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Niveau de lecture 4
Dans :  Français › Histoire-Géo › 
Juin 2004

Au fil des siècles, des paysans ont creusé des mares dans la roche, dans les causses calcaire et arides du Quercy. L'origine de ces "lacs" a donné lieu à une légende. Ils témoignent surtout de l'opiniâtreté des habitants d'une région belle et difficile!

Situés au centre du département du Lot, les causses* du Quercy sont de vastes plateaux calcaires présentant des aspects désolés, tout particulièrement en été.
Au cœur de cette région se trouve la Braunhie: une vaste forêt s'y étend aujourd'hui, elle a remplacé les pâturages d'autrefois.

lacs Quercy Causse


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Un causse est un plateau calcaire à la géologie bien particulière. Souvent aride en surface, c'est en profondeur le royaume des grottes, des rivières souterraines.

 

< Paysages du causse du Quercy au printemps. Chemins bordés de blocs rocheux, champs parsemés de rochers... Du vert et des fleurs à perte de vue, qui laissent mal imaginer la désolation du même paysage sous la fournaise au cœur de l'été.

Au printemps, c'est une explosion de couleurs.
Les prairies se couvrent de milliers de fleurs, dont certaines, très rares, ne se rencontrent qu'ici. Pas de rivières, pas d'eau en surface. Dès que le soleil se montre insistant, herbe et fleurs se dessèchent.

Dès la fin du printemps, la chaleur devient intense, réverbérée par les roches calcaires qui affleurent partout.

Pourtant, la vie s'accroche: rares habitations, cultures en fond de vallon, pâturages et troupeaux de brebis (en général des caussenardes, une race résistante et bien adaptée à la chaleur et à la sécheresse).

C'est que, sur toute l'étendue de ce territoire aride, se trouvent des réserves d'eau. Pas bien grandes, bien sûr: ce sont surtout de petites mares, creusées dans le rocher. Mais, même en été, malgré l'évaporation importante et la chaleur, elles restent pleines d'eau. C'est suffisant pour que la vie soit possible. C’est sans doute, un miracle, à en croire la légende suivante...

lacs Quercy

La légende de saint Namphaise

Namphaise, compagnon de Charlemagne (fin du VIIIe siècle), las des guerres et des combats, se réfugie sur les causses du Quercy pour y vivre en ermite*. Prières, vie de solitude et austérité...
Pour occuper ses journées, selon la règle des moines qui partagent leur existence entre prière et travail manuel, il choisit d'aider les paysans de la région, durement confrontés à la sécheresse du causse.
Il entreprend alors de creuser dans la roche des réserves d'eau, des « lacs » qui, avec l'aide de Dieu, ne s'assècheront jamais. Naturellement, le diable, jaloux, s'en mêle: alors que Namphaise, très âgé, creuse encore un lac, un taureau, rendu furieux par le démon, le transperce d'un coup de corne.

Mêmelacs Quercy Causse blessé à mort, Namphaise reste soutenu par Dieu: il lance son marteau qui retombe à plusieurs kilomètres de là, marquant ainsi le lieu où l’ermite désire être enterré.      

La châsse** contenant les restes du saint ermite est encore visible dans cette crypte. On raconte qu'une femme qui ne peut avoir d'enfant doit passer sous la châsse: elle pourra alors enfanter. De même, les saintes reliques guériraient les épileptiques de leur maladie...

 

Dans l'église de Caniac-du-Causse.
Entre l'autel et la fenêtre, derrière la statue,
la châsse en pierre calcaire de saint Namphaise:
un coffre au couvercle en forme de toit.

* Un ermite est un religieux qui choisit de vivre dans la solitude pour mieux consacrer sa vie à son Dieu.
Le corps de l'ermite est enseveli dans la crypte de l'église construite sur le lieu où est tombé le marteau, à Caniac-du-Causse. Des guérisons inexpliquées ont lieu sur sa tombe: : ainsi Namphaise devient un saint vénéré par l’Eglise catholique.

** Une châsse est un coffre, souvent réalisé dans des matériaux précieux (or, argent, pierres précieuses...). Il contient des restes de personnes particulièrement vénérées par l'Église catholique, et que les fidèles de cette religion viennent prier. La châsse de saint Namphaise est un simple coffre de calcaire sous lequel est aménagé un passage dont les dalles sont creusées par les pas des fidèles.

De la légende à la réalité.      
 
Même si le personnage de Namphaise semble avoir eu une certaine réalité, les mares creusées dans la roche, au fil des siècles, l'ont été plus sûrement par des paysans opiniâtres. Elles ne sont ni de grandes dimensions (quelques mètres de diamètre pour la plupart), ni très profondes (rarement plus d'un mètre). Mais il est difficile de creuser cette roche calcaire très compacte et très dure avec seulement des pics, des pioches et des burins. Dès les premiers coups, on comprend la difficulté de l'opération. Creuser un trou de dix mètres de diamètre sur un mètre de profondeur relève déjà de l'exploit !

L'eau provient du ruissellement des eaux de pluie, mais aussi de l'infiltration de l'eau entre les couches calcaires. Même sur les hauteurs, même en plein été, cela suffit à maintenir de l’eau dans le réservoir.
(L'eau suinte en permanence entre les dalles de calcaire, ainsi les lacs du causse ne se trouvent-ils jamais à sec.)      

La légende de saint Namphaise est quercinoise, mais on trouve des réserves d'eau creusées dans le calcaire dans tous les causses. Ces «lacs» portent des noms différents selon les régions, mais ils ont tous la même origine.

 lacs Quercy Causse

Un petit lac (7 m sur 4 m environ) entièrement envahi par les aIgues.  Plantes aquatiques, têtards, prospèrent dans les lacs de saint Namphaise, véritables oasis de vie au milieu du causse

lacs Quercy Causse

Une petite réserve d'eau aménagée dans une anfractuosité du rocher (60 cm de diamètre sur environ un mètre de profondeur).
 

 lacs Quercy Causse

Un lac de saint Namphaise à Reilhac (Lot), d'environ six mètres sur dix.

 

Une vie intense existe dans ces mares et à proximité: plantes des milieux humides, algues, batraciens, insectes... Grâce à ces réserves d'eau, des troupeaux peuvent vivre sur les causses. Des villages se sont souvent établis à proximité des mares les plus étendues. 

 
lacs Quercy Causse 
Traces d'animaux venus boire au bord du lac : brebis, chiens, chevreuils...

lacs Quercy Causse
Les moutons «à lunettes», la race caussenarde familière des lieux.

 

Les hommes creusaient à leur propre usage des puits et des citernes, non loin de leurs maisons.

Mais l'eau restait rare et précieuse: pas question de la gaspiller en bains ou en toilettes! Elle était presque exclusivement destinée à couvrir les besoins alimentaires. C'était une question de survie avant tout!      
L'eau était autrefois un bien rare et précieux…
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lacs Quercy Causse

Un grand « lac » à Espédaillac (Lot). Seule la proximité de grandes réserves d'eau pouvait permettre l'implantation de villages dans cette région aride.

lacs Quercy Causse

Dans le village de Laburgade (Lot], une série de puits a été creusée sur la même nappe d'eau souterraine, presque au sommet d'une butte.
Chaque puits appartenait à un propriétaire différent.

 

un bien précieux

Dans nos régions, l'eau a toujours été, jusqu'à une date très récente,  un problème vital. Dans les campagnes, de nombreuses personnes âgées ont connu l'époque où il n'y avait pas d'eau courante à l'intérieur des maisons: l'eau potable restait un bien rare et précieux.
Il suffit souvent de les interroger sur ce problème pour déclencher une foule de souvenirs et de témoignages sur un passé récent bien différent de ce que nous connaissons aujourd'hui: des systèmes d'adduction d'eau ont depuis lors été mis en place pour apporter l'eau potable à toutes les maisons - où elle est abondamment gaspillée.

Mais la question de l'eau potable demeure un problème crucial dans de nombreuses régions du monde…

 
Source : 
BT n°1105, mai 2004
Ressources et bibliographie: 
BT n°1105, L'eau, le calcaire, le karst
Crédit iconographique : 
photos Pierre Péguin