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Niveau de lecture 5
Dans :  Sciences et Techno › 
Juillet 2008

Une enquête dans une entreprise gérée coopérativement avec deux jeunes reporters, Céline et Nathalie.

L’entrée dans la vie professionnelle fait peur: l’entreprise est rarement un lieu d’épanouissement et de fraternité.
Face aux exécutants, de l’O.S. aux techniciens et cadres supérieurs, qui monnaient leur travail, s’oppose souvent la minorité des  décideurs (patrons et actionnaires), bien décidés à  garder le pouvoir et à maintenir les différences de salaire.
Mais il existe aussi des entreprises différentes, créées par des travailleurs de tous niveaux, qui possèdent leur entreprise au sens propre du terme, la gèrent coopérativement et décident eux-mêmes et, de plus, aiment ce qu’ils font…
Deux jeunes reporters, Céline et Nathalie ont enquêté avec l'auteur dans une SCOP, au cœur du Poitou-Charentes, berceau des mutuelles et de la vie coopérative.


La SCOP, définition : des travailleurs associés

Dans une société anonyme traditionnelle, les actionnaires sont extérieurs ; ils sont, généralement, mis au courant une fois l'an, lorsqu'ils reçoivent un compte rendu d'activité du Conseil d'administration qui les renseigne sur la rentabilité de l'entreprise.

SCOP : Société Coopérative Ouvrière de Production

Dans la SCOP, la différence fondamentale, c'est que, les associés ont la double étiquette associés et travailleurs dans la même entreprise.
Lorsqu'il y a une décision à prendre, obligatoirement, les deux aspects sont présents chez une même personne qui en tant que salarié voudrait ... mais en tant que gestionnaire décide de ce qui est possible.      

scop : scierie
stock à la scop


L'essentiel sur les SCOP

- SCOP : Sociétés Coopératives de Production -

Ce sont des sociétés commerciales, qui interviennent dans le secteur classique, face à une concurrence également «classique». Il faut donc pouvoir faire face.
Mais dans ces sociétés, les salariés apportent le travail… et le capital ; ils sont à la fois ceux qui décident (coopérativement), et ceux qui exécutent.

Les SCOP s’appuient sur des principes définis dès le XIXe siècle, et toujours actuels : moyens mise en commun, fonctionnement démocratique, implication dans la responsabilité et l'initiative économique.

Les bénéfices de l’entreprise sont attribués à 3 postes :

- une part reste à l’entreprise, sous forme de réserves
- une part va aux salariés, sous forme de participation
- une part va aux sociétaires qui ont participé au capital, sous forme de dividendes.

Chaque associé salarié dispose d'une voix, et l’ensemble des associés salariés a toujours la majorité.
Mais depuis 1992, afin d’élargir les possibilités de partenariat avec d’autres entreprises, les associés extérieurs peuvent détenir (ensemble) jusqu'à 35% des droits de vote (49% si l'associé extérieur est une société coopérative), selon le principe "une personne = une voix".

un lien :  http://www.scop.coop/societe-cooperative-de-production.htm
… et aussi, les sites des associations régionales : Auvergne, Grand Ouest, Rhône-Alpes, Île de France, PACA etc, et professionnelles: Fédération Nationale des SCOP du BTP* par exemple.     

* BTP : Bâtiment, Travaux Publics

Des théoriciens utopistes, ont popularisé les idées de démocratie, de communauté, et contribué à poser les principes de la coopération de production, et du syndicalisme, deux mouvements qui ne se sont imposés qu’au prix d’un long combat social.

A citer particulièrement : Saint-Simon, Charles Fourier,  Jean-Baptiste Godin, Louis Blanc, Philippe Buchez, Jeanne Deroin, Joseph Proudhon, Robert Owen (en Angleterre)…
On peut dater la toute première reconnaissance officielle des coopératives ouvrières de 1884.
En 1900, on comptait 247 coopératives de production.

 


Enquête de Céline et Nathalie
auprès d’un sociétaire dans une menuiserie.


La coopération, une autre façon de vivre l’entreprise

Tout un travail est à faire quand on crée une Scop car on s'adresse inévitablement à des gens qui n'ont pas l'expérience de la vie collective ou plutôt de la prise en charge collective de leur propre destin.

"Qu'est-ce qu'une entreprise ? une coopérative ? un bilan  un compte d'exploitation ? un prix de revient ? !e marché ? !'abondance ?…"
Répondre à de telles questions revient constamment, sous mille formes !es plus concrètes puisées sur place et sans jargon.

On ne naît pas coopérateur, on le devient
Il faut avouer que rien ne nous y prépare.
Des générations ont vécu dans la vénération de ceux qui décident pour le «bien» des autres.
Et c'est d'autant plus une obligation des organismes coopératifs de préparer tous les travailleurs à se prendre en charge ; déjà l'école devrait nous y avoir préparés davantage : c'est l'une des principales causes d'échec d'expériences coopératives.      

S’exprimer
- Ne cachons pas que certains sont là depuis dix ans et n'ont jamais parlé en AG*. Peut-être ont-ils une vitesse de réaction plus lente et lorsqu'ils veulent intervenir, d'autres les ont devancés et ont développé ce qu'ils voulaient dire ? Mais ils se sont exprimés dans les nombreuses réunions préparatoires qui ne dépassent pas dix personnes.

Un exemple : à la dernière réunion, un sociétaire propose de ne travailler que 6 heures par jour. Il a exprimé une opinion qui n'a gêné personne car elle peut se discuter avec toutes ses incidences.

  Au lieu de travailler 9 heures, travaillons 6, propose le travailleur.
Maintiendrons-nous les salaires ? s'interroge-t-il, en prenant sa casquette de gestionnaire.

Comment cela se traduit-il au niveau du prix de vente? L'entreprise ne pouvant pas perdre d'argent, pour arriver à être concurrentielle tout en augmentant d'un tiers les salaires (on passe de 9 à 6) cela se traduit ensuite dans !'organisation du travail.

On en revient à ce que nous ne perdons jamais de vue : "Je voudrais… / Pouvons-nous?"

scop : usine, entreprise
une scop vue d’avion

 

* AG : Assemblée Générale.
Les Associations 1901, les syndicats, les entreprises "par actions", organisent au moins une fois par an leur Assemblée générale :
c'est la réunion d'un maximum de personnes (présentes physiquement, ou représentées par une personne présente) disposant d'un droit de décision (par vote);
ce mode d'organisation permet de prendre une décision relativement démocratique en prenant l'avis du plus de membres possibles.

 


Participer

- Est-ce que les sociétaires doivent obligatoirement assister à ces réunions ?

- Nous sommes en démocratie. Les sociétaires sont seulement invités à participer.
Alors, tout dépend du degré de compréhension et de responsabilité qu'ils ont en tant que gestionnaires…
S'ils sont conscients qu'ils débattent de leur entreprise, leur coopérative et que les décisions qui seront prises, c'est tous ensemble qu'ils devront les exécuter, c'est donc tous ensemble qu'ils devront les définir...

Pas question de démocratie de façade ; tous les gars se connaissent, pas de déférence polie envers des supérieurs. Ils se savent tous propriétaires à parts égales de leur entreprise et de son destin. Il n'y a pas une catégorie au courant et l'autre dans l'ignorance des problèmes débattus.
Ces assemblées sont longuement préparées par de petites réunions où chacun s'exprime aisément et des synthèses sont établies. Les résultats positifs ou négatifs sont publiés, analysés, discutés chaque jour.

Le dialogue étant permanent, lorsqu'on aborde une AG, elle ne représente alors guère plus qu'une banale discussion journalière et les craintes s'abolissent.      


Débattre et décider ensemble
Nous tenons une Assemblée générale statutaire, obligatoire selon la loi : le CA doit

• présenter à l'ensemble des sociétaires:
• un compte rendu d'activité de l'année écoulée,
• un bilan d'exploitation,
• procéder au renouvellement partiel du CA, (9 membres renouvelables par tiers tous les 3 ans),
• après discussion, vient l'admission des nouveaux associés.
Mais nous tenons aussi une seconde réunion : l'Assemblée d'objectifs. Très concrète, celle-ci.
Son objet ? Que veut se payer l'entreprise l'année prochaine ? Qu'est-ce qui nous paraît prioritaire au plan social et coopératif ?
Selon ces priorités, quelles sont les performances économiques et financières que nous devrons réaliser?
Après débat, les objectifs ainsi définis collectivement seront écrits noir sur blanc et affichés.
A tout instant, ils seront contrôlables par tous et chacun saura si un effort particulier doit être fourni ou si une modification de cap est nécessaire.
Sans une telle pratique, nous ne saurions nous proclamer coopérative.
 

scop : réunion
réunion de scop


UN CONTRAT ANNUEL D’OBJECTIFS
 
Objectifs sociaux
Que voulons-nous payer ?
Objectifs coopératifs
Comment mieux agir et gérer ensemble ?

 

Objectifs économiques et financiers

Performances à réaliser
pour satisfaire nos volontés exprimées
 

Tous sociétaires ?

- N'y a-t-il que les sociétaires à y participer à vos assemblées [où la fréquentation atteint 95 %] ?
- Nous nous sommes sentis mal à l'aise quand, par la force des choses, nous n'avons plus eu ces 100% de sociétaires qui seraient souhaitables. Mais cela s'explique sans fausse honte.
• Sachez d'abord que parmi les auxiliaires, il y a toujours un certain nombre de candidats sociétaires en voie d'admission et des nouveaux qui n'ont pas encore posé leur candidature.
• Parmi nos 17% de travailleurs étrangers, la majorité espère repartir un jour. Rien ne les empêche de devenir associés. Mais ils pensent qu'il s'agit de s'engager pour toujours.
• Pour les ouvriers recrutés loin de la vie coopérative du siège social, la nécessité de s'engager se fait moins sentir.
• Ajoutons que certains vont partir à la retraite sans avoir éprouvé le désir d'être coopérateurs. C'est l'exception.

Mais s'il y a des avantages, il y a aussi des obligations, des efforts à fournir.

• Longtemps les sociétaires ont travaillé bénévolement le samedi.
• Il y a les réunions en plus du temps de travail.
• Se sentir responsable : il y en a que ça n'intéresse pas, tout en sachant qu'en devenant sociétaire il y a quand même [un gain] au niveau des revenus.

Une conscience collective des enjeux

- Faites-vous du travail bénévole?
- Cela arrive. Ainsi, fin juillet, nous avons décidé de travailler une demi-heure de plus par jour du lundi au jeudi pour pouvoir fournir [les clients] avant l'arrêt de travail. Cela a été décidé en Assemblée générale de tout le personnel.

- Et les travailleurs non-sociétaires ont accepté ?
- Absolument. Tout le personnel en réunion ponctuelle sur un événement particulier devait résoudre ce problème.

Dans l'entreprise traditionnelle, les responsables auraient dialogué avec le Comité d'entreprise (qui se limite à la représentation légale des travailleurs). Le Comité aurait répercuté à la base, retour, etc. Il y aurait donc eu un échelon supplémentaire, perte de temps, de spontanéité et une autre perception de l'enjeu.
Chez nous, les gars sont associés et travailleurs, ils se regardent dans la glace en disant: «Je fais ou je ne fais pas ? Remettre en cause l'image de marque de la Scop vis-à-vis de la clientèle ? Si l'on veut se garantir un emploi, il faut faire les efforts nécessaires pour répondre aux besoins du client.»
Une conscience collective se manifestant, la question s'est réglée spontanément.

Être sociétaire, ça s’apprend !

Au début, ce n'est pas facile. Notre place à l'atelier ou sur les chantiers ne nous y a guère habitués.
Le nouvel adhérent ressent tout de suite la nécessité d'une formation et de sa constante réactualisation.

Une formation ou mieux une éducation coopérative, c'est d'abord ce minimum indispensable pour saisir l'économie et la coopération: ce qu'est une entreprise, un prix de revient, un bilan d'exploitation, le marché, la concurrence… et apprendre à réfléchir par soi-même sur tous les pièges apparents ou cachés tendus au travers de notre marche vers l'exploitation bénéficiaire de notre propre travail.

Formation non seulement des nouveaux compagnons, mais aussi des responsables car les relations, les attitudes des responsables en Scop sont tout à fait différentes de celles qui régissent les entreprises traditionnelles.
Dans un cas, il y a autorité imposée alors qu'en coopérative c'est l'autorité admise - bien plus délicate à exercer - de gens élus en connaissance de cause.
     

"Méfions-nous du terme même de "formation" auquel peut s'attacher un sens opposé à celui que nous tenons à lui donner.
"Formation" contient, pour certains  formateurs l'idée de mettre dans une forme, un moule, dont les contours seraient déterminés par quelques initiés.
Notre conception est à l'opposé. Personne ne doit être "façonné".»

scop : atelier

L’esprit coopératif et le refus de la spéculation

- Quel est l'apport financier du nouveau coopérateur ? Le retrouve-t-il s'il lui arrive de partir ?
- Comme dans toute société coopérative ou autre, il faut de l'argent pour travailler, acheter des machines, des locaux, etc. C'est le capital de départ. Les associés financent leur entreprise.
Il est normal que leur apport soit restitué lors d'un départ.

-  Comment sont partagés les résultats ?
- A chaque exercice, [une partie] des bénéfices sont partagés entre les sociétaires et [une partie] va en réserve impartageable.
 

Là intervient la différence fondamentale avec la société par actions.
Dans ce type de société [par actions], le capital vient de gens extérieurs à l'entreprise.
Par son travail, le salarié lui apporte une plus-value*.

En fin d'exercice, le financier récupère le bénéfice. Il peut céder ses parts par héritage, les vendre ou en acheter d'autres pour devenir majoritaire dans la direction de l'entreprise, le nombre de voix à l'AG étant proportionnel au nombre d'actions.
Ici, le capital est inaliénablement** attaché au travail; il ne peut être rétrocédé ou hérité. Les bénéfices ne peuvent aller qu'au travailleur ou à l'amélioration de l'outil de travail.
Chez nous, pas de spéculation possible ; en AG, un homme, une voix.

* plus-value : ici, c'est la valeur apportée (ou "ajoutée") à l'entreprise par le travail d'un salarié

** inaliénable: qui ne peut être aliéné = dont on ne peut disposer, que l'on ne peut modifier.

Pour aller plus loin


L’esprit coopératif et les inititiatives solidaires

Economie sociale, épargne solidaire, mondialisation responsable, commerce équitable :
les SCOP sont largement investies dans la réflexion pour un autre fonctionnement économique, plus soucieux des droits de l’individu.

Un réseau coopératif

Dans l'entreprise.
Une information constante est donc indispensable. Comment circule-t-elle? Comment est-elle perçue?
Ce sera le rôle du tableau de bord prévisionnel maintenu au tableau d'affichage entre deux AG, à mettre en comparaison avec les résultats obtenus chaque mois. [Il y a] le bulletin intérieur qui traduit la marche de l'entreprise. Distribué à tous, associés ou non, il est concret, concis, vite lu.
L'information est encore donnée dans les réunions ponctuelles qui ont lieu en fonction des problèmes posés à un moment donné.

Le réseau des SCOP
Enfin, il y a le réseau national et régional du Mouvement coopératif.
De nombreuses régions ont aujourd’hui leur propre journal, et leur site internet dédié à la vie des SCOP.

Les Scop d’un même bassin d'emploi ou d'un même corps de métier se veulent solidaires, et échangent.
Ensemble, les SCOP ont constitué un réseau, au niveau régional et national, et se sont donné des outils d’aide aux financements, à la formation, ainsi qu’un appui juridique, social, fiscal, et une représentation auprès des divers échelons de Pouvoir.

scop : affichage
affichage à la scop


Qui est “SCOP” aujourd’hui ?

Pour obtenir le statut Scop (avec ses particularités fiscales), une entreprise doit être inscrite sur une liste validée chaque année par le Ministère du Travail, sous la responsabilité de la Confédération générale des SCOP, et pouvoir justifier son fonctionnement coopératif.

Le statut “SCOP” peut être choisi dès la création d'une entreprise ; souvent, il est le meilleur recours pour des salariés qui reprennent ensemble une entreprise, soit au départ du patron (retraite…) soit à la suite de difficultés de gestion du dirigeant.

Qui est SCOP ?
L'inventaire est large :
travail du bois, aide à la personne, exploitations agricoles, imprimerie, construction de bateaux, arts graphiques, structure hôtelières, commerces bio, BTP, production audiovisuelle, mécanique de précision, création de vêtements, reliure, travaux forestiers, blanchisserie, presse, orchestres, structures d’accueil pour classes vertes, distribution de produits du commerce équitable…

Pour… ne pas finir
De nouvelles formes de coopératives sont apparues depuis 2000 :
Les CAE (coopératives d’activités et d’emploi, sous statut SCOP) http://www.cooperer.coop/
Les SCIC (coopératives d’intérêt collectif, créées par la loi du  28 juin 2001, publiée le 17 juillet 2001)

 

Pour en savoir plus sur le statut d'une SCOP : http://www.scop.coop/societe-cooperative-de-production.htm

Source : 
BT2 205 "Une SCOP? Ça marche!" (1988)
Crédit iconographique : 
documents P. Roy
Participation: 
Céline et Nathalie (lycée F.Mauriac de Bordeaux) Actualisation A.Dhénin juillet 2008