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logo ressource btn Alchimie : principes et méthodes

Niveau de lecture 4
Mai 2002

En alchimie, le savoir est réservé aux initiés : à la recherche de la perfection, ils associent philosophie, cosmos, préparations chimiques, symbolique des couleurs…

Les alchimistes considèrent l’existence de sept métaux purs :
or, argent, mercure, plomb, étain, fer et cuivre.
Outre ces sept métaux, ils connaissent le soufre et le sel.

Les sept métaux

A chacun de ces métaux, ils associent les sept planètes connues à cette époque.

L'or est associé au Soleil,
l'argent à la Lune,
le mercure à Mercure,
le plomb à Saturne,
l'étain à Jupiter,
le fer à Mars et
le cuivre à Vénus.

Alchimie principes planète

Chacune de ces planètes aurait engendré le métal auquel elle est associée.  

 

Parmi ces métaux, les alchimistes distinguent les métaux parfaits, l’or et l’argent, des métaux imparfaits qui sont les autres. Ils font du fer l’état initial de la matière et le plus imparfait des métaux.

Mais ils pensent que le fer peut s’améliorer en se transformant successivement en cuivre, puis en plomb, en étain, en mercure, en argent et enfin en or.
Cette recherche de la perfection est le but même du travail de l’alchimiste.
Pour réussir dans ses recherches, l’alchimiste doit lui-même progresser vers la perfection. Cette exigence morale est indissociable de la réussite de ses travaux.

 

Sel, soufre, mercure :

Pour parvenir à ce but, l’alchimiste met en avant l’existence de forces créatrices originelles, permettant d’évoluer vers la perfection.
Trois principes sont à la base de cette évolution : le mercure, le sel et le soufre.
Dans l’esprit de l’alchimiste, ces mots n’ont pas le sens qu’on leur donne aujourd’hui. Ce ne sont pas des corps chimiques, mais des symboles.
- Mercure et soufre sont des esprits* volatils, substances instables présentes au cœur même des métaux.
- Le sel est un élément favorable qui a un effet contraire et qui contribue à l’équilibre de la matière minérale.

Pour parvenir à ces conclusions, les alchimistes se sont certainement appuyés sur certaines de leurs expériences.
Par exemple, en chauffant du soufre pulvérisé avec de la limaille de fer, on voit subitement dans le tube à essai rougir le mélange. Quand l’ensemble est refroidi, on ne peut plus séparer le soufre du fer, car il s’est formé un corps nouveau : le sulfure de fer.
Pour autant, le fer n’a pas été transformé en cuivre !

On sait aussi, depuis le début de notre ère, séparer l’or du sable aurifère. On mélange ce sable au mercure. L’or se dissout dans le mercure comme le sucre dans l’eau. En chauffant l’ensemble, le mercure s’évapore et il reste l’or.

* Esprit : ce terme désignait pour les alchimistes et les chimistes anciens des composés chimiques volatils, en particulier des alcools chargés de substances médicamenteuses ou aromatiques.
Ce mot est parfois encore utilisé pour désigner l'acide chlorhydrique (esprit de sel) ou l'alcool éthylique (esprit de vin).
Nous utilisons toujours comme diluant et solvant le white spirit ("esprit blanc").
Le mot "essence" a la même signification.

Fabriquer de l’or.

Fabriquer de l'or à partir du plomb, c'est le rêve de tout alchimiste. Des semaines, des mois, des années d'expériences, de recherches, de travaux divers sont nécessaires…

Définir la transmutation.

On utilise pour cela les matières les plus diverses, mais on a recours le plus souvent à des matières minérales.
Ces matières sont enfermées dans l'œuf philosophique.
Elles y séjournent longtemps : des semaines, des mois parfois. Elles sont censées y mûrir. On procède le plus souvent par voie humide : les matières employées sont humidifiées avant d'être introduites dans l'œuf philosophique.
Il est rare qu'on procède par voie sèche, où les matières sont directement soumises à l'action de la chaleur : cela peut être dangereux, car une explosion peut se produire.

L'œuf philosophique
est ensuite fermé hermétiquement, avant d'être mis à chauffer dans l'athanor. Une fois allumé, le feu ne doit plus être interrompu.

Grand Œuvre et Petit Œuvre

Pendant la chauffe, divers phénomènes se produisent et l'on voit successivement apparaître des couleurs différentes. Ce sont, selon les termes employés par les alchimistes :
- Les couleurs de l'œuvre principal, ou Grand Œuvre: noir, blanc, rouge.
- Celles de l'œuvre intermédiaire ou Petit Œuvre : vert, jaune, bleu.

Pour les alchimistes, ces deux "œuvres" doivent conduire à obtenir la pierre philosophale :
- le Petit Œuvre doit permettre d'obtenir la Pierre Blanche, substance capable de changer les métaux imparfaits en argent.
- Le Grand Œuvre conduit à l'obtention de la Pierre Rouge,  ou Pierre philosophale. Celle-ci doit permettre la transmutation des métaux «vils», c’est-à-dire leur transformation en or.

Tout cela demande beaucoup de patience et de persévérance, avant d'obtenir la poudre ou la pierre qui, versée sur un morceau de plomb, doit le transformer en argent. Des mois seront encore nécessaires pour obtenir la pierre rouge qui doit, selon les alchimistes, changer le vif-argent (mercure) en or.

 

La transmutation des métaux.

Une première opération à effectuer lors des tentatives de transmutation est la projection. Pour ce faire, l’alchimiste met à fondre le mercure, l’étain ou le plomb dans un creuset. C'est alors qu’il projette la pierre philosophale. Celle-ci a été au préalable enveloppée dans une feuille de papier, puis dans de la cire. Le tout est roulé en boule. Le feu est ensuite poussé jusqu'à fusion du métal. Apparaît alors une masse métallique de couleur variée, mais le plus souvent tirant sur le vert.
     
Ces opérations doivent conduire à l'obtention de plusieurs produits :

- La Tête de corbeau, encore appelée Voile Noire du navire de Thésée. C'est un dépôt noir dont l'apparition au bout de quarante jours promet le succès de l'œuvre.
- Le Lion Vert, qui donne un liquide épais et fait sortir l'or caché dans les "matières ignobles" (autres métaux ou minerais, ce qu'on appellerait aujourd'hui la gangue).
- Puis le Lion Rouge, qui doit convertir les métaux en or.
- La Poudre blanche, qui transforme les métaux en or.
- L'Elixir au Rouge, avec lequel on fait de l'or et on guérit toutes les plaies.
- L'Elixir au blanc, qui permet de faire de l'argent et qui procure une vie extrêmement longue.

On voit, par la liste des substances que les alchimistes espèrent obtenir, que ces chercheurs font davantage référence aux mystères qu’aux lois de la nature.
Pour eux, la substance qui est censée faire de l'or, précieuse entre toute, doit donc être aussi capable de guérir.
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la transmutation : une quête vouée à l'échec.
Les alchimistes ignoraient la structure moléculaire de la matière. C'est par la seule modification du noyau de l’atome d’un élément* que l'on peut parvenir à obtenir un élément différent, et ceci demande une technologie très puissante. La transmutation d'un métal en un autre était tout bonnement impossible avec les moyens dont disposaient les alchimistes. Mais ceux-ci, en manipulant des substances diverses et rares, ont appris à connaître et à fabriquer des substances chimiques aux propriétés intéressantes.

* c’est le nombre de protons qui détermine un élément chimique : 26 pour le fer, 80 pour le mercure, par exemple.

Hermès Trismégiste et le langage des alchimistes.

 

Hermès Trismégiste :
Hermès Trismégiste (Hermès trois fois très grand ) est le nom que les Grecs anciens avaient donné au dieu égyptien Thot, qu'ils considéraient comme l'initiateur de tout le savoir humain. Les alchimistes en avaient fait le maître fondateur de l'alchimie et lui attribuaient la paternité d'un grand nombre d'ouvrages. Le "Traité de l'or" ou "la Table d'émeraude" est l'ouvrage de base que tout alchimiste se doit de connaître. On trouve dans ces œuvres rédigées en réalité au Moyen-Age par des auteurs inconnus, des réflexions philosophiques et religieuses, à côté de recettes de laboratoire.

Le langage des alchimistes :
Dans ces livres, une idée-force revient en permanence: la science n'est révélée qu'à un petit nombre d'élus, de privilégiés.
Il ne faut pas que leur savoir tombe entre des mains indignes. D'où le langage employé, d'où le secret qui entoure ces travaux. A tel point que le nom de la doctrine alchimiste, l'hermétisme, est devenu synonyme de secret et de mystère.
En voici quelques exemples, extraits de divers ouvrages d’alchimistes :
"O fils de la Sagesse, sache qu'il existe sept corps dont l'or est le premier. C'est la tête, le plus parfait roi de tous. La terre ne peut le corrompre, ni le feu le détruire, ni l'eau le changer. Son apparence est immuable. Et sa nature insensible à l'action du chaud, du froid, de l'humide. Il n'y a rien en lui de superflu".
"Pour réussir, il faut que Dieu le permette. Je n'ai atteint  à cette science, à cet art, que par l'inspiration du Dieu vivant qui jugea bon de révéler le mystère à moi-même, son serviteur".

Les alchimistes doivent mourir plutôt que de révéler leurs secrets. Mais la transmutation des métaux en or ne doit pas être la recherche de la richesse matérielle.

L'alchimiste doit être désintéressé. Alors, "celui qui a étouffé en lui le désir de richesse et de puissance pourra être récompensé par la découverte de la pierre philosophale".

Tout cela peut paraître bien incompréhensible et l'on pourrait croire que Nicolas Flamel et ses condisciples sont des gens peu sérieux. Il n'en est rien.
Ce langage est voulu, il ne faut pas que le profane puisse comprendre, la science peut être dangereuse, et certaines découvertes qui pourraient être faites risqueraient de compromettre l'équilibre du monde.
"Les véritables alchimistes s'expriment par images, allégories, symboles, afin de n'être entendus que par les esprits avisés, élevés et éclairés par la connaissance", déclare l'alchimiste Synesion.

L'alchimiste est tenu de ne pas dévoiler les résultats de ses travaux. Pour des raisons de sécurité d'abord, pour des raisons morales ensuite. Il doit redouter les méfaits que la fortune peut provoquer et il risque de subir des menaces, des brimades, des tortures.
Il doit être discret pour ne pas risquer de corrompre les gens autour de lui.

Plongé dans une époque très religieuse, l'alchimiste a conscience, en faisant certaines découvertes, de percer une partie du mystère de Dieu. Il peut penser qu'il ne s'exposera pas à la colère divine en taisant ses recherches.
L'obligation du secret est très rigoureuse :
"Je te jure sur mon âme que si tu dévoiles ceci, tu seras damné. Tout vient de Dieu et tout doit y retourner. Tu conserveras donc par toi seul un secret qui n'appartient qu'à Lui" (c’est-à-dire à Dieu).
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Alchimie principes Flamel

Sage lisant dans un jardin :
gravure ornant la façade de la maison
de Nicolas Flamel à Paris.

Un symbolisme à l’usage des initiés.

Dans leurs livres, les alchimistes ont souvent recours à des images qui constituent un codage à l'usage des initiés. Pour eux, elles sont beaucoup plus parlantes que les mots.
En voici quelques exemples :

- Le lion, le taureau symbolisent la terre.
- L'aigle ou un oiseau symbolisent l'air.
- Un arbre avec des fleurs sera le symbole d'un métal.
- Le chêne creux symbolise l'athanor.
- Le diamant, pierre précieuse, est l'image de la pierre philosophale.
- Quant au cerf, il est l'image du mercure. On le voit souvent face à face avec la licorne. Le couple représente l'esprit et l'âme de la matière.

La "Table d'émeraude" est un texte écrit, selon la tradition, sur une émeraude…
On y retrouve l'idée de l'unité cosmique, de la correspondance entre toutes les parties de la création. En voici quelques extraits :

"Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas pour accomplir les miracles d'une telle chose. Et de même toutes choses ont été ou sont venues d'Un, ainsi que toutes choses sont nées de cette chose unique, par adaptation.
Le soleil en est le père, la lune en est la mère, le vent l'a porté dans son ventre, la terre est sa nourrice.
"

"Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l'épais, doucement, avec grande industrie".

"Il monte de la terre vers le ciel et redescend aussitôt sur la terre et il recueille la force des choses supérieures et inférieures".

 
Source : 
BT 1138 "Nicolas Flamel, alchimiste" (mai 2002)
Crédit iconographique : 
Dessin : Annie Dhénin d'après la BT . Photo maison N. Flamel : Catherine Chabrun.