La formation et le mouvement Freinet

FĂ©vrier 2003

Le mouvement Freinet s’est toujours confronté à un dilemme : permettre à ses idées et pratiques d’être véhiculées dans le monde enseignant, mais aussi faire en sorte que celles-ci ne soient pas détournées et demeurent fidèles aux fondements de la Pédagogie Freinet. Notre place dans la formation « officielle » reste encore très morcelée, relative aux contextes, aux possibilités ou obstacles locaux. Par contre, les sollicitations ne manquent pas, provenant de tous les horizons : milieu de la formation, milieu éducatif, universitaire, social… ; elles correspondent à des demandes diverses : professionnelles, curiosité, souhaits institutionnels... Comment expliquer cet
attrait ?
Nos principes de formation sont fondés essentiellement sur l’alternance des pratiques de terrain et de l’analyse de celles-ci. Le compagnonnage, la responsabilisation et la mise en pratique des acteurs, la co-formation, sont de plus en plus utilisés dans l’institution. Ces pratiques, nous les avons expérimentées sur nombre de terrains, parfois dans des conditions difficiles. Nous nous situons bien dans une démarche personnelle de co-apprentissage de la part des « formés ». Ces pratiques s’articulent bien sûr aux fondements de la pédagogie Freinet : expression, communication, coopération, individualisation, tâtonnement expérimental. Elles soutiennent toutes nos actions. Pourquoi serions-nous alors absents des structures officielles de formation ?
Il est sans doute temps de faire reconnaître nos pratiques de praticiens-chercheurs dans le cadre d’une innovation coopérative en rupture avec ce qui se réalise encore trop souvent dans l’école actuelle. Notre vécu de la coopération, du travail en équipe doit nous amener à concrétiser là où nous le pouvons l’idée de « formateurs collectifs associés ». Ce « statut » nous permettra à la fois de poursuivre notre travail de co-formation indispensable à l’analyse de nos pratiques et à notre recherche, mais aussi d’exister à travers un collectif identifié et garant de ce qu’il présente.
Cette perspective ne doit pas nous empêcher d’investir le système de formation autant que possible, à condition que ça se fasse en cohérence avec les principes que nous défendons. Mais nous devons aussi faire face aux dangers qui nous guettent : « verbiage », décontextualisation de nos pratiques… C’est en accordant nos discours à nos pratiques et non pas en discourant sur nos pratiques que nous pourrons éviter ces écueils. Nous n’avons pas pour but de produire des théories, mais bien de dynamiser les pratiques   en   maintenant   en   constante   congruence   la   relation théorie/pratique. Freinet ne disait-il pas « Les formateurs transmettent
toujours un message par la structure de travail qu’ils proposent et par les interventions qu’ils effectuent. »
Nous savons que les prochaines années verront un renouvellement important de la profession. Alors ne regardons pas le train passer en critiquant seulement ce qui se passe dans la formation et dans l’Ecole. Défendons nos idées, nos pratiques, une autre vision de l’école, là où elle se construit avec l’appui de nos structures coopératives : nos équipes, nos groupes départementaux, nos réseaux de co-formation, nos groupes de travail, nos classes d’accueil… et tout ce que nous avons encore à inventer pour prendre notre place dans ce qui se joue actuellement pour le monde enseignant de demain.
 

François Le Ménahèze
École ouverte Ange-Guépin de Nantes
Formateur associé à l’IUFM de Nantes