Lire et écrire... au Tchad

Octobre 1996
La zone sahélienne, c'est plat. Quelques arbres, beaucoup de traces des abattages pour faire du bois. Et les silhouettes des femmes portant sur la tête l'indispensable à la vie ; d'où viennent-elles, où vont-elles ? Au milieu de la poussière la Lada évite les trous et essaie de suivre la piste. A dix heures il fait chaud, dèjà chaud. Nous arrivons à Gahoui, le village des potiers ou plutôt des potières du Tchad.
L'instituteur est là pour nous faire visiter la bibliothèque publique du village, l'école, le collège et le musée qui abrite les "restes" des fouilles archéologiques effectuées par Françoise Claustre.
Le responsable est fier : son fichier d'emprunteurs est bien garni et ses nouvelles tables pour la lecture viennent d'arriver. Sur les rayon­nages, les ouvrages français - sou­vent fatigués - sont classés en De­wey. La littérature jeunesse est pré­sente, mais aucun album. Et puis, au mur, face à l'entrée, l'affiche du "Temps des Livres" 1995. Une soirée "contes" et une exposition sont orga­nisées. Dans la cour de l'école, une jante de voiture sert de cloche. Dans les trois classes, les quelques tables doubles, envoyées par la France, ont beaucoup servi ; un ta­bleau posé verticalement contre le mur propose le dernier exercice : "désigner les groupes nominaux et les attributs du sujet"...
Sous l'arbre à palabres, les anciens sont réunis. Les femmes sont très fières de nous montrer les fresques qu'elles réalisent sur les murs de leurs cases, et leurs poteries. Cer­taines continuent de piler le mil ; le dernier né dort, attaché solide­ment dans le dos de maman...
L'instituteur nous montre son groupe électrogène pour faire fonctionner son magnétoscope et sa télé...
La nuit est tombée sur Ndjaména. Dans la cour de la concession, Ali apprend à lire et à écrire à ses petits frères et soeurs. Assis par terre au­tour de la petite lampe à pétrole, les petits répètent la sourate. Ali a une douzaine d'années et est très fier de sa toque, insigne de sa fonc­tion. Il sait lire les sourates, il sait les écrire et les faire ap­prendre.
Avec le roseau taillé, on écrit sur des planchettes de bois munies de deux pieds pour les poser sur le sol et d'une poignée en forme de Lune ; l'encrier est une calebasse ficelée sur une cage de cardan de voiture qui sert de pied ; l'encre est un mélange de gomme arabique, de poussière de charbon de bois et d'eau.
Ali apprend à écrire et à lire comme il a appris. Pour écrire, Ali ne tient pas sa planchette verticale­ment, il ne se sert pas des pieds et de la poignée. Il la fait pivoter de 90° vers la gauche. Puis il montre à écrire l'arabe, de haut en bas. Pour lire, Ali redresse sa planchette de 90° vers la droite et lit son écri­ture de droite à gauche. Les petits s'appliquent à écrire de haut en bas puis à lire de droite à gauche. les fatigués sont vite réveillés par le coup de baguette du grand frère "marabout". Demain ils retrouveront la rue, les marchés, les militaires et leurs "kalach".
Dans la salle de classe de l'école française la climatisation autorise 30 degrés. A la fin de l'animation les élèves du CE1 auront découvert une vingtaine d'albums que nous avons apportés. Tout à l'heure nous lirons "l'oeil du loup" aux CM2 et "Mina, je t'aime" aux CM1.
Ce soir, il n'y a pas de tirs d'armes automatiques ; les derniers hippopo­tames s'ébrouent sur les berges du Chari.