Droits et citoyenneté de l'enfant à l'école primaire : la régression des nouveaux programmes

Mai 2002

 

Lettre ouverte de l’Institut Coopératif de l’Ecole Moderne

et de l’Office Central de la Coopération à l’Ecole

DROITS ET CITOYENNETE DE L’ENFANT A L’ECOLE PRIMAIRE :

LA REGRESSION DES NOUVEAUX PROGRAMMES

Depuis l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant le 20 novembre 1989, les mouvements pédagogiques ont mené des réflexions, organisé des formations, produit des outils d’information des enseignants et des enfants, pour que la Convention soit connue dans les écoles et que les élèves puissent y exercer une véritable citoyenneté participative.

Nous attendions des Nouveaux programmes de l'école primaire de 2002,  dans le cadre de l’éducation civique, une reconnaissance de cette citoyenneté et les modalités d’exercice des libertés et des obligations des élèves, dans une école respectueuse du droit. Or non seulement il n'y a aucune avancée mais c'est une véritable régression ! Il n'est jamais question de "droits" ou de "libertés" et le mot "citoyenneté" n'existe plus. Quant à la Convention, elle est citée une seule fois mais elle ne figure pas au programme :

" A travers la géographie, l'élève(...) découvre que la Convention internationale des droits de l'enfant de 1989 est loin d'être appliquée dans plusieurs pays, en particulier en ce qui concerne le travail des enfants de son âge".

 

Remarquons que si elle était étudiée, dans sa dimension universelle et dans son application à travers le monde, les élèves français pourraient aussi apprendre que leur solidarité est nécessaire pour que tous les enfants puissent être mieux protégés et aller à l’école. Ils retiendraient que, dans des pays en voie de développement, des enfants connaissent mieux leurs droits qu’eux-mêmes et qu'il existe un article de la Convention qui leur donne le droit d'exiger d’être informés :

Article 42 - "Les Etats parties s'engagent à faire largement connaître les principes et les disposition de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants".

En 1993, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies avait jugé positive l'action de la France " pour informer les enfants de leurs droits et les encourager à s'exprimer par l'intermédiaire de conseils spéciaux créés dans les écoles et les collectivités locales".         

Nous sommes donc en pleine régression !

C'est une situation étonnante et paradoxale, puisque les nouveaux programmes sont en contradiction avec les actions menées par les ministres eux-mêmes pour faire connaître la CIDE à l'occasion de la Journée nationale des droits de l'enfant( B.O. 1996, François Bayrou, B.O. 1997, Ségolène Royal).

En 1996, François Bayrou  avait indiqué que « c’est aux enseignants qu’il revient de lui donner toute sa portée à l’école en sensibilisant les enfants à leurs droits et obligations ».                         

En 1997, Ségolène Royal avait souhaité qu’un important travail de présentation et d’explication de la Convention se déroule dans les écoles, les collèges et les lycées, car « les idées que la Convention proclame, les droits qu’elle affirme ont une dimension universelle qui doit être connue des enfants et des adolescents confiés à l’éducation nationale ».

En 1998, dans son rapport, " Droits de l'enfant, de nouveaux espaces à conquérir", une commission d’enquête de l’Assemblée nationale avait estimé que la Convention reconnaît aux enfants " non seulement des droits civils, sociaux ou culturels, mais aussi des libertés publiques, véritables « droits de l'homme de l'enfant »". 

Après toutes ces initiatives ministérielles préconisant une information sur les droits des enfants et la mise en oeuvre de pratiques citoyennes, après la reconnaissance des libertés publiques accordées aux enfants, après les nombreuses études et actions menées, il aurait été logique et cohérent que les nouveaux programmes s’appuient sur les avancées théoriques et pratiques opérées. Or il n'en est rien ! Les rédacteurs des nouveaux programmes et le ministre Jack Lang les ont délibérément ignorées.

Nous appelons donc tous les militants des droits de l’enfant à continuer l’action  pour que les droits et libertés de l'enfant et l'exercice d'une citoyenneté participative à l'école deviennent une réalité, conformément aux engagements que la France a pris en ratifiant la Convention internationale.