Le Nouvel Educateur n° 92

Octobre 1997

"Main à la pâte"... et tâtonnement expérimental

Octobre 1997

Cette opération «Main à la pâte», initiée par le célèbre physicien Charpak, et destinée à favoriser l’expérimentation des élèves en sciences semble, actuellement, faire grand bruit. Preuve en sont les multiples articles parus dans la presse d’école ou dans la presse non-spécialisée. Nous ne pouvons qu’être satisfaits de constater que la démarche expérimentale est enfin à l’ordre du jour.

 
Tout le monde s’accorde à dire que cette opération peut s’avérer... et s’avère déjà d’ailleurs, enrichissante et efficace pour les élèves.
 
Mais pourquoi découvre-t-on, tout à coup, l’intérêt, la valeur de la démarche expérimentale et tâtonnée ?
 
Il ne semble pas pourtant que cette idée soit nouvelle. De nombreux pédagogues de la fin du siècle dernier et du début du siècle ont déjà longuement traité ces idées (idées reprises d’ailleurs par les pédagogues contemporains) :
- centration sur l’activité de l’enfant, sur l’apprenant
- apprentissage basé sur l’intérêt de l’enfant
- l’expérience tâtonnée permettant la construction de la connaissance
- l’importance des stratégies cognitives, de l’engagement, du projet de l’enfant et du sens de la tâche
- l’activité propre de l’apprenant au coeur du processus de connaissance
- mise en place des stratégies métacognitives de l’enfant.
 
Je souligne particulièrement, à travers ces célèbres pédagogues, Célestin Freinet. On ne peut, en effet parler de cette opération «Main à la pâte» en passant sous silence l’expérience tâtonnée de Freinet.
Ce terme - expérience tâtonnée - renvoie bien à l’attitude scientifique qui inclut: observation - classification - hypothèse et vérification dans un contexte social.
Ces tâtonnements, ces expériences formeront alors des crochets solides à l’apprentissage. La perméabilité à l’expérience permettra de tirer des analyses et des conclusions qui orienteront les tâtonnements ultérieurs. Nous sommes bien alors dans un cheminement vers une loi trouvée et non sur celui de la loi donnée. «Seule l’expérience est souveraine» comme disait Freinet.
 
Les principes du tâtonnement expérimental nous rappellent donc étrangement les axes prioritaires de cette opération «Main à la pâte».
 
Mais pourquoi cette démarche ne peut s’avérer intéressante qu’au niveau des sciences ?
Pourquoi l’élève ne pourrait-il pas aborder tout apprentissage en suivant cette démarche, en expérimentant, en tâtonnant, en agissant par essais et erreurs, en cherchant, en découvrant ?...
Et si «la main à la pâte» existait pour tous les types d’activités de nos classes, ne pourrait-on pas alors aboutir aux mêmes conclusions que Charpak et d’autres ?
 
Les enseignants qui ont depuis longtemps choisi cette voie, où l’enfant est véritablement au centre de ses apprentissages, constatent quotidiennement les valeurs profondes de cette démarche.
François Le Menaheze
école publique ouverte A Guépin
Nantes
 
L’opération «La main à la pâte».
En septembre 1996, 5 départements pilotes (Yvelines, Rhône, Loire et Cher, Loire Atlantique et Meurthe et Moselle) ont constitués un secteur expérimental de 350 enseignants et 8000 élèves.
Leur travail était de :
- rédiger des «fiches d’expériences» traduisant en manipulations simples pour les élèves les différents parties du programme.
- établir la liste d’un matériel simple, utilisable par tous les élèves et facilitant les manipulations proposées par les fiches d’expériences.
- concevoir l’utilisation d’un «cahier d’expériences» qui accompagnerait chaque élève de la grande section de l’école maternelle jusqu’à son entrée au collège, cahier où il noterait avec soin, et avec ses mots à lui, ses observations, ses interrogations, ce qu’il envisage d’expérimenter ultérieurement, etc...
L’extension du projet est prévue pour ce début de rentrée.
 Développement de l’enseignement des sciences à l’école primaire - BO n°31 du 5 septembre 96 - Circulaire N° 96-200 - .
 
Prix «La main à la pâte» de l’Académie des Sciences.
Ces prix sont créés afin de saluer et de stimuler l’expérience «La main à la pâte» destinée à developper l’enseignement des sciences de la nature dans les écoles primaires.

 

Des "machines" pour transmettre le mouvement

Octobre 1997

Michel Maubert a invité ses élèves de CM1-CM2 à participer à une Expo-sciences (1), il introduit l’évènement dans sa classe:

"... il faut que l'on invente des "machines" qui bougent, qui montrent le mouvement, qui s'entraînent...", la course aux mots et aux idées était lancée, véritable brainstorming spontané :
"ça bouge", "ça tourne", "ça se déplace", "ça entraîne", "comme des engrenages ?"...
Les idées, nous le verrons dans la première partie de ce dossier, émergeront d'abord sous l'aspect graphique : des dessins pour représenter ses conceptions premières.
Ainsi, en introduisant ce thème dans sa classe où est intallé en permanence un "atelier de bricolage" avec des matériaux, de vrais outils (marteaux, tenailles, tournevis, scies... machines : scie sauteuse, perçeuse...) et fiches - guides (le fichier FTC produit par PEMF), Michel Maubert a-t-il permis aux enfants de cours moyen (C.M.1 et C.M.2) d'exercer ces fonctions humaines importantes qui sont :
imaginer - construire - chercher - inventer - créer ... et simultanément apprendre.

 

 

 
Sommaire
1. Un inventaire des productions :
                1.1 Place à l'imagination ou l'émergence des conceptions
                1.2 Des machines réalisées et présentées à l'exposition
                 1.3 Quelques réflexions sur l'organisation et le fonctionnement de cet atelier
 2. "Gros plan" sur l'ascenseur à eau
                2.1 Les diverses phases de la réalisation ou la transformation des conceptions
                2.2 Le processus du tâtonnement expérimental
                2.3 Une conceptualisation plus naturelle
3. A travers et au -delà du "bricolage"... quels apprentissages ?
                3.1 Y a-t-il nécessité d'une exploitation didactique systématique ?
                3.2 Mais alors, qu'apprennent - ils ?
4. Et pour conclure...
 
 

1.Un inventaire des productions

 
 
1.1 Place à l'imagination ou l'émergence des conceptions
 
Comme cela vient d'être évoqué, l'introduction de l'évènement a donné lieu à une première séance durant laquelle chaque enfant a pu donner libre cours à son imagination en dessinant des "machines qui transmettent le mouvement". Précisons que ce sont essentiellement les enfants du C.M.1 (10 ans) qui ont travaillé sur ce thème.
 
Les nombreux dessins produits spontanément - tous ne sont pas présentés ici - nous révèlent leurs "conceptions initiales" ou "représentations mentales" qui s'expriment à partir de leurs savoirs privés et de leur faculté à inventer : c'est-à-dire associer, transformer des idées.
 
Durant cette séance, naturellement, les enfants parlent en dessinant et jettent un regard sur ce que font les voisins, ce qui inspire parfois certains qui n'ont pas d'idée, d'où l'imitation de celles des autres apparente dans l'exemple des muscles (dessins 2, 4, 8) ou encore celui de la machine à laver (dessins 3, 4). Cependant, d'autres productions présentent une originalité marquante ou correspondent bien à une personnalisation.
 
1) Le mouvement perpétuel : dessin d’Alix C.
Ce système permet de créer un mouvement de va et vient, un mouvement alternatif. Un poids accroché se détache, tombe sur la balance qui projette l'autre poids qui s'accroche puis se décroche, tombe sur la balance qui renvoie le premier poids, etc...
Ce dessin n'a pas été exploité parce que nous n'avons pas réussi à résoudre le problème d'accrochage et de décrochage des poids.
 
2) Les muscles commandés par le cerveau: Arthur B.
Le cerveau par l'intermédiaire des nerfs commande les muscles des bras pour étirer l'élastique.
 
3) Les dessins d’Anna.
Anna produit beaucoup de dessins (elle aime dessiner)
1.Un essai de courroie qui entraîne deux roues : (1). Le maître est intervenu pour faire préciser le dessin de la courroie (2), nouveau dessin d'Anna (3)
2.La machine à laver : le premier dessin montre par le hublot le linge qui tourne entraîné par le tambour ; dans le deuxième elle a utilisé le système de courroie pour montrer l'entraînement du tambour.
3.Le métronome (Anna suit des cours dans une école de musique).
4.La balance
5.Le tractopelle
6. Le sablier
 
4) Les dessins de Camille L.
Camille a imité les dessins de ses camarades ; on retrouve la machine à laver, les deux poulies avec la courroie, la balance, les muscles. Elle a proposé le yoyo.
 
5) Le plan incliné avec la bille qui roule de Jérémy H.
La bille roule sur le plan incliné. Jérémy n'a pas trouvé de système pour faire basculer le plan incliné d'un côté et de l'autre.
 
6) Les roues de la locomotive à vapeur (Benjamin M)
Dans le premier dessin, Benjamin n'a pas réussi à représenter le système bielle/manivelle. Le maître intervient et Benjamin refait un autre dessin.
 
7) La machine de Aymeric M.
Le papa d'Aymeric est mécanicien sur engin de terrassement.
Le dessin représente un engin qui creuse et qui est actionné à l'aide d'un pédalier comme la bicyclette.
 
8) Les dessins de Clémence L.
Le thermomètre
Le réveil avec un mécanisme à ressorts
La voiture avec son moteur à explosion
Les muscles des bras
 
9) Les dessins de Florence L.
Cette machine permet de faire circuler des objets dans un récipient rempli d'eau. Un ventilateur crée le courant d'eau qui sort par le haut et revient par le bas.
 
10) Bateau à hélice d’Etienne C
Le dessin n'est pas précis, il n'évoque pas de machine. Cependant une idée fondamentale est née: la roue munie de pointes sur le cercle. Cette idée fera son chemin et on va retrouver cette roue dans beaucoup d'autres machines.
 
1.2. Des machines réalisées et présentées à l'Expo - Sciences
 
On peut distinguer trois modalités dans la réalisation de ces "machines qui transmettent le mouvement" :
- les constructions totalement libres, sans intervention adulte,     
- les constructions guidées par une fiche - guide choisie par les enfants dans un fichier,
- les constructions libres qui ont nécessité des interventions directes, souvent orales, du maître.
Mais donnons la parole aux enfants qui ont commenté eux-mêmes, oralement, dès leur présentation aux autres en classe et par écrit pour le stand de l'expo-sciences, leurs réalisations :
objectifs - observations - difficultés - perspectives ...
 
Constructions libres
 
Le ventilateur (photo 1)
Machine construite librement avec une boîte technique comprenant des plaques supports , des roues dentées, des axes, des roues pour courroies.
"La vitesse du ventilateur est rapide parce que l'axe de la manivelle porte une grande roue qui entraîne une petite (1 tour pour 3). Cette petite roue est sur le même axe qu'une grande qui entraîne une petite par le système d'une courroie (1 tour pour 3). Finalement quand la manivelle fait 1 tour le ventilateur en fait 9". (Vincent A. et Camille L.)
 
Le manège (dessin 11)
Il a été construit en atelier Animation CM / Maternelle (2) uniquement avec du matériel de récupération. Un disque en carton (le manège) est collé sur une petite boîte ronde qui est reliée à la manivelle (une autre boîte ronde plus grande) par une courroie (un ruban de tissu).
Les deux axes sont fixés par une planche support.
 
Le bateau à aubes (photo 2)
"Il fonctionne avec un élastique et fait tourner une planche. Pour que le bateau avance il faut faire tourner la planche autour de l'élastique qui se torsade, puis lâcher la planche qui tourne. Quand le bateau est hors de l'eau, la planche tourne trés vite, quand il est dans l'eau elle tourne moins vite." (Laetitia M. et Mélanie F.)
 
La grue électro magnétique (photo 3)
"Dans la classe nous avions déjà fabriqué des électro-aimants.
Quand on branche la pile l'électro-aimant attire les clous qui sont dans la boîte . On peut les déplacer avec le bras de la grue et en débranchant la pile ils tombent dans une autre boîte."
(Vincent P. et Jérémy H.)
 
Le ventilateur - Manège - Moulin (photo 4 - en une de couverture)
"Cette machine a pour origine la fabrication d'une roue de moulin que l'on devait faire tourner avec un courant d'eau. Mais comment installer le système pour l'exposition ? Il fallait un tuyau, une arrivée d'eau et un écoulement !"
Les enfants ont donc imaginé un système pour faire tourner cette roue en utilisant une autre roue munie d'une poignée. "Ces roues s'entraînent à l'aide de pointes fixées sur la circonférence".
Puis ils ont installé une troisième roue. La fabrication s'est faite par tâtonnement, sans plan.
Il a fallu faire de nombreux essais pour fixer les plans supports et aussi trouver le bon emplacement des axes. "Pour fixer les roues au moulin et entre elles, il faut faire des essais pour trouver le bon emplacement des axes. Les roues doivent s'entraîner sans bloquer ni forcer."                      
 (Boris G, Aymeric M, Etienne C.)
 

Constructions libres avec "la part du maître"

 
L'ascenseur à eau  (voir "Gros plan" dans partie suivante)
La centrale électrique (photo 5)
Une classe correspondante nous a fait parvenir un système pour produire de l'électricité et allumer une ampoule : une dynamo de bicyclette fixée sur une roue à aube. Une petite ampoule électrique est branchée sur la dynamo. Il faut tenir la roue à aube sous le robinet d'eau ouvert pour la faire tourner. Nous n'avons pas réussi à produire de l'électricité. La roue à aube était mal fixée sur la molette de la dynamo. Les enfants comprennent très vite que la dynamo ne tourne pas assez vite.
Je leur ai demandé d'imaginer une machine qui ferait tourner la dynamo suffisamment vite pour produire de l'électricité. Ils ont pensé immédiatement à la roue de la bicyclette mais je leur ai demandé aussi de construire une machine sans les éléments de la bicyclette. J'ai apporté les moyens techniques pour réaliser cette machine. (matériaux divers, colle, vis, outils).
La fabrication a duré une quinzaine de jours avec chaque jour une discussion entre les enfants de la classe entière. Certaines idées émises ont été parfois expérimentées par les concepteurs de la machine, d'autres abandonnées ou simplement conservées. (photo 5.2)
 
L'avion (photo 6)
Utilisation d'un moteur électrique et d'éléments de la boîte technique (supports, axes, roues)
Les ailes sont en carton, l'hélice aussi mais l'avion n'avançait pas. J'ai donc invité les enfants à chercher des renseignements sur l'hélice (sa forme, son fonctionnement) et je les ai aidés à en fabriquer une en tôle.
Observation : Le hasard du branchement du moteur à la pile a fait que l'on a constaté que l'hélice tournait soit dans un sens, soit dans le sens inverse et que l'avion avançait ou reculait.
 
Constructions avec des fiches – guides
 
Certains enfants n'ayant pas d'idées pour construire une machine ont cherché dans le fichier de Travaux Manuels, des engins ou des dispositifs créant le mouvement. Ils ont découvert entre autres :
 
Le Thaumatrope (photo 7 )
 "En suivant une fiche explicative, nous avons construit cet appareil avec une planche de 20 x 40 cm sur laquelle nous avons fixé une potence. Puis sur un disque en carton nous avons dessiné un oiseau sur une face et une cage sur l'autre. Il faut prendre garde à ce que l'oiseau puisse tenir dans la cage!
Nous avons fixé ce disque à la potence et la planche à l'aide d'élastiques. Il suffira de tourner le disque pour torsader l'élastique puis de lâcher et voir apparaître l'oiseau dans la cage sur le disque qui tourne vite." (Jeanne C. et Lisa D.)
 
Le piston (photo 8)
"La came qui a la forme d'un oeuf crée un mouvement de va et vient et actionne le piston dans le cylindre. Pour le fabriquer nous avons pris de la ficelle, du bois, des vis , un cylindre en carton, une grande plaque de bois pour le support." (Arthur B., Erik B., Vincent A.)
 
Le dessin animé (photos 9)
"J'ai voulu montrer le mouvement de la danseuse en me servant d'une grande bande de papier pliée en deux. J'ai reproduit le dessin de la danseuse avec la photocopieuse et j'ai modifié sur l'un l'attitude de la danseuse. Quand on déroule et enroule le premier dessin on a l'image animée de la danseuse." (Marlène R)
 
1.3. Quelques réflexions sur l'organisation et le fonctionnement de cet atelier
 
Ces différents travaux ont amené les enfants à essayer de concrétiser des systèmes imaginés par dessins. Certains étaient réalisables, d'autres trop compliqués ou irréalisables.
Réaliser des montages nécessite la mise à la disposition des enfants, de nombreux matériaux divers mais aussi la recherche de matériaux en fonction des besoins (nous avons commandé une pièce métallique à un papa ferronnier. Il a fallu la dessiner, prendre des mesures et expliquer ce que nous voulions). Les enfants doivent avoir aussi, à leur disposition, de vrais outils pour scier, percer, coller visser , clouer...
Certains enfants ont plus d'aptitudes pour dessiner et d'autres pour construire. Il y a eu de nombreux échanges, des aides en fonction de ces aptitudes.(photo 10)
Nos appareils fonctionnent, ce qui est essentiel, ils permettent aussi d'effectuer des mesures en faisant varier certains paramètres : pour l'ascenseur, la hauteur de la bouteille, la longueur des bras de levier... par exemple, mais le temps a manqué pour en prolonger l'exploitation qui peut être reportée à la rentrée si l'intérêt renaît au C.M.2.
 
2. "Gros plan" sur l'ascenseur à eau
 
2.1. Les diverses phases de la réalisation ou la transformation des conceptions
 
2.1.1. Une idée géniale ! Le mouvement créé par l'eau.
L'origine du projet apparaît dans le premier dessin de Florence lors de la première séance déjà décrite précédemment (dessin 12). Florence a dessiné un objet (une carotte ! ) dans un tube avec de l'eau. L'objet flotte.
Elle nous a expliqué : "Quand on met de l'eau dans le tube l'objet monte. Quand on vide l'eau l'objet descend."(dessin 12)
 
2.1.2. Une attitude coopérative au départ
Anna qui n'a pas de projet, s'est associée à Florence pour réaliser la machine et déjà les échanges de savoirs, d'idées, la complémentarité des aptitudes, des compétences se sont manifestés.
1ère étape : Elles ont pris une bouteille en plastique ( idée pratique d'Anna) avec de l'eau et un bouchon en liège qui flotte. En ajoutant de l'eau ou en la vidant, la position de l'objet varie : il y a eu mouvement. Leur première expérience s'arrêtait - là.
 
2.1.3. Les étapes de la construction ou vers une "conception plus opératoire" (3)
A ce moment - là, Michel, leur enseignant, a senti qu'elles pouvaient aller plus loin. Par des questions élucidantes, des informations adaptées, il leur a permis de franchir le pas, d'aller plus loin, d'apprendre encore (La zone proximale de développement de Vygotsky !)
 
2ème étape : Je leur ai demandé de trouver une solution pour remplir et vider l'eau . Je leur ai proposé aussi de relier le bouchon à un système extérieur qu'il animerait.
3ème étape : Elles ont relié le bouchon par un fil à un balancier (une planchette de bois perforée en "son milieu" où passe un axe : une pointe). Elles ont recherché l'équilibre comme avec une balance.
4ème étape : Quand on a introduit de l'eau dans la bouteille, le bouchon flottait, il remontait et l'autre bras du balancier descendait. Quand on vidait la bouteille le bouchon descendait mais dès qu'on atteignait l'équilibre horizontal, il ne descendait plus. Quel était l'obstacle ?
5ème étape : Elles ne pouvaient découvrir la raison, je leur ai dit : "pour que le bouchon reste toujours à la surface de l'eau il ne faut pas que le balancier soit équilibré". Elles ont lesté le bouchon avec des morceaux de scotch.
Ça marchait !
6 ème étape : Il a fallu ensuite trouver un système plus pratique pour vider l'eau.
Les enfants proposaient de faire un trou au fond de la bouteille et de mettre un tuyau avec un robinet.
J'ai dû intervenir pour indiquer que l'idée était bonne mais nous risquions d'avoir des problèmes de fuite. Je leur ai proposé alors un système qui permet de faire le remplissage et la vidange à la fois.
A l'aide d'un tuyau et d'une deuxième bouteille, j'ai fait la démonstration du siphon qui leur a évoqué celui des vignerons qu'elles connaissent. Après l'installation d'une seconde bouteille, il leur a suffi de monter ou descendre cette deuxième bouteille pour créer le mouvement de l'ascenseur. (Photo 11)
7ème étape : Pour présenter la machine à l'Expo - Sciences, j'ai demandé de faire une décoration. Les enfants ont dessiné un immeuble avec des fenêtres. Mais l'ascenseur passait devant certaines fenêtres; alors, elles ont dessiné son chemin en suivant la cage avec la pointe d'un crayon. Nous avons collé, par la suite, sur le dessin de l'immeuble, une feuille de papier de couleur symbolisant le trajet.
Le trajet n'était pas vertical mais courbe ! Comment le rendre vertical ? Le problème est resté en suspens...
 
2.1.4.Des échanges de savoirs à propos du problème de la trajectoire.
Nous avons amené notre montage à Expo-Sciences et des élèves visiteurs nous ont proposé des solutions :
Guillaume (collégien de 6ème) a proposé d'installer une poulie (dessin 13)
Deux lycéennes de 2nd ont proposé l'installation de 2 poulies (dessin 14)
Ces deux systèmes restent à expérimenter.
 
2.2. Le processus du tâtonnement expérimental
 
Ce mode naturel d'apprentissage s'exerce, à des degrés divers, dans les expériences personnelles des enfants telles que nous venons d'en voir. Cependant, à l'analyse, nous en reconnaissons les caractères invariants même au cours d'un déroulement partiel où les phases successives ne sont pas toujours distinctes.
Pour le lecteur non averti par les publications diverses précédentes dans cette revue (4), il paraîtutile d'en rappeler briévement ici le fonctionnement afin de mieux saisir l'analyse qui suit.
Ce mode d'apprentissage se fonde sur un processus de base que C. Freinet a nommé l'expérience tâtonnée. C'est par un processus plus long et plus complexe d'enchaînements, d'associations, de combinaisons rétroactives des expériences tâtonnées personnelles, désigné tâtonnement expérimental, que l'individu construit des savoirs, c'est-à-dire atteint un résultat visé ou non, une "loi" : propriété ou règle de fonctionnement, qui peut se présenter sous la forme d'un savoir déclaratif ou d'un savoir procédural.
 
Cette expérience tâtonnée, limitée, parfois très brève, se déroule en quatre phases : 
- la 1ère phase : émission d'hypothèse. La phase d'émission d'une ou plusieurs hypothèses "prometteuses" est parfois inconsciente, inapparente car non formulée. Cependant, enclenchée par l'action, elle s'élabore sous la forme d'une anticipation du résultat qui en sera la conséquence. Ces hypothèses émergent et s'expriment, avec l'habitude, par le geste, le dessin ou verbalement, lorsque l'enfant dit : "Je veux faire...J'ai une idée... C'est une machine pour..."
- la 2ème phase : action - essai. Lorsqu'une hypothèse est émise, même implicitement, elle est testée immédiatement par l'enfant, c'est-à-dire soumise à l'action pour en voir l'effet : c'est la vérification.
- la 3ème phase : feed - back. Ce feed - back ou réponse reçue en retour apporte alors des informations : c'est la critique des faits ou des personnes. Positif ou négatif, il donne lieu, naturellement, à une évaluation par l'apprenant, évaluation qui peut être erronée, ce qui nécessitera alors une intervention extérieure pour l'aider à son analyse.
- la 4ème phase : rejet ou intégration de l'hypothèse.
 
Si l'effet cherché est obtenu, l'enfant conserve son hypothèse, l'intègre à sa structure cognitive par la répétition plus ou moins longue, immédiate puis différée et par réinvestissements ou transferts dans d'autres situations.
Si l'effet cherché n'est pas obtenu, l'enfant rejette son hypothèse, deux cas sont alors possibles :
- ou bien il abandonne momentanément son expérience et sa structure cognitive est conservée,
- ou bien il modifie sa première hypothèse ( h1), créant une nouvelle hypothèse (h2) qui donnera lieu à un nouvel essai et à la succession des mêmes phases de manière cyclique.
 
Si nous analysons le déroulement de ce processus dans la création de l'ascenseur à eau, vécu par Florence et Anna, nous identifions certaines étapes et l'enchaînement des expériences tâtonnées successives.(Encart 2)
 
Dans la première, l'hypothèse imaginée est : un bouchon de liège qui flotte monte ou descend dans une bouteille en ajoutant ou en vidant de l'eau. Vérification faite, le résultat attendu est produit, le feed - back positif, ce savoir est intégré. L'expérience réussie s'arrête là.
 
A ce moment, le questionnement du maître a provoqué la seconde expérience tâtonnée : "Pouvez - vous relier le bouchon à un système extérieur qui bougera ?"
 
Une nouvelle hypothèse naît alors de l'échange d'idées qui suit. Florence et Anna imaginent seules, totalement, le dispositif : le bouchon relié à une extrémité d'un levier qui supporte à l'autre extrémité une boîte. Le mouvement qu'elles imaginent alors évoque pour elles un ascenseur. Voilà donc l'hypothèse (h1) de cette seconde expérience tâtonnée qui commence (phase 1) :
le bouchon et la boîte reliés par un levier, le mouvement de l'un entraînant celui de l'autre (h1).
La phase 2 consiste alors à construire le dispositif et à l'expérimenter : essai / vérification.
En ajoutant de l'eau, le bouchon monte et la boîte descend, mais en vidant de l'eau, à un certain moment le système reste immobile : le feed - back est négatif. Elles ne comprennent pas la raison : elles ont, après des tâtonnements nombreux, équilibré le levier (boîte et bouchon).
 
Ici, la modification de l'hypothèse, nécessite l'intervention adulte pour expliquer "qu'il faut déséquilibrer le système bouchon / levier / boîte". L'hypothèse est ainsi modifiée : (h2) elles lestent légèrement le bouchon pour qu'il puisse descendre quand le niveau de l'eau baisse. Nous sommes dans la phase 4 et l'action de vérification, entreprise à nouveau (3ème expérience), confirme cette hypothèse (h2). Le dispositif fonctionne, la troisième expérience tâtonnée est terminée. Ces deux dernières expériences ont déjà apporté un savoir important sur les phénomènes d'équilibre d'un levier (axe central, masses égales ou différentes...) et sur les corps flottants (lestage possible...).
 
Une nouvelle expérience naît alors de la difficulté à remplir ou vidanger la bouteille. L'obstacle, insurmontable à cet âge, exige l'intervention du maître : c'est la part du didactique, le savoir introduit au moment sensible. Celui - ci n'est pas introduit par des explications abstraites mais au contraire par une démonstration pratique en référence au vécu des enfants : le grand - père de Florence utilise fréquemment un siphon (les vignerons locaux aussi).
 
Cette nouvelle expérience réussit, elle donne lieu à de multiples répétitions de tous motivées par l'effet spectaculaire : l'ascenseur monte et descend et un nouveau savoir sur le principe des vases communicants s'intègre dans la mémoire épisodique !
 
Cette brève analyse de quatre expériences tâtonnées successives nous révèle ce processus du tâtonnement expérimental dans ses phases identifiables (Encart 3), processus d'apprentissage au cours duquel ces enfants, par un itinéraire original, personnalisé, sont amenés à sécréter du savoir mais aussi à avoir recours à du savoir : la part du maître. Nous voyons bien, dans cette démarche, la place de celle - ci ; les enfants ne sont pas laissés à leur seul spontanéisme et leurs essais/erreurs, en particulier au moment de modifier des hypothèses, moment sensible pour apprendre. Nous ne sommes pas dans une forme de tâtonnement primaire par essais / erreurs au hasard mais dans un tâtonnement expérimental régulé.
 
Cette démarche laisse à l'apprenant beaucoup d'initiative, d'autonomie, ce qui crée une motivation interne puissante ou motivation intrinsèque, mais elle ménage aussi une guidance adaptée, souple, à bon escient : la part du maître. C'est cette interactivité permanente, subtilement dosée selon les enfants, selon les situations vécues, selon les moments, selon les contenus : les concepts visés, entre deux voies d'apprentissage, l'heuristique* et la didactique* (Encart 3) qui caractérise la pédagogie Freinet, centrée sur l'apprenant.
 
2.3. Une conceptualisation plus naturelle
 
2.3.1. Une ouverture sur des champs conceptuels
 
Comme dans toutes les situations authentiques, parce qu'elles sont en prise sur le réel, sur le concret, pourimaginer des solutions, résoudre des problèmes même très pratiques, les enfants apprennent non seulement des savoir-faire mais encore des savoirs scientifiques ou technologiques. De plus, ils mobilisent ceux qu'ils possèdent déjà en les réinvestissant dans d'autres circonstances.
 
Ces situations authentiques sont polyconceptuelles c'est-à-direqu'elles ouvrent toujours plusieurs champs conceptuels à la fois. Il s'agit là de la complexité  qui peut embarrasserparfois l'enseignant mais qui présente aussi l'avantage d'offrir des pistes aux sensibilités, aux perceptions différentes des individus et faciliter le développement de la pensée divergente, trop absente de l'école.
 
Au cours des fabrications et des expérimentations qu'elles entraînent, nous avons, par ces premières approches concrètes sensibles, ouvert le champ de quelques grands concepts scientifiques :
* la flottaison ( le bouchon flotte mais nous aurions pu mettre un objet non flottant puisque sa masse est compensée par le balancier). Nous reconnaissons là la théorie des corps flottants (poussée d'Archimède...immersion...) mais aussi des applications technologiques pratiques telles que certaines jauges...
* la vitesse (on s'est rendu compte, à force de manipuler, que si on lève la bouteille très haut l'eau se déplace plus vite et l'ascenseur est plus rapide)
* l'équilibre des forces : les bras de leviers (pour rechercher l'équilibre nous avons constaté qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des bras de levier égaux).
* le principe des vases communicants : l'eau circule seule d'une bouteille à l'autre ; pour arrêter le mouvement il suffit de mettre les bouteilles au même niveau.
* la géométrie dans l'espace à propos des roues placées dans des plans différents et perpendiculaires (moulin - photo 4 en couverture)
 
2.3.2. Quel type de conceptualisation ?
 
A l'opposéd'une conception ancienne linéaire et par accumulation, de la construction des savoirs, donc des concepts, il s'agit plutôt, dans cette démarche par approximations successives, dans un espace - temps de durée variable, d'une conception spiralaire.
 
Toutes les recherches de psychologie cognitive confirment aujourd'hui que les concepts ne se construisent pas seuls mais en réseaux, pas de façon continue mais par niveaux successifs, par interactions et rétroactions ou boucles de régulation.
 
Ainsi, la construction de cet ascenseur à eau  n'a pas apporté d'emblée des connaissances formelles ( propriétés, théorèmes ...) mais, à ce niveau initial, une connaissance globale, sensible, plutôt intuitive des phénomènes approchés. C'est pourquoi, ces prémices, cette première prise de possession, n'imposent pas nécessairement une exploitation. La construction spiralaire des concepts (Encart n° 3) signifie que les enfants, dans d'autres situations, auront l'occasion de repasser dans le champ de ces concepts. Ils le feront, à ces moments - là, à un autre niveau d'élaboration, car interféreront d'autres concepts, d'autres savoirs et c'est cette succession des niveaux d'affinement que nous désignons : maturation conceptuelle.
 
Nous voyons bien là une concordance évidente de ce type de conceptualisation avec la démarche du tâtonnement expérimental dans une élaboration progressive de ses savoirs par l'enfant.
 

3. A travers et au - delà du "bricolage"... quels apprentissages ?

 
"Comprendre, c'est inventer, ou reconstruire par réinvention..." J.Piaget (Où va l'éducation ? 1971)
 
3.1. Y a - t - il nécessité d'une exploitation didactique systématique ?
 
Michel M. avec ses enfants de dix ans s'y refuse assez fortement, disant qu'au travers de ces activités, il ne vise pas l'acquisition formelle de connaissances pour retomber dans le travers des "centres d'intérêt", voire dans l'incompréhension, mais que son objectif c'est d' "ouvrir des boîtes" en mémoire* dans lesquelles se classeront plus tard, d'autres expériences et d'autres apports (au collège et ensuite), d'autres situations, d'autres informations enrichissantes, de plus en plus signifiantes et constitutives d'un concept.
 
En somme, c'est créer chez l'individu, une "sensibilité à" afin d'accentuer la "perméabilité" à l'entrée de l'information, donc développer l'acuité perceptive de chacun.
 
Ceci ne signifie pas qu'il ne puisse y avoir une exploitation guidée occasionnellement ; sa nature et son importance sont déterminées par le contexte et la nature même des concepts émergeant. Ainsi, dans ces constructions de machines, mentionnons ce qui aurait pu s'exploiter mais qui ne l'a pas été pour diverses raisons (le moment de production, le manque de temps...) :
- faire des mesures de la vitesse de déplacement de l'ascenseur en fonction de la hauteur de la deuxième bouteille,
- construire expérimentalement la courbe représentant la trajectoire de l'ascenseur,
- faire des calculs de proportionnalité à propos de la "centrale électrique" sachant que pour un tour de la roue d'entraînement la dynamo fait 29 tours...
- faire une expérimentation plus systématique de géomètrie dans l'espace : agencer des plans perpendiculaires, des intersections de plans... (à partir de la machine Photo n° 4)
 
* Cette mémoire épisodique, déjà évoquée, dite encore autobiographique stocke le savoir contextualisé : elle participe ensuite à l'élaboration de savoirs conceptuels c'est - à dire des connaissances en mémoire sémantique.
 
3.2. Mais alors, qu'apprennent - ils ?
 
3.2.1. Pour nous, «apprendre», c’est à la fois développer des aptitudes innées, acquérir des compétences et des connaissances mais aussi des attitudes, des conduites face aux contraintes de la vie.
 
Développer des aptitudes, c’est permettre à chacun d’user des formes d’intelligence majeures ou dominantes mais aussi de renforcer les formes mineures ou défaillantes. Nous faisons là allusion aux différentes formes d’intelligences définies par H. Gardner (5) dans sa «théorie des intelligences multiples». Et il est vrai que concevoir et construire des machines fait appel à cette multiplicité.
 
Acquérir des compétences, c’est développer «une habileté cognitive» à tout niveau d’action: habileté gestuelle dans l’usage de l’outil comme habileté à dessiner, à tracer, à schématiser, à symboliser... à mobiliser, au bon moment des savoirs stockés en mémoire.
 
Acquérir des connaissances, ce n’est pas seulement stocker des savoirs formels (ils dépendent aussi de l’âge de l’apprenant), c’est aussi «faire connaissance» avec des situations, des phénomènes ignorés comme par exemple, les vases communicants, c’est aussi établir des relations entre les choses.
 
3.2.2. Ce qui est visé ici c’est une approche qualitative plutôt que quantitative de phénomènes ou des objets scientifiques, technologiques voire mathématiques mis en évidence par la construction et le fonctionnement de ces machines. Plus que des connaissances formelles, prématurées à cet âge, c'est simplement faire connaissance avec ces phénomènes ou ces objets, c'est découvrir, observer, comparer ceux-ci comme les propriétés des matériaux (cartons, bois, polystyrène, plastique...), les outils et leurs fonctions.
 
C'est l'ouverture de champs conceptuels (cités précédemment) qui favorise l'élaboration de conceptions initiales ou l'évolution de celles-ci quand elles existent déjà.
 
Se familiariser avec des langages.
 
La communication qui s'instaure à tous moments, en dessinant, en construisant, accentue la pratique orale de la langue, les échanges qui ont lieu avec d'autres classes, la présentation des machines au "grand public d'Expo - Sciences" ont motivé la pratique de l'écrit (commentaires des photos dans le 1ère partie). De plus, ici, est apparue la nécessité de langages spécifiques :
- un vocabulaire technique par l'introduction de mots nouveaux tels que axe, levier, plans, bielle, manivelle, vilebrequin, flottaison, équilibre, vases communicants...
- une syntaxe enrichie par l'usage, plus fréquent, de subordonnées relatives, par exemple.
Des enfants ont ainsi pu réaliser des fiches- guide de construction pour la communiquer aux classes correspondantes.
- une schématisation qui s'avère nécessaire pour imaginer, communiquer et comprendre plus facilement. C'est une approche naturelle du dessin technique, plus symbolique et contraignant par sescodes. On peut noter les difficultés, pour de nombreux enfants, à maîtriser le schéma, mais aussi les avancées réussies ou prometteuses de certains, comme cette vue en perspective spontanée de la fixation de l'hélice sur le "bateau à hélice" réalisée par Erik et Arthur. (Dessin 15 et photo 12)
 
Mieux répondre aux diverses formes d'intelligence.
 
A propos de la schématisation, nous relevons de grandes différences de conception et d'habileté, entre un dessin peu représentatif, difficile à lire et un plan avec mesures, pratiquement à l'échelle ou le dessin en perspective cavalière. Ces différences correspondent, semble-t-il, à des formes diverses d'intelligence dominantes ou défaillantes, déjà évoquées précédemment (5). De plus, on sait aussi que certains enfants mémorisent ou comprennent mieux par un schéma plutôt que par un discours oral, un texte écrit, ou inversement (Les visuels et les auditifs).
On peut remarquer aussi que les mêmes champs conceptuels peuvent être approchés par des situations et des projets différents, ce qui peut répondre à des sensibilités intellectuelles différentes et faciliter l'apprentissage.
En permettant cette variété de constructions, donc de supports et de langages, par des itinéraires personnalisés, cette hétérogénéité des aptitudes, des compétences par la coopération librement consentie dans le travail en équipe favorisant le "métissage", on peut penser que s'accentuent naturellement chez chacun le développement des formes privilégiées d'intelligence et le renforcement des formes mineures ou défaillantes.
 
Une démarche formatrice.
 
L'enfant en situation de recherche peut élaborer des projets, viser des objectifs, des résultats à atteindre, imaginer des hypothèses, les vérifier en construisant et en expérimentant, analyser les obstacles, les causes de non fonctionnement, chercher à y remédier en faisant appel à l'information, par recours à l'adulte.
Devant l'obstacle, l'enfant peut sentir et prendre conscience progressivement de la nécessité de connaître des savoirs ignorés, donc être motivé pour des apprentissages, non seulement de savoir - faire, mais aussi des apprentissages conceptuels, scientifiques ou techniques : des lois pour comprendre les effets de certains phénomènes, pour surmonter des difficultés, pour modifier des hypothèses.
Cette démarche est susceptible de l'aider dans la lente conquête d'une autonomie intellectuelle, fondée sur une attitude active pour améliorer sa compréhension future de l'environnement technologique ou naturel et tenter d'agir sur lui en adulte responsable.
 
Apprendre la vie.
 
De "l'imagination créatrice" à la réalisation matérielle d'un projet, l'enfant peut découvrir, juger, admettre les limites, les contraintes diverses imposées par la réalité : matériaux inadéquats, outils nécessaires absents ou non manipulables, projets irréalisables... etc.
Dans ces situations authentiques, où l'interactivité entre le concret et l'abstrait, le réel et l'imaginaire est permanente, l'enfant se trouve, à tous les niveaux de son action, face à des tentatives de conciliation de l'imagination et de la rigueur. Et c'est là un apprentissage de la vie fondamental !
Ce qui nous paraît aussi important, c'est l'ouverture de l'école sur la vie environnante, pour atténuer ce hiatus contre lequel C. Freinet a toujours lutté. En multipliant les interactions entre des activités professionnelles de la vie quotidienne et les apprentissages généraux, le concret, le réel motivent les apprentissages conceptuels plus scolaires soit parce qu'ils sont à la source de ceux-ci, soit parce qu'ils en constituent des recours ou des retombées : les applications pratiques.
Les exemples du siphon pour expliquer le principe des vases communicants, de la fabrication d'un vilebrequin, soudé par un ferronnier, pour actionner la grande roue de la centrale électrique, en témoignent ici.
 

Et pour conclure ...

 
Si "... le savoir ne se transmet pas..."
    "...C'est donc l'apprenant qui, pour une raison ou pour une autre, doit se trouver en situation de changer ses conceptions." (3),
Si "Acquérir une connaissance c'est passer d'une conception à une autre plus pertinente par rapport à la situation." (3),
Si la construction d'un savoir scientifique ne peut se faire ni par des méthodes purement didactiques, qui ne prennent pas en compte les idées ou conceptions des apprenants, ni par des méthodes non directives dont le "rendement didactique"(3) serait insuffisant,
alors la pédagogie Freinet propose, aujourd'hui encore, un modèle d'apprentissage interactif, centré sur l'apprenant, situé entre ces deux pôles extrêmes.
Ce témoignage l'illustre à nouveau, en mettant en évidence :
- la part de l'enfant : les capacités des enfants à créer, à construire socialement du savoir, car, par nature, l'enfant est curieux, questionneur, expérimentateur donc actif,
- la part du maître : sa fonction (créer un environnement didactique adaptable à chacun), son positionnement par rapport aux itinéraires personnalisés, c'est-à-dire la grande diversité de ses interventions.
Cette démarche d'apprentissage personnalisée, fondée sur un processus de tâtonnement expérimental régulé,permet:
- de donner du sens aux apprentissages
- de répondre aux diverses formes d'intelligence
- de créer une dynamique par la construction sociale de savoirs.
Et cette permanente interactivité entre l'heuristique et la didactique, entre individualisation et socialisation, situe ce modèle dans une perspective néo-constructiviste.
 
 
Dossier réalisé par Edmond Lèmery et Michel Maubert 63117 Chauriat  
 
 
 
Notes bibliographiques et documentaires
 
(1) Les Expo - Sciences sont organisées régionalement ; elles constituent l'activité fondamentale du C.R.A.S.T.I. et sont destinées à promouvoir les activités et apprentissages scientifiques chez les jeunes, à l'école et hors de l'école. Y participent les établissements scolaires, les clubs, les associations et les mouvement pédagogiques d'éducation nouvelle. 
(2) Ces ateliers ont été décrits dans le dossier n° 90 du Nouvel Educateur (Juin 1997)
(3)   Nous empruntons quelques expressions ou citations à André Giordan dans la brochure
       "Comment dépasser les modèles constructivistes ?
       ou l'utilisation pédagogique des conceptions des apprenants" Editions : Voies Livres (Février 1997) CP 630 - 69258 LYON Cedex 09
(4) Voir les nombreux articles parus dans le Nouvel Educateur sur le tâtonnement expérimental
en particulier les N°s 48 - 69 - 77 - 81 - 84 , disponibles dans les groupes départementaux de l'ICEM ou aux PEMF.
(5) La théorie d'H Gardner a paru dans Sciences Humaines n° 69 (Février 1997) et nous avons cités ces diverses formes dans la rubrique Repère du n° 91 du Nouvel Educateur. Elle vient de faire l'objet de plusieurs publications dans la presse hebdomadaire française.
(6) E. Lèmery - Pour une Mathématique populaire - Edt : Casterman Collection E.3 témoignages (1983)
 
 
 
 
encart 3
Conception spiralaire
de la construction des concepts.
 
 
Dans ce schéma:
- chaque secteur représente «le champ d’un concept». exemple le concept (a)
- la courbe en spirale illustre le cheminement de l’individu ou du groupe qui approche le concept à un certain niveau.
exemple: concept (a), 3 passages au niveau 1,2,3, d’approches successives.
Les approches i1 et i2 dans les concepts (e) et (g) apportent des modèles donc des outils nouveaux dont la nouvelle approche du concept (a) peut bénéficier au niveau 3.
(extrait de «Pour une mathématique populaire») (6)
 
 
* Heuristique (définition en pédagogie d'après le Robert) : la méthode heuristique consiste à faire découvrir à l'élève ce qu'on veut lui enseigner
* Didactique : qui vise à instruire par l'apport d'un savoir organisé.
 

 

La Ridef Japan 98 se prépare

Octobre 1997
Japon

Shun-ichi est instituteur dans une école primaire de la ville de Chöfu dans le département de Tokyo. “ Nous avons pris de brefs extraits du rapport d’activités de sa classe en 1994/1995.

Les enfants qui avaient alors 6 à 8 ans étaient en première et deuxième année d’école primaire. Shun-ichi exerçe le métier d’instituteur depuis seize ans.
Shun-ichi fait partie du groupe de réflexion sur l’éducation, “ Kyôiku-kôbô ”, lequel prend part activement au sein de “ Gendaï Gakkô Undô Japan ” qui prépare la RIDEF au Japon de 1998.
 
   Un matin de septembre, l'air d'été flotte encore dans la salle de classe.
   Aujourd'hui, c'est le tour de Hiroshige-kun de parler. Il commence à raconter lentement comme il le fait d'habitude.
   « Hier, en rentrant de l'école, j'ai vu un arc-en-ciel. Quand la pluie a cessé de tomber, l'arc-en-ciel a disparu.  »
   « Combien de couleurs y avait-il? »
   « Je n'ai pas pu voir les sept couleurs. C'était en trois couleurs. »
   « Ah bon, il y a sept couleurs dans un arc-en-ciel? »
   « Hé oui! Tu ne le savais pas, Maître? »
 « J'en ai déjà vu un, moi ! »
 « Moi aussi ! »
On commence à bavarder de-ci, de-là. »
 « L'arc-en-ciel d'hier, je l'ai vu  » dit Satô-san. Elle l'a écrit dans son journal:
 
« J'ai vu un arc-en-ciel. J'en avais vu un l'autre jour aussi. Mais c'était différent cette fois-ci. La première fois, c'était rouge, bleu et jaune. Aujourd'hui, c'était rouge, bleu, jaune et violet. C'était beaucoup plus joli que l'autre jour. »
 
Koïke-kun se met à parler au fond de la salle.
 « Moi, quand j'étais en Amérique, j'ai fabriqué un arc-en-ciel. Euh...c'est facile; il suffit d'envoyer de la vapeur vers le soleil avec un vaporisateur. »
 
 En profitant du beau temps, on a décidé de fabriquer des arcs-en-ciel après le déjeuner. J'avais emprunté des vaporisateurs de repassage à «la salle de matière de famille». Les enfants ont jailli dans le cour.
Psh...psh...Un groupe a découvert que l'on aperçoit un arc-en-ciel très éphémère quand ils ont vaporisé vers le milieu du rond qu'ils ont formé. Les autres groupes se mettent à les imiter.
Yamada-kun, lui, hoche la tête; il réfléchit.
   « On ne le voit pas...Ah, ça y est! Maître, il nous faut un miroir, sinon ça ne marchera pas. »
   « Tu penses que c'est à cause de cela ? D'accord, la prochaine fois, on va essayer avec un miroir. »
Plusieurs jours après, j'ai préparé des bassins ronds en plastique, des miroirs et des papiers à dessin. Répartis en petits groupes, nous partons dans la cour pour essayer. On met de l'eau dans le bassin puis l'on plonge le miroir là-dedans. Sur les papiers à dessin apparaissent de jolis arcs-en-ciel. Les enfants poussent des exclamations de joie.
« On le voit vraiment bien. »
Au retour en salle de classe, on se raconte comment cela s'est passé.
Furuya:« L'arc-en-ciel tremblait. »
Kimura:« L'arc-en-ciel vacillait. »
Anan: « L'arc-en-ciel avait six couleurs. »
Kawauchi:« Les couleurs étaient alignées avec un certain ordre. »
Moi: « C'est vrai? Les couleurs étaient alignées avec un ordre défini ? »
« Oui, c'était toujours avec le même ordre. »
Nous discutons ensemble de ce qu'il faut pour fabriquer des arcs-en-ciel et le résumé des idées des enfants est:
 - Pour qu'il y ait un arc-en-ciel, il faut " la lumière du soleil et de l'eau."
 « Maître, c'est pour ça que l'arc-en-ciel apparaît après la pluie! »
dit Yanagawa-kun, les yeux brillants.
Shun-ichi
 
Nos amis japonais du comité de préparation de la RIDEF 98 sont déjà à pied d’oeuvre pour accueillir cette rencontre internationale. Nous serons certainement amenés à vous en reparler avec plus de détails en début d’année 1998. Mais dès à présent, voici quelques informations envoyées par le comité de préparation.
La RIDEF JAPAN 98 aura lieu du mercredi 22 juillet au vendredi 31 juillet 1998 à Jiyé-no-mori Gaku-en (dans la ville de Hanné, département de Saitama).
Cette année l’intitulé de la RIDEF est: «Ouvrons ensemble l’horizon nouveau d’apprentissage».
Les frais de participation devraient appprocher 500 US $.
 

 

Les fichiers LIRE

Octobre 1997
Une gamme nouvelle
de fichiers de lecture
les fichiers LIRE
 
LIRE 1.1
pour pré-lecteurs
 
LIRE 2.1
pour lecteurs débutants
 
Ces fichiers s'adressent tout particulièrement aux adolescents accueillis dans l'enseignement spécialisé (SEGPA des collèges, etc.) et aux adultes en situation d'illettrisme.
 
Il s'agit de mettre l'apprenant en position de véritable lecture : 
chercher un sens à ce qui est écrit.
Et pour cela, développer des démarches d'observation, de mémorisation, de comparaison, de déduction.
 
Ces fichiers ont été réalisés et expérimentés au sein du Chantier-Outils de l'ICEM par une équipe
comprenant des auteurs des précédents fichiers de lecture édités aux PEMF, des formateurs et bénévoles
travaillant auprès d'adultes en situation d'illettrisme, des enseignants de SEGPA.
 
Conçus dans le même esprit que les fichiers déjà publiés pour le cycle 2, ils peuvent donc aussi
être utilisés dans ce cycle (LIRE 1.1 correspondant au fichier lecture 0.1 ; LIRE 2.1 correspondant
au fichier lecture A.1) et dans les structures AIS du primaire (CLIS, CLAD, etc).
 
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C'est pour tenir compte de la grande hétérogénéité des niveaux individuels que nous proposons ces fichiers se situant à deux étapes différentes de l'apprentissage :
 
LIRE 1.1 : pour pré-lecteurs
LIRE 2.1 : pour lecteurs débutants.
 
L'objectif est de favoriser l'individualisation des apprentissages tout en facilitant la gestion du groupe d'apprenants par le formateur.
 
D'autres fichiers sont actuellement en expérimentation et viendront compléter la gamme.
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LIRE 1    1ère série
 
pour pré-lecteurs
 
Ce fichier s'adresse à des personnes qui ne savent pas du tout lire ou qui n'ont à leur disposition que la reconnaissance de quelques lettres qu'elles tentent vainement d'assembler.
 
Objectifs généraux
 
L'utilisation de ce fichier se situant dès le départ de l'apprentissage ou du re-apprentissage, il est primordial qu'il propose à l'apprenant des indices évidents afin de permettre l'accès au sens dans les situations de lecture proposées.
Ces indices ont pour objectif de provoquer une attitude de quête dans l'écrit qui n'est plus recherche de lettres mais de mots entiers ou d'expressions (empan élargi).
 
Pour attribuer du sens au mot, des photos ou dessins les plus signifiants possible vont orienter la démarche de l'apprenant.
 
Celui-ci est réellement actif. Il cherche à partir des mots dont il connait le sens (photos <--> mots) l'existence de mots semblables. Cette comparaison le conduit à saisir à la fois l'allure graphique du mot dans son ensemble et les indices fins qui constituent pour lui la preuve minutieusement construite qu'il s'agit bien du même mot.
 
Ainsi, il découvre que sans utiliser la fusion des lettres et des sons - qu'il ne maîtrise pas d'ailleurs - il réussit l'exercice proposé. Il fait évoluer sa représentation mentale de " comment on s'y prend pour lire ". Il prend conscience qu'il existe d'autres moyens que le déchiffrage pour y parvenir.
 
Il développe un savoir-faire indispensable à tout lecteur. Cette aptitude à l'identification rapide d'un mot déjà vu est ce qui permet à chacun de nous d'attribuer l'essentiel de notre énergie à la construction du sens.
 
 
Démarches
 
- chercher du sens, questionner l'écrit,
en s'appuyant sur les informations qu'il prélève grâce aux aides contenues dans la fiche (photos, mots identiques, etc.) ;
- comparer des formes écrites :
comme il ne peut comparer directement l'écrit du recto et celui du verso de la fiche, il est obligé d'observer un côté de celle-ci, puis de la retourner pour observer l'autre côté. D'où la nécessité de garder en mémoire des formes graphiques (ici mémoire immédiate) auxquelles le sens est associé ;
- éduquer sa perception visuelle pour construire un raisonnement par analogie, élimination, déduction qui le conduira au sens ;
- formuler des hypothèses et les vérifier en raisonnant à partir des indices contenus dans la fiche.
 
En résumé :
 
- travail sur la mémoire immédiate
- stratégie de lecture évitant le déchiffrage au profit d'émissions d'hypothèses, prise d'indices, vérification, raisonnement par analogie...
 
Présentation des fiches
 
Toutes les fiches sont basées sur le principe du recto-verso, pour les raisons citées ci-dessus, un côté étant réservé à l'exercice proposé, l'autre fournissant une aide à la lecture sous différentes formes. Il a paru nécessaire que la présentation des fiches et le type d'exercice proposés soient presque toujours les mêmes.
 
En effet, on ne peut pas se permettre des consignes particulières pour chaque fiche, puisque l'apprenant ne saurait les comprendre : il doit voir très vite ce qu'il peut faire avec la fiche. C'est une habitude qu'il prend d'ailleurs facilement, la consigne étant toujours :
 - lire le recto d'après la photo ou le dessin,
 - ensuite, au verso, plusieurs propositions étant données en parallèle, chercher celle qui correspond à la photo qui figure au-dessus.
 
Pour les fiches les plus simples, il s'agit souvent d'identifier un seul mot ou une seule expression (fiche N° 3, ci-dessus).


 
Utilisation du fichier LIRE 1.1
 
L'apprenant choisit une ou plusieurs fiches avec l'aide du formateur qui recueille les réflexions orales, éventuellement les questions et oriente sa démarche en cas de besoin. Le formateur explique que la signification du mot ou de l'expression au recto est donnée par la photographie.
Il lui conseille de bien observer le recto et ensuite de tourner la fiche. L'apprenant peut faire plusieurs " va et vient " entre le recto et le verso jusqu'à ce qu'il exprime ce qu'il remarque.
 
Quand l'apprenti-lecteur maîtrise bien le fichier, on peut lui proposer une grille individuelle (jointe à ce fichier) sur laquelle il coche ses réponses. Un contrôle peut être alors facilement effectué à l'aide de la grille correction.
 
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Les différents types
de fiches
 
Série 1, mots identiques. 
 
Série 2, mots au verso au pluriel, en partie cachés ou en écriture cursive. 
 
Série 3, phrases identiques et/ou phrases transformées, en partie cachées.
 
Série 4, mots identifiés par une phrase au recto.
 
Série 5, mots identifiés par une phrase mais au pluriel, cachés ou transformés.
 
Série 6, procéder par élimination des mots ou phrases qui figurent au verso.
 
Série 7, phrases identifiées grâce à certains mots au recto.
 
Série 8, les mots qui permettent de reconnaître la bonne phrase sont inclus dans une phrase.
 
Les numéros inscrits sur les fiches ont surtout un rôle de commodité pour la vérification du fichier. Les fiches ont volontairement été mêlées et non rangées selon les types d'exercices. Toutefois, elles ont été placées dans un ordre de difficulté croissante, les plus simples au début.
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Description de quelques fiches : objectifs et démarche d'utilisation
 
Fiche N° 31
Fiche de la série 2 : retrouver le mot identique, même s'il est en partie transformé (au pluriel ou partiellement caché).
 
La photo du verso est la même que celle du recto, ce qui implique que l'exercice consiste à trouver ordinateur parmi les 3 mots proposés (ordinateur / horodateur / percolateur).
Ces trois mots ont été choisis parce qu'ils possèdent une partie graphique commune.
 
But de la fiche : retrouver ordinateur malgré les taches. Ceci n'est possible qu'en observant finement le mot écrit sans tache au recto.
 
Grâce à un certain nombre d'allers et retours entre le recto et le verso, le lecteur garde en mémoire immédiate les éléments lui permettant de localiser le mot ordinateur.
Le but de l'exercice est atteint.
Les deux autres mots ne sont pas à lire.
Aucune aide n'est disponible pour cela. Demander à l'apprenant une lecture de ces mots l'entraînerait inévitablement vers une démarche de déchiffrage.
Ces mots ont servi à comparer, à déduire qu'ils ne pouvaient en aucun cas être ordinateur. Ils constituent, en fait, des aides pour réussir.
 
Fiche N° 15
Série 5 : identifier un mot grâce à une phrase au recto. Ce mot est en partie transformé (singulier/pluriel).
 
La photo du recto suscite la phrase " l'enfant se balance ".
La photo du verso évoque d'emblée " des enfants ".
 
But de la fiche : retrouver dans la liste des mots du verso (des enfants / des éléphants / des fainéants) ce qui correspond à la photo.
 
L'apprenant observe le recto, il formule la phrase, qui contient justement " l'enfant ", signification qu'il cherche à localiser au verso. Il situe " l'enfant " en début de phrase, cela lui donne une forme graphique à comparer avec celles de la liste du verso. Mais au verso la marque du pluriel change l'allure graphique des mots, c'est une difficulté supplémentaire pour l'identification.
Au cours d'allers et retours entre le recto et le verso de la fiche, l'apprenant est ainsi amené à percevoir à la fois des indices graphiques à l'intérieur du mot et son allure générale.
Ce travail développe l'aptitude à mettre en mémoire immédiate l'allure graphique du mot en entier, et l'aptitude à raisonner à partir d'indices.
Les deux autres mots (éléphants, fainéants) ne sont pas à lire. Ils ne sont proposés que pour constituer des éléments de comparaison et l'obligation d'un choix. Offrant en évidence leur différence avec le mot recherché, ils sont une aide au raisonnement, à la déduction.
 
Fiche N° 19
Série 6 : procéder par élimination des mots ou phrases qui figurent au verso.
 
Dans ce type de fiche il ne s'agit pas de retrouver les mots identiques. Il s'agit de les éliminer pour mettre en évidence le mot différent porteur du sens exprimé par la photo du verso.
 
Après avoir observé le recto, l'apprenant comprend ce qui est écrit grâce aux photos. Au verso, il retrouve et identifie les expressions identiques à celles du recto.
En les éliminant, puisque reconnues, il en déduit que la troisième expression du verso est celle qui exprime des traces de pneus.
Il a réussi en prélevant les indices offerts par la fiche. Il n'a pas besoin de déchiffrer. Il a observé, comparé, opéré une déduction.
 
Fiche N° 20
Série 7 : phrase à identifier grâce à un mot au recto.
 
Au recto, la photo d'un objet permet d'y associer le mot : un casque.
Au verso, la photo présente le même objet dans une situation qui suscite l'expression d'une phrase : le casque est sur le scooter.
Le but de la fiche est de localiser cette phrase parmi trois phrases proposées.
 
La phrase recherchée est donc celle qui contient le mot casque. Mot que l'apprenant peut identifier au recto.
Il va donc effectuer divers allers et retours entre le recto et le verso pour repérer casque dans l'une des phrases. Pour faciliter sa recherche, les trois phrases possèdent une longue partie commune : sur le scooter. L'apprenant constate que cette partie ne ressemble pas au mot casque. Il porte son effort sur ce qui reste de chaque phrase. Les propositions comportent volontairement des similitudes graphiques :
    la caisse / le casque / le sac
Les comparaisons vont conduire à prélever divers indices : longueur du mot, particularité ss (ou non), lettre à jambage inférieur (q), etc. pour aboutir à l'identication du mot casque.
 
Fiche N° 41
Série 8 : les mots qui permettent de reconnaître la bonne phrase sont inclus dans une phrase.
 
But de la fiche : retrouver la phrase évoquée par la photo du verso les enfants sont dans la caisse.
 
Ce que l'apprenant repère tout de suite, c'est la partie semblable des deux photos : la caisse.
Sa recherche consistera à localiser le mot caisse au recto et au verso.
Observant attentivement l'écrit de chaque côté de la fiche, il perçoit les deux formes graphiques identiques.
Il en déduit que ça peut être caisse.
Il lit la phrase du recto Les canards sont dans la caisse (même s'il pense des canards dans une caisse, caisse est de toute façon à la fin de la ligne, il le localise).
Au verso, une seule ligne porte le mot caisse, c'est donc elle qui exprime ce qui est représenté sur la photo.
 
L'apprenant a dû observer, garder en mémoire immédiate des formes graphiques, raisonner à partir d'analogies, éliminer les parties d'écrits différentes.
Il a prélevé la bonne phrase sans avoir besoin de déchiffrer puisque la lecture des deux autres phrases du verso ne fait pas partie de l'objectif visé par cette fiche.
 
LIRE 2 1ère série
 
pour lecteurs débutants
 
Ce fichier s'adresse à des adolescents ou à des adultes ayant passé le cap du déchiffrage mais qui consacrent toute leur énergie à cette activité, au détriment des stratégies de construction de sens.
 
Objectifs généraux
 
Pour ces apprenants " déchiffreurs ", la représentation mentale de " comment on lit " se réduit à associer des lettres et à produire les sons correspondants.
 
Le contrat à remplir dans ces fiches les place en situation de questionneurs d'écrit et oriente leur quête vers le sens et non vers la construction des mots.
 
Ce fichier n'est pas un outil pour démarrer l'apprentissage proprement dit, mais il aide l'apprenant en échec de lecture à modifier ses représentations sur ce qu'est l'acte de lire.
 
Pour le lecteur qui a abordé l'apprentissage de la lecture par le déchiffrage, ce fichier offre des moyens pour le déconditionner.
Les textes courts, les questions ne nécessitant pas de réponse écrite (cocher seulement la case correspondant à la réponse) sollicitent un effort mesuré.
Cet apprenant qui déchiffre chaque mot, ou presque, peut réussir le travail demandé par une fiche car son volume d'écrit est peu important. Il ose entreprendre de la lire plusieurs fois pour accéder au sens. Il est en mesure d'appliquer une démarche méthodique de recherche.
 
Les objectifs visés dans ces fiches :
- perception visuelle
- lecture par anticipation
- lecture fine
- lecture sélective,
forment le lecteur aux diverses démarches utilisées par le lecteur chevronné.
 
Ce fichier, grâce à la diversité des activités proposées constitue pour l'apprenant un réel entraînement à se détacher de sa seule préoccupation : le code.
Ces démarches, effectuées à partir d'écrits courts, sont de même nature intellectuelle (puiser avec rigueur les éléments de réponse dans le texte proposé) que celles qu'il aura à réaliser sur des écrits de plus en plus longs.
 
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Présentation des fiches
 
Les thèmes des fiches sont choisis en fonction de domaines d'intérêt proches de la vie quotidienne.
 
Au recto : titre et dessin ou photo qui orientent le lecteur.
 
Au verso : découverte du sens du texte et recherche de réponses aux questions qui induisent la démarche. Ces réponses sont notées dans une grille et ne nécessitent que peu d'écrit, l'objectif du fichier étant LIRE.
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Utilisation du fichier
 
Utilisation individuelle
 
- En présence du formateur
L'apprenant s'essaie à lire, à comprendre la question. Le formateur l'incite à formuler ce qu'il perçoit, ce qu'il pense, ce qu'il doit chercher et oriente sa démarche si besoin.
 
- En autonomie
Après quelques fiches réalisées en présence du formateur, l'apprenant est en mesure de les traiter en autonomie.
 
Utilisation en petit groupe
 
Quatre ou cinq personnes en présence du formateur, ceci pour aider l'apprenant à acquérir un cheminement méthodique :
- observer silencieusement l'ensemble de la fiche,
- lire en utilisant tous les indices à sa disposition avec le souci constant de chercher à comprendre ce que " dit " ce texte,
- se " parler " la question, la reformuler, la mémoriser,
- reprendre la lecture du texte en fonction de cette question pour y trouver les informations nécessaires à la réponse. Se les répéter, les reformuler, les mémoriser.
Ainsi, l'apprenant axe son effort sur la recherche rigoureuse de l'information contenue dans le texte.
Démarche indispensable car, souvent, à partir de quelques mots prélevés, le lecteur à tendance à se construire une histoire très différente de celle proposée.
 
Ce travail permet de faire le point des manques de chacun pour mieux y remédier :
- difficultés relatives au code,
- difficultés de compréhension de mots,
- difficultés de compréhension globale de la situation proposée.
 
On découvre que certains sujets considérés comme courants ne font pas partie de l'expérience de tel ou tel apprenant. C'est l'occasion de les aborder, d'abord à partir de la connaissance qu'en ont les autres dans le groupe, puis en s'aidant de documents photos, sonores, textes qu'on lit pour eux.
 
Le travail en groupe exige que chacun fasse effort pour exposer clairement aux autres ce qu'il a trouvé, ce qu'il pense.
 
Le travail en groupe rassure l'apprenant si peu sûr de lui. Il constate qu'il n'est pas le seul à rencontrer des difficultés. Il sait qu'il va être aidé, ceci à condition qu'il ait déjà pu reconstruire un minimum d'estime de lui-même et qu'il puisse ainsi supporter le regard des autres quand il est en recherche.
 
 
 

Les différents types de fiches

 
Les fiches sont classées approximativement par ordre de difficulté, en alternant les objectifs, mais chacun peut les utiliser dans un ordre différent.
 
1. Fiches destinées à développer la lecture par anticipation par formulation d'hypothèses en fonction de sens du texte (voir, fiche ci-dessus).
Textes à reconstituer, mots intrus, mots manquants.
Ces fiches mêlent étroitement les activités de prévision et les activités de vérification.
 
2. Fiches destinées à affiner la perception visuelle en accédant au sens malgré des gênes à la lecture : traces, lettres manquantes, textes " en prison "(grille), écrit non linéaire (voir fiche ci-dessous).
 
 
3. Fiches développant la lecture fine en s'appuyant sur les informations prélevées dans le texte, en utilisant des comparaisons, des déductions en fonction des connaissances personnelles et du sens implicite du texte (voir fiche ci-dessus).
 
4. Fiches développant la lecture sélective en se déplaçant dans un écrit, en ne s'attachant qu'aux indices nécessaires pour découvrir les informations précises recherchées (voir fiche ci-dessous).
 
 
 
 
Composition des fichiers
 
LiRE 1.1          LIRE 2.1
 
   - 48 fiches recto/verso
     format 170 X 220, bichromie
   - 10 grilles individuelles de travail
   - 1 grille de correction
   - 1 notice d'utilisation
 
En supplément, dans le fichier LIRE 1.1 :
un dossier de 24 pages :
Méthode naturelle de lecture / écriture
dans la lutte contre l'illettrisme.
 
 
 
Pour apprendre à lire,
on fait entrer
beaucoup de mots
dans notre tête.
Un jour, on verra
des morceaux pareils
dans nos mots.
On dira " C'est comme..."
On démontera
tous nos mots,
pour fabriquer
tous les autres mots.
 
 
 
 
Documents : D. De Keyzer et module illettrisme du chantier outils d'apprentissages de l'ICEM.
 

 

 

Un fichier c'est fait pour rebondir

Octobre 1997

Utilisation du fichier géométrie Cycle 2

 
Jean-Luc Butty a mis en place dans sa classe le fichier “Atelier de Géométrie de Transformation”. Il nous raconte son utilisation. Il nous dit aussi comment le travail sur la rotation, lancé par le fichier, a pu provoquer de nouvelles mises en relation par les enfants.
Une utilisation ouverte et dynamique des fichier P.E.M.F !
 
 
C’est la deuxième année que j’utilise régulièrement ce fichier destiné aux enfants du cycle 2. Ce fichier propose une approche des quatre transformations géométriques: translation, symétrie, rotation, homothétie.
“Actuellement, les objets d’études privilégiés de la géométrie ne sont plus “les objets géométriques” mais les transformations” est-il précisé dans le livret d’information qui accompagne le fichier.
Dans un premier temps, mes élèves réalisent les fiches par groupes pour s’initier aux outils et aux logos; puis certaines fiches sont prolongées par des recherches individuelles ou en groupe.
Un exemple de travail prolongé avec la fiche “Rotation - calque” (R6) avec les CE1 de deux classes (CE1-CE2= 7 élèves) et (CP-CE1= 5CE1)
J’ai photocopié le verso de la fiche R6 puis ai proposé la fiche aux CE1 des deux classes.
Les CE1 de ma classe (CE1-CE2) ont placé une attache parisienne comme axe de rotation et font tourner le calque. Ma collègue les voyant faire propose l’idée à ses CE1.
En fin de séance, mes élèves colorient puis j’affiche quelques réalisations qui serviront de référence par la suite.
Quelques jours plus tard, les CE1 de l’autre classe viennent montrer leur travail. Ils ont considérablement enrichi le travail de départ au cours de plusieurs séances.
”On a mis toute la semaine “ dit Alexia, c’était long surtout pour faire ça”. Elle montre le cercle le plus éloigné de l’axe.
Des enfants commencent à compter les dessins sur chaque cercle.
Je demande à trois enfants de se mettre épaule contre épaule, côte à côte et de tourner comme sur le dessin. Chacun observe ses pas.
Alors que l’enfant qui est sur l’axe de rotation piétine, le plus éloigné fait de grands pas pour rester collé à ses voisins.Une élève remarque, en montrant un globe. “C’est comme la terre, ça tourne”. Cette remarque me rappelle une ancienne question de Cyril (CE2): “Pourquoi on ne lance pas les fusées de France?”.
Je m’étais contenté, n’en sachant pas plus, de lui répondre que c’était plus facile en s’approchant de l’équateur et il avait cherché la Guyane sur un planisphère. Nous prenons le globe. Je dessine trois points: un au pôle, un au tropique et un sur l’équateur. Un élève le fait tourner. Je demande: “Quel point va le plus vite ?”. Un élève montre celui de l’équateur, plusieurs CE2 ajoutent: “il fait un plus grand tour”. Je rappelle alors la question sur le lancement des fusées en suggérent l’importance de la vitesse initale de la terre à cet endroit.
Quelques garçons font tourner un bras à la manière de Thierry la Fronde (mais ils ne connaissent pas). Je leur dis: “Vous pourriez essayer de lancer des balles en les faisant tourner plus ou moins vite” (balles de chiffon contenues dans des chaussettes et fermées par une ficelle).
Un peu plus tard Jérémy essaie. Il prend une balle par sa ficelle et tourne le bras lentement. Il lache. La balle atterrit à trois ou quatre mètres.
Il essaie à nouveau. Cette fois , il va plus vite, son bras s’accélère, tourne de plus en plus vite et lâche... La balle retombe , lamentablement, presque à ses pieds. Avant de lâcher la ficelle, il lui avait donné un mouvement contraire à la rotation.
Il est probable que les fusées aussi, il vaut mieux les lancer dans le bon sens !