CréAtions N° 97- Ecritures de formes – Forme d’écriture / mai 2001

Mai 2001

 


CréAtions n° 97 - mai/juin 2001

Ecritures de formes – Forme d’écriture

 

Ont participé à l’élaboration de ce numéro : Jean-Marie BARNAUD, Jacqueline BENAIS, Hélène CARO, Nathalie CHAUMERON, Simone CIXOUS, Michel COLAS, Annie CROCHERIE, Jeannette GO, Monique GODEFROY, Katina IEREMIADIS, Agnès JOYEUX, Maud LECHOPIER, Hervé NUŇEZ, Geneviève ROY, Annie SDOLAS, Eliane TROCOLO.

Photographies : Jacqueline BENAIS, Hélène CARO, Serge CHARTON, Agnès JOYEUX, Isabelle LAUTRETTE, Maud LECHOPIER, Hervé NUŇEZ, Geneviève ROY.

 
Titre et chapeau
Niveau classe
thème
Techniques utilisées
artiste
Edito        

 

Mots en grappes
Elémentaire : C3
De la promenade poétique à l’écriture d’un recueil de textes poétiques sur le thème de la vigne.
écrire et dire des textes poétiques
Pascal Commère, poète

Forêt de signes
Maternelle : MS/GS
D’un travail dirigé sur les gabarits en ateliers décloisonnés à des productions plastiques collectives.
découpage, collage, dessin, encres, peinture
 

 

Images de mots
IUT Carrières sociales
Pourquoi et comment donner à voir, mettre en image, rendre sensible au regard une ou des facettes du mot ?
calligraphies, calligrammes
 
 
Cauduro, été 1999
adultes
Compte-rendu du stage d’une semaine organisé par le secteur Arts et CréAtions
dessins, craies, photo, installations
 

 

Le noir, le blanc et la lettre
Ecole municipale d’Arts Plastiques
Un atelier sculpture-modélisme constitué de trois groupes d’enfants entre 5 et 9 ans et entre 9 et 14 ans – sur le thème (cf titre)
dessins, silhouettes et empreintes, volumes, papier mâché, peinture au pochoir, photographies,
Serge Charton peintre, photographe

 

Totem, nuages, poèmes
Maternelle : GS
Pour participer à la journée Poésie , les enfants choisissent le poème Nuages de Georges Jan.
dessins, écriture, terre,
 

Coco Texèdre, artiste plasticienne

 
« Mes dires ne sont que « pré-textes » à peindre ».
écriture
Coco Texèdre, plasticienne

On a fait tant de choses…

Elémentaire : CE2
Un atelier de pratiques artistiques résultant de la collaboration entre l’artiste et l’enseignant.
écriture, calligraphie, enduit et grattage, assemblage d’un livre
Coco Texèdre, plasticienne

Les habitudes sont prises

Elémentaire : C3
Lors d’une exposition, choisir une œuvre pour dans les quinze jours qui suivent «faire sa propre création artistique »
croquis, pastels,
 

 

De la mise en mots à la mise en forme - Un atelier d’expression poétique et plastique
Maternelle : MS-GS
Une seule consigne : il doit y avoir une trace d’écrit dans les réalisations.
 

peinture, collage,

écriture
 
 

Eclats de mémoire

artiste
... son travail  explore les relations entre la peinture et l'écriture.
techniques mixtes
Geneviève Pons-Vatel, plasticienne
 

Bibliographie                     

 
                                               
 
 

 

 

Edito - Créations 97

Juin 2001

 


CréAtions 97 - Ecritures de formes, forme d'écriture - publié en mai-juin 2001

Edito

 

Edito Ecritures de formes, forme d’écriture

Comment proposer des situations (actions, rencontres…) où ce qui a été trop tôt séparé du regard et de la parole, va renouer avec des traces originelles des langages ? Traces et signes ont d’abord un rapport direct aux choses et au monde. Comment reconquérir la matérialité sonore et visuelle des signes, c’est ce dont témoigne ce numéro de Créations sur le thème « Ecriture de formes, forme d’écriture ». Cette reconquête, ces retrouvailles, engagent les enfants dans l’aventure du symbolique, aventure qui est tâtonnement, mise à l’épreuve du Verbe et des images, inventive, jubilatoire quand elle est vécue comme découverte, construction, échange.

Quand le regard neuf des enfants de maternelle érige une « forêt de signes », foisonnante de traces, inventive et multiforme,

quand les étudiants revisitent un « arbre calligramme »,

quand les nuages du « totem », confèrent à de courts poèmes des visages souriants, gris ou orageux,

le monde se charge d’indices, d’images qui deviennent sens, qui sont autant de prétextes à échanges, à représentations, à confrontations…

Travail sur l’habit comme signe du corps, tâtonnement sur la recherche d’une image d’identité où interviennent le miroir et la photographie, recherche pour chacun de la « lettre » qui l’habite et l’habille. «Le noir, le blanc, la lettre» inscrit concrètement l’implication du corps dans e geste de l’écriture, de la sculpture taillée à son image.

Des « mots en grappes » naissent d’une vendange de mots cueillis comme on récolte la vigne et se nourrissent du paysage, des couleurs, des formes, des odeurs, des sons et d’une rencontre avec un poète. C’est la rencontre d’un lieu, Cauduro, singulier par sa solitude sauvage, par les traces encore présentes d’un passé animé, qui mobilise formes et forces créatrices. La démarche «De la mise en mots à la mise en forme» quand à elle, est déclenchée par un balancement entre le texte et l’image, initié par des reproductions d’œuvres d’art génératrices poétiques.

Dans «Eclats de mémoire», les formes se sont tissages de fragments où tentent de s’inscrire, par bribes, un visage, une histoire singulière. Les œuvres de Coco Texèdre, d’une langue inconnue, enchevêtrée dans la matière picturale, ont déclenché à leur tour, auprès des enfants, calligraphies, traces et signes.

Par leur diversité, ces créations sont chaque fois l’expression d’une identité en quête de communication. A travers leur singularité elles aspirent à atteindre l’universel, recherchant un lien direct entre le mot et la chose, entre l’idée et la forme.

Créations
 

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Mots en grappes

Juin 2001


CréAtions 97 - Ecritures de formes, forme d'écriture - publié en mai-juin 2001

Classe de cycle 3, Ecole Célestin Freinet, Saint Lambert-du-Lattay (Maine-et-Loire) – Enseignant : Michel Colas.

 Mots en grappes

En octobre 99, s’installe dans un village proche du nôtre, un poète en résidence, Pascal Commère, à l’initiative de l’association “ Ecole de Rochefort ”. Ce cercle de poésie a été fondé par René Guy Cadou et Luc Bérimont, entre autres, pendant la deuxième guerre mondiale ; il est subventionné par la DRAC pays de Loire et le Comité d’expansion du Pays Layon, Lys, Aubance.

Ce poète interviendra cinq demi-journées dans notre école, d’octobre à janvier. Ses interventions concernent essentiellement le cycle III, mais il passera un moment en maternelle et un autre moment en CP/CE1. Il rencontrera tous les enseignants de l’école. A la demande des instituteurs, son intervention se terminera en fin d’année scolaire par la parution d’un livret de poésies écrites par les enfants tout au long de l’année, par la mise en scène et la lecture publique de ces textes. Voilà comment s’est déroulée son intervention en cycle III.

Une promenade poétique

Lors de la première séance, on fait connaissance en classe, puis les enfants font visiter l’école. On fait une balade dans le village et dans la vallée de l’ Hyrôme (rivière, bois, vignes). En cours de route, je donne quelques mots, le poète en fait autant, et au retour, chacun s’il le souhaite, dit ce qu’il a écrit à propos de ces mots.

A l’occasion de notre deuxième rencontre, Pascal Commère nous réunit tous ensemble pour un moment collectif d’écriture. C’est lui qui anime. Il nous fait découvrir les rythmes des vers. Nous écrivons un acrostiche et deux ou trois petites “comptines” rythmées.

Après cette visite du poète, je mets dans la classe un seau et chacun est invité à y déposer des étiquettes avec un mot sur chacune, sur le thème de la vigne et du vin. Au conseil, nous décidons avec les enfants que nous écrirons sur le thème de la vigne.

Le raisin est au vin
ce que le mot est à la poésie.
Il en est l’essence même,
tout à la fois début et fin.
Encore faut-il, comme nous le disait
Pascal Commère
le malaxer,
le triturer,
le modeler,
en quelque sorte l’aimer.
Ce poète amoureux de la nature
nous a fait découvrir
au fil de quelques séances à l’école
l’amour du mot, des mots,
de ses sculptures de mots
qui font qu’écrire est un jeu
un jeu tout simple,
un jeu de mots tout simplement.
Et si tout au long de l’année,
nous avons écrit,
lu,
dit,
créé,

par quelques techniques
cette multitude de textes
dont ce recueil n’est qu’un reflet,
nous le devons
sans aucun doute
à cet essaimeur de mots
qui a réveillé chez les enfants
le plaisir d’écrire.
Puisse ce plaisir durer longtemps.

                                                                                                            

 

 
Lors des séances suivantes, le poète fait tirer cinq mots qui sont affichés au tableau. Chaque enfant se met avec un ou deux autres, ou bien on reste seul, et on essaie d’écrire quelque chose. Pascal Commère est là pour écouter les créations, les gérer, les corriger, les relancer, etc.
Pour ma part, j’aide aussi (ce n’est pas si facile car certains enfants ne sont pas forcément d’accord pour modifier leur texte).

 

Je peux dire qu’à partir de ce moment (nous sommes en décembre) tous les enfants, sans exception, continueront à écrire des textes que je “ corrigerai ” et qui seront montrés à Pascal Commère pour avoir son avis
Pascal Commère circule dans l’école et répond aux demandes des enfants. Les textes sont retravaillés entre deux visites ou bien ils le sont avec lui. Un moment de classe est régulièrement consacré à la lecture des textes aux autres.
De février à mai, on continue à écrire soit librement tous les jours, soit pendant quelques samedis matins réservés à cet effet. Quelques techniques simples d’écriture de textes poétiques sont proposées par le maître ou sont extraites de livres ou de journaux scolaires.

Certains textes paraissent dans le journal scolaire mensuel de l’école, d’autres sont dits dans notre théâtre de plein air, lors des séances collectives d’expression.

Enfin, en mai, nous consacrons plusieurs moments assez longs pour présélectionner les textes pour notre recueil, pour classer les différents genres abordés, pour choisir les meilleur textes... et pour aboutir enfin à un ensemble d’écrits qui sont mis en page. Chaque enfant a au moins un texte et tous les genres sont représentés.

Le spectacle de la fête de fin d’année de l’école est la lecture de nos textes avec une petite mise en scène. Le livret est également présenté aux parents ce même jour et début juillet au Marché de la Poésie de Rochefort sur Loire.

En conclusion, même si nous avions l’habitude d’écrire, de créer, de dire des textes plus ou moins poétiques, la venue de ce poète a suscité des envies, a provoqué des réactions et nous a entraînés dans un projet collectif, un de plus, qui nous a donné beaucoup de plaisir.

 

écrire et dire des textes poétiques

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Forêt de signes

Juin 2001

 



CréAtions 97 - Ecritures de formes, forme d'écriture - publié en mai-juin 2001

Moyenne et Grande Section, Ecole Maternelle Joliot-Curie, Lanester  (Morbihan) - Enseignante : Jacqueline Benais

 

        Forêt de signes 

En charge de la classe d'accueil (Petite Section - deux ans) j'ai mené ce travail en MS/GS dans le cadre d'ateliers décloisonnés, à raison de trois séances d'une heure par semaine, l'après-midi (deux groupes de quatorze enfants travaillant en alternance une semaine en arts plastiques, une semaine sur l'écrit avec leur institutrice).   

Au point de départ, un travail dirigé – mené en classe - sur l'utilisation de gabarits avec pour consigne la représentation d'un arbre suite aux premières observations faites à la ferme pédagogique.

En grand groupe, les enfants observent les différentes réalisations et constatent que l’arbre est le plus souvent collé au milieu de la feuille et qu'il y a "un grand vide " autour. Que faire ? Plusieurs pistes sont proposées :
• faire un autre arbre ou plusieurs
• utiliser des papiers différents
• colorier tronc et feuillage – je suggère le frottage en utilisant des papiers relief.
• découper tous les arbres et les coller ensemble afin d'en faire un panneau collectif.

Toutes ces pistes seront exploitées.
Dans un premier temps, superposer les arbres dérangent beaucoup les enfants, il faut prendre le temps d'observer les arbres dans la cour, de faire différents essais.

Chacun reprend son travail et le complète. Parfois, les ajouts débordent du support : est reprise l'idée de découper tous les arbres pour réaliser un panneau collectif.
Une fois celui-ci achevé, un enfant propose d'intégrer à la forêt les bonhommes réalisés auparavant en collage de papier affiche puis de dessiner et coller également des animaux (réinvestissement de la visite à la ferme et du travail mené dans l'atelier "Ecrit" autour d'une présentation de livres sur le loup).

   S'impose le titre de cette réalisation collective: "Promenons-nous dans les bois".


C'est à ce moment-là que l'intitulé de la Quinzaine de la culture " Forêt de Signes " relance le thème de la forêt.

Premières propositions:

 

Les cygnes dans l'eau
Les arbres dans la forêt autour de la flaque d'eau.

Je les écris ainsi que l'intitulé du thème, les enfants remarquent alors les graphies différentes et réfléchissent au sens du mot "signe":

On signe son prénom
Signé, conclu
On fait des signes avec ses doigts – viens ici, coucou, bye-bye
Il y a aussi des signes sur les panneaux
Et des écritures : STOP

 


Juliana

Immédiatement, après ce premier échange verbal, je demande à chacun de dessiner au crayon gris ce que " Forêt de signes " évoque pour lui :

- C'est difficile de dessiner quelqu'un qui fait des signes ! (nous essaierons de faire des photos mais le résultat sera décevant).

 - arbres et panneaux,

 - dessins sans rapport apparent avec la demande.

 

Alexandre

 

découpage, collage, dessin, encres, peinture

 

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Images de mots

Juin 2001

 



CréAtions 97 - Ecritures de formes, forme d'écriture - publié en mai-juin 2001

IUT Michel Montaigne, Bordeaux – Carrières sociales, Filière Arts, Cultures et médiation (département animation sociale et socioculturelles) – Enseignante : Simone Cixous

 

Images de mots

Pourquoi et comment, dans un rapport retrouvé à la matérialité du mot – sonore, visuel – donner à voir, mettre en image, rendre sensible au regard, une ou des facettes du mot ?                            


Contre les « motsmificateurs » et le « prêt à penser » du langage

 

Affranchir les mots de leurs poids de convention, de préjugés, que la langue de bois de la publicité ou de toute propagande fait peser sur le langage, c’’est bien la démarche originelle et fondatrice de tout acte d’écriture, de tout désir de mise en mots de la pensée et du monde sensible. Et une des manifestations les plus anciennes de cette démarche est celle de rétablir, à l’encontre de l’arbitraire du signe alphabétique, la complicité originelle entre lui et sa matérialité sonore. Dans ce domaine notre langue est riche d’onomatopées, mais le langage des mots-images accompagne toute l’histoire de l’écriture.
De la calligraphie aux calligrammes* s’inscrit cette tentation d’un langage visuel qui renoue avec l’écriture des origines, celle des pictogrammes et des idéogrammes.

Calligramme: mots-valise inventés par Guillaume Apollinaire, contraction possible des mots calligraphie et idéogramme, disposition typographique d'un mot ou d'un texte représentant le thème ou la figure qu'il évoque. Cette forme d'expression n'est pas nouvelle et renvoie aux "vers figurés" dont les premiers connus datent de trois siècles avant notre ère.


 

 

Ecrire/graver

 

L’écriture entretient par ses origines une parenté étroite avec l’image.

Déjà, le mot écriture, qu’il s’agisse de son origine grecque graphein ou latine scribere ne correspond pas à des racines identifiables.

Ecriture, acte de «graver», inscrire, serait à rattacher par onomatopée au bruit du calame (ou du burin ou de tout autre instrument) sur l’argile (ou la pierre ou autre support).

L’écriture, à ses origines, a affaire à la représentation. Le mot est d’abord image du référent, tracé du calame sur l’argile (ou empreinte cunéiforme du calame taillé en biseau). Les pictogrammes proposent une organisation visuelle de la signification.

 

 

Images de mots


Rêveries, divagations sur les lettres de l’alphabet dans leur rapport avec l’image, mise n image des mots, ces marges sont pour Roland Barthes «le lieu même où l’écrivain, le peintre ou le graphiste, en un mot le performateur du texte, doit travailler».

Engager les étudiants dans ces marges en la compagnie de quelques facétieux et ingénieux précurseurs – bien sûr Apollinaire, mais aussi les futuristes autour de Marinetti et de ses « Mots en liberté », ou encore les surréalistes, héritiers de Dada, à la recherche des «mots générateurs d’énergie» - conduit toujours à la découverte, à la surprise, à la diversité des possibles «visages» de mots.

  

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  calligraphies, calligrammes

 

Cauduro, été 1999

Juin 2001


CréAtions 97 - Cauduro, été 1999 - publié en mai-juin 2001

Stage du Secteur Arts et Créations

 
Stage d’une semaine ouvert à des adultes organisé par le Secteur Arts et Créations de l’ICEM à Cauduro, un village de l’Hérault, avec l’apport de Reine Accoce du Secteur Vidéo de l’ICEM

 

 Cauduro, lieu mythique

 

Pour signaler notre présence sur le site qui domine le village, je décide que chaque stagiaire doit apporter une «pierre» et l’y déposer, pour l’offrir à tous les regards.
Ainsi, sur ce lieu mythique, un groupe se met en marche vers tous les possibles.
Chaque pierre est peinte en blanc du côté qui regarde vers la mer, du côté qui regarde l’infini.
Lors du stage la sensation du groupe est très forte : groupe formé par des personnalités très riches ; je me sens exister en fonction de ce groupe où l’on peut se permettre de s’exprimer – ses doutes, ses peurs, ses enthousiasmes, etc. sans crainte de moqueries. Au contraire le groupe permet la mise en valeur des individualités dans leurs différences et dans leur objectif commun.


 

 

 

 

dessins, craies, photo, installations

Les différences s’expriment aussi au moment des repas où chaque jour une équipe prend en charge les menus. J’associe l’apprentissage d’une technique nouvelle – utilisation de l’appareil photo numérique et de logiciels permettant le traitement de l’image – et la dégustation de plats élaborés en coopération pour réunir les participants sur un livret décrivant quelques plats préparés par quelques-uns et dégustés par tous. Malheureusement cela ne m’a pas dispensée de corvée d’épluchures !


Hélène Caro

 

 

 

autres stages de formation   sommaire n° 97  

Athlinae

Figuration humaine - Agnès Joyeux

Itinéraire d'une création - Geneviève Roy

Photos d'autres "Fils rouges "

 

 

Le noir, le blanc et la lettre

Juin 2001

 



CréAtions 97 - Ecritures de formes, forme d'écriture - publié en mai-juin 2001

Atelier sculpture-modélisme constitué de trois groupes d’enfants entre 5 et 9 ans et entre 9 et 14 ans, dans le cadre des ateliers du mercredi - année 1998-99, Ecole municipale d’Arts Plastiques de Châtellerault (Vienne) - Enseignante : Isabelle Lautrette.
Participation de Serge Charton, dit Bobby (peintre, photographe et professeur d’enseignement artistique à l’école).

 

Le noir, le blanc et la lettre

  A l’école, chaque année, le premier semestre du cours de stylisme-modélisme est consacré à la réalisation d’une tenue d’été personnalisée en tissus.
Le deuxième semestre offre la possibilité à l’enfant de découvrir une approche artistique différente de la mode et de mettre en scène son corps. Le thème de l’année 1999 s’intitulait : « Le noir, le blanc et la lettre ». Pour la première fois cette année, et dans le but de créer une dynamique nouvelle, j’ai demandé à Serge Charton de nous rejoindre avec ses élèves à un moment donné de la production.

  Inventaire

Avant de commencer un thème, nous effectuons un travail d’inventaire. Le déroulement débute sur les mêmes bases que nous redécouvrons tous ensembles chaque année :

- Le corps reste le support : l’enfant observe les volumes, le fonctionnement, l’encombrement et l’équilibre de ce support.

- Le vêtement est un habitacle : le vêtement entoure totalement ou partiellement le corps. Il lui laisse toute liberté mais peut aussi l’entraver.

- Le vêtement est une création : les vêtements peuvent être élaborés comme une enveloppe, une sculpture, une parure avec des matériaux divers. Ils peuvent sortir de notre imaginaire.

- Le vêtement est une image, un reflet de soi-même : les vêtements sont fixés sur le papier dans les revues. Ils sont mis en scène dans les vitrines. A travers eux, nous montrons un style, une image de nous.

 


 Le corps, support

 

 1- Travail devant la glace

Face à la glace, nous avons observé notre profil, notre face, de manière à établir les lignes importantes du corps: taille, épaules, genoux, le cercle des bras en mouvement et évaluer les proportions (nombre de têtes dans le corps). C’est l’occasion de grimacer, de se comparer («T’es minus!», « Je suis toute petite par rapport aux autres ! »).

 

 2- L’empreinte du corps

Sur une feuille, l’enfant s’allonge et un autre inscrit son contour au crayon. Lorsque la feuille avec la trace est mise contre le mur, chacun personnalise son empreinte avec les détails qu’il a observés dans la glace. L’enfant n’est pas toujours satisfait du résultat: «Je me suis raté!»; une autre dit à sa voisine: «T’as pas un nez comme ça, va voir!». L’échelle leur permet de mieux visualiser leurs futures créations. Nous les utiliserons pour les recherches graphiques.

Le thème a été proposé avant les vacances de février. A la rentrée, lors d’une table ronde, les idées échangées permettent de lancer le projet. La première question a été posée par Claire: «Mais comment on va se faire un vêtement-lettre ?» Une autre, habituée, lui a répondu: «Tu peux faire un vêtement avec des impressions-lettre» «Moi, alors, je veux faire mes initiales!» «Avec mon corps, je peux me mettre en X, comme ça!» : il se met les bras en l’air et les jambes écartées. La réponse des copains: «On va pouvoir s’habiller dans sa lettre!».

Ils décident donc de faire des vêtements en utilisant la gestuelle du corps. Les idées arrivent très vite et ils se mettent à faire des croquis rapides qui ressemblent à des petits signes (petits bonshommes en fils de fer qui se tordent pour devenir lettre). Certains se lancent dans l’alphabet, d’autres dans les lettres de leur nom ou prénom.

Notre projet prend forme. Le corps sera enfermé dans le volume de la lettre. Il faudra prévoir des ouvertures pour les yeux, pour les bras. Nous choisissons des lettres dans nos recherches pour les réaliser en grand.

 


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 dessins, silhouettes et empreintes, volumes, papier mâché, peinture au pochoir, photographies

 

Totem, nuages, poèmes

Juin 2001

 



CréAtions 97 - Ecritures de formes, forme d'écriture - publié en mai-juin 2001

Classe de Grande Section, Ecole Maternelle Gaston Monmousseau,
La Bonneville 95540 Méry-sur-Oise (Val d’Oise) – Enseignante : Maud Lechopier

 

Totem, nuages, poèmes

 


 
Origine du projet

La conseillère pédagogique de circonscription propose aux classes volontaires un travail autour de la poésie.

Celui-ci doit aboutir à une journée « Forum poésie » au cours de laquelle les classes qui le désirent pourront présenter la mise en scène d’un poème exposer les productions plastiques réalisées.


 Déroulement


Chaque classe participant au forum choisit un poème parmi une dizaine de textes sélectionnés par les enseignants. Les enfants de la classe de grande section ont préféré « Nuages ... » de Georges Jean.

Après une imprégnation du texte, ils inventent des strophes se rapportant à différents états du ciel, sans doute influencés par le travail sur la météo que nous menons parallèlement .

Je les invite alors à dessiner au crayon des visages de nuages . Après une mise en commun de leurs recherches, ils se mettent d’accord pour « figurer » chaque type de nuage (neige, brouillard, beau temps, pluie, orage).

 

  Nuages,
Visages,
De pluie.
          Nuages,
    Visages,
    Déplaisants.

   
         Nuages,
   Visages,
   Pleurants.

 
       

 


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  dessins, écriture, terre

 

Coco Texèdre - On a fait tant de choses - Les habitudes sont prises

Juin 2001

Revue en ligne Créations

Coco Texèdre, artiste plasticienne -
On a fait tant de choses - CE2, école Charcot – Blois (Loir et cher)- Enseignante : Frédérique Blanchet – Intervenante : Corinne Texèdre
Les habitudes sont prises- Classe des CM de l’école communale C. Freinet, Saint-Lambert-du-Lattay (Maine-et-Loire) – Enseignant : Michel Colas

déjà publié dans la Revue CréAtions, n°97 - Ecritures de formes, forme d'écritures - en mai-juin 2001 (Editions PEMF)

 

 

 

Coco Texèdre, artiste plasticienne 

 

Oeuvres présentées dans la revue:

Fin d’été à découper – 2000 - 30 x 17 x 20 cm - Livre unique
Les mauvaises pensées (détail) - 2000 - 16 x16 x 45 cm - Sculpture
Rouleaux hiéroglyphes – 1996 - 30 x 22 cm - Livre unique
Va savoir – 2000 - 20 x 40 cm - Livre unique

Je ne suis pas écrivain, je suis peintre : un peintre qui écrit et qui peint. J’aime donner forme et matière à l’écriture, mes dires ne sont que « pré-textes » à peindre. Constamment, sous les couches des mots les pigments s’immiscent : voyelle, consonne, pigment, espace, point d’interrogation.

Ma démarche basée sur la mémoire intime, se décline en trois « dimensions » : peinture, sculptures, livres uniques, et utilise l’écriture dissimulée comme maillage plastique. Chaque pièce est un fragment du puzzle d’une même œuvre qui s’écrit, se peint, se modèle au quotidien. Les matières papier, picturales, scripturales, se superposent en strates archéologiques où se nouent en recouvrement, découvrement les souvenirs du passé et les préoccupations du présent. Les écritures illisibles, incompréhensibles, indéchiffrables – réminiscenses des écritures du monde – aux sens, ponctuations, espaces réappropriés, consignent le temps qui s’écoule.

                                                                          

SOMMAIRE CREATIONS N°97

On a fait tant de choses

 

s

On a fait tant de choses - L'intervenant: un statut - Affirmer la place de l'enfant

 

 

 

On a fait tant de choses - Atelier de pratiques artistiques

 

Si l’on note à Créations le manque de comptes-rendus des activités artistiques du quotidien des enfants dans la classe, il faut se dire qu’outre la difficulté pour les maîtres d’avoir leur appareil photo et leur stylo en permanence prêts à réagir, ces activités, à l’instar des activités manuelles, sont souvent en sommeil à cause de l’importance grandissante d’autres activités : activités de communication comme l’informatique ou les langues , activités scientifiques comme les mathématiques, les sciences de la vie ou l’histoire, sans oublier les activités sportives. Lorsqu’il subsiste, le langage plastique est relégué à des apprentissages de techniques ou à des projets très ponctuels favorisant le spectaculaire ou la récompense. Et comme le maître s’avoue souvent lui-même peu "doué" pour mener à bien les activités dites « empiriques », la présence « d’intervenants extérieurs » est une réponse de plus en plus fréquemment donnée dans les écoles.  

 

 

L’intervenant : un statut


« La venue d’un intervenant est réglementée par l’établissement d’une convention entre celui-ci et l’Education nationale. Il doit être considéré, non comme un prestataire de services mais comme un vrai partenaire, membre de l’équipe pédagogique. A ce titre, il est associé à la conception du projet artistique qu’il met en œuvre avec le maître, sans jamais se substituer à lui. Il apporte son expérience sa différence et sa compétence pour donner une autre ampleur à l’éducation artistique, dans le respect des textes qui la définissent.» (in BO spécial du 26-08-1999).

 

Ces recommandations sont destinées à éviter certaines dérives comme la professionnalisation des intervenants, le « copinage » ou un nivellement par le bas tendant à réduire la création artistique d’aujourd’hui à la peinture du dimanche.
C’est une ouverture pour de jeunes artistes issus des écoles des Beaux-Arts, c’est le moyen pour des artistes confirmés de faire partager leur démarche autrement qu’avec les moyens traditionnels, c’est le moyen pour l’école de prendre l’école de prendre contact avec la recherche
artistique contemporaine.

 

Affirmer la place de l'enfant


Appropriation et réinvestissement dans d’autres domaines

Coco Texèdre est une artiste plasticienne qui intervient régulièrement à la demande des établissements scolaires, principalement les écoles primaires, mais elle a aussi fréquenté des lycéens.
Voici ce que concluait l’enseignant après l’intervention :

« Quand nous avons formé le projet de faire une classe de pratique artistique avec les plus grands élèves de notre école, je dois avouer que j’étais inquiet à l’idée de leur faire pratiquer presque à temps plein, pendant un nombre de jours limité, une activité artistique intensive. Non pas qu’ils n’en soient pas capables, ni par une peur toute professionnelle de ma part de sacrifier du temps sur les apprentissages fondamentaux, mais plutôt parce que je pensais à tort que les enfants avaient trop de préjugés sur ce que l’école devait leur apporter pour entrer dans une telle démarche : leur impatience, leur appétit de lecture, malgré l’image souvent fausse et imprécise qu’ils se font de l’acte de lire, me faisaient appréhender une forte opposition de leur part. De nombreuses fois que je me suis entendu dire, y compris lors d’activités structurées de lecture dont manifestement je n’avais pas réussi à leur faire saisir le sens : « Pourquoi tu nous apprends pas à lire ? On est venus à l’école pour ça ! » Les objectifs me paraissaient trop éloignés dans leur perception du temps, trop abstraits pur eux, pour qu’ils acceptent de se les approprier.
En fait, d’emblée, les enfants sont entrés dans le jeu, ont dialogué avec Corinne. Ils ont su, bien mieux que je n’aurais pu le faire, s’approprier et retraduire avec leurs gestes plastiques et leurs mots le monde de l’artiste, dans des productions dont ils sont très fiers parce qu’elles sont une image authentique d’eux-mêmes, de leur monde.
A ma grande surprise, ce travail eut des répercussions sur le plan plus scolaire. Certains enfants se sont mis à lire et à écrire bien plus facilement qu’avant. Si ces enfants ont beaucoup retiré de cette expérience, ils ont aussi donné sans le savoir une leçon à leur instituteur : les préjugés que l’on porte aux autres ne sont bien souvent que le reflet inversé des siens propres. »

 

 

 



 
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L'atelier de pratiques

                                      

  écriture, calligraphie, enduit et grattage, assemblage d’un livre

 

Les habitudes sont prises

 

Les habitudes sont prises

 

Depuis de nombreuses années, trois fois par an, la classe de cycle 3 part faire une balade à Rablay-sur-Layon, village situé à quelques kilomètres de Saint-Lambert-du-Lattay. On longe le Layon, petite rivière serpentant entre les coteaux qui ont donné leur nom à un vin moelleux, avec chaque fois le même but : voir l’exposition temporaire du village d’artistes de Rablay.
Une association de passionnés d’art contemporain organise chaque année, d’avril à novembre, plusieurs expositions de peintres, de sculpteurs, d’artistes de la région (ou pas). Ces expositions ont lieu dans une très ancienne maison restaurée.


Dans le cadre de ces sorties, nous avons visité l’exposition de Coco Texèdre. C’était un vendredi après-midi. Notre organisation est immuable : quelques crayons, blocs et feuilles à volonté sur plaquettes de bois.

Nous découvrons toujours l’exposition tous ensemble. Chacun peut donner ses impressions premières, dire ou ne pas dire s’il aime ou n’aime pas. Cette étape est très importante à mes yeux car elle permet des échanges simples, sans contraintes. Mais en même temps, ceux qui ont l’habitude de voir des expositions s’expriment davantage. Ils conversent par deux ou trois, avec des références aux précédentes expos. Et les petits nouveaux ouvrent toujours grand leurs yeux et leurs oreilles.
Suite à cette découverte, chacun choisit en général une œuvre de l’artiste exposé, ou bien une série d’œuvres. Il s’agit de prendre des notes, de faire un petit croquis de ce que l’on voit (formes dessinées ou peintes, ordre de grandeur de l’objet, techniques utilisées en observant attentivement couleurs et assemblages de couleurs, nom de l’œuvre, etc.).
Pendant ce moment, je circule pour voir chacun : c’est l’occasion d’un échange privilégié autour de l’œuvre choisie. Et puis, comme les enfants, je prends aussi le temps d’en observer une plus attentivement.
De retour à l’école, il s’agira dans les quinze jours qui suivent de « faire sa propre création artistique » à partir de celle que l’on a choisie à l’exposition, et avec bien sûr l’aide de ses notes.


Bien souvent l’artiste a choisi des matériaux et/ou des techniques que l’on ne peut pas utiliser à l’école. Mais cela n’est absolument pas gênant, car il ne s’agit nullement de «reproduire», de «faire comme», mais plutôt de créer, après s’être imprégné d’œuvres originales et enrichi de formes, de couleurs, de sensations nouvelles.
Lors des ateliers artistiques du jeudi, ou les autres jours pendant son temps libre, chacun cherche dans l’école des matériaux et des techniques qu’il utilisera.
Tout est possible ! Et l’on verra souvent des réalisations très originales, combinant plusieurs techniques, s’inspirant des œuvres choisies, mais ayant leur caractère propre.
Les enfants peuvent reprendre leurs travaux plusieurs fois s’ils le désirent. Certains en font ou les finissent chez eux, mais beaucoup créent d’autres œuvres liées à l’exposition.
J’ai remarqué qu’après chaque visite d’exposition, une envie, une motivation, un dynamisme de création s’empare de tout le groupe et les murs de la classe ne suffisent en général pas !
J’insiste pour que chacun produise quelque chose (et je m’y tiens aussi) et nous choisissons ensemble une date butoir. C’est souvent un conseil de coopérative qui est banalisé pour que chacun présente son œuvre au groupe. A nouveau ont lieu des échanges, des discussions autour de créations.


En ce qui concerne l’exposition de Coco Texèdre, plusieurs enfants ont été touchés par des petits formats et ils ont animé pendant plusieurs semaines les ateliers artistiques du jeudi, ouverts à tous les enfants de l’école, avec la technique des pastels secs.



 

Il nous est aussi arrivé de rencontrer l’artiste lors de la visite de l’exposition, ou de l’inviter à l’école. Bien sûr, dans ce cas, les échanges sont différents.
En 1998, un travail avec un artiste local s’est prolongé pendant plusieurs séances à l’école et a débouché sur notre propre exposition dans une petite salle du village d’artistes de Rablay. Et le jour du vernissage («mais alors, si on vernit nos peintures, elles ne seront pas sèches pour l’inauguration !» m’avait murmuré un CE2), les parents nous ont accompagnés (et ceci n’est pas le moindre intérêt de nos visites au village d’artistes !).
Maintenant, les enfants emmènent les parents voir les expos… et quelquefois à vélo en longeant le Layon…

                

 



 

 

               

 
 

Sommaire CréAtions N°97

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croquis, pastels

 

De la mise en mots à la mise en forme

Juin 2001

 



CréAtions 97 - Ecritures de formes, forme d'écriture - publié en mai-juin 2001

Classe de Moyenne et Grande sections, Maternelle des Portes Ferrées, Limoges (Haute-Vienne) – Enseignante : Annie Crocherie

 

De la mise en mots à la mise en forme  

Yassine

 

Pour répondre aux besoins d’ordre langagier répertoriés au sein de l’école, j’ai choisi de mettre en place dans le cadre des ateliers décloisonnés un atelier d’expression poétique et plastique.

Le déclencheur est un classeur de photocopies de reproductions d’œuvres d’art, reproductions grand format ayant toutes un point commun : des traces donnant à penser qu’il y a dans ces œuvres des écrits (lettres, textes, signes). En observant les œuvres, les enfants découvrent les diverses techniques utilisées par les artistes. Ensuite, nous faisons l’inventaire de tous les matériaux disponibles dans l’école. Je donne une seule consigne : il doit y avoir une trace d’écrit dans vos réalisations. 

Pendant plusieurs séances, les enfants créent. Quelquefois, en observant et en comparant les éléments utilisés et les effets rendus, ils échangent et les créations évoluent.

 

 

                                                                      Gary (détail)

 

 

Maëva

 

    

 

Amélie d'après l’œuvre de Maëva

 

 

 


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peinture, collage, écriture

 

 

Eclats de mémoire

Juin 2001

 


CréAtions 97 - Ecritures de formes, forme d'écriture - publié en mai-juin 2001

Geneviève Pons-Vatel

 

Eclats de mémoire

                                                                                                    

Entre dans la mort,
les yeux grands ouverts.
La mort n’est jamais que cette fracture
du ciel un Vendredi de Ténèbres.
Elle est ce rideau déchiré,
ces fondations du Temple qui vacillent,
ces morts qui se relèvent.
Naufragé, errant que transportent les vagues,
plonge dans un ciel d’encre et d’or.

 

Philippe Le Guillou

  Geneviève Pons-Vatel, plasticienne née en 1943 à Rouïba, en Algérie.
Traces signes, gestes, mots… l’écriture parle découvre le sens ou recèle l’indéchiffrable. S’appuyant sur la pratique des calligraphies occidentales et orientales, son travail explore les relations entre la peinture et l’écriture.
Sa recherche se nourrit de l’intérêt constant pour la poésie et les grands textes fondateurs.
L’ensemble et la diversité des expériences qui ont forgé sa personnalité caractérisent cette double quête artistique et spirituelle comme une remontée dans le temps vers le mystère des origines.

L’originalité du travail de l’artiste tient avant tout en ceci que le monde qu’elle donne à voir, et qui montre un visage morcelé, fait de bribes de texte et de pièces rapportées sur la toile – collages de papiers, de tissus, de fils mêlés à la couleur -, est en vérité la projection, la représentation d’un long processus d’intériorisation de quelques-unes des expériences qui ont joué pour elle le rôle de rencontres essentielles à sa vie d’artiste, mais aussi bien à sa vie tout court, puisque toutes deux coïncident, en un élan, comme c’est le cas dans chaque processus de création authentique.
Ces rencontres, ce sont celles de quelques textes poétiques, et aussi, et peut-être surtout, celles de textes sacrés, et en particulier des Psaumes.
Or la connaissance des Psaumes ne lui a pas été transmise par la seule lecture méditative. Elle l’a pénétrée de façon plus intérieure encore que celle qu’autorise une telle lecture, quelque riche qu’elle soit : elle lui a été donnée par le chant.
A la fois, donc, par l’émotion intellectuelle, bien spécifique, qui est celle d’un sens que peu à peu les mots découvrent, avec l’émerveillement et peut-être l’ effroi que suscitent les textes sacrés ; mais, en même temps et surtout, par ce don de la musique qui est aussi expérience physique : le corps est partie prenante dans le travail de la voix, elle qui vibre et résonne au fond de la gorge, au lieu précis où se noue l’émotion. Et non seulement son propre corps, mais aussi ceux des autres choristes, engagés dans la même aventure, et partageant le sentiment que ce qui se donne là, et se révèle, est beaucoup plus riche, peut-être infiniment plus riche que tout ce qu’une représentation consciente, ordonnée, pourrait en dire.
Le projet de l’artiste serait alors de rester fidèle à chacune de ces rencontres : c’est-à-dire à la fois à leur puissance émotive, à cette sorte d’envahissement de l’âme qui vous lie immédiatement à la joie, et en même temps à tout ce qui résiste, qui est ineffable, dans l’expérience, à tout ce qui échappe, et dont la mémoire ne peut recueillir que des bribes, des éclairs, des effets second, des traces, de ces traces dont René Char dit qu’elle sont seules à faire rêver.

Le tableau accompagne ce travail d’intériorisation. Ou plutôt il est ce travail d’intériorisation, cherchant à être absolument fidèle à la fois à l’émotion de la rencontre – et c’est peut-être là la part de la couleur, souvent sombre, ou rouge,, symphonique – et aux remous quelle a suscités à l’intérieur, à la déconstruction qu’elle provoque, au démantèlement des certitudes banales sous lesquelles la rationalité, le raisonnable, la saine logique voudraient nous courber en prétendant dire le sens, comme ont dit la Loi. Et ce sont les déchirures de papiers, les bribes de textes, les ruptures des lignes, et parois même l’illisibilité des écritures que rendent plus évidente encore, et comme par l’absurde, les variations d’une savante calligraphie.
Je crois que la tentative du peintre rejoint ce que dit Rilke du travail de création : lui parle de la terre, autant dire de notre commun partage, du lieu de toutes nos expériences humaines, et il dit bien que notre tâche est d’imprimer en nous cette terre provisoire et caduque si profondément, si douloureusement et si passionnément que son essence ressuscite invisible en nous. Ainsi, Geneviève Pons-Vatel serait, dans son intention de rendre compte de la trajectoire mystérieuse, imprévisible, secrète de son rapport au monde, l’une des abeilles de l’invisible selon Rilke ; une de ces sensibilités attachées à témoigner de tout ce qui dans nos vies relève de l’interdit, de ce qui se dit entre, dans la rupture, dans l’inachevé, dans le secret ; tout ce qui ne cesse de nous échapper, quelle que soit notre clairvoyance, et dont il nous faut saisir les traces si nous voulons éviter de nous dissoudre dans l’éphémère et rester fidèle au temps, aux autres et à nous-mêmes.
J’ai pensé, devant ces toiles de mystère, à ces vers d’Apollinaire dans L’Emigrant de Landor Road :
Et l’on tissait dans sa mémoire
Une tapisserie sans fin
Qui figurait son histoire.


Jean-Marie Barnaud, juillet 2000.

 

 

Jean-Marie Barnaud est né en 1937. Collaboration littéraire et artistique à de nombreuses revues. Membre du comité de rédaction de la revue «La Sape». Dirige avec Jean-Pierre Siméon, la collection Grand fonds de Cheyne éditeur. Publie son œuvre poétique à Cheyne (huit titres depuis 1983). A publié, par ailleurs, deux romans chez Gallimard et Deyrolle.

A déjà publié


Le Beau temps, 1985, épuisé, Cheyne
Pour saluer la bienvenue, 1987, épuisé, Cheyne
Celle qu’on attendait, 1990, épuisé, Cheyne
Sur le carnet de Marion, 1990, épuisé, Cheyne
Passage de la fuyante, 1994, Cheyne
Poèmes (1983-1985), 1996, réédition Cheyne
Aux enfances du jour, 1998, Cheyne
Le Censeur, roman, Gallimard, 1992
Un tombeau pour Félicien, récit épistolaire, Deyrolle, 1996
Contes et légendes de Provence, Nathan, 1998
Aral, Editions L’Armourier, 2001

                                                                                                                                            

 

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  techniques mixtes

 

Bibliographie - Créations 97

Juin 2001

 


CréAtions 97 - Ecritures de formes, forme d'écriture - publié en mai-juin 2001

Bibliographie

 

Bibliographie


Calligrammes, Guillaume Apollinaire, 1918, coll. Poésie Gallimard.
Poèmes peintures, poèmes natures mortes, synthèse des arts, de la musique, de la littérature (G. Apollinaire).
        La fenêtre s’ouvre comme une orange
        Le beau fruit de la lumière.

Je n’ai jamais appris à écrire, ou les incipit, Aragon, Ed. Skira, 1969, colle. Les Sentiers de la création.

Logbook, Turin, Christian Dotremont, Yves Rivière, 1974.
Dans les logogrammes de Dotremont, dansent ou crient de grands signes noirs, ou les traces éphémères inscrites dans les neiges de Laponie.

Ecritures, Paris, Max Ernst, Ed. Gallimard, 1970.

Les Mots ont des visages, Joël Guenoun, Ed. Autrement Graphisme, 1995.

Ecrits timides sur le visible, Gilbert Lascault, Ed. Armand Colin.)
Lettres figurées, alphabet fou (p. 174) problème du lien entre le lisible et l’image : l’intelligence veut que tout reste en place et que la distance soit maintenue entre la figure et d’autre part l’écriture qu’elle réduit au raisonnable.

Langage, tangage ou ce que les mots me disent, Michel Leiris, 1985, Ed. Gallimard

Les Mystères de l’alphabet, Marc-Alain Ouaknin, Ed.Assouline, 1997.
« L’alphabet est une source » (Victor Hugo) : « Au détour d’une barre de A ou de l’arrondi d’un O, se mêlent et se croisent les historiens, les philosophes, les poètes. »

Du Calligramme, Jérôme Peignot, Dossiers graphiques due Chêne, 1978.
« Et moi aussi je suis peintre » dit Guillaume Apollinaire. L’histoire des Calligrammes ouvrent cette fresque des poèmes visuels qui existent depuis qu’existe l’écriture.

« Poésure et Peintrie », d’un art à l’autre, Musée de Marseille, 1993, réunion des Musées nationaux.

« La Trace », revue Dada n° 72, Mars 2001, Ed. Mango.

L’Art et les Mots, Arstudio n° 15, hiver 1989.

ArtÉmotEcrit, Nicole Morin, CRDP Poitou Charente, 1996.
« Interactions arts plastiques et apprentissage de la langue, de la maternelle au lycée… et pourquoi pas ailleurs. »

Le jardin des mots, Valère-Marie Marchand, Editions Alternatives, 2000.
« calligraphie en création contemporaine ».

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