Parmi les invariants fondamentaux de la pédagogie Freinet qui fondent une cohérence interne forte de nos pratiques d’éducateurs, la méthode naturelle et le tâtonnement expérimental sont probablement ceux les plus souvent cités… et paradoxalement ils sont aussi peut-être les plus complexes à définir simplement, à « raconter ».
Dans le dossier de ce numéro, nous avons voulu revenir sur ces deux points, pourtant souvent détaillés dans notre mouvement depuis des années. Au travers de pratiques et de réflexions, il s’agit de revisiter « encore une fois » nos fondamentaux.
Tout a été dit ? C’est simple ?... Pas si sûr !
« Faire classe », c’est toujours se plonger dans le complexe, c’est lier des engagements pédagogiques, éducatifs, sociaux, politiques pour en produire du sens.
Nous sommes souvent en tension, dans l’entre deux.
Nous accueillons le vécu, le « banal », les expressions ou créations premières, nous laissons les cultures premières arriver, émerger doucement et nous avons en tête au même moment toutes les grandes oeuvres de l’humanité qui nous entourent.
Nous avons le souci de relier des savoirs locaux, personnels et particuliers à des patrimoines culturels qui sont déjà là.
Nous permettons de grandes libertés dans les apprentissages, dans les relations, en n’oubliant jamais les rigueurs nécessaires d’une vie coopérative.
Nous savons bien que chaque enfant devra apprendre seul, tout seul et qu’il ne pourra cependant apprendre qu’avec les autres, au milieu d’eux.
Nous créons des liens pour que les savoirs se construisent sans oublier que nous ne faisons parfois que reconstruire des savoirs historiquement présents.
Nous sommes aussi souvent en tension entre programmes imposés et productions libres, entre désirs et nécessités…
Ces paradoxes apparents, on les retrouve encore dans les termes « méthode » et « naturelle ». On nous demande souvent : Vous avez une méthode de lecture ?
Globale ? Syllabique ? Mixte ?
« Non… naturelle ! »
Alors comment faire ?
Par des méthodes naturelles qui consisteront à créer le milieu, à organiser les apprentissages individuellement, à susciter des conduites coopératives, à clarifier et définir les places et parts de l’éducateur. Par des méthodes donc qui ne feront que laisser exister le Tâtonnement expérimental.
Par le Tâtonnement expérimental, processus naturel d’action et de pensée qui repose sur un processus de base, l’expérience tâtonnée, et qui n’existe que dans une communauté d’apprenants qui coopèrent. Ce processus permettra à chaque individu unique de construire ses savoirs au sein d’un groupe.
L’enfant, la classe sont des bâtisseurs d’oeuvres scolaires qui vont devenir des oeuvres sociales coopérativement partagées et intégrées.
De grands chantiers de travail s’ouvrent encore à nous…