CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars/avril 2005
|
« Chacun cherche son chat » (1)
Déjà la pratique chamanique, le totémisme tentaient de situer le rapport entre l’homme et l’animal comme désir de s’identifier à lui, à sa force, à sa ruse, d’obtenir sa protection. A cette époque là, sur la paroi des grottes, l’animal est bien plus représenté que l’homme. Le terme de bestiaire désignant le gladiateur qui combattait les animaux dans l’arène à l’époque romaine s’inscrira cependant comme rapport violent entre l’homme et l’animal. Bestiaire a désigné plus tard un recueil dans lequel on rapportait tout le savoir sur l’animal qu’il soit réel ou légendaire. Ainsi dans différents domaines artistiques, littéraire, musical, pictural, le bestiaire a toujours été une source fabuleuse de production symbolique, mythique, qui permet à l’être humain d’exprimer ses fantasmes, ses craintes, ses désirs et de laisser libre cours à une expression où il s’agit souvent de confronter l’humanité à l’animalité. La mythologie n’est-elle pas une grande source de translations, d’analogies entre le genre humain et animal ? Qu’ils soient réels ou imaginaires comme les griffons, chimères, ogres, sirènes, centaures… les animaux sont des référents familiers aux auteurs tels que La Fontaine, Saint-Saëns, Picasso, Pompon, Barye, Daumier, Flanagan, Walt Disney.. Ce faisant, ceux-ci interrogent les tabous de la société, car ils n’ont pas peur du diable. Les enfants sont très liés affectivement aux animaux et ils les représentent volontiers. Le personnage favori dans les textes d’enfants est un animal, l’ami, le confident, un double de lui-même. Il permet l’expression d’émotions que le récit médiatise et met à distance comme le chien Maigre dans le récit L’amour remède de tous les mots. Dans l’image, le moindre indice leur permet de reconnaître ou de signifier un animal parmi les lignes ou les taches aléatoires comme dans « Le petit théâtre de poche ». Les animaux qui leur en imposent tels le lion, animal mythique, prennent une grande place ainsi que les animaux fantastiques auxquels les enfants donnent un peu de leur identité, de leur comportement. Il en est ainsi dans Mayollet Park, une fiction qui se réfère tant à une culture cinématographique animalière, qu’à des appuis scientifiques, cabinets de curiosité, sans jamais créer des animaux objets que l’on mutile ou que l’on casse comme de vulgaires jouets. L’élément déclencheur peut être une réalité comme la mare de « traces en image, traces en relief », une œuvre tel « le chat de Louise », un poème dans « les lions », une histoire, celle d’« histoire mise en boite », un rapport identificateur fort comme dans « une carapace comme maison », un imaginaire païen chez Nathalie Charmot, l’identité même dans « portraits transformés » qui tiennent de la recherche de son image, mi ange, mi démon, belle ou bête. On peut regretter les obstacles manifestés contre la présence d’animaux dans les classes (sanitaires, sécuritaires), car un animal à soi, à la maison, ou confié aux soins des enfants dans la classe, est accès au monde extérieur, présence apaisante, recours toujours efficace contre les tensions et les angoisses et apprentissage irremplaçable du rapport à l’autre.
|
|||
|
CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars/avril 2005
|
Histoire mise en boîtes
|
|||
histoire, écriture, volume, collage |
CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars-avril 2005 Ecole du Mayollet à Roanne (Loire) - Classe de CP-CE - Enseignant : Christian Bizieau
|
« Mayollet Park »
Sculptures et identités pour des animaux « bizarres »
|
|||
béton cellulaire, sculpture, bas-relief, Jean Fontaine |
CréAtions n° 116 "Bestiaire" Un outil proposé par Nicole Bizieau, conseillère pédagogique en Arts Plastiques |
Prolongement La réalisation issue de ces recherches peut devenir modèle pour une production plastique de deuxième génération, ou simple source, en sélectionnant une zone qui plaît plus particulièrement (avec une fenêtre). La production obtenue n’aura pas moins pour origine le même sujet que l’image initiale, source de représentation et pourra en porter le même titre.
|
CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars-avril 2005 Ecole maternelle de Ouches (Loire) - classes de PS, C.P-CE1 - Enseignantes: Annie Dalmais, Edith Paulet - Intervenants : Arlette et Marc Simon, céramistes |
Traces en images, traces en relief
Traces dans le sable mouillé avec un bâton :
|
|||
peinture, empreintes, céramiques, terre, bas-relief |
CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars-avril 2005 Ecole maternelle l’Arrousaire, Classes de GS - Avignon (Vaucluse) - Enseignante Sylvie Neuvière |
Portraits transformés
Un prolongement à d’autres investissements
|
||
Portrait |
CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars-avril 2005 Classe de cycle 1, Ecole Maternelle, Saint-Maurice-en-Trièves (Isère) |
Qui n’a jamais rêvé de se réfugier dans la carapace d’une tortue?
Nous avons reproduit ses écailles, et aussitôt, les enfants se sont laissé inspirer et ont commencé à inventer des carapaces aux graphismes et aux couleurs variés. Plusieurs ateliers d’exploration ont vu le jour :
- transposition de leur idée ou de celle d’un autre à la craie et à l’encre de couleur. -mise en couleurs d'images photocopiées à partir des albums disponibles.
J’ai proposé alors aux enfants d’imaginer sur une photocopie du squelette en coupe ce qu’ils feraient s’ils habitaient une carapace de tortue.
En observant rapidement les représentations graphiques de cet espace rêvé et imaginaire, on retrouve les dimensions symboliques de la maison comme lieu protecteur, sein nourricier, refuge ludique et " réservoir des songes". Ses maisons symboliques, dont les parois, curieusement, ne se confondent pas toujours avec celles de la carapace, ont une cheminée qui fume, des rideaux, un garage, un coin-jeux, des antennes de télévision, un lit pour dormir et rêver, etc. Et dans les coins sombres, la rencontre du monstre demeure possible.
|
|||||||||||||||||||||||||
maison, tortue, graphisme, craie, encre, photocopie |
CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars-avril 2005 École maternelle de Carcans (Gironde)- Classe de GS - Enseignante : Isabelle Stroh |
|
||||||||||
lion, dessin |
CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars-avril 2005 Carte blanche à la classe de CE1, Ecole publique primaire Rameau, Villeneuve d’Ascq (Nord) – Enseignante, Madame Duval – Intervenante, Nathalie Vanlaer de l’association «le trait libre» |
Voici notre peinture murale finale de 2 mètres sur 1m20.
|
||||||||||||
jardin, peinture |
CréAtions n° 116 - Bestiaire publié en mars/avril 2005 École élémentaire Les Charruauds, Libourne (Gironde)- Classe de CP/CE – Enseignante: Catherine Foucher-Bachelart |
|
||||||||||||
chat, dessin
|
CréAtions n° 116 - Bestiaire publié en mars/avril 2005, Editions PEMF Claire Cour, artiste |
|
|||
artiste
|
CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars/avril 2005 Spectacle Ogres de la Compagnie « Le Dérailleur Machinerie Théâtrale ». Metteur en scène Mourad Haraigue |
L’œuvre au travail de Nathalie Charmot
Détail du carton d’invitation - Affiches et cartes
|
|||||||||||||||||||||
Nathalie Charmot |
Carnet n°4
Rencontre avec une artiste
Evoquer la culture à l'école n'est pas sans convoquer des sentiments aigres doux. En effet, notre tâche d'éducateur consiste à léguer aux enfants un héritage culturel important, mais aussi, et c'est plus délicat, à les inciter à prendre les chemins complexes de la création. Coincés entre tradition et modernité, la facilité nous incite le plus souvent aux retours en arrière et malheureusement, la culture scolaire ne pénètre que frileusement l’activité contemporaine… Et pourtant ! Faire entrer un artiste dans la classe, c'est faire du lien, c'est renouer avec l’échange, la pratique individuelle.
C'est ainsi qu'un matin d'octobre, Pascale a poussé la porte de notre classe… avec le pied… tant ses bras étaient chargés de cartons. Marchande de couleurs, marchande de culture, marchande d'émotions, elle est entrée dans la classe : dialogues, confrontations avec des vraies œuvres, mises en situation… les liens se sont vite noués… et nous attendons maintenant chacune de ses interventions mensuelles avec beaucoup d'impatience et de bonheur.
Organiser l'espace
Première rencontre
La première fois, Pascale est venue avec une de ses œuvres, et chaque enfant a pu en avoir une reproduction en format carte postale. Collectivement et oralement, tous les enfants ont été invités à trouver des noms communs, puis des adjectifs, et enfin des verbes qui pouvaient évoquer ou qualifier l'œuvre. La classe s'est ensuite retrouvée avec un corpus de mots dans lequel chaque enfant a pu puiser pour construire son texte en regard de l'œuvre de l'artiste.
Un carnet en construction
Au fil des semaines de l’année 2004-2005 va ainsi se construire petit à petit un carnet de re-création.
« Il est nécessaire - et c’est dans cette direction que se fera peu à peu notre développement - que rien d’étranger ne nous advienne, rien d’autre que ce qui nous appartient depuis longtemps » nous dit Rainer Maria Rilke dans Lettres à un jeune poète.
Nous avions déjà un carnet « numérique »
A chaque début d'année, nous nous photographions tous pour construire notre trombinoscope. Ce trombinoscope sert de base à notre site de classe. En effet, en cliquant sur la photo de chaque enfant, nous accédons à tous ses travaux : textes libres, dessins scannés, exposés, reportages photo… L'autre consigne de début d'année consiste à rédiger son autoportrait afin que les visiteurs puissent être renseignés sur chaque enfant. Et puis il avait aussi fallu penser à la couverture des carnets de chaque enfant. Et pourquoi pas y mettre son portrait ?
Lors d'une venue de Pascale, nous avons imprimé le trombinoscope afin que chaque enfant ait sa propre photo d'identité et, par petits groupes, nous avons été agrandir les photos sur le photocopieur. Discussions sur l'homothétie, remarques pertinentes sur la perte de définition et la granulation. Pascale proposera ensuite de passer à l'encre ces différents agrandissements. Encres aux tons pastels ou acidulées, les enfants essaient, ratent, recommencent, demandent des agrandissements plus importants… Au bout de quelques jours, ils sont en possession de cinq ou six portraits en couleur. Lequel choisir ? Et pourquoi pas un peu de chaque ! Ce sont alors les ciseaux qui parlent et qui invitent à une réflexion sur la composition. On parle alors de couleurs complémentaires, de toniques.
Il s’agit aussi d’apprendre à ne rien négliger et notamment la gestion des espaces laissés blanc : on décide d'apporter une autre matière que l'encre : craies grasses, gouache, collages viennent se superposer. Au final, une magnifique galerie de portraits. Andy Warhol est passé par là !
Début de l'article Sommaire 116 Suite de l'article
carnet de bord, enluminure, écriture, photographie, collage, peinture |
CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars/avril 2005
|
Le Bestiaire d’Écrivol
Un lâcher de ballons-poèmes
Créations a choisi pour un bestiaire quelques poèmes dans les recueils issus de ces lâchers de 2003 et 2004 et dans l’anthologie « Gouttes de mots ».
|
||||||||
ballons, poésie, animaux, écriture |
CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars/avril 2005 Collège André Duchène, l’Ile-Bouchard (Indre et Loire) - Enseignant, Hervé Nunez |
L’idée de « centre »
Cerner la notion de centre
Le projet est parti d’une proposition individuelle d’un élève qui voulait simplement réaliser une carte topographique sur laquelle la région Centre aurait été désignée par une flèche… Ma part de « maître » consiste souvent à donner plus d’envergure aux propositions, car les élèves restent contingentés par le tableau de chevalet et par les techniques traditionnelles qui limitent leur vision de l’art. Pour ce faire, les courants artistiques contemporains sont précieux. Dans ce projet, j’ai montré Spiral Getty de Robert Smithson ainsi que les travaux de Christo dans la nature (land art). - La matérialisation du point par un disque de ballons ne s’est pas présentée spontanément. Elle est le résultat d’un tâtonnement régi par des contraintes de réalisation: je me souviens notamment que nous avions pensé « entourer » l’Ile avec des barques recouvertes de draps de couleur, car la barque est un matériau familier de la rivière Vienne et « qu’entourer » est aussi un moyen de désigner. Mais cette idée a été abandonnée parce que nous n’étions pas sûrs d’avoir le nombre de barques et les marins capables de négocier les courants de la rivière.
Matérialisme pédagogique
Heureusement, j’avais négocié avec un journaliste de la « Nouvelle République » qu’une des photos soit visible dans le journal du lendemain. Quelle a donc été la surprise de tous lorsque le journal est arrivé et que l’on a vu une photographie aérienne de l’Ile-Bouchard, en couleur, en dernière page ! |
||||||
centre, photographie, performance |
CréAtions n° 116 - Bestiaire - mars/avril 2005
|
Bibliographie
- Du coq à l’âne, Les animaux racontent l’art, C. d’Harcourt. Éd. du Seuil/Le Funambule.
|
|||
|