La méthode natu­relle de lecture-écri­ture

Septembre 1996

Méthode naturelle et apprentissages

 
La méthode natu­relle de lecture-écri­ture
 
Est-ce une méthode ?
 
Faut-il employer ce mot ? Nous ne l'utiliserons qu'en référence à C. Freinet qui avait qua­lifié sa propre pratique ainsi.
On peut la définir comme un ensemble de situations de communication, de production d'écrits, de lecture au­thentiques mises en place par l'enseignant à travers la vie d'une classe coopéra­tive, en réseau avec d'autres classes et en liaison avec d'autres acteurs sociaux du monde qui nous entoure :
- pour mettre l'enfant en contact avec toutes les lectures qu'il est susceptible de rencontrer dans la vie, tous les types d'écrits qu'il est susceptible de produire
- en installant des situations d'analyse des différents types d'écrits rencontrés, pour mieux en connaître leur fonctionnement ainsi mieux les maîtriser
- en utilisant des approches tech­niques différentes adaptées, favori­sant cette maîtrise.
 
Ce qui est plus communément appelé MNL (méthode naturelle de lecture) est très réducteur. En effet il s'agit de la simple séquence tech­nique au cours de laquelle le maître favorise les analyses, prises d'indices, stockages... au sein du groupe classe. Elle n'est qu'une des composantes de la globalité des moyens complémentaires et indisso­ciables que nous mettons en oeuvre dans nos classes pour la conquête permanente du lire-écrire à tout âge.
Les enseignants "Freinet" pratiquant la méthode naturelle de lecture-écri­ture n'apprennent pas à lire, ils donnent matière à lire, raison de lire.
Ils n'apprennent pas à écrire, favo­risent et permettent l'écrit en ré­pondant aux be­soins. Ecrire est un outil pour communiquer, pour s'exprimer.
Pour nous, cet apprentissage commence très tôt et ne s'arrête jamais. De ce fait, il ne peut y avoir qu'une mé­thode naturelle d'apprentissage du lire-écrire, comme du reste.
Lire et écrire sont indisso­ciables.
Les enseignants "Freinet" pratiquant la MNLE (méthode naturelle de lec­ture-écriture) placent volontairement l'enfant en situation intellectuelle de recherche, toujours en éveil, met­tant en relation ce qu'il voit ici et ce qu'il connaît déjà et réajustant sans cesse son savoir. Tout cela au sein d'un groupe où le débat le conduit et l'aide à ce réajustement permanent. Cette situation de re­cherche donnant toujours la priorité au sens s'appuie sur des images gra­phiques (orthographe comprise) qui sont aussi du code. Si bien que dès le départ, alors qu'on s'attache au sens, le code a sa part d'importance qui va aller croissante. Toutes ces démarches sont renforcées par l'acte complémentaire de production d'écrit, qui n'est pas alors réduit au statut d'exercice.
 
La part du maître
 
Il fait un choix politique par rap­port au lire-écrire :
- en installant des situations de communication, donc de lecture et d'écriture mul­tiples dans un contexte coopératif.
- en autorisant l'application du droit à la différence, et en défen­dant l'unicité de l'enfant.
Il fait un choix pédagogique :
- en permettant les différentes vi­tesses d'apprentissage et différentes périodes de démar­rage.
- en prenant en compte le vécu, l'histoire personnelle de l'enfant.
Ce sont ici DES raisons du rejet de l'emploi systématique de tout manuel utilisé de façon collective quel qu'il soit et quel que soit son type de contenu.
On n'apprend pas tous dans le même ordre :
- souvent en Pédagogie Freinet, on a l'air d'inverser les travaux par rap­port aux traditions de lecture.
* par exemple au niveau des points de repèrage.
tels que le graphisme, la ponctua­tion, les signes grammaticaux, les signes de conjugaison...qui sont pour nous essentiels, aides, indices de sens non perturbants et à ce titre utilisés dès le départ.
* par exemple avec la combinatoire venant en fin de CP après une pra­tique abondante du lire-écrire.
* par exemple en prenant en compte les groupes de souffle, ampans... comme critère de compréhension au dé­triment du mot.
 
En conclusion
 
L'école doit cesser de détruire le besoin naturel de lire et d'écrire pour en imposer l'apprentissage par des artifices, créant par là même une ségrégation sociale dûe au fait que certains se plieront et d'autres non aux règles imposées par des "méthodes"souvent vides de sens et pour tous en même temps.
Sont développées dans ces pages les lignes de force de la méthode natu­relle de lecture-écriture, ses fonde­ments, et simplement évoquées les si­tuations pédagogiques qui permettent de la mettre en oeuvre (2).
Plusieurs points sont essentiels pour s'approprier son savoir lire-écrire :
- être placé en situation de quête permanente.
- avoir sa place dans un groupe co­opératif
- avoir la possibilité de partir de son vécu.

D'après Nicole Bizieau, Danièle De Keyser
 
(1) C. Freinet, Méthode naturelle de lecture, Oeuvres Pédagogiques Tome 2 Ed. du Seuil
(2) Lire - "La Méthode Naturelle de Lecture-écriture" Nouvel Educateur 75
         - "Lire-écrire IV" Editions ICEM. Secrétariat ICEM 18 rue Sarra­zin 44000 Nantes