CréAtions N° 109 - De l’album au livre-objet / novembre 2003

Novembre 2003

 


CréAtions N° 109 - novembre/décembre 2003

De l’album au livre-objet

 
Ont participé à l’élaboration de ce numéro : Jacqueline BENAIS ; Simone CIXOUS ; Agnès JOYEUX ; Maud LECHOPIER ; Hervé NUŇEZ ; Corinne MARLOT ; Jeannette ROUDIER.

Crédit photographique : Jacqueline BENAIS ; Hélène CARO ; Jean-François DENIS ; Michèle COUDE ; Dominique COUR ; Yves FAURE ; Maud LECHOPIER ; Agnès JOYEUX, Hervé NUNEZ ; Anne ROY

 

 
Titre et chapeau
Niveau classe
thème
Techniques utilisées
artiste
 

De l’album au livre-objet

 
édito
 
 

Une année d’albums, thème de travail d’un groupe départemental

maternelle :
 PS - MS - GS

Expression, création, tâtonnement, coopération tant au niveau des enfants qu’au niveau des adultes
dictée à l’adulte
recherche documentaire
photographie, dessin, encres, craies grasses, collage, peinture
 
 

Objets-poèmes à ouvertures multiples

artistes
entretien
objets-poèmes
Claire et Dominique Cour, créateurs

 

La princesse et la grenouille, une histoire tissée à quatre classes

maternelle : PS – MS – GS

La présentation à toute l’école du conte écrit en commun conduit à la création d’un spectacle avec décors et musique.
dessin, peinture,
création de décors,
musique
 

 

Le livre autrement
Petit Jaune – Paroles d’enfants – Petit Livre et Tas d’Ames

IUT – 2ème année Carrières sociales
Tentative de réconciliation avec le plaisir du texte
écriture, dessin, collages, mise en volumes, photographies,
 

Correspondance
élémentaire : CM1-CM2
Correspondance entre un enseignant et un artiste dans le cadre d’un projet artistique

Jean Pallandre, phonographiste

La mer

maternelle : GS

Un travail sur la couleur "bleue" de la mer, à partir d’un fragment de photo ; des productions individuelles à un album collectif

dessins, déchirage et collage, écriture
 
 

Carnet de bord : Boîte à sourires, boîte à soupirs n°2

lycéenne de terminale
Le carnet de bord de Marie
 
 

 

Ecrire des histoires de création - Fabriquer un livre-objet

élémentaire : CE2

Travail de création et productions plastiques et écrites autour de mythes cosmogoniques de différents continents
écriture, dessin
peinture, mise en volume
Elena Filadelli, Costanza Matteuci , plasticiennes
 

 

A la découverte des sentiments dans les albums de jeunesse

maternelle : GS
S’exprimer verbalement et plastiquement sur les sentiments
croquis, modelage, monotypes, réalisation d’un album
 
 

Bibliographie

 
 
 
 

 

 

Edito

Novembre 2003

 

 

CréAtions n° 109 - De l'album au livre-objet -

publié en novembre-décembre 2003 (Editions PEMF)

Edito

 

 Edito: De l'album au livre-objet


 El Lissitzky expose ainsi ses conceptions "bioscopiques" du livre : "Il faut construire le livre en tant que corps lancé dans l'espace et dans le temps, pareil à un bas-relief dynamique, dans lequel chaque page apporte de nouvelles formes. Sur ce trajet se déplaceront des ondes de grande vitesse et intensité."

Pour sauver le mot ou le texte de ce qui a été souvent considéré par les écrivains comme un enfermement, une mise à mort ou un tombeau, dans la page ou dans le livre, les stratégies de sauvegarde adoptées ont été mutiples, inventives, ingénieuses. La poésie défie le livre en "prenant corps".

L'acte d'écriture implique alors de retrouver la voix, le geste, l'image, la musique, propre à la littérature orale. Dans le texte dadaïste, le texte est la voix qui l'énonce, prend sens et vie seulement par elle et la poésie concrète et sonore revendique cette seule existence. Le texte se fait aussi image sur la page, devient partition, rythme, sort de la linéarité et du livre pour s'afficher, s'emparer des murs, contre-poison de l'image publicitaire. Utopie toujours à défendre, celle de reconciler le mot, le texte, avec la voix, le regard et l'image : ces pratiques autour du livre se nourrissent de la richesse des recherches typographiques du Bauhaus, des "mots en liberté" des futuristes italiens, des textes affiches d'un El Lissitzky, des inventions d'une langue qui se voudrait universelle comme celle que propose Vélimir Khlebnikov, la langue zaoum, visuelle et sonore, chez les constructivistes russes. Il s'agit de repenser le livre, de le mettre à mal, ou de le panser comme le suggère les "livres pansés" d'Erik Dietman, de transformer le rapport au lecteur, à la lecture, à la langue. Celui-ci est invité à modifier son regard, à accueillir le livre dans son format non conventionnel, à agir sur une structure qui ne s'offre plus seulement page à page. Le livre concerne alors bien sûr l'écriture, mais aussi les arts visuels en général, en particulier la typographie et l'architecture.

Le livre est alors aventure de lecture et aventure d'écriture : la réalisation d'un album ou d'un livre-objet, conquête d'une forme et d'un espace à soi où investir son imaginaire personnel, est une expérience qui inscrit en chacun, par l'implication et les découvertes qu'elle engage, des désirs et des possibles de lecture et d'écriture.

Les petits livres de maternelle, foisonnants, sont une saisie d'instants de vie quotidienne avec leur charge d'émotion et de découvertes, et deviennent objets d'échanges et de mémoire. Ils sont la première appropriation d'une expression qui conjugue l'image et le mot, l'image et la phrase. La forme de l'album (étym. : tableau blanc, liste) leur convient : carnet, recueil personnels ou livre collectif se nourrissent et s'associent aux albums d'auteurs pour constituer une culture commune. Ces premiers livres « image de soi », singuliers, sont la mémoire collective de la classe, de l’école et constitue pour l’enseignant, comme acte d’exposition, un précieux outil d’observation de l’émergence des contenus et d’évaluation du travail. La réalisation d’albums, comme celle des livres de vie ou des carnets de bord, romp avec l’habituel cahier pour tous, non investi par les enfants, sinon comme respect de la norme. Elle institue un rapport au livre familier et direct, puisque l’enfant en a été le maître d’œuvre, en complicité attentive avec l’enseignant(e) en maternelle.

Le livre-objet va privilégier, plus que l’album, les formes qui l’éloignent du format normé, rectangulaire, du livre à ranger sur les rayons d’une bibliothèque. De l'album au livre-objet se déclinent et s'inventent des productions pour lesquelles forme et sens sont conquête d'espaces de figuration originaux, appel à complicité du lecteur, non livre à consommer mais livre où s'engager comme aventure de lecture.

La pédagogie que nous défendons engage les enseignants à développer ces supports d’expression et de communication, vecteurs essentiels des démarches d’autonomie et de construction de soi dans la relation aux autres et aux savoirs.

Simone Cixous               

sommaire CréAtions 109 

 

 

Une année d'albums

Novembre 2003

 

 

CréAtions n° 109 - De l'album au livre-objet -

publié en novembre-décembre 2003 (Editions PEMF)

Groupe Maternelle de l'I.D.E.M 56 (Institut Départemental de l'Ecole Moderne du Morbihan) Armelle Allain, Agnès Andrieux, Mylène Bamdé, Jacqueline Benais, Suzanne Canevet, Hélène Caro, Michèle Coudé, Pierre Le Guirinec, Catherine Tanguy.

 

 

 

Une année d'albums

 

Tous les ans, nous choisissons un thème de réflexion autour des productions de nos classes : pour cette année scolaire 2001/2002 : les albums.

Dès la première réunion, Cathy présente un album en cours de réalisation en GS (voir ci-dessous), chacun fait part de pistes de travail en fonction d’événements survenus dans la classe ou d’un projet pour l’année. Nous élaborons un début de bibliographie sur les thèmes qui se profilent : les sentiments, l’arbre.

A chaque rencontre, chacun(e) présente les réalisations en cours, en précise le déclencheur, la démarche qui se construit, les difficultés rencontrées. Par ces échanges, de nouvelles pistes se dessinent.

Les enfants ont pu entrer en contact avec le livre sous ses différentes fonctions, sous ses différents aspects et construire un patrimoine culturel de la classe : du livre initial qui reconnaît chacun et soude le groupe au livre personnalisé que chacun conservera en passant par le catalogue d’exposition mettant en valeur les réalisations individuelles, l’album documentaire mémoire d’activités collectives et bilan des savoirs acquis, le livre pièce unique que l’on offre, le CD-Rom.

Expression, création, tâtonnement, coopération tant au niveau des enfants qu’au niveau des adultes : tout ce travail trouvait sa place dans l’espace “Globalité” des expositions du Congrès de l’ICEM à Talence en août 2002.

Les albums réalisés dans la classe de Pierre le Guirinec ont déjà été présentés dans les numéros 106 (Koa, la grenouille) et 108 (Le grand livre des labyrinthes) de CréAtions.

 

Classe de Moyenne et Grande section, Ecole “ La petite mer ”, Riantec – Enseignante : Catherine Tanguy

 

Le voyage de la pomme

L’élément déclencheur de cet album, réalisé dès septembre, uniquement avec le groupe de grande section, c’est l’observation des arbres de la cour : deux tilleuls et un pommier que les enfants n’identifient pas car il n'y a pas de fruit.


Un enfant remarque : Il y avait une pomme mais elle n'est plus là !

D'où ma question : Mais où est-elle, que s'est-il passé ?

 

 

Sommaire CréAtions 109

Les doudous - Nos doudous
Une suite à l'album d'Olga Lecaye, Docteur Loup
Rêves et cauchemars
Qui se cache? et Que fait-il? que fait-elle?
Le livre, pièce unique
Carré vert
Groin, groin! Beaucoup de beaux cochons
Albums documentaires:
Les animaux de la ferme - Piou-Piou le petit poussin - Histoire d'un moulage en cire
A partir du même album de Jeanne Ashbé, Là, c'est moi... 

dictée à l’adulte
recherche documentaire
photographie
dessin
encres
craies grasses
collage
peinture

 

Objets-poèmes à ouvertures multiples

Novembre 2003

 

 

CréAtions n° 109 - De l'album au livre-objet -

publié en novembre-décembre 2003 (Editions PEMF)

Rencontre avec  Claire Cour et Dominique Cour.

 

 

 Objets-poèmes à ouvertures multiples

 

Rencontre entre Claire Cour et Dominique Cour, créateurs et Simone Cixous pour Créations

 

 

Magique poème-objet,
la poésie ici est donnée comme “ enfance retrouvée
à volonté ” (Baudelaire).

Sur la porte noir/nuit
du placard, le texte
de Dodat :
“ Un enfant dormait
à poings fermés
dans le placard de
l'arc-en-ciel dont
la porte était peinte
aux couleurs de la nuit. ”
 
 
 
Le placard

de l'arc-en-ciel

A mesure que Claire (ou Dominique) ouvre les multiples portes du placard de l'arc-en-ciel, elle libère les rêves de chacun, de l'enfant en nous qui retrouve ses chemins de mémoire.
Objets mémoire : le placard, boite Crayolor, toutes les couleurs de l'arc-en-ciel convoquées pour rêver, révéler l'univers à sa fantaisie. Les portes : palettes de couleurs, ardoises où s'inscrivent les premiers signes, papiers buvards mémoire du texte en miroir. Jeux de cubes, boulier de mots et d'images. Boite à trésors, dernier secret du placard, petit musée personnel d'objets mémoire couleurs.
Sur chaque porte s'inscrit, le texte-poème comme trace insistance de mémoire, sous forme de calligraphies, monotypes sur tissus, empreintes sur buvard, écriture-pluie gravée sur du zinc. Les dernières portes ouvrent le temps-univers : soleil et lune, jour et nuit, et la plume de paon signe la naissance de la lumière aux couleurs arc-en-ciel.
 

 

sommaire CréAtions 109  début de l'article        page suivante

 objets-poèmes

 

Objets-poèmes à ouvertures multiples

Novembre 2003

 

 

 

 

Voyage dans l'épaisseur des choses

Aller à la rencontre des œuvres de Claire et Dominique Cour c'est répondre d'une certaine façon à l'invitation de Francis Ponge : "Je propose à chacun l'ouverture de trappes intérieures, un voyage dans l'épaisseur des choses, une invasion de qualité, une révolution ou une subversion comparable à celle qu'opère la charrue ou la pelle lorsque, tout à coup et pour la première fois, sont mises à jour des millions de parcelles, de paillettes, de racines, de vers et de petites bêtes jusqu'alors enfouies.Ô ressources infinies de l'épaisseur des choses, rendues par les ressources infinies de l'épaisseur sémantique des mots".

Si ces œuvres nous laissent interdit ou déconcerté, c'est qu'elles tiennent paradoxalement ensemble, l'évidence, la présence concrète, palpable, tactile de la matière et l'évanescence irisée de la lumière. Se donnant à voir comme objets, matières familières, il faut avoir le regard d'Alice au pays des Merveilles pour passer de l'autre côté du miroir des évidences.
 

Leur secret est peut-être dans la complicité, la rencontre avec les textes qui vont générer et tisser formes et matières : magie de l'écriture de François Dodat, textes étincelles, mise à feu d'images et de pensées, provocation à explorer, façonner, donner corps aux rêveries poétiques qu'ils suscitent.

 

Poids plume

L'œuvre de Claire initie la création des objets-poèmes, livres, coffrets, boites à secrets, grandes toiles, tous tissés, taillés dans la matière du texte calligraphié, gravé, incorporé aux formes et matériaux, toujours choisis avec une particulière attention à leur affinité avec l'univers du poème :
- transparence et opacité des papiers orientaux, selon leur texture, leur vibration ;
- appropriation de matériaux ayant déjà une histoire, matériaux "pourris" comme le zinc des dalles où la rouille a gravé ses paysages dans le calcaire laissé par l'eau de pluie ;
- associations - histoires, paysages, bestiaires - liés au terroir de Dordogne, mais aussi aux mythes les plus anciens, tissage de mémoire intime et collective.
 
 
  
                                                                                                                                                        60 x 120 cm
 
Chaque double page de ce live géant donne à voir les textes d'André Séverac inscrit dans la forme légère de la plume, instrument d'écriture mais aussi piège à lumière.
 

- André SEVERAC : grand reporter au Progrès de Lyon et ami des Cour
- Claire et Dominique COUR : Ateliers, rue de l'ancienne poste, Issigeac (Dordogne)
Une Exposition est prévue de mai à octobre 2004 au Musée des Hospices de la Madeleine, rue André Loiseau, 33330 Saint-Emilion (Gironde)
 

sommaire CréAtions n° 109  début de l'article   


 

La princesse et la grenouille

Novembre 2003

 

 

CréAtions n° 109 - De l'album au livre-objet -

publié en novembre-décembre 2003 (Editions PEMF)

Ecole maternelle de l’Aubette, Magny en Vexin (Val d’Oise). Enseignantes : Evelyne Duc, Brigitte Murat, Anne Meyer et Agnès Joyeux

 

La princesse et la grenouille


une histoire tissée à 4 classes

Ecriture commune d'un conte 

 

Au commencement, il y avait l’écriture d’un conte merveilleux.

Nous sommes une petite école maternelle de quatre classes qui avions projeté la création d’un conte “ interactif ”. Chaque classe à tour de rôle, rédigeait par une dictée à l’adulte, une partie d’un conte merveilleux. Chaque semaine, le cahier du conte circulait et passait dans une autre classe qui en inventait la suite.

Cette phase d’écriture a duré quelques semaines. Quand l’histoire a été bien engagée, mais pas terminée, les deux maîtresses de petits ont proposé à des groupes de grands certains après-midis, soit d’imaginer une mise en scène de l’histoire, soit d’en créer une mise en images.

Pendant un trimestre, on a donc eu en parallèle mais à des niveaux d’avancement différent, un travail d’écriture, un travail de mise en scène et un travail de mise en images à partir d’un même support écrit inventé par les enfants.

A la fin du récit, qui était devenu assez complexe, nous étions soucieux sur la fin à donner à l’histoire. La princesse était dans l’eau, ses longs cheveux flottants dans les vagues ; allait-elle mourir ? Les deux classes de grands ont proposé chacune une fin. Les deux scénarii ont été mis en scène et montrés à l’ensemble de l’école qui a choisi la fin (heureuse grâce à l’intervention de la sorcière !) de notre histoire.

A cette occasion, nous avons aussi montré à tous les peintures qui avaient été réalisées lors des ateliers.

C’était une petite présentation en interne, sans aucune prétention mais nous y avons tous pris tant de plaisir que nous avons eu envie d’aller plus loin, et c’est à cette occasion qu’est née l’envie de montrer à tous ce que nous avions fait.

Les ateliers ont donc repris de plus belle pour parachever les travaux en cours. En outre, un quatrième atelier a vu le jour, à la demande de l’atelier théâtre, c’est l’atelier décor à qui on a commandé un château de princesse et un château de sorcière.

 

 

 

Cette fois, il s’agissait d’un décloisonnement général de l’école. Il a eu lieu un après midi par semaine, pendant six semaines.

Pendant trois semaines consécutives, les enfants ne pouvaient pas changer d’atelier afin de maintenir une cohérence dans le travail et surtout afin de pouvoir avancer dans les représentations du récit.

Deux cycles de trois semaines ont eu lieu avant la fin de l’année scolaire, très bousculée, qui ne nous a pas permis de terminer complètement le travail.

 

Néanmoins, nous avons fait une répétition générale qui a eu beaucoup de succès aussi bien parmi les enfants du public que parmi tous ceux qui avaient participé à son élaboration.

 

       sommaire CréAtions 109  page suivante  

 dessin, peinture, création de décors, musique

 

Le livre autrement

Novembre 2003

 

 

CréAtions n° 109 - De l'album au livre-objet -

publié en novembre-décembre 2003 (Editions PEMF)

Département Carrières sociales, 2èmes années, filière Arts, Culture et Médiation, IUT Michel de Montaigne Bordeaux III - Enseignante : Simone Cixous. Productions de Chloé Fradin, Gaelle Clauzet, Emilie Grazide, Nathalie Gaucher, Claire Kerdonkuff

 

 

Le livre autrement

Tentative de réconciliation avec le plaisir du texte

L'écriture à haute voix*

Le rapport des étudiants à l'écriture et au livre, est bien loin de ce que Barthes tente de décrire comme "plaisir du texte". Il est essentiellement utilitaire, compris comme passage obligé pour obtenir le diplôme. La proposition que je leur fais de constituer un recueil de textes de plaisir les met dans un grand désarroi, tout comme l'approche de "l'écriture à haute voix" qui restaurerait ce rapport de plaisir à la langue : une écriture non phonologique mais phonétique, qui fasse entendre dans sa matérialité sonore, dans le grain de la voix "la patine des consonnes, la volupté des voyelles, toute une stéréophonie de la chair profonde : l'articulation du corps, de la langue, non celle du sens, du langage".


Des livres autres

Une pratique d'écriture qui se libère de la "copie" scolaire, les effets de la rencontre de l'art et du livre, ont conduit les étudiants dans leur production personnelle de fin d'année, à investir des formes nouvelles, qui, si elles conservent souvent la forme du livre, mettent cette dernière, et le lecteur, à l'épreuve. Ainsi des quelques productions présentées ici.

Le récit Petit Jaune et le conte Paroles d'enfants sollicitent la participation active du lecteur.

 

L'écriture "à livre ouvert"

Nous avons exploré ensemble dans l'année (de Rabelais, grand inventeur de mots, aux auteurs de poésie sonore et visuelle) ce désir de gommer les frontières entre les arts, de refuser l'emprisonnement dans une spécialisation, pour garder vive la langue jusqu'à la libérer du livre : formes extrêmes (tout petits recueils, très grands formats), rectangle standard rejeté (comme pour Satrape de René Clair, livre hexagonal, publié par le « Collège de Pataphysique ». La pagination est bouleversée, les pages jouent à deux, sont d'abord image, avec rythmes et couleurs, caches et portes à ouvrir, jouant des correspondances entre matière verbale, sonore et visuelle, et le matériau investi comme support. Celui-ci peut être le papier, mais choisi dans l'infinité de ses textures, couleurs, transparences, comme tout autre matière, bois, métal…, qui se grave ou se sculpte. Il ne s'agit pas de rechercher l'objet esthétique à contempler, mais de proposer des entrées dans la langue et le sens qui sollicitent autrement la participation et l'intelligence du lecteur. Dans Cent mille milliards de poèmes, chaque page est découpée en autant de fragments que les vers du sonnet qu'elle contient : Raymond Queneau offre au lecteur la possibilité de composer 1014 poèmes en combinant à sa manière les divers fragments.

(*Barthes : Le plaisir du texte)

sommaire CréAtions 109  Petit jaune
Paroles d'enfants
Petit Livre et Tas d'âmes - Le tout petit livre
L'instrumentabécédaire

Ecriture, dessin, collages, photographies, mise en volume.

 

La mer

Novembre 2003

 

 

CréAtions n° 109 - De l'album au livre-objet -

publié en novembre-décembre 2003 (Editions PEMF)

Classe de Grande section Maternelle ZEP, Sorgues (Vaucluse) - Enseignante : Jacquie Minaud-Guibert

 

 La mer


Partir des propositions de l’enfant

Le premier entretien de l’année a beaucoup tourné autour des vacances. Chacun racontant son anecdote sur la plage, la mer, le Maroc, la traversée en bateau…
Cela nous a amené presque “naturellement” au dessin et surtout à des tris d’images, de cartes, etc. puis à la peinture. Les enfants voulaient représenter “leur” mer.
Dans le coin “arts plastiques”, il y a surtout de la peinture, les revues à découper ou à déchirer. L’investissement a d’abord consisté à rechercher les couleurs de la mer, les nuances de bleus fabriquées à partir de mélanges de couleurs primaires et de noir ou de blanc, jusqu’au vert, au grand étonnement de certains qui voyaient là tous leurs schémas symboliques remis en cause constatant que “la mer peut aussi être verte”…

 

 

Part du maitre

Après tous ces tâtonnements, j’ai proposé de continuer la mer “autour d’un morceau de photo qui la représente”, fragment collé directement sur la feuille. L’effort à faire, expérimentation sensible autant que technique, étant de “ retrouver le mieux possible la couleur du bord de la photo ”…
Que faire ensuite de toutes ces recherches réalisées sur grand format ?
La réalisation d’un album comme support est un des moyens réguliers de concrétisation collective de la classe, l’album étant ensuite placé dans la BCD de manière à ce que celle-ci soit perçue comme l’émanation de la classe et que chacun puisse l’utiliser ensuite comme documentation, au même titre que les vrais livres, ceux en “ beau ” papier et l’apporter à la maison.
La classe décide donc de faire un album, d’autant plus que chacun, en même temps que sa production plastique a “ raconté ” (en début d’année, ils n’écrivent pas encore), le “ faire ” et le “ dire ” étant souvent mené de front de manière à mettre en rapport des systèmes différents d’expression, ou pour aider à l’objectivation des expérimentations qu’elles soient scientifiques ou artistiques.
L’album mettra en vis-à-vis les textes et les œuvres.

 

 

Transposition

La réalisation de l’album a amené la maîtresse à faire un redécoupage des peintures ; lors d’un entretien, se pose la question “ que faire avec ce qu’il reste ? ”.
Nous allons déchiqueter des bandes pour réaliser une œuvre collective sur la mer, une pour nous et une pour les correspondants.
Cette technique servira aussi à réaliser la couverture de l’album…
En déchirant les chutes, les enfants remarquent les blancs qui apparaissent sur les bords des déchirures. Ils sont heureux car cela évoque “ l’écume des vagues ” et ajoute un élément à leur découverte de la mer par les arts plastiques…

 

Sommaire CréAtions 109 
page suivante

Dessins, déchirage et collage, écriture.

 

Ecrire des histoires de création - Fabriquer un livre-objet

Novembre 2003

 

 

CréAtions n° 109 - De l'album au livre-objet -

publié en novembre-décembre 2003 (Editions PEMF)

Ecole-Mairie, Pantin (Seine Saint-Denis) - Atelier de pratique artistique dans une classe de CE2 Enseignante: Anne Roy - Intervenantes : Elena Filadelli, Costanza Matteucci.

 

 

Ecrire des histoires de création, fabriquer un livre-objet


Cofinancé par l'Inspection académique et la Direction des Affaires culturelles, cet atelier a permis la participation de deux plasticiennes Elena Filadelli et Costanza Matteucci.
Leur intervention et mon travail d’enseignante sont considérés tout au long de l'atelier comme complémentaires et en interaction. Le parti a été pris de ne pas montrer le travail des artistes aux enfants car l'objectif n'était pas de les faire entrer dans leur démarche personnelle d'artistes.
Elles viennent dans la classe à raison d'un après-midi par semaine pendant le second trimestre mais entre ces séances, des moments de réunion pour les artistes et l'enseignante sont consacrés au bilan et à l'organisation de la séance suivante.

 

Part du maître

Je choisis d'axer le travail de création et de productions plastiques et écrites autour de mythes cosmogoniques de différents continents avec, comme objectif final, la réalisation de livres-objets. Ceux-ci seront ensuite exposés dans l'école et dans le hall de la mairie au mois de juin.
Ils seront des incitateurs de productions donnant une vision plus large de la culture : peinture, musique, littérature, architecture, communication visuelle, conception de la vie, histoire.

 

Chaque séance démarre avec la relecture d'un conte et l'écoute de musique traditionnelle du lieu d'origine du conte.
Le travail de lecture et d’analyse des mythes se déroule tout au long du premier trimestre, l’écriture débute ensuite et se poursuit pendant l’intervention des plasticiennes, le travail de création plastique nourrira le travail d’écriture.

Faire prendre conscience à l'élève de ce qu'il a réalisé

Pour la réalisation du livre-objet, la plupart des élèves se mettent à plusieurs, sauf quatre élèves qui préfèrent travailler seuls. Chaque groupe gère lui-même son projet. Il choisit une histoire parmi celles écrites ou compose une histoire intégrant des éléments des récits individuels de chacun. Certains élèves choisissent leur partenaire non pas comme jusqu'alors en fonction des amitiés, mais plutôt en fonction de l'intérêt qu'il porte au texte de celui-ci. C'est l'occasion de nouvelles rencontres, de découvrir l'autre sous un jour différent.

 

Les entretiens individuels

Au moment du choix de la forme du livre-objet, chaque groupe d'enfant discute de son projet lors d'entretiens individuels avec une artiste. Elle invite les élèves à parler de leur histoire. L'artiste amène ainsi les enfants à réaliser que le contenu et la structure de leur histoire ont une incidence sur la forme de leur livre.
Ainsi, l'histoire de Marvin et Mounir se divise en deux parties : le silence et le bruit. Ils choisissent donc de peindre deux tableaux évoquant ces deux éléments et d'y intégrer leur texte.
Sidi et Romain choisissent quatre boîtes représentant chacune les quatre éléments comme quatre lieux où l'histoire se déroule.

 

Faire prendre conscience à l'enfant de ce qu'il sait déjà.

La parole, qu'elle soit dialogue ou narration, devient nécessaire pour expliquer les liens entre les différentes parties, combler les vides de la compréhension et expliquer à l'autre sa démarche. S'interroger sur la place du texte amène à une exploration de l'écriture comme véhicule de contenu, mais amène aussi à découvrir comment la forme extérieure du texte peut ajouter du sens.

Voici le type de questions posées par les artistes pour définir la forme du livre :
- Racontez-moi ou lisez-moi votre histoire.
- Quels sont les personnages principaux ? (Dieu, Terre, feu, froid, anges...)
- Pouvez-vous en faire un dessin ?
- Où se déroule l'histoire ? (Dans l'espace, le noir, le vide, sur Terre...)
- Peux-tu dessiner cet endroit ?
- Est-ce qu'il y a des actions importantes ?
- Peux-tu découper ton histoire en plusieurs parties ?
- Si tu devais dire, en images ou avec un objet, ton histoire, que choisirais-tu ?
- Quelle est la forme de ton histoire ?
-
Dans l'histoire de Terry elle doit être verticale car les personnages « montent et descendent »,
- L'histoire d'Amir est centrée autour d'un même personnage, le dieu "Mille", centre de tout. La forme du livre sera donc circulaire.
- la longue histoire de Marie-Solène et Semra prendra la forme d’une structure narrative horizontale, etc.

Voici les questions posées pour discuter des techniques à utiliser pour la réalisation du livre :
- Avec quelle technique t'es-tu senti le plus à l'aise ?
- Quelle technique te semble la plus adaptée à ton histoire ?

- Les objets en terre pour Kamel, Laura et Farida car leur dieu fait ses créatures avec l'eau et la poussière.
- Le monotype pour l'histoire de Justine : Il s'agit toujours du même dieu, mais ses attributs changent.

 

 

 

Acquérir une culture

Tout au long de l’année, les élèves sont confrontés, par des visites au musée et par des projections d'iconographies, aux expressions artistiques d'autres cultures et invités à découvrir des techniques, des compositions de volumes et de chromatisme inhabituels.
Lors de moments préparatoires, les élèves découvrent l'utilisation de la typographie dans la vie de tous les jours, dans la rue et à travers le travail d'artistes.
En réélaborant et en réinvestissant les matériaux qu'ils ont produits pendant la phase d’exploration des techniques, les enfants s’inventent une expression personnelle par le moyen du livre-objet.


Réflexions sur les textes produits par les élèves

Les élèves ont écrit des histoires très personnelles où se mêlent des thèmes comme Science et Croyance. Certains reprennent les éléments de leur propre culture comme le croissant et l'étoile, symboles du Coran, beaucoup se sont approprié des éléments des mythes écoutés pour les réinvestir dans leur histoire : le thème de l'œuf originel a été souvent repris. Ce travail permet à certains enfants d'exprimer leurs angoisses : un texte traite de la mort. Pour d'autres, c'est l'occasion d’exister, de prendre une place dans le monde. Dans de nombreux textes, le personnage créateur porte le prénom de l'élève.

 

 
Sommaire CréAtions 109  

écriture, dessin
peinture, mise en volume

 

A la découverte des sentiments dans les albums de jeunesse

Novembre 2003

 

CréAtions n° 109 - De l'album au livre-objet -

publié en novembre-décembre 2003 (Editions PEMF)

Classe de Grande Section, Ecole maternelle Gaston Monmousseau Méry/Oise (val d’Oise). Enseignantes : Maud Léchopier- Aurélia Niess, Aude Girard.

 

A la découverte des sentiments dans les albums de jeunesse

 

Au début du projet, l’enseignante titulaire de la classe a pour objectifs de faire explorer aux enfants les albums répertoriés « Sentiments » dans la classification de la BCD de l’école pour conduire ceux-ci à s’exprimer verbalement et plastiquement sur les sentiments.

 

 

 

L’album choisi pour lancer le projet intitulé Joseph dans tous ses états de Riton Dupire Clément déclenche un « déluge verbal », Les enfants s’identifiant très facilement au personnage, vont s’exprimer librement autour des situations qui peuvent faire changer leur humeur.

Nous allons lire de nombreux albums qui seront prétextes à discussion autour du bonheur, de la tristesse, de la gaieté, de l’exclusion, du deuil, du divorce, de l’amitié, de la peur, de la jalousie... , les enfants mettant ainsi des mots sur des émotions ressenties.

Certains de ces livres plus porteurs, seront explorés davantage et exploités dans différents domaines.

 Différentes techniques seront mises à leur disposition pour représenter plastiquement les sentiments, telles que le modelage, le monotype à l’encre sans oublier le dessin au crayon sur les pages du carnet de croquis mis à leur disposition dès le début de l’année. Deux collègues professeurs des écoles en stage dans la classe enrichiront le projet par leurs propositions autour de certains livres, notamment un travail autour de la forme qui aboutira à un panneau collectif.

 

 

 

Ce projet a donc permis aux enfants d’enrichir leur champ lexical, leur patrimoine culturel, d’emprunter de manière plus soutenue les albums « Sentiments » de la BCD et surtout de parler plus librement de leurs émotions fortes tout en gardant le plaisir de lire. Leurs livres préférés sont ceux qui abordent des thèmes graves qui témoignent de leur angoisse de la séparation ou de l’exclusion.

                                                                                                                Bibliographie utilisée pour le projet 

Les Bons Amis, P. François/M. Bourre, Ed. Flammarion

Amours, Catherine Louis, Ed. Thierry Magnier

Ça dépend si je suis gai ..., Agathe Hennig, Ed. Hatier

Un bébé ? Quelle drôle d’idée, F. Joly et Roser Capdevila , Ed. Hachette

Une trottinette pour trois, Hildegard Müller, Ed. Casterman

Trognon et Pépin, Bénédicte Guettier, Ed. l’école des loisirs

Mozart et moi, Véronique Borg et Catherine Louis, Ed. Seuil

Maman était petite avant d’être grande, Valérie Larrondo et Claudine Desmarteau, Ed. Thierry Magnier

Quel malheur !, Ed. Casterman

Mon ami crocodile, Fred Bernard, Ed. Albin Michel jeunesse

Tiens c’est pour toi, Antonin Louchard – Ed. Milan

Lili, Agnès Lacor et Gwen Le Gac, Ed. Thierry Magnier

Devine combien je t’aime, Sam Mac Bratney et Anita Jeram – Ed. L’Ecole des Loisirs

Pat, A. Louchard, Ed. Albin Michel Jeunesse

Timide le loup, Geneviève Noël et Hervé Le Goff, Ed. L’Ecole des Loisirs

Mes deux maisons, Claude Masurel et kady Mac Donald Denton, Ed. Bayard Jeunesse

Roméo et Juliette, Mario Ramos, Ed. L’Ecole des Loisirs

C’est un papa, Rascal et Louis Joos, L’Ecole des Loisirs

Le diable des Rochers, Grégoire Solotareff, Ed. L’Ecole des Loisirs

Grosse colère, Mireille d’Allancé, Ed. L’Ecole des Loisirs

Au revoir Blaireau, Susan Varley, Ed. Gallimard Jeunesse

J’ai perdu mon sourire, Thierry Robberecht et Philippe Goossens, Ed. De La Martinière jeunesse

Joseph dans tous ses états – Riton Dupire-Clément, Ed. Thierry Magnier

Prince Charlie un peu… beaucoup… à la folie, Angelika Glitz et Annette Swoboda, Ed.Milan                        



                     

                      sommaire
                          CréAtions 109


Croquis, modelage, monotypes, réalisation d’un album.

 

Bibliographie

Novembre 2003

 

 

CréAtions n° 109 - De l'album au livre-objet -

publié en novembre-décembre 2003 (Editions PEMF)

Bibliographie

 

 Bibliographie


- Esthétique du livre d'artiste : 1960/1980, Anne Moeglin-Delcroix, Ed. Jean Michel Place/ BNF1997
Seul ouvrage à faire le point sur les nouvelles formes du livre, de façon très riche et documentée.

- Les livres de Gaudelu, Jochen Gerz, 1976.
Comment convertir le regard extérieur en regard intérieur

- Ecrits timides sur le visible, Gilbert Lascault, Ed. Armand Colin1992.

- Journal du mouvement Dada, Marc Dachy, Ed Skira 1989
Donne beaucoup d'exemples de "détournements" du livre comme ceux de El Lissitzky, de Schwitters, de Arp.

- Les Epiphanies, Henri Pichette, Ed. Poésie Gallimard

- Poésure et Peintrie "d'un art, l'autre", Ed. Musées de Marseille, Musées Nationaux
Les effets du "coup de dés" de Stéphane Mallarmé et de quelques autres sur le texte et sa représentation (voir par exemple les œuvres de Marcel Broodthaers, de Daniel Spoerri, Christian Boltanski, Robert Filliou).

- Du Calligramme, Jérôme Peignot, Dossiers graphiques du Chêne

- La Bibliothèque imaginaire de Rabelais, Ed éton'Art, Paris, etonart[arobase]free.fr
Cinquante livres-objets, réalisés d'après les titres inventés par Rabelais (Pantagruel : la librairie de Saint-Victor) par des artistes italiens, finlandais, français.

- François Dodat, Le premier soir, Les éditions du Panthéon 1994.

- La barbarie, Michel Henry, éd.Grasset.

- La belle aventure des peintres de Nizon, Yves Quentel, Ed. Coop Breizh (Maison de la presse à pont-Aven).


Albums

    Coucou, Jeanne Ashbé, Ed. L’Ecole des Loisirs
    Là, c’est moi…, Jeanne Ashbé, Ed. Albin Michel Jeunesse
    Papa dort, Papa se rase, Alain Le Saux, Ed. L’Ecole des Loisirs
    Beaucoup de beaux bébés, David Ellwand, Ed. L’Ecole des Loisirs
    Mandarine, la petite souris grise, Noëlle et David A.Carter, Ed. Albin Michel Jeunesse
    Doudou, Ruth Brown, Ed. Gallimard
    Le doudou de Tiloulou, Elisabeth Brami, Ed. Thierry Magnier


CD audios
Les coquelicots, Ouie Dire Les Barrots 81150 Castanet.



sommaire CréAtions 109