Réserves pédagogiques ou transformation de l'école

Février 2001

« Jack Lang envisage l’ouverture, ex nihilo, d’une dizaine de collèges expérimentaux lors de la rentrée 2001. »
Les récentes déclarations de notre ministre de l’Éducation Nationale paraissent marquer un changement d’attitude vis à vis du chantier de l’innovation. Elles semblent surtout indiquer l’abandon officiel de la volonté de transformer le système éducatif en favorisant l’innovation pour le grand nombre.

Créer dix établissements expérimentaux est, sans nul doute, une façon de donner satisfaction à des enseignants qui cherchent un lieu pour enseigner autrement ou à des groupes de pression divers. Par contre, enfermer ces expériences dans un cadre dérogatoire tant en ce qui concerne les moyens, que le recrutement des enseignants comme celui des élèves, est le plus sûr moyen de bloquer toute chance de diffusion et de transfert de ces dispositifs à l’ensemble du système éducatif. C’est, effectivement, discréditer d’entrée de jeu, les expériences positives pour la réussite de tous les enfants, y compris ceux issus des milieux les plus distants par rapport à l’école. Tout comme réserver les méthodes pédagogiques aux élèves en difficulté ou à des publics sélectionnés, conduit également à les marginaliser définitivement.
Or, nous qui avons choisi d’enseigner en son sein, avons d’autres ambitions pour le service public d’éducation.
Nous avions nourri quelques espoirs de transformation de l’école, lors de la création du CNIRS (Conseil National pour l'Innovation et la Réussite Scolaire), dont la vocation nous avait semblé ambitieuse. Nous y avions retenu la volonté d’assurer la réussite de tous, grâce à une évolution du système éducatif.
C’est cette logique là dont nous sommes porteurs et que nous revendiquons dans notre plate-forme des équipes pédagogiques. Une logique d’évolution, de transformation des pratiques pédagogiques pour répondre aux besoins du système, aux souhaits des enseignants et à l’ambition de favoriser la réussite de tous. Pour nous, l’enjeu est plus que jamais de faire la preuve que la pédagogie Freinet continue à être une pédagogie populaire.
C’est pour cela que nous proposons toujours la constitution d’équipes pédagogiques. Celles-ci pourraient faire la preuve de la validité de nos pratiques pédagogiques, à condition que leur soit donnés les moyens d’une véritable évaluation. Rappelons, à ce propos, que l’évaluation n’a de sens que si son objet, ses critères et ses méthodes ont été définis en commun. Nous sommes volontaires pour collaborer en ce domaine avec toutes les institutions qualifiées : INRP, IUFM, Université. Nos équipes sont prêtes, en liaison avec les IUFM, à servir de point d’appui à la formation de terrain, appuyée sur la réalité des classes, que réclament les jeunes enseignants. Sans remettre en cause les statuts des enseignants, nous sommes convaincus qu’une véritable transformation du système éducatif est possible, même si sa mise en œuvre n’est pas spectaculaire et loin des effets médiatiques.
Nous n’avons aucune envie de voir se développer des « réserves » pour innovateurs. Espérons donc qu’il ne s’agit que d’une première série d’ouvertures et que la mise en place d’équipes, tant dans le second que dans le premier degré, ira en s’amplifiant. Nous essaierons, avec les moyens dont nous disposons, de peser en ce sens.

Jean-Marie Fouquer
Président de l’ICEM