Une technique de communication : les trois minutes

Décembre 1997

La technique des trois minutes est une technique qui a vu le jour dans la commission second degré autour des années 80. Vraisemblablement introduite par R. Favry au cours d’un stage. Cette technique a trouvé sa place dans les classes de collège et de lycée.

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Les consignes de base
 
Lorsqu’on introduit la technique des 3 minutes dans la classe il s’agit de donner le minimum d’explications et de consignes pour pouvoir démarrer.
Dans un premier temps les élèves ne comprennent pas tout à fait ce qui leur est proposé fait à à fois d’exigence dans la forme et de liberté dans le fond.
Il suffit de présenter un texte oral, préparé à l’avance, sur un sujet libre (il n’y a pas de sujet tabou). Les règles en vigueur sont celles de la classe lorsqu’on s’exprime, seules les grossièretés et les diffamations sont interdites.
Il s’agit d’une recherche collective sous des apparences de travail présenté individuellement. Comme pour les reste des techniques il n’y a pas dans la classe des spectateurs et des acteurs. Tout le monde passera pour s’affronter à cette difficulté.
Le temps est IMPERATIVEMENT limité à TROIS minutes. Du reste, un gardien du chronomètre sera désigné.
La limitation dans le temps est voulue pour obliger les intervenants à dégager l’essentiel de leur propos, à préciser leur pensée dans un temps donné. Il est bien entendu possible de faire plus court à condition que le propos fasse un tout cohérent et qu’on trouve une introduction, un développement argumenté et émaillé d’opinions personnelles et une conclusion. C’est le moment de réinvestir toutes les connaissances apprises par ailleurs.
Avant l’intervention deux «critiques» sont désignés.
Ces premiers jalons étant posés, le planning des interventions est fixé et l’heure nécessaire pour écouter entre trois et quatre interventions est programmé au plan de travail de quinzaine.
 
La phase de critique
 
L’intervenant ayant terminé sa prestation dont la durée est entre 0 et 3 minutes, nous passons à la phase suivante : la parole est aux deux critiques désignés au départ. Ils interviennent en utilisant la grille d’observation minimale qui pour la première fois comprend les consignes de départ données plus haut, plus les remarques qui pourront être faites soit par les critiques soit par le reste de la classe.
Comme il s’agit de faire progresser le groupe sur une technique donnée, toute erreur relevée est à corriger par le groupe et doit devenir une remarque à prendre en compte par les intervenants suivants. C’est ainsi que toute critique doit être assortie de conseil du type : «Pour la prochaine fois, il faudra que le suivant ne lise pas son texte mais regarde l’auditoire sinon ceux qui écoutent ne se sentent pas concernés». Une fois discuté ce conseil est inclus dans la grille d’observation des trois minutes qui s’enrichit ainsi petit à petit au fil des passages. Les grilles ne sont pas préétablies et sont donc évolutives.
Lorsque les deux critiques désignés ont terminé leur intervention, la parole est donnée à la classe qui s’adresse à l’intervenant.
Le verdict de la classe est alors prononcé : «oui, on te donne le label des trois minutes ou alors on ne te le donne pas».
 
L’évaluation
 
Il y a donc évaluation mais pas notation. Depuis l’introduction de cette technique dans les classes de quatrième et troisième, après discussion, aucun groupe classe n’a accepté d’être noté. Le motif qui revient de façon presque constante est : «Nous avons suffisamment peur comme ça, si en plus il faut nous noter nous serons paralysés et nous n’oserons plus essayer des choses».
Certaines classes, avec d’autres collègues, notent cette prestation. Il n’y a donc pas de règle en la matière.
La notation n’apparaît pas comme un moteur, bien au contraire. Le fait de dire on t’accorde ou on ne t’accorde pas les trois minutes est une évaluation suffisante alors que ceci n’est noté nulle part et n’est même pas affiché sur un quelconque planning dans la classe.
 
La construction d’un savoir commun
 
Effectivement toutes les présentations ne sont pas bonnes et tous les intervenants ne réussissent pas, soit parce que ce choix de sujet n’est pas original, soit parce que la prestation est faite sans conviction, soit parce que l’opinion personnelle ne transparaît pas, soit parce qu’il y a régression pure et simple par rapport aux avancées précédentes, soit...soit...
Mais, le fait de construire une grille d’observation commune et de stratifier les remarques procède de la construction et de l’appropriation commune. Si les réussites sont collectives, les régressions le sont aussi et les culpabilités éventuelles sont supportées par l’ensemble du groupe. La notion d’équipe est ici présente dans une technique qui présente tous les attributs de l’exercice solitaire.
La présentation est certes importante mais peu à peu les critiques prennent une importance tout aussi grande car le fait d’analyser la prestation d’autrui, et ce faisant, d’être capable d’autoréguler sa propre prestation est une acquisition particulièrement précieuse.
 
En conclusion
 
La technique des trois minutes est particulièrement adaptée aux contraintes de l’enseignement du second degré. S’il ne faut pas la proposer trop tôt, pour bien la différencier des exposés souvent utilisés en 6ème et en 5ème, c’est une technique qui, par contre, peut-être introduite jusqu’en terminal et dans plusieurs disciplines pas seulement littéraires. Sa souplesse et sa simplicité ne nécessitent pas de contraintes matérielles en temps, en espace et en matériel. Elle apparaît donc commmme parfaitement adaptée aux difficiles exigences de l’enseignement dans le second degré.
 
André MATHIEU (44 Nantes)
 
 
Pourquoi «les 3 minutes» ?
 
 
Certes, une technique ne vaut que par l’utilisation qui en est faite, toutefois il apparaît que «les 3 minutes» correspondent bien aux fondements théoriques de la pédagogie Freinet :
- L’expression libre, Même si le cadre est strict (durée, rigueur dans le niveau de langage...) la forme n’est pas imposée, les supports peuvent être variés : magnéto, diapos, vidéo, jeu dramatique, objets...
- Tâtonnement expérimental, est à la fois individuel, chacun essaie comme il l’entend cette technique, et en groupe, la réussite ou l’échec peuvent profiter à l’ensemble du groupe (voir grille d’observation),
- La socialisation, le groupe modifiera par ses interventions, soit le propos émis, soit la forme de présentation. Ces remarques profiteront à l’ensemble. Dire à l’autre et en retour accepter son opinion est très formateur pour l’adolescent.
 
 
GRILLE D’OBSERVATION
(cette grille est évolutive)
 
Forme : une introduction
                un développement
                une conclusion
                introduction original
                temps
Fond :    avis personnel
                sujet original
                pertinence des remarques
                ouverture sur un débat
Attitude : regarde son auditoire
                bonne diction
                tenue correcte sur le siège
                tonicité dans le discours
                supports adaptés
                bonne exploitation des docu   ments
               
 
Trois minutes accordées    Oui Non
 
 
La mise en route suit les règles de la rhétorique classique, à savoir :
               
                Inventio : les idées - le scoop !
Un sujet précis, concis, concret. Vous lisez des revues, vous regardez la télévision. Vous avez un CDI. Vous avez les BT2, très utiles pour ce travail, etc...
               
                Dispositio : le plan.
Aidez l’auditeur, vous vous donnez une problématique : une question précise, au champ limité. Proposez à votre auditoire un plan personnel et logique, ceci les aidera à prendre des notes.
               
                Elocutio : du style ! du charme !
Etre concret, style imagé si possible, phrases bien rythmées. Il est plus prudent, au moins la première fois, de rédiger la prise de parole. Ce texte peut être lu de manière expressive.
 
                Actio : diction. Encore du charme !
Il faut que vous lisiez ce texte à haute voix («le gueuloir» de Flaubert) pour repérer les passages qui ne vous plaisent pas et les réécrire. Entraînez-vous chez vous , chronométrez-vous.
 
                Mémoria : mémoire
Au bout de ce travail vous connaissez pratiquement le texte par coeur. Vous pouvez prononcer votre prise de parole selon trois modalités différentes :
- vous êtes sûr de vous, donnez l’impression d’improviser,
- vous connaissez votre sujet mais vous avez un peu peur, préparez deux ou trois fiches avec l’essentiel,
- vous avez vraiment peur, alors lisez votre exposé en vous arrêtant à chaque paragraphe pour regarder votre auditoire.
 
                Le grand jour arrive, du    punch !
Faîtes vous plaisir, ce n’est qu’un jeu !
 
Roger Favry
article paru dans «Second Degré Liaisons»
bulletin de liaison du secteur ICEM Second Degré.
Titre original de l’article : «Une minute pour convaincre»