouges (dépliants dans les gares). Attention il faut

-          faire une demande de billet de centre de vacances si on part plus de 3 jours,

-          un accompagnateur par tranche de 10 enfants (dans ce cas, il bénéficie également de 50 % de réduction comme les enfants),

-          réserver ses places 1 mois à l'avance. 

La R.A.T.P. délivre aussi des tickets à tarif réduit pour les groupes (imprimés à remplir au guichet). 

Assurances :

En plus de vos élèves, n'oubliez pas que votre classe ou votre coopérative doit être assurée.

Il existe aussi une assurance pour les bénévoles (voir en annexe). 

 

 

TEXTES OFFICIELS - TEXTES OFFICIELS - TEXTES OFFICIELS

 

 



Circulaire n° 79-186 du 12 juin 1979

(Programmation et Coordination : Bureau DGPC 6) Texte adressé aux recteurs, aux inspecteurs d'académie, aux chefs d'établissement et aux directeurs d'école.

 

Sorties et voyages collectifs d'élèves à caractère facultatif.

 

Note de service n° 82-054 du 3 février 1982

(Education Nationale : Bureau DE 8)

 

Texte adressé aux recteurs et aux inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de l'Education Nationale.

 

Autorisation pour les membres des coopératives scolaires des écoles élémentaires affiliées à l'Office central de la coopération à l'école (O.C.C.E.) d'utiliser des voitures particulières pour assurer le transport des élèves.

 

Circulaire n° 81-46 et 81-252 du 9 juillet 1981

(Intérieur et décentralisation : Bureau REG 2 Education Nationale : Bureau EGPC 6)

Texte adressé aux préfets, aux recteurs, aux inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de l'Education Nationale, aux chefs d'établissement et aux directrices et directeurs d'école.

 

Etablissement par les directeurs d'école ou les chefs d'établissement de listes tenant lieu après authentification par les préfets d'autorisations collectives de sortie du territoire pour les mineurs qui effectuent en groupe des voyages scolaires à l'étranger.

 





 

BIBLIOGRAPHIE 

Les techniques Freinet de l'Ecole Moderne - C. Freinet (Colin)

Perspectives d'Education Populaire (Maspéro)

 

Demandez le catalogue C.E.L. à :

C.E. L. - B. p. 109 06322 CANNES LA BOCCA CEDEX

Vous qui avez lu avec intérêt cet ouvrage, vous pouvez bénéficier des services d'un mouvement coopératif d'éducateurs.

 

Le chantier « Echanges et communications » de l'I. C. E. M . peut vous aider à trouver des correspondants. Il publie un bulletin de liaison interne, ouvert à tous ceux qui pratiquent la correspondance.

 

Pour bénéficier de ces services, renseignez-vous à l'adresse suivante

                        Secrétariat I. C. E. M.

                                                B. P. 109

                        06322 CANNES LA BOCCA CEDEX

 

Autres chantiers et commissions spécialisés : Maternelle, L.E.P., Enseignement spécialisé, Français, Math, Histoire-Géo, etc.



 

Ce POURQUOI-COMMENT a été réalisé par Claude Cohen et Guy Champagne, avec la participation et les témoignages de Fannette, Jacques Querry, Jacques Masson, Colette Brouard, Michel Bertrand, Renée Bideaux, Monique Bru, Pierre Yvin, Catherine Mérat, Francoise Champroux, Pierre Léonard, Francois Guignouard, Hubert Heintz, Jean-Marie Marty, Henriette Gruel, Jacques Rey, Françoise et Alain Raynaud, Brigitte et Marika, Marie-Claude Combes, Louis Olive, Théette Tajan, Mireille Gabaret, Tony Rouge, Jean-Pierre Têtu, Michèle Massat, Jacqueline Duhard, Ferdi Vince, Alain Mahé, Martine Vince, Nicole Charre, Janine Vince, Pierre Tascon, Yannick Vince, Patrick Robo, des enfants de Blagnac et de Prades, Nicole Garrouste et Dominique Verdier, J. M. Fouquer, du chantier Échanges et communication de l'I. C. E. M., et la collaboration au comité de lecture de Jacques Querry, Jean-Pierre Têtu, Jacqueline Rousseau, André Dejaune, Renée et Henri Isabey, Jean-Claude et Aline Dumartin.

Photographies

 

R. Tessier p. 3 M. Goureau : p. 4 bas ; R. Timon : p. 18 ; G. Champagne : p. 26, 45, 48, 77 Y. Jouel : p. 37 ; J. Brunet : p. 54 ; M. Ribis : p. 59 ; Jean-Louis Maudrin : p. 61C. Richeton : p. 67 ; X : p. 4 haut, 22, 32, 34, 47, 57, 63.

Les « POURQUOI-COMMENT » de la Pédagogie Freinet

 

Au service de ce qui peut et doit déjà changer dans l'école et autour d'elle, une nouvelle collection d'ouvrages permettant à ceux qui débutent ou veulent infléchir leur pratique pédagogique d'aller à l'essentiel.

 

Chacun de ces petits guides se veut un outil clair permettant, dans un domaine précis, de cerner rapidement le POURQUOI d'une démarche et le COMMENT d'une technique.

 

Il présente :

 

-           la description de pratiques et les fondements théoriques qui les sous-tendent

-           des conseils recentreurs pour leur mise en oeuvre réaliste,

-           des témoignages conçus non comme modèles à imiter ou directives à suivre mais comme présentation de moments de vie propres à éclairer et soutenir la réflexion du lecteur, à lui permettre d'avoir ses propres initiatives.

 

Les « POURQUOI-COMMENT » s'adressent :

 

-           aux enseignants de tous niveaux, intervenants directs dans le système scolaire,

-           à tous les autres intervenants, appelés de plus en plus nombreux à jouer un rôle dans l'action éducative. Ils peuvent également être lus avec intérêt par les parents d'élèves qui pourront alors se faire une idée précise de ce que vivent les enfants dans une perspective éducative transformée, en classe ou ailleurs, et comprendre les raisons profondes des changements intervenus.

 

CORRESPONDANCE SCOLAIRE ET VOYAGE-ÉCHANGE

 

Le 28 octobre 1924., les écoliers de Bar-sur-Loup reçoivent de Trégunc (Finistère) le premier envoi de leurs correspondants. Freinet qui a ressenti leur émotion, sait qu'un événement vient de se produire. Il se contente de noter dans son journal de bord, une petite phrase pourtant lourde de signification : « Nous ne sommes plus seuls ! »

 

En effet, il sent que les enfants trouveront, dans le dialogue avec leurs correspondants, l'écho qui donnera à leurs initiatives, à leurs travaux, une signification et une dimension nouvelles, échappant au cadre traditionnel de l'école.

 

De plus, se crée à travers la correspondance un réseau de compagnonnage qui sort les éducateurs de l'isolement où les place leur situation d'adulte unique face à un groupe d'enfants, isolement qui sévit même dans les établissements les plus peuplés. Une rupture est opérée, un nombre sans cesse croissant d'éducateurs pourra dire : « Nous ne sommes plus seuls !  »

 

                        1983 - C.E.L. - Cannes - n° I.S.B.N. : 2-85311-010-9