Relever le défi

Octobre 1998

Relayée par la presse spécialisée et plutôt bien accueillie par les principaux syndicats enseignants comme par les fédérations de parents d’élèves, la Charte pour bâtir l’école du XXI e siècle(1) sera au centre du grand débat national qui débutera en janvier 1999.
L’introduction de ce texte constate, comme s’il s’agissait d’une inéluctable évidence, l’entrée de notre société dans la mondialisation : «L’école de la République doit faire face à de nouveaux défis. Elle doit le faire en s’adaptant, en évoluant, en se réformant. » Toute la logique et l’objectif du texte sont là : adapter l’école aux besoins du libéralisme.
En écho, on rappellera ces mots de Freinet : « On voit qu’il ne suffit plus de développer, d’améliorer, de “réformer” l’enseignement. Il faut le “transformer”, il faut le révolutionner. L’école actuelle est fille et servante du capitalisme.
A l’ordre nouveau doit nécessairement correspondre une orientation nouvelle de l’école prolétarienne. »
Le ministre fait bien état « des injustices sociales persistantes », mais quant à savoir pourquoi et comment nous y opposer, la question n’est sans doute pas à poser.
Quelques grands principes sont pourtant réaffirmés : « l’idée de laïcité comme celle de citoyenneté demeurent des références essentielles».
Prenons acte de ces rappels, la suite laissant craindre que le service public d’éducation soit mis à mal à l’occasion.
Bien sûr, les intentions semblent bonnes : « l’idéal d’égalité des chances et l’objectif de réussite scolaire pour tous restent plus que jamais d’actualité ».
La dénonciation de l’ambiguïté, voire de la mystification, du thème de l’égalité des chances reste donc particulièrement nécessaire. Associé à une vision politique et scolaire liée aux notions de normes, de handicap, de compétition, il ouvre la porte aux illusions du soutien et de toutes les pédagogies de compensation. Qui plus est, il sert à légitimer la sélection scolaire, outil de sélection sociale.
Tant qu’on ne reconsidère pas les modes d’appropriation des savoirs, les inégalités tendent à s’accentuer, renforçant ainsi le pouvoir d’une minorité.
Autant l’expérimentation de rythmes scolaires journaliers différents peut permettre de mieux centrer l’école sur l’enfant, autant la transformation du professeur d’école en directeur des ressources humaines de l’école fait craindre bien des dérives.
En revanche, la place importante donnée à la pédagogie et la liaison entre recherche universitaire et recherche sur les pratiques est particulièrement positive en cette période où la didactique fait un retour en force.
Forts des années de réflexion, de recherche et d’expérimentation que nous avons en commun avec les autres mouvements pédagogiques, encouragés par nos liens historiques avec l’INRP, nous saurons faire entendre notre voix, que ce soit lors des colloques pédagogiques, ou lors du débat sur l’école prévu en janvier 1999.
Bâtir l’école du XXI e siècle est un défi. Notre ambition est à la mesure des enjeux d’aujourd’hui : construire ensemble « une école, une société où chacun est connu, reconnu, a la possibilité de s’exprimer, de mener ses apprentissages par des démarches originales, en prise directe sur l’environnement, les autres, avec des spécificités liées à l’âge et aux cursus, de la scolarité obligatoire à l’éducation permanente (2) ».
Jean-Marie Fouquer
(1) Présentée par Claude Allègre, lors de sa conférence de presse du 28 août 1998.
(2) Collectif ICEM, Orientations de l’ICEM, Éditions ICEM, 1997.