A l'école dès deux ans ?

Mai 2004

L’école maternelle prépare les enfants à entrer dans les apprentissages. A une époque, nous parlions de pré requis, c’est-à-dire les compétences préalables à l’apprentissage de la lecture et des maths. Depuis quelques années, on a modifié notre regard sur les apprentissages et supprimé le préfixe « pré… » en constatant qu’il y avait des apprentissages tout court !
L’enfant apprend à lire dès qu’il arrive au monde : il lit les expressions de ses proches, puis de l’environnement et petit à petit ouvre et élargit son regard.
Parallèlement à ce recentrage, les études menées ont montré que la scolarisation à deux ans était plus profitable aux enfants des milieux sociaux défavorisés. Est-ce que cela veut dire qu’ils sont mal chez eux ? Non, pas du tout, mais statistiquement, il y a souvent adéquation entre milieu défavorisés et échec scolaire.
« Pour la plupart des enfants des quartiers populaires, le seul espoir de s’en sortir, c’est l’école, surtout l’école maternelle. Si la maternelle ne leur apprend pas à parler avec aisance, ils ont très peu de chances de réussir leur scolarité, à peu près aucune d’occuper un jour leur juste place dans ce monde. S’ils ont le langage, nul doute qu’ils se fassent aisément leur place au soleil ! Peut-être même, y trouveront-ils un jour des armes pour tenter de changer ce monde, le rendre un peu moins injuste. Qui sait ?* »
Ces mots écrits il y a un peu moins de dix ans par Philippe Boisseau en introduction à la pédagogie du langage résument à eux seuls l’enjeu de l’école maternelle :
C’est par le langage que l’enfant accède à la connaissance et l’adulte à la complexité de la pensée… et au pouvoir. C’est pendant les premières années de scolarisation que l’enfant va découvrir ses pairs, le monde. En lui donnant les moyens de s’exprimer, de communiquer, et des outils pour s’organiser aussi bien dans ses apprentissages que dans la vie sociale, nous remplissons notre mission d’enseignant d’une école populaire.
Notre combat pour permettre aux enfants d’entrer très jeunes à la maternelle dans les quartiers défavorisés se base sur ce constat... Par ailleurs, ce choix suppose des conditions d’accueil pour les petits et un travail pédagogique adaptés, c’est ce que nous voulons développer dans ce dossier du Nouvel Educateur sur l’évolution actuelle de nos recherches et de nos pratiques en Pédagogie Freinet.
École gratuite,laïque et obligatoire… mais maternelle non obligatoire,et pourtant :
Essentielle pour les familles non francophones, pour les familles qui ne maîtrisent pas le langage,celles qui ont un lourd passé d’échec scolaire :réconciliation,compensation essentielle.
Essentiel qu’elle reste laïque.
Essentiel qu’elle soit gratuite…
Cependant, répétons-le, la qualité de l’accueil proposé, les demandes multiples des familles, et les besoins des jeunes enfants sont à prendre en compte tout autant que les statistiques. De très nombreux enfants tirent bénéfice de l’accueil à deux ans, mais seulement si l’école, l’accueil que les parents y reçoivent, les choix pédagogiques sont réellement adaptés aux tout-petits.
Car l’école maternelle doit être le premier lieu d’apprentissage d’une vie sociale démocratique.
* Philippe Boisseau : Introduction à la pédagogie du langage (1995) CNDP réseau (CRDP Haute Normandie).