De Rennes à Bordeaux

Septembre 2001

Le Congrès de Rennes nous a permis de réfléchir à l’actualisation de la notion d’école populaire.

De nos jours, peu de personnes sont enclines à reconnaître leur appartenance à une classe ouvrière, à une classe populaire et encore moins au prolétariat. Le libéralisme économique a su jeter un flou sur les catégories sociales en créant l’illusion d’une appartenance de chacun à une même et grande famille de consommateurs.

Comment allons-nous prémunir nos enfants d’une exclusion culturelle aussi forte que l’est l’exclusion économique ? Comment allons-nous les armer pour lutter contre les nouvelles barbaries qui apparaissent actuellement : barbarie urbaine, barbarie audiovisuelle, barbarie politique, barbarie écologique, barbarie alimentaire…

Comme nos parents qui ont lutté pour un accès à une vie matérielle décente, nous devons plus que jamais lutter pour permettre aux plus humbles d’accéder à la culture. Célestin Freinet a ouvert des pistes que nous n’avons pas fini d’explorer.

L’école propose d’acquérir un patrimoine culturel qui est si éloigné de certains élèves qu’il peut leur paraître complètement étranger. En classe et pendant les temps péri et postscolaire, nous devons encore travailler à aider les enfants, les adolescents et les jeunes adultes à construire un premier patrimoine culturel de proximité, un espace culturel qu’ils s’approprieront naturellement parce qu’ils y seront pris en compte dans leur globalité intellectuelle et affective. Ce patrimoine sera la somme de leurs découvertes, de leurs inventions, de leurs essais, de leurs erreurs, de l’expression de leurs joies, de leurs peines, de leurs détresses. En construisant solidement et en priorité ce patrimoine, cet espace culturel, les enfants pourront découvrir d’autres patrimoines : ceux des correspondants, des amis de l’école et de proche en proche s’approprieront ce que l’on appelle la culture commune. Ils le feront en tant qu’acteurs, dans le souci de la critique constructive, coopérative mais sans concession. Cette acquisition doit se faire sans souffrance, sans frustration, sans humiliation, sans échec. C’est à ce prix que nous rendrons nos enfants disponibles à la culture, ouverts aux autres, tolérants et acteurs dans une société plus épanouissante.

C’est pour cela qu’à travers nos outils, nos stages, nos journées d’étude, nos congrès, nos chantiers et secteurs, nos publications, nous devons proposer aux enseignants en formation initiale les moyens de construire leur identité professionnelle, aux enseignants en formation continue les moyens de changer leurs pratiques de classe. Beaucoup ignorent encore aujourd’hui les techniques qui leur permettraient de mettre en phase leur action pédagogique et leur sincère volonté de changement.

Nous continuerons à dire non à la scolastique. Nous affirmerons l’efficacité de nos pratiques pédagogiques capables d’accueillir et de prendre en compte la complexité de la vie.

Une école populaire proposera au moins des choix, des alternatives pédagogiques : une autre organisation sociale, la coopération, d’autres moyens d’accéder aux savoirs, la méthode naturelle et le tâtonnement expérimental.

Beaucoup de travail reste à faire et nous pouvons espérer que l’ICEM saura participer au rassemblement des enseignants déterminés à changer l’école.

Le Congrès de Bordeaux sera le lieu d’avancées déterminantes.