Le Nouvel Educateur n° 86

Février 1997

Education musicale

Février 1997
Création et expression enfantine en dehors des structures et systèmes musicaux traditionnels
 
Actuellement, nous sommes plus souvent auditeur qu'acteur et l'afflux des messages sonores ne facilite pas notre sélection. L'éducation musicale va, de ce fait, avoir un rôle primordial. Son objectif va naturellement être la production sonore, mais elle va aussi apparaître comme un puissant facteur d'équilibre.
Sa présence ordinaire, parmi toutes les activités de la classe, va être source de développement sur le plan de la création bien sûr, mais également sur celui de la socialisation. La voix et l'instrument deviendront des outils supplémentaires pour l'enfant et le lien direct entre la musique et le jeu permettra à l'enfant de se découvrir et de découvrir les autres.
 
Nous allons évoquer différents moments d'expression sonore en classe de cours élémentaire et voir quelles évolutions et quelles ouvertures peut permettre la pratique régulière d'activités musicales qui ne sont pas systématiquement liées à des apprentissages théoriques.
 
Des conceptions différentes
 
"Faire de la musique" en dehors du système artiste-producteur de sons face au spectateur-consommateur, c'est mettre en évidence d'autres rapports sociaux, un autre type de communication.
Deux conceptions de l'éducation musicale se révèlent ainsi.
- ou l'on considère que les enfants sont capables de créer et de développer leurs possibilités de création sans que l'adulte ait à fixer le sens de leurs progressions individuelle et collective (ce qui n'annihile pas la part du maître)
- ou ils sont considérés comme "enseignés" et doivent acquérir un langage et des connaissances dans lesquels ils ne peuvent intervenir.
En se définissant par rapport à ces conceptions, l'enseignant va, de fait, choisir une pédagogie, préciser sa façon de vivre dans le classe.
- s'il privilégie la création, il permettra aux enfants de progresser naturellement en fixant les notions qui leur permettent d'avancer. L'objectif sera alors d'acquérir des comportements musicaux : improviser musicalement et vocalement, manipuler les sons, dialoguer et jouer. Ce sont ces comportements qui marquent encore certaines musiques extra-européennes, notamment africaines et qui ont, à cause de l'arrivée d'esclaves noirs aux Etats Unis, amené la naissance du Blues.
- si l'enseignant privilégie l'apprentissage, les activités musicales serviront à acquérir des connaissances. Les blocages existant face au solfège sont certainement liés à cette conception appliquée à l'extrême.
 
Le rythme... des pieds à la tête
 
Découverte des rythmes
 
Parallèlement aux recherches et aux productions sonores dont nous reparlerons plus loin, il est important de mettre en place des bases qui pourront être réinvesties.
Afin de favoriser l'expression vocale ou musicale en début d'année scolaire, j'utilise le rythme comme point de départ de séances collectives.
Nous allons ainsi :
- écouter, les yeux fermés, quelqu'un marcher dans la classe,
- chercher différentes façons de se déplacer et écouter le bruit produit,
- respirer très fort (comme chez le médecin) ou très vite (comme après une course),
- écouter les bruits de la rue : les cloches de l'église, des engins de terrassement ou un voisin qui scie du bois...
Ces types de bruits vont mettre en évidence l'intensité, les bruits continus, les cycles, le silence..;
Nous utilisons d'autres jeux d'exploration sonore :
Jacques a dit : "faites un bruit avec la bouche, criez, grosse voix...". L'intérêt de ce jeu est, en fait, le "réflexe sonore".
Le chef d'orchestre : nous cherchons à accompagner des gestes vocalement. Les enfants qui le souhaitent viennent ensuite diriger le groupe.
Autre jeu de mime : un groupe imite le fonctionnement d'une machine. Nous détaillons ses différentes actions en fonction desquelles plusieurs groupes d'accompagnateurs se déterminent. Par ce type de jeu, l'enfant assimile le rythme. Il le voit, l'entend, le ressent.
La chaîne musicale : assis en rond, nous nous transmettons des bruits ou des rythmes frappés.
La multiplication des modèles est source d'ouverture et nombre d'entre eux pourront être repris plus tard dans des compositions ou des exercices de bruitages.
 
Le sentiment rythmique
 
L'étape suivante va avoir pour objectif la substitution de la musique au langage parlé et être une stimulation à la création.
Nous allons dans ce but proposer d'autres activités :
- des dialogues musicaux où la musique va être un moyen d'expression de sentiments, révéler un climat et servir ainsi la socialisation.
Deux groupes de musiciens sont face à face et s'interpellent. Un soliste dans chaque groupe donne le "ton" de l'interpellation et peut ainsi définir quels instruments vont intervenir.
- des recherches de rythmes sur une phrase parlée.
Naturellement, ces activités seront tout d'abord corporelles : on pourra marcher, courir, sauter, s'arrêter.
Le désir de sortir du martèlement régulier de la marche et ainsi des pulsations introduira les ruptures, les syncopes, les silences, les structures irrégulières. Le temps et l'espace s'animeront.
 
Un rythme particulier : le Blues
 
J'ai, un jour, apporté en classe un disque de Blues que nous avons écouté. Ce qui surprit tout d'abord les enfants, c'était la voix caverneuse du chanteur et le son particulier de sa guitare.
Le moment de rire passé, plusieurs petits doigts commencèrent à pianoter sur les tables...
Nous avons consacré plusieurs séances à "décortiquer" ce type de chant. Il fallait accepter cette musique si différente de nos chants et de nos auditions habituels.
La difficulté était de montrer le décalage des accents produisant le balancement si particulier du Blues.
En premier lieu, nous avons évolué en récitant des phrases et en essayant de repérer les syllabes où le pied touchait le sol. Ainsi par exemple dans la phrase :
le lapin mange une carotte
nous accentuons naturellement et selon la vitesse de la pulsation,
le   pin   un'   rott
ou le    mang'     rott
Pour la suite de cette recherche, nous avons utilisé un texte extrait d'un entretien en classee :
Roseline est tombée
dans la cour de l'école.
Elle s'est mise à pleurer.
Elle a pris son mouchoir.
On lui a mis un pansement.
Après la recherche des accents habituels, j'ai demandé aux enfants d'essayer de marcher en s'arrangeant pour poser le pied sur les syllabes indiquées dans le texte (dans la dernière phrase, il était nécessaire de prononcer "on lui a" très vite pour accentuer "a".
La difficulté était d'abord d'ordre corporel, mais plus profondément d'ordre culturel.
Le magnétophone, ici, ne suffit pas. Au cours de l'enregistrement de cette recherche, les enfants avaient trouvé un rythme corporel, marquant ce petit texte d'un balancement. Ils redécouvraient là les impulsions de leur univers sonore de tous les jours à travers les claquements de doigts et le tempo du jazz.
Le nombre de pas était le même pour chaque ligne du chant. leur durée musicale était donc identique. Nous les avons représentés sur le sol par
!    !    !    !
Ce procédé permettait également de mettre en évidence un cycle.
L'étape suivante était le repérage dans ce cycle : nous l'avons abordé en marchant sur un ou plusieurs cycles en silence et en essayant de trouver sur quelle syllabe avait eu lieu l'arrêt.
Nous venions de ressentir les pulsations. Elles n'étaient pas théoriques, mais corporelles.
 
La cellule rythmique
 
Pour mettre en évidence la cellule rythmique, nous avons ensuite travaillé sur les paroles de la première phrase du chant :
"Chez Madam' Duvivier
V'là ma jambe et mon pied."
Pour visualiser le rythme et le sentir corporellement, nous avons cherché un déplacement pouvant l'accompagner. Ce moment de tâtonnement était très important : il associait en effet la chant et la danse. Le leitmotiv chanté nous faisait oublier nos jambes. le corps était rythme.
Le rythme ressenti et observé pouvait s'expliquer par :
Trois pas courus. Arrêt sur le troisième.
Après discussion, il fut décidé de marquer cet arrêt en levant un pied, ce qui permettait de repartir directement et de créer ainsi un enchaînement.
Est-ce que ce déplacement ne pouvait accompagner que notre chant ? Nous avons fait l'essai sur les prénoms des enfants de la classe. plusieurs convenaient : Jessica, Ornella, Mickaël, Anne-Marie...
Il y avait pourtant des particularités :
- pour Jocelyne et Angélique, il fallait écourter la dernière syllabe (e muet) ;
- et pour Vincent, David, Laurent, Christelle... nous mettions là en évidence le silence musical : deux pas accompagnés de parole + un pas silencieux.
 
Tâtonnement et improvisation
 
La distinction entre ces deux formes de productions sonores est importante bien que la non connaissance de ce qui va être joué leur soit commune.
 
Le coin musique
 
Installé dans le couloir, il est un endroit de recherche, d'essais sonores. Mais dans les productions qui y sont enregistrées, il n'est pas rare d'entendre le claquement d'une porte ou un brouhaha venant d'autres ateliers.
Je considère surtout cet endroit comme une "salle d'entraînement". Or c'est tout de même là que s'échafaude la technique. On y choisit les lames du xylophone qui seront utilisées, on y recherche la place des chevalets sur l'ariel (instrument à cordes ressemblant à la cithare), on y fait des essais de voix.
J'ai remarqué que les enfants qui le fréquentent y ont rarement une attention soutenue. Le fait que le couloir soit un endroit de passage y est certainement pour beaucoup.
 
La situation d'improvisation
 
Elle nécessite une attitude totalement différente : là, plus de brouillon, il faut construire.
Dans ce jeu, le groupe prend son sens. Il est responsable de sa production. Seules l'attention et la concentration permettront d'y aboutir, sans retour en arrière possible. De cette situation de communication intime entre des individus tournés vers le même but va naître la discussion, l'analyse.
 
Le magnétophone
 
Dans ces situations de tâtonnement ou d'improvisation qui ont pourtant des structures et des objectifs différents, le magnétophone présente plusieurs intérêts :
- il va donner à la création le statut particulier de musique enregistrée, ce qui pourra former le sens critique vis à vis des musiques dont nous sommes tous auditeurs et qui sont souvent considérées comme produits finis... même si l'on peut parfois en douter.
- pour les jeunes enfants, le magnétophone pourra se substituer au codage et supprimer ainsi la fixation sur l'activité d'écriture.
- il permettra à l'enfant ou au groupe de mémoriser de qui a été créé ; la réalisation pourra alors devenir propriété de la classe et être placée au même rang qu'un chant et une musique traditionnels.
- il va surtout être un témoin fidèle de ce qui a été produit et permettre à l'acteur d'être son propre spectateur.
L'analyse pourra ainsi être source d'amélioration ou de mise au point.
 
La composition
 
C'est un aspect particulier de la création sonore, pisqu'elle recouvre, outre l'invention dont nous avons déjà parlé, la fixation, la précision et l'objectif de pouvoir reproduire.
La production est alors mémorisée. Elle peut être codée. Elle est une manifestation matérielle du groupe.
Ce type de réalisation est tout de même contraignant, car il nécessite des recherches, des choix, une organisation logique.
Pour l'enseignant, la composition permet d'avoir, à un moment donné, des indications sur l'évolution de chaque enfant du groupe à travers l'emploi ou non de stéréotypes musicaux et l'utilisation de structures mélodiques ou rythmiques vatiées.
De plus, ce travail va développer la mémorisation, ce qui naturellement servira les autres acquisitions scolaires.
 
Exemple d'une composition vocale collective
 
Lors d'une discussion sur le contenu de nos envois aux correspondants, un enfant propose de réaliser des enregistrements.
Nous avons déjà enregistré des poésies et des textes libres accompagnés par de la musique.
"On pourrait faire un chant !" lance Amaury.
Ce projet accepté avec enthousiasme, nous définissons alors quelques procédés :
- choisir un texte puis trouver un accompagnement musical,
- inventer une mélodie et chercher ensuite les paroles,
- créer les deux simultanément.
C'est cette troisième méthode qui est choisie.
Daniel : "on pourrait parler de la mer..."
Séverine, Amaury et Daniel proposent une phrase de départ qui est déjà chantée. Nous choisissons : "Dans la mer bleue, il y a des poissons".
D'autres mélodies sont alors trouvées, ce qui nécessite un nouveau choix. Tout le monde chante alors plusieurs fois le début de NOTRE chant.
Il faut s'imprégner de cette courte phrase pour que la suite en découle, tant sur le plan des paroles que sur celui de la musique.
Nous définissons ensuite un système de notation indiquant simplement les syllabes où la voix monte, celles où la voix descend, celles où la voix reste "pareille". La partition produite permettra à nos amis de Vitry sur Seine de suivre ce que nous chantons.
Cette recherche est renouvelée lors de plusieurs séances pour aboutir à ce petit chant :
"Dans la mer bleue, il y a des poissons
qui tournent en rond et qui jouent à cache-cache
en chantant et en rigolant.
La sardine argentée lance des éclats de couleurs.
Un requin bleu et rouge va au bal des sirènes."
 
Document : notre codage
 
 
Il est évident que le codage est, dans cet exemple, propre à notre classe et que son utilité dépend de la mémorisation de la mélodie et du rythme. Son intérêt est également de préparer les enfants à d'autres codages (dont l'écriture traditionnelle). Mais l'écrit n'est nécessaire que lorsque les réalisations deviennent plus longues, plus complexes, lorsque la mémoire ne suffit plus.
 
Conclusion
 
La musique recouvre un enchevêtrement complexe de notions opposant souvent la musique-théorie et la musique-plaisir.
Les adultes ont souvent oublié le temps de leur enfance, celui où spontanément, l'enfant imagine ses comptines, invente des rythmes, met des airs sur des paroles, tout cela pour son seul plaisir ; parce qu'il en a besoin, il chante et chantonne sans cesse des mélodies inédites, aussitôt et à jamais envolées, mais toujours renouvelées pour accompagner sa pensée et ses actes.
L'école se doit d'entretenir ou de rétablir les conditions favorables à ce que l'on pourrait appeler la "bain musical". Mais il faut être conscient que le point de départ n'est nullement l'application sans réserves de systèmes conçus par l'adulte et pour l'adulte, mais la pratique d'activités permettant l'évolution personnelle de chaque enfant dans le groupe. Ceci pourra amener à des recherches de moyens de transcription, mais l'enfant, quand il en aura senti le besoin et assuré la construction, y sera plus affectivement impliqué.
Dans ces objectifs, il ne faut pas isoler l'expression musicale et les activités qui y sont liées des autres activités et types d'expression en pratique dans la classe.
L'enfant ne peut apprécier un tableau que si lui-même peint et,contrairement à Goethe qui écrivait "l'individu ne peut être sensible à l'oeuvre des autres", je pense qu'après avoir vécu des actions musicales, l'enfant considèrera l'oeuvre adulte comme la suite de ses expériences.
Naturellement, le rôle du maître et ses relations avec le groupe classe seront déterminants : il sera lui-même musicien, chanteur, peintre ou écrivain. Il proposera aussi des situations mais saura, de plus, exploiter les moments privilégiés, sentir la fatigue ou l'énervement et rompre le rythme d'une journée.
Toutes les occasions, activités de courte ou de longue durée, chant, écoute d'un enregistrement, création d'un thème musical ou recherche d'un codage aboutiront alors à la musique-plaisir.
Pierre Fourrier (02)
 
DOCUMENT
 
Les chants d'Isabelle
 
Nous utilisons aussi parfois le couloir pour un atelier magnétophone. Plusieurs types d'enregistrements peuvent y être réalisés : histoires racontées, lettres pour les correspondants, bruitages.
La présence, toute proche, du matériel de bricolage, y a quelquefois provoqué des recherches intéressantes : le souffle dans un tuyau de carton enregistré par Laurent en est un exemple.
Un jour, Isabelle s'y est isolée pour enregistrer un chant : Le papillon de nuit. Sur un texte improvisé, Isabelle produit successivement de nombreuses versions en jouant avec sa vois, utilisant le magnétophone comme mémoire.
 
Premier enregistrement  
"Il est mon ami
il est tout gris
il chante avec moi quand il a de la joie mon papillon de nuit.
Il m'a dit :
je voudrais que tu voles avec moi
dans le ciel.
Il m'a dit:
que la vie est belle
avec mon soleil qui brille."
 
Dernier enregistrement
"Le papillon tout gris
Il est mon ami tout gris.
Il chante avec moi
quand il a d'la joie.
Mon papillon d'nuit
il m'a dit :
je voudrais que tu voles avec moi
dans le ciel.
Et il m'a dit :
que la vie est belle
quand le soleil brille .
L'intérêt de ce moment est que le texte devient peu à peu prétexte, ne subissant que peu de modifications du premier au dernier enregistrement. Dans cette création, c'est le jeu vocal qui prime, c'est ici un jeu sans règle.
On remarque le balancement continuel entre des structures mélodiques connues, réminiscences de chants entendus ou appris et des essais de mélodies atonales. Isabelle construit là une partie de son évolution, de son ouverture.
Dans les différentes versions de la phrase : "il m'a dit : je voudrais que tu voles avec moi", on remarque, en dehors des variations de la ligne mélodique,
- des recherches rythmiques
- des essais d'agrandissement de l'étendue vocale, qui va de         à                .
Cependant, tous ces essais, ces progressions sont effectués involontairement. Isabelle disposait seulement de l'outil magnétophone. Elle a simplement eu du plaisir à chanter et nous avons eu du plaisir à l'écouter.
 
 
Met-on les notes ?
 

 

Fichier d'utilisation du dictionnaire

Février 1997

1er niveau (CE1 et CE2)

2ème niveau (CE2 à CM2)
 
Le dictionnaire est un instrument culturel fondamental.
Il doit être un des compagnons permanent de l'enfant au cours de sa scolarité.
Encore faut-il que ce dernier puisse en maîtriser l'usage, car c'est un outil complexe.
 
Source d'acquisitions de connaissances ponctuelles, outil de référence indispensable pour l'expression, le dictionnaire est aussi un support commode pour des activités d'observation de la langue.
Les travaux proposés dans ces deux fichiers font référence à divers dictionnaires, n'en privilégiant aucun.
En effet, notre but n'est pas de préparer les élèves à l'utilisation d'un ouvrage, mais bien de leur rendre familier les dictionnaires.
A travers les manipulations, observations fines et recherches diverses, les enfants sont confrontés aux différences de présentations mais aussi aux similitudes de fond de ces ouvrages.
 
 
Connaissances nécessaires à la maîtrise de la langue (Instructions officielles)
          
Cycle II
 
L'élève doit pouvoir :
- se servir d'un dictionnaire adapté à son âge.
 
Cycle III
 
L'élève doit être capable :
- de distinguer, grâce au contexte, les différents sens d'un mot, le sens propre et le sens figuré, de repérer des homonymes, des mots de sens proche ou de sens contraire
- de trouver le sens d'un mot, d'une expression, dans un dictionnaire courant (...)
- de donner des définitions précises de mots.
           Programmes de l'école primaire
           (Ed. Savoir Livre et CNDP)
 
FICHIER 1er niveau
(A et B)
 
Ce fichier est conçu pour aider l'enfant à utiliser le dictionnaire en autonomie.
 
Il s'adresse aux enfants de CE1 et de CE2 (à la charnière donc des cycles II et III) ainsi qu'aux enfants non familiarisés avec le dictionnaire.
 
Structure du fichier
 
Série 1 : 7 fiches grand format, soit
   - 6 fiches d'activités
   - 1 fiche test
 
Séries 2, 3, 4 : chaque série est constituée de 8 fiches
 
   - 6 fiches-activités
   - 1 fiche-correction (qui regroupe les corrections relatives aux 6 fiches précédentes)  
   - 1 fiche-test (correction dans le livret de l'enseignant).
 
Des livrets-plans de travail individuels sur lesquels les élèves porteront leurs réponses.
              
                         
               Sommaire
          Fichier 1er niveau
 
                Série 1  
            (série affiches)
 
Manipulations pour observer le contenu du dictionnaire et commencer à se repérer dans son organisation.
 
                Série 2
  
Sensibilisation intuitive à l'ordre alphabétique.
 
                Série 3
 
Activités pour acquérir la maîtrise de l'ordre alphabétique.
 
                Série 4
  
Renforcement de la compétence de maîtrise
de l'ordre alphabétique pour arriver à la recherche efficace du mot.
 
Ce fichier est accompagné d'un livret du maître qui présente, sous forme de tableaux détaillés, les objectifs visés et les compétences à exercer.
 
Il sera ainsi possible à chaque enseignant de mettre en place des activités d'entraînement et de renforcement, de créer des fiches supplémentaires, si nécessaire.
 
On trouvera aussi, en fin de livret, la correction des fiches tests.
 
La première série
 
7 fiches grand format (29,7 X 42) de type affiche.
 
Cette série propose l'observation du contenu des dictionnaires afin d'aider les enfants à se repérer dans leur organisation.
Elle est conçue pour un travail en petits groupes requérant la présence de l'enseignant.
C'est pourquoi les fiches de cette série se présentent sous un format affiche.
 
.........................................
 
Compétences exercées dans cette première série
 
Fiches 1 et 2 :
feuilleter des dictionnaires, repérer les diverses planches, les illustrations...
 
Fiches 3 et 4 :
repérer divers indices accompagnant les mots;
 
Fiches 5, 6 et 7 :
établir le rapport entre la lettre titre et la lettre initiale des mots expliqués ; situer approximativement un mot dans l'espace du dictionnaire et se déplacer rapidement dans celui-ci.
.........................................
 
Cette série a un rôle d'introduction aux activités des séries suivantes.
 
C'est dans la mesure où les enfants connaîtront bien les dictionnaires qu'ils pourront ensuite travailler efficacement aux séries suivantes, à caractère individualisé.
 
C'est pourquoi il ne faudra pas hésiter à s'attarder sur ces premières activités de groupes.
On pourra ainsi multiplier les séquences de manipulations en s'inspirant de ces quelques fiches introductives.
 
Nous n'avons pas jugé utile d'équiper cette première série d'une fiche-correction, dans la mesure où les activités de cette série demandent la présence de l'adulte.
 
La première série a été faite collectivement et plusieurs dictionnaires ont servi de références.
Ainsi, nous avons pu remarquer que tous les dictionnaires n'étaient pas présentés de la même façon, mais cette série d'affiches permet de bien mettre en évidence les grandes constantes des dictionnaires.
Après ce travail en groupe (il faut insiter sur son importance), les enfants ont poursuivi le travail sur ce fichier dans le cadre de leur travail personnel.
 
                         C. Charles (19)
 
 
 
Les séries 2, 3 et 4
 
Travail individualisé
et part du maître
 
Après l'approche en groupe des dictionnaires, effectuée avec la série 1, le travail pourra se faire au travers d'activités individualisées.
 
Nous tenons cependant à éviter tout malentendu : travail individualisé (ou travail autonome) ne doit pas signifier désintérêt, absence de l'enseignant.
Celui-ci peut adopter deux attitudes pendant les plages de travail individualisé :
- se consacrer uniquement à un groupe d'enfants (introduction d'un nouveau fichier, animation d'une activité, etc.)
- rester disponible pour répondre aux demandes " à la carte ".
 
Bien que les séries 2, 3 et 4 permettent un travail autonome, l'adulte sera cependant sollicité suivant le niveau des enfants et leur habitude plus ou moins grande du travail individualisé.
 
Certaines réponses demandent d'aller voir l'enseignant et offrent la possibilité d'une discussion intéressante avec l'enfant.
                         C. Charles (19)
 
L'analyse fine d'une erreur est toujours riche d'enseignement et permet de mieux " coller " aux besoins de chacun.
Aussi, et bien que l'autocorrection soit possible ( une fiche correction est prévue pour chaque série de fiches), il est important que l'enseignant prenne le temps de faire régulièrement le point avec chacun.
 
C'est pourquoi il est utile d'éviter les sollicitations non souhaitables et notamment les obstacles techniques secondaires.
Nous attirons, par exemple, l'attention sur les tableaux souvent utilisés pour les réponses des élèves.
Il sera indispensable de s'assurer au préalable que ceux-ci en maîtrisent suffisamment l'usage.
 
D'autre part, il peut être intéressant de jalonner les activités individualisées de séances collectives ou de groupes soit pour introduire une notion soit (au contraire) pour faire un bilan.
 
Objectifs
de ces trois séries
 
* La seconde série amène à une sensibilisation à l'ordre alphabétique. Il ne s'agit pas d'aborder l'apprentissage de l'alphabet qui fera l'objet de la série 3.
 
* La troisième série s'attache à l'acquisition de la maîtrise de l'ordre alphabétique en s'appuyant sur les découvertes faites précédemment (série 2).
 
* La quatrième série renforce ce dernier objectif pour arriver à la recherche efficace d'un mot.
 
 
 
Témoignage d'utilisation, dans une classe unique avec le groupe des CE2
 
Après avoir abordé en groupe, et avec l'aide du maître, les travaux de démarrage avec les affiches, les enfants ont utilisé le fichier " dictionnaire " en travail individualisé.
 
Le fichier est alors disponible parmi les autres : lecture A3 et B1, orthographe, numération opérations...
 
Chaque enfant suit le fichier à sa convenance en relation avec le maître :
- soit fiche à fiche
- soit en fonction des besoins de l'enfant.
                         E. Joffre (07)
 
Les diverses formes d'organisation de la classe permettant l'alternance d'activités collectives, de groupes et individualisées, sont semblables quels que soient les cycles.
 
 
Les livrets-plans de travail individuels
 
Pour éviter toute perte de temps, des grilles-réponses élèves sont fournies avec le fichier. Elles sont regroupées sous forme d'un livret individuel " consommable " de 8 pages.
 
Chaque fichier est livré avec 10 livrets individuels (ces livrets sont par ailleurs disponibles par lot de 10 pour une somme modique).
 
 
Fichier 2ème niveau
(B, C, D)
 
Ce fichier a pour objet d'amener les enfants à utiliser les dictionnaires de manière performante.
 
Il s'inscrit dans la continuité du fichier précédent et s'adresse aux élèves du cycle III.
 
Il engage l'enfant à pratiquer une observation fine. Il le met en situation de prendre conscience peu à peu des nuances de la langue et de la rigueur de la relation sens/orthographe.
 
Cette observation conduit à un questionnement permanent qui entraîne l'enfant à élaborer des démarches pour
- comparer les mots,
- en déduire leur sens,
- réfléchir sur leur graphie,
- comprendre le fonctionnement de la langue,
- mettre en oeuvre des stratégies de recherche.
 
.........................................
 
               Sommaire
          Fichier 2ème niveau
 
               Série 1
 
Décodage du langage typographique du dictionnaire.
 
               Série 2
 
Prise de conscience de la polysémie des mots.
 
               Série 3
 
Elargissement de la connaissance de la morphologie, du sens, du lexique.
 
               Série 4
 
Prise de conscience de la formation des mots.
 
.........................................
 
La série 1 insiste encore sur divers repères typologiques : différences de graphies (pour les phrases exemples et les définitions), abréviations...
 
Les séries suivantes approfondissent les notions de sens propre et figuré, synonymes et contraires, de registres de langue, de formation des mots (radical, préfixe et suffixe), etc. 
 
Structure du fichier
 
- 32 fiches format 17 X 22 cm
- 10 livrets individuels pour réponses
- 1 livret pour l'enseignant
 
Contrairement au fichier précédent celui-ci ne commence pas sur une série affiche pour travail de groupes.
Cela ne nous a plus paru indispensable, mais il revient à l'enseignant de proposer des activités collectives (ou de groupes) s'il le juge nécessaire comme introduction et/ou pour jalonner les activités personnelles.
 
Le fichier est ainsi composé de 4 séries de 8 fiches :
   - 6 fiches-activités
   - 1 fiche-correction (qui regroupe les corrections relatives aux 6 fiches précédentes)  
   - 1 fiche-test (correction dans le livret de l'enseignant).
 
Comme le premier fichier, celui-ci est accompagné d'un livret du maître présentant les objectifs visés et les compétences à exercer, et qui se termine par le corrigé des fiches tests.
 
Introduction du fichier
 
Plusieurs stratégies sont possibles suivant les niveaux réels des enfants :
 
- Après un travail de la classe sur l'ordre alphabétique et un premier bilan diagnostic des connaissances, j'oriente les enfants par rapport au fichier.
Du fait de l'hétérogénéité des niveaux, certains commencent plus loin dans le fichier que d'autres.
 
 Il m'arrive aussi d'utiliser certaines fiches collectivement, surtout en début d'année pour lancer le fichier.
                    J-L. Allard, CM2 (87)
 
- On peut prévoir, au préalable, une ou plusieurs séances où les enfants expliqueront quand et comment ils utilisent un dictionnaire et quelles sont ses particularités (planches, noms propres,etc.). On observera aussi les différences de présentations des dictionnaires que nous possédons.
               G. Sapirstein CM1-CM2 (54)
 
 
Témoignages d'utilisation
 
Classe de CM2
 
Les enfants se servent du fichier dans le cadre du plan de travail instauré sur deux à trois semaines (établissement maître-élève en fonction des constats d'erreurs). L'accès aux fiches est alors libre, je suis disponible pour conseiller.
 
Autre utilisation : je peux conseiller à toute la classe d'inscrire une série particulière aux plans de travail quand il s'agit de renforcer une notion mal assimilée par tous.
                        J-L. Allard (87)
 
Il peut être utile, comme le fait J-L. Allard, de se constituer un tableau avec toutes les entrées du fichier et les noms des enfants. Il permet de savoir en permanence où en est chacun.
 
Classe de CM1-CM2
 
Dans l'emploi du temps de ma classe, modulable chaque semaine en fonction des conseils de coopérative, deux plages sont prévues (après les " quoi de neuf " du lundi et du jeudi) pour le contrat de travail en français (travail individualisé) et dont la durée est de 45 minutes maximum.
Priorité est donnée à l'expression écrite car ces deux jours sont ceux où les enfants ont le plus de choses à raconter ou à écrire. Ils ont donc le choix entre:
- faire un texte libre, ou un jeu poétique,
- faire une ou deux fiche(s) d'orthographe et une à quatre fiche(s) de lecture (fichiers ICEM-PEMF),
- taper un texte pour le journal à l'ordinateur et/ou faire une " fiche dictionnaire ".
Plusieurs dictionnaires différents (Petit Robert, Larousse...) sont à leur disposition.
Ils travaillent de manière autonome, les CM1 aux séries 1 et 2, les CM2 aux séries 3 et 4. Il est possible de solliciter l'aide d'un camarade et de faire une fiche à deux si l'on est en difficulté. Il est possible aussi de se regrouper à plusieurs autour d'une table avec des fiches différentes et de s'entraider avec ou sans le maître.
                      G. Sapirstein (54)
 
On peut aussi organiser la classe en ateliers à certains moments : l'atelier utilisation du dictionnaire sera alors proposé à côté des ateliers mise au point ou correction de texte, orthographe, lecture, ordinateur, correspondance, préparation d'un exposé, etc.
 
Lorsqu'un enfant a terminé une série, il passe le test. Pour cela, il prévient le maître à l'avance et s'isole dans un coin de la classe avec plusieurs dictionnaires. Le test réussi, donne droit à une citation au conseil de coopérative et à une partie du brevet de bon utilisateur de dictionnaire ( affichage en classe). L'enfant devient alors personne ressource, au même titre que le maître, pour aider les autres lors de l'utilisation du fichier.
            G. Sapirstein (54)
 
 
L'expérience acquise à travers les diverses les diverses activités proposées dans ces deux fichiers devrait rendre plus efficace l'utilisation des dictionnaires.
 
Il faut cependant être conscient des limites de tout exercice d'entraînement. Aussi utile soit-il, il ne remplacera jamais la pratique " en situation ".
C'est pourquoi, il faut recourir systématiquement et le plus souvent possible au dictionnaire. Les enfants doivent avoir cet instrument continuellement à portée de la main, au même titre que la calculette ou l'atlas de géographie.
 
Dossier préparé par J-C. Saporito.
Documents : C. Charles, M. Deshours, B. Gallier, E. Joffre, A. Solas (auteurs des fichiers et du livret de l'enseignant) et témoignages de J-L. Allard, C. Charles, E. Joffre, G. Sapirstein.
 

 

 

Formation à la citoyenneté par l'exercice de la citoyenneté : le conseil municipal d'adolescents d'Aix en Provence

Février 1997
Un exemple : le Conseil Municipal d'Adolescents d'Aix en Provence
 

 

Le texte qui suit est un extrait, réducteur, faute de place, de l'intervention de X. Nicquevert et L. Corre au Congrès de l'ICEM (Sophia Antipolis. Août 1996), dans le champ politique et social.
Impliqués dans ce projet depuis les débuts, en 1989, Xavier et Liliane ont souhaité porter témoignage, surtout sur la longue phase de gestation et sur le premier mandat, dont ils ont été acteurs acteurs.
 
 
 
Dans de nombreuses villes, le Conseil Municipal d'enfants (les Conseils d'adolescents sont beaucoup moins nombreux) sont une simple copie du Conseil Adultes, sans réels pouvoirs, ou bien, comme le note Alain VULBEAU, "les adultes ont tendance à se dire qu'il faut créer pour les enfants une sorte d'éducation civique appliquée"(1).
 Bien évidemment, pour nous l'idée d'écouter les enfants, de reconnaître leurs droits est importante et partie intégrante de la pédagogie FREINET, mais nous entrevoyions surtout la perspective d'une véritable chantier grandeur nature de formation à la citoyenneté et à la démocratie. Avec, également l'idée, et l'espoir (que nous n'osions pas vraiment formuler trop clairement), que des jeunes pourraient, ainsi qu'on peut le constater dans les classes coopératives, bousculer certains des postulats qui fondent actuellement beaucoup de fonctionnements supposés démocratiques. Quelque chose de l'ordre du fantasme d'une réinvention ou de régénération de la démocratie, en quelque sorte...
 Nous avons donc accepté de participer à ce projet à condition d'avoir des garanties sur l'authenticité de la volonté du maire et son acceptation de "jouer le jeu". Cela signifiait pour nous :
- que le Conseil Adolescents était accepté comme un contre-pouvoir possible ;
- qu'il était autonome dans son fonctionnement et notamment le choix de ses projets ;
- que les moyens lui étaient donnés de réaliser ceux qui étaient à sa mesure ;
- que les projets plus "lourds" seraient toujours examinés par le maire.
Nous avons également fait admettre - facilement - par les responsables municipaux l'idée qu'un Conseil d'enfants ou de Jeunes - fut-il dénommé “Municipal"- ne se constituait pas, ne s'élisait pas et ne fonctionnait pas forcément sur des bases et des règles analogues à celles des adultes et qu'il appartenait aux jeunes eux-mêmes de les définir.
 
La phase de mise en place
 
A partir de Janvier 1990, 25 jeunes, issus des collèges d'Aix en PROVENCE, répondent à l'appel d'un groupe de réflexion d'adultes réuni (à l'initiative du maire) autour de l'idée de la création d'un Conseil Municipal d'enfants et/ou d'adolescents et qui sera axé sur la formation à la citoyenneté s'élaborant à travers l'exercice de pouvoirs réels, avec gestion d'un budget (était affirmée l'idée que les jeunes ne devaient pas être des faire-valoir ou simplement des boites à idées).
Ce groupe de jeunes deviendra très vite "Collectif Jeunes Citoyens Aixois" (C.J.C.A.) et se réunira régulièrement avec quelques adultes pour réfléchir à ce que sera ce Conseil.
 De Janvier 1990 à Février 1991, il organisera plusieurs actions dont le but était le recueil d'informations et d'idées auprès des collégiens de la ville :
- une journée de regroupement : "Vision d'Aix par les jeunes"
- une exposition itinérante avec des réunions dans les collèges
 -une assemblée générale qui mandatera le C.J.C.A afin qu'il poursuive son action d'une manière institutionnelle.
Tout ce travail aboutira à un cahier de propositions présenté au maire par les jeunes en avril 1991.
 Par suite de tensions et de rivalités politiques entre adjoints, les élections pour le Conseil Municipal des Adolescents ne peuvent avoir lieu avant les grandes vacances, ce qui constituera une énorme déception pour les jeunes.
 
La charte
 
Cette charte s'articule autour des idées suivantes :
- l'âge des électeurs : de la 6 ème à 18 ans moins un jour (date de la majorité légale),
 ce qui permettait d'éviter une rupture dans le droit électoral.
- la durée du mandat (2 ans) avait pour conséquence que les adolescents éligibles devaient avoir 16 ans moins un jour.
- une élection à 2 tours : en effet, c'est ce mode d'élection qui avait été proposé dès octobre 90, lors des rencontres dans les collèges, autour de l'exposition. Système compliqué que cette élection à 2 tours, mais auquel les jeunes avaient travaillé soigneusement :
- dans chaque collège, une liste de candidats est établie;
- du premier tour des élections se dégage un certain nombre d'élus par collège, qui désignent les élus au Conseil Municipal des Adolescents, ainsi que les suppléants prévus. Ces derniers suivront les travaux du Conseil et animeront dans leur collège des commissions extra-municipales.
De plus, les jeunes ont insisté sur la nécessité qu'il y ait dans chaque collège 2 collèges électoraux : de la 6 ème à 14 ans, puis de 14 à 16 ans, pour que les plus jeunes ne soient pas influencés, voire dominés par les plus vieux.
- le nombre des élus : le Conseil Municipal Adultes comporte 55 membres ; ce nombre a paru difficilement gérable; il a donc été décidé 35 élus et une liste de 20 suppléants.
- le fonctionnement du C.M.A : à la demande des jeunes, les réunions seront gérées par un président tournant ; le secrétaire aussi sera tournant, de manière à impliquer le maximum d'adolescents dans l'exercice des responsabilités. Le compte-rendu des séances, rédigé par le secrétaire sera affiché dans les collèges. Il n'y aura pas de maire adolescent. Une assemblée plénière se réunira une fois par trimestre avec le maire.
- l'espace de pouvoir : le C.M.A. devra pouvoir gérer (y compris financièrement) un certain nombre de réalisations à court terme qu'il se déterminera.
Toutes ces idées étaient celles des jeunes, longuement discutées et mûries par eux.
 Les adultes les ont mises en forme (ce qui a entraîné quelques tensions avec le conseiller délégué à la communication de la ville, qui avait des tendances à "une reformulation déformante") et ont mis sur pied, avec le service technique des élections, la carte d'électeur, l'établissement des listes électorales et l'organisation proprement dite des élections.
 
Une naissance difficile
 
Il est à noter qu'un tel projet rencontre beaucoup d'oppositions : cet apprentissage de la démocratie par l'exercice du pouvoir confronté aux réalités d'une gestion municipale provoque de nombreux blocages politiques, mais aussi d'ordre plus général. Certains professeurs, principaux, parents craignent que la création d'un C.M.A. fasse entrer la politique à l'école, au collège, à la maison; ils craignent que les jeunes soient récupérés, enrégimentés par les adultes responsables.
 Il est vrai qu'une telle dérive peut avoir lieu. Le fonctionnement d'une structure de ce type exige honnêteté, loyauté, respect fondamental de la parole et du pouvoir des jeunes de la part des adultes qui en ont la responsabilité.
 
Une démarche de tâtonnement expérimental ?
 
Pour nous, cette évaluation est importante : nous pensons avoir atteint nos objectifs sur ce plan, et ce, malgré les pressions des élus que nous n'avons pas réussi à convaincre tous du bien- fondé de notre démarche.
Les jeunes, quant à eux, en avaient vite acquis l'esprit, faisant preuve de capacités à s'organiser, d'esprit critique, d'autonomie et ne s'en laissant pas compter par les adultes. Après les membres du Collectif, les conseillers à leur tour ont manifesté de plus en plus visiblement leur agacement à certaines "leçons" très didactiques de certains conseillers adultes ou de responsables de Services Techniques venant leur expliquer comment il fallait s'y prendre, ou pourquoi "c'était impossible". Ils ont même parfois renvoyé la leçon et le professeur en démontrant - par l'action - que c'était possible.
Cependant, ce contexte même de la réalité, de la vraie grandeur dans lequel nous travaillions, les enjeux et les réactions externes que nous ne maîtrisions pas, nous ont rarement permis de laisser les jeunes aller jusqu'au bout d'une voie erronée, de faire les analyses et de voir comment remédier.
Ainsi, le Groupe "Transports" s'était, à notre grande surprise, mobilisé sur le problème de la circulation des "personnes à mobilité réduite", comme disait le technicien, dans le Centre Ville d'Aix, et plus particulièrement sur des incohérences dans la distribution des "bateaux", ces espaces de trottoirs surbaissés supposés faciliter le passage des fauteuils et des poussettes. Après un exposé magistral, plans à l'appui d'un responsable des services techniques, ils se sont rendus sur place faire des relevés. A la séance publique suivante, ils mettaient sous le nez du Maire, médusé, leurs petits croquis mettant en évidence les incohérences : absences de vis-à-vis, abaissement débouchant sur des chicanes que constituaient des panneaux ou poteaux de toutes sortes, ou absence quasi totale dans des carrefours importants ! Après quoi, les jeunes ont été associés aux travaux du service chargé de la réalisation: ils ont pu voir leurs modestes croquis se transformer en plans.
  
 
Quels enseignements ?
 
Majeurs maintenant, les jeunes du C.J.C.A. sont souvent parvenus à des niveaux d'études
 élevés. Avec le recul, Sylvain, l'un des piliers de l'animation du premier mandat, actuellement en Sciences Po, souligne l'aspect formateur indéniable de la structure conseil municipal de jeunes pour les participants eux-mêmes.
 Mais il se pose des questions sur le rapport coût / résultats :
 -"si "ça ne sert" qu'à ces 20 ou même 30
 - si ça ne leur apporte que des améliorations de la prise de parole en public, des capacités au montage et à la conduite de projet, capacités que l'on devrait pouvoir acquérir ailleurs, ne serait-ce qu'en tant que délégué de classe ou membre du foyer socio- éducatif ou du C.A. d'un Club de jeunes...
- quelles sont les retombées sur les autres jeunes de la ville "?
Ce sentiment semble partagé par les deux anciens qui ont accompagné le deuxième conseil :
 "le but du C.M.A., c'est d'avoir une autre vision que celle des adultes... On dépense des sous pour donner une voix aux jeunes, qu'ils fassent des choses pour les jeunes.
 Mais il y a un problème de représentativité des membres du C.M.A... On a l'impression qu'on porte la voix des jeunes, parce qu'on est des jeunes, mais on ne prenait pas leur avis chaque fois qu'on prenait une décision".
On pourra toujours nous opposer que, sans un C.J.C.A., sans un C.M.A., des jeunes de cette trempe auraient sûrement trouvé à investir leur dynamisme et leurs forces militantes. Ce que l'on peut avoir fait de mieux pour eux, c'est de les avoir aidés à le faire en meilleure connaissance de cause et avec des outils critiques leur permettant d'éviter les pièges de l'embrigadement. Ne serait-ce pas, somme toute, une façon honorable d'appliquer la charte... de l' I.C.E.M. ?
 Liliane CORRE et Xavier NICQUEVERT
 - Chemin du Jas Blanc - 13840 ROGNES
 
(1) Alain Vulbeau, chercheur à l'Institut de l'Enfance et de la Famille. Intervention au Colloque "Enfance et citoyenneté" Saint Priest. 1991.

 

 

 

Jusqu'à ce que vie s'en suive...

Février 1997

Jusqu'à ce que vie s'en suive...

 

 

"Nous n'essaierons pas de doter les oisillons d'ailes factices pour les précipiter trop tôt hors du nid. Nous laisserons patiemment les plumes fleurir et s'épanouir, assurés que nous sommes que l'envol viendra immanquablement, au moment voulu, naturel et puissant."
C. Freinet (La méthode naturelle)
 
 
“Quand je voulus toucher à la musique, on m'avertit qu'il fallait d'abord l'apprendre, monter la "dame" do-ré-mi, la descendre do-si-la, enfler et diminuer, filer, mesurer, battre, compter et progresser.
On portait ensuite à ma connaissance qu'il y avait de grands musiciens. Ils étaient tous morts, d'ailleurs, sauf peut-être un ou deux que l'avenir seulement reconnaîtrait. Il n'en restait donc que des moyens ou des petits. Le centre de cette culture si rare et suprême qui m'ébahissait devait se trouver à Paris car les imprimés de musique, les livres de ceux, poètes et savants qui en parlaient en connaissance de cause et en avaient découvert les lois qu'on enseignait même dans une école, portaient tous écrit : PARIS.
Je me contentais d'oeuvres à ma portée, clandestines pour tout un tas de raisons, aussi bonnes les unes que les autres et que j'ai depuis de bonnes raisons de juger détestables.
Nous faisions de la musique avec des copains dans une "remise" : Jean, Yéyé, Jeannette, Moineau, une casserole, un sifflet, un harmonica, une boîte de sardines.
L'instrument le plus convoité avec le sifflet modulateur, c'était la boîte à gaufres, pièce unique, très difficile à trouver et fascinante par toutes ses possibilités sonores.
Yéyé, qui allait au catéchisme, en avait profité pour nous rapporter des pages de musique imprimée qu'il distribuait au début des séances auxquelles je fus admis avec une gravité impressionnante. J'en restai muet d'abord, admirant comment les autres déchiffraient la musique. Mais Moineau regardait en l'air trop souvent et je me demandait s'il savait tout ça par coeur ou si...
Je me lançai, tremblant qu'on ne me repousse, tâtonnant avec timidité et frayeur à la rencontre de mes copains. Yéyé me cria : "oui !" et je vis que personne ne lisait la musique et qu'on pouvait y aller. On y allait de bon coeur. je pénétrais dans un cercle supérieur vers un point central et chaud où nous tendions de tous nos gestes, bien au-delà des signes ordinaires. On écoutait jusqu'à deviner, prévenir, donner un écho fulgurant. On écoutait jusqu'à ce que le moindre signe nous devienne sensible et significatif, juqu'à l'âme.
Longtemps après, cela sonne encore à mes oreilles...
... J'avais abandonné cela au bazar de l'enfance quand je montai à dix-huit ans, à Paris, écouter de la vraie musique vivante que des enregistrements exceptionnels, des émissions radiophoniques et la lecture m'avaient révélée quelques années auparavant. Je m'assis sagement à l'Opéra-Comique, sous l'obscurité envoûtante qui se tissait autour de la scène de Pelléas et Mélisande.
Mais je n'eus pas de chance. Ces gens lisaient la musique sur de grands papiers et ne s'écoutaient que du bout de l'oreille. Ils ne s'écoutaient pas. Ils n'écoutaient pas les chanteurs. Ils n'écoutaient pas cet espace prodigieux où De Bussy s'est avancé en "écoutant beaucoup plus" comme dit sa fille à Cortot. Ils dressaient seulement autour de ce monde un mur de sourds.
Ils avaient les voix, les instruments les plus achevés de notre siècle et de notre planète, ils avaient l'art et la science consacrés, ils savaient lire, la salle comble tournée vers eux dans l'ombre, mais jamais de cette abondance qui éclatait de tous côtés, de cette faveur des circonstances ils ne firent naître un grain de poésie. Il ne tomba aucune étoile sur Pelléas.
Je sais, les soirs se suivent et ne se ressemblent pas. Mais ce n'était pas de la musique et je compris que ce qui me le montrait trop clairement était cette expérience vécue avec mes copains de la remise où nous écoutions jusqu'à ce que vie s'en suive, jusqu'à ce que quelque chose passe entre nous.
Parce que si nous n'avions su cela de toute notre conscience, de tous nos actes, sans en expliquer les principes bien fondés aux pédants, aux philosophes et aux snobs, nous n'aurions pas fait de musique digne d'une oreille de pédagogue, ni d'un autre connaisseur, mais nous aurions fait seulement un peu de bruit pour nous amuser”.

 

 

 

Le texte libre dans le groupe

Février 1997

L'école ne peut plus rester indifférente aux conditions défavorables et favorables à la construction de la personne. Il est de plus en plus urgent, à tous les niveaux de l'enseignement, de proposer une pédagogie qui tienne compte, autant que faire se peut, du contexte social de l'enfant et de l'adolescent, qui admette et intègre l'affectivité et l'imaginaire dans l'expression sous toutes ses formes : écrite, orale, picturale, gestuelle...

Quant aux textes libres que l'on croit banals, souvent riches pourtant d'un substrat affectif, il est important d'entendre ce qui est dit. Marguerite Bialas, institutrice dans une classe de campagne à plusieurs cours d'un village alsacien, à 25 Kms de Strasbourg, membre de l'ICEM et de son groupe de pédagogie institutionnelle "Genèse de la Coopérative", en témoigne.
Elle aide à mettre en place des règles de vie coopérative favorisant l'écoute et ouvrant à chaque enfant le champ des possibles, dans son cheminement avec les autres.
 
Texte libre... Pratique démodée, qui a fait son temps et montré ses limites... C'est un point de vue.
Le mien est différent, en dépit ou à cause de plus de vingt ans d'accueil des textes libres d'enfants dans ma classe.
 
Un flot ininterrompu
 
Semaine après semaine, j'entends ces textes (puisqu'ils sont le plus souvent présentés à la classe), je les lis, je les corrige, sauf les textes élus que nous mettons au point collectivement et qui paraîtront dans le journal produit par la classe. C'est un flot ininterrompu, varié et monotone à la fois. Monotone, oui, par la répétition des thèmes ou tout simplement la maladresse littéraire des enfants. C'est surtout un flot varié et finalement toujours renouvelé par la personnalité de chaque enfant, et je ne me lasse pas de les découvrir.
En voici trois présentés à la classe dernièrement. Ils sont transcrits ici à peu près tels qu'ils étaient écrits en premier jet :
A la chasse
 
Samedi et dimanche, mon papa était à la chasse. Quand il était en train de monter sur le mirador, il a vu une bécasse. Alors il s'est dépêché de monter plus vite. Mais quand il est arrivé en haut, la bécasse n'était plus là. Alors il a attendu...
Au bout d'un moment, un renard arriva. Mon papa prit son fusil et tira.
Et voilà que le renard tomba par terre.
Pierre (7 ans)
 
Baptiste : "c'est un texte vrai ?"
Pierre : "Ben, c'est un peu vrai et un peu inventé". Et après un silence : "ça de la bécasse, c'est vrai ; ça du renard, je l'ai inventé".
Une écoute attentive du texte nous aurait déjà renseignés : pour parler de la réalité, Pierre utilise le passé composé. Et l'épisode du renard est raconté au passé simple, le temps des contes... qui permet à ce petit garçon de donner un petit coup de pouce à la réalité pour présenter son papa dans toute sa gloire. N'est-ce pas du pur Pagnol ?
Dans une tout autre veine me semble-t-il, voici le texte de Cathy :
 
Mère et père Famille maladroite.
 
Il était une fois une famille qui était maladroite. Un jour, ils étaient partis ensemble dans une forêt et il y avait une crotte par terre et Marie, la petite fille, a marché dedans.
Et un jour, 101 enfants ont disparu. La mère regarda dans la poubelle partout. Je vais vous citer les noms : Marie, Claude. On les appela les 101 dalmatiens.
Les habitants du village avaient peur.
Cathy (7 ans)
 
Que faire de ce texte incohérent, pourtant destiné au journal ?
Cette petite fille qui marche dans la crotte... Est-ce que c'est "pas de chance" ? Est-ce que, au contraire, c'est une façon de forcer son destin, comme le veut l'interprétation populaire de ce pas maladroit ?
Et pourquoi "famille maladroite" ? Nous en avons parlé au moment de la mise au point, et Cathy ne savait pas trop. Peut-être pensait-elle que "maladroit" veut dire quelque chose comme "malchanceux"... C'est en tout cas l'explication qu'elle nous a proposée et que nous avons acceptée.
 Sur le brouillon, on peut voir que son premier titre était "Mère et père". Intéressant, ce changement de titre ! A première vue, "famille maladroite" suivi de "il était une fois" me semble plus neutre, plus impersonnel que "Mère et père", et donc moins risqué pour l'auteur. Impossible de savoir précisément ce qui l'a fait changer d'idée.
Et pourquoi la mère cherche-t-elle d'abord ses enfants dans une poubelle, mot qui sera barré et remplacé par "partout" ? Pourquoi auraient-ils disparu dans la poubelle, lieu où l'on jette ordinairement les déchets ? Est-ce que "enfant" voudrait dire "déchet" pour Cathy ? Ne se considèrerait-elle pas, elle aussi, comme une sorte de déchet ? Pour un autre enfant, cette question ne me viendrait sans doute pas à l'esprit. Si je me la pose pour Cathy, c'est peut-être à cause de son comportement assez difficile à supporter par la classe et surtout par son équipe, et que Thomas, 9 ans, résumait ainsi lors d'une réunion de chefs d'équipe : "Elle voudrait tout le temps qu'on l'aime, mais elle fait juste le contraire !" Mais si je vais jusqu'au bout de mes questions, je suis bien obligée de me demander si je ne souhaiterais pas, moi aussi, l'envoyer à la poubelle tellement elle m'agace !
Au moment de la mise au point, les "101 dalmatiens" ont été remplacés par la seule Marie, qui va disparaître et sera retrouvée par sa maman qui "fut contente". Toutes les modifications ont été des propositions du groupe d'enfants ou de Cathy elle-même, qui a, de toute façon, le dernier mot.
Et voici le texte que David nous a présenté en janvier. Nouvel élève de CM1, redoublant, c'est son cinquième jour de classe avec nous.
 
L'histoire d'un PAPA monstre
Il y a un papa monsieur qui répare les voitures. Un jour, il répare la voiture de monsieur Dupont. Monsieur Dupont met sa voiture au garage. Ce papa monsieur s'appelle Nicolas. Il répare la voiture. Une grue casse la voiture pour aller à la fourrière mais la grue a lâché la voiture elle est tombée sur Nicolas. Quand on a soulevé la voiture, il avait la tête arrachée et le bras et beaucoup de sang. Ils ont laissé le corps. Le lendemain matin, il avait disparu. Ils ont cherché partout, la police. Ils ont trouvé un pistolet et une piqûre et du sang et un cache-nez noir. Où Nicolas est mort, il ne reste plus rien. Ils pensent que le monstre (le voleur) va le dévorer un peu plus loin. Il a une maison noire. Il y a beaucoup de sans sur le chemin et sur la maison, ça dégouline de sang. La police entre dans la maison, ça sent le manger. Ils ne voient que l'ombre du monstre : il est en train de manger. Le policier dit : bon appétit. Le monstre se retourne : il a du sang sur les dents, c'est un vampire, il est en train de manger la tête de Nicolas.
David (10 ans 1/2)
 
Il aurait fallu pouvoir filmer les multiples réactions du groupe pendant la lecture de ce texte, réactions qui ont abouti à une sorte d'énorme rire mêlé de cris d'horreur.
"C'est le plus beau texte de cette école !" s'exclame Vincent (dont c'est la cinquième année dans cette classe, encore classe unique il y a peu).
Les commentaires sont nombreux. Tous les garçons adorent le texte, les filles sont plus réservées. Mais le texte est élu (les mots rayés par l'auteur ne sont évidemment pas connus des auditeurs).
 
Le travail sur les textes
 
Au-delà des paroles, l'accueil du groupe se situe peut-être aussi dans le travail ritualisé, lui aussi, qui suit le choix de textes : ce texte sur le monstre étant lu, il a été mis au point par la classe, tapé sur l'ordinateur, illustré au pochoir par une petite équipe avec la participation de David qui a particulièrement veillé à ce que toutes les gouttes de sang soient bien coloriées en rouge. J'ai choisi une phrase qui a servi, comme toujours, à un travail grammatical d'observation et de recherche sur la langue la semaine suivante.
Et de même avec chaque texte élu.
Au choix de textes suivant, David présente "Drôle de mère", texte non élu : une maman se lève la nuit, marche sur un clou, dégringole l'escalier, et après quelques mésaventures du même style, finit par se faire dévorer dans son jardin par un lion qui passait par là.
Le rituel du choix de textes fait que l'on peut en parler quelques minutes. Kyra remarque :
" Eh bien, toi, tu as quelque chose avec le sang ! Et avec dévorer !"
Que dire de plus ?
La mise au point des textes est souvent difficile : c'est un exercice de voltige où l'on essaie de concilier le code de la langue avec la pensée de l'auteur.
Au-delà du travail d'expression écrite, d'autres éléments me paraissent essentiels :
- l'écho du groupe :
Cathy, Pierre et David ont pu lire leur texte à la classe, qui les a écoutés et leur a renvoyé ce qu'elle a entendu ainsi que les questions que cela soulevait :
- "pourquoi la famille est-elle maladroite ?
- Ce n'est pas poli d'écrire : la crotte", d'où plongée dans les dictionnaires et remplacement par "fiente" : certains y tenaient beaucoup !
"Tu voudrais que ce soit vrai ?
- On comprend pas bien le début".
- un travail coopératif :
Le groupe chargé de la mise au point (nous faisons ce travail par demi classe, avec les enfants qui ont à peu près le même niveau d'écriture), fait de son mieux pour aider l'auteur à rendre son texte plus correct ou plus cohérent.
C'est un "avec" l'auteur. Chaque idée lui est soumise, il accepte ou il refuse. Nous cherchons vraiment ensemble.
- un rituel qui protège :
Dans ces moments de travail collectif, l'auteur est forcément valorisé. Chaque enfant peut vivre cette situation de temps à autre (s'il écrit).
Le rituel, cette façon de faire, régulière et identique pour tous, protège l'auteur et sa parole. Parce qu'il n'est pas facile de s'exposer, même dans une classe où il y a des lois. Et la classe ne peut jamais savoir si, par son texte, l'auteur nous dit quelque chose d'important ou pas. Le sait-il seulement lui-même ?
- l'émergence de l'inconscient dans la classe :
Peut-être y a-t-il une communication d'inconscient à inconscient au moment de la présentation des textes. Enseignants, nous n'avons pas été formés à prendre en compte l'inconscient. Il existe et est présent dans la classe.
 
L'attitude de l'adulte
 
Nous sommes là en tant qu'instituteurs, nous écoutons et nous entendons ce que le groupe renvoie à l'auteur. Nous sommes là aussi en tant que personne : ce que nous entendons va faire vibrer telle ou telle corde personnelle, nous émouvoir, peut-être même réveiller de vieilles souffrances. Il n'y a pas que les élèves qui transfèrent. Tout cela nous appartient.
Néanmoins, en tant qu'adulte, nous avons, dans la classe, une place privilégiée parce que nous en savons plus, nous avons plus d'expérience que les enfants, mais aussi parce que nous avons accès à leurs brouillons. Or, on voit bien dans ces textes bruts combien le brouillon est quelque chose d'intime. Bien entendu, je ne "vois" jamais ce qui est barré : habituellement, je ne fais d'ailleurs qu'une lecture assez superficielle des brouillons de textes : 27 écrivains en cycle III, ça n'encourage heureusement pas au voyeurisme... car il pourrait s'agir de cela.
Je crois qu'il nous faut être d'une extrême délicatesse dans ce métier. La pédagogie Freinet et sa dimension institutionnelle permettent effectivement l'expression libre des enfants et favorisent la parole vive du sujet dans la classe.
Mais n'oublions pas que c'est au groupe que tout cela s'adresse : l'enseignant n'a pas à s'approprier la parole des enfants, ni à monopoliser les échos à cette parole comme si le groupe n'existait pas. Adulte dans ce groupe et responsable, nous veillons à la sécurité de chacun et nous favorisons les échanges. Nous nous exerçons à une écoute sincère et plutôt bienveillante : avec le groupe, dans le groupe, nous essayons de dire les mots les plus justes possibles en écho à ce qui lui est apporté.
Conscients de l'importance du miroir que constitue le groupe, confiants dans son action protectrice à la façon d'une peau lorsque le groupe est soudé autour de projets qui ont du sens pour chacun, nous pouvons peut-être éviter les dérives qu'on nous reproche parfois, entre autres celle de jouer au psychanalyste d'occasion. Notre oeil de pédagogue Freinet peut alors détecter, de temps en temps, des pistes de recherches intéressantes.
Par exemple le texte de Pierre nous a conduits à observer des photos de bécasse, et la recherche de la définition du mot dans les dictionnaires a donné lieu à un moment animé de vocabulaire et même de littérature, à cause de Bécassine, mais aussi grâce à Pagnol dont j'ai photocopié pour tous un passage de la chasse aux bartavelles.
Bref, le quotidien du travail de l'instit.
Mais comme ce quotidien doit être morne sans textes libres...
Marguerite Bialas
Ecole de Hohatzenheim (67)
 

 

 

Les Cemea dans le débat sur l'école

Février 1997

Deux journées d'études internes et un colloque public

 
L'école, le système éducatif, confrontés à un environnement socio-économique en crise, sont de plus en plus interpellés.
Le chômage des jeunes et leur angoisse face à leur devenir, la dérégulation des relations pédagogiques, le désarroi des enseignants quand l'école semble perdre son utilité et son sens pour les élèves, l'échec scolaire, l'exclusion sociale qui produisent de la violence tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'école, les difficultés croissantes de l'orientation, les rapports aux savoirs de plus en plus complexes sont autant de préoccupations des acteurs de l'éducation.
C'est dans ce contexte, aux enjeux à la fois complexes et multiples, que se sont situées les trois journées de travail, les 30 septembre et 1er et 2 octobre 1996.
. Elles répondaient à un double objectif interne et externe.
- A l'interne, ces journées étaient une étape importante parce qu'elles permettaient :
    - de socialiser, d'approfondir les réflexions qui avaient déjà fait l'objet de groupes ou de journées de travail ;
    - de répondre aux attentes des militants des CEMEA, et de mobiliser les personnes.
- A l'externe, il s'agissait :
    - de faire connaître nos analyses et nos propositions aux différents partenaires du système éducatif et d'en échanger avec eux ;
    - de nous affirmer dans ce secteur dans une période de renégociation avec le Ministère de l'Education Nationale.
Quarante cinq personnes ont participé aux journées d'étude internes. Après l'intervention de Michel Gevrey, Maire adjoint de Sarcelles, nous avons travaillé sur quatre thèmes :
- l'aménagement du temps de l'enfant ;
- l'accompagnement scolaire ;
- les relations dans l'établissement et de l'établissement dans le quartier ;
- les savoirs que doit dispenser l'école.
Cent trente personnes ont pu débattre au colloque. La répartition des participants était significative. Il y avait là des représentants des Ministères de l'Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports, des élus, des enseignants de différents degrés, des parents, des travailleurs sociaux, des animateurs professionnels, des représentants associatifs.
Bernard de France et Dominique Dannequin ont apporté leur point de vue de chercheurs et ont ainsi enrichi, conforté, requestionné nos analyses.
Jean Pierre Picard
 
La "fracture sociale" à laquelle s'ajoute une ascension de l'extrême droite, sans précédent depuis les années trente, ont, ces derniers mois, revitalisé l'intérêt de la classe politique pour les "laissés pour compte" de notre société. L'exclusion accède au rang de conversation de salon lorsqu'elle représente une menace pour le pouvoir établi.
Quand le populo s'exprime on pense à lui redonner le sens des valeurs. L'éducation populaire revient en bouche au risque d'être dévoyée par les populismes avoués et les politiciens acculés.
L'éducation populaire est-elle un mythe, une réalité dépassée ou une utopie mort-née du temps où l'on croyait qu'une société puisse avoir un sens ?
La patine du temps fait de cette expression un idiotisme qu'il convient aujourd'hui sinon d'expliquer, du moins de situer à la fois dans l'histoire des hommes, dans ses formes d'interventions et dans sa diversité.
En 1936, François Bloch Lainé (1) en donnait la définition suivante : "l'éducation populaire c'est l'ensemble des moyens qui tendent à accroître les connaisances, à former le jugement, à développer la sensibilité des travailleurs, en dehors de l'éducation principale, les dits travailleurs étant normalement éloignés par la modicité de leurs ressources, par l'objet de leur profession et par leurs habitudes de la plupart des manifestations de la vie culturelle".
Aujourd'hui objectivement le culture est à la portée de tous (la télévision en est une bonne illustration), en ce sens là la définition de Bloch Lainé est datée ; par contre, plus que jamais les moyens d'accéder à cette culture font défaut à une grande partie de la population...
Jean Pierre Collos
(Extrait de "Vers l'Education Nouvelle", 76 Bd de La Villette 75940 Paris Cedex 19)
(1) : François Bloch Lainé fut directeur du trésor au ministère des finances, puis de la caisse des dépôt et consignation avant de devenir président du crédit Lyonnais. Il a notamment posé le problème de la réforme de l'entreprise par la participation plus étendue des salariés et de leurs représentants.
 

 

Mieux vivre au collège

Février 1997

Il y a tant de désillusions chez les enseignants de collège que toutes les brêches proposées pour humaniser les relations, tenter de mieux vivre avec les adolescents, les aider à exister, à se comprendre mutuellement, à se construire, doivent être soutenues, valorisées.

Rien n'est jamais trop modeste à faire partager si, en introduisant telle ou telle technique d'expression, d'échange, tels ou tels outils de recherches et de création, disciplinaires ou interdisciplinaires, de gestion plus opérante du travail, d'une partie des apprentissages, on change l'atmosphère quotidienne d'une classe, on propose quelques repères clairs et sécurisants, sur les plans intellectuel et affectif, indissociables...
Que l'on ose aussi dire sa joie devant la réussite d'un petit projet négocié et abouti ; que l'on ose, dans cette vague de morosité et de renoncement, exprimer le désir de beaucoup d'adolescents encore de se passionner pour un travail qui a du sens, sur lequel ils ont des pouvoirs, qui, sans négliger l'appropriation de savoirs cognitifs, permettent d'acquérir des compétences comportementales positives et valorisantes.
Ne serait - il pas temps, à nouveau, de mettre en commun quelques repères pédagogiques essentiels et éprouvés pour éclairer le quotidien face à l'inflation de discours, de modes successives et éphémères qui déroutent, désarçonnent et préparent trop de renoncements ?
Où que l'on se trouve, il y a un combat coopératif à mener sur le plan de l'action et de la réflexion pour que les enfants et les adolescents gardent ou retrouvent l'élan et la confiance en l'avenir. La parole et la théorie ne suffisent pas à changer le quotidien, il faut des pratiques et des outils porteurs de cohérence, induisant responsabilisation et autonomie des jeunes.
                                                                                                              Janou Lèmery
 
Mieux vivre par la correspondance internationale
 
Pour mieux vivre avec les enfants et les adolescents, le travail au sein d'une équipe au projet dynamique et convivial est un moyen de survivre et de résister à la morosité ambiante.
En ouvrant le collège à toute forme de communication avec l'extérieur par différentes techniques, il est possible de permettre aux élèves d'exercer leur droit à la parole, à l'expression et d'ouvrir des sujets de débats qui n'émergeraient pas autrement.
On peut même, parfois, envisager l'utopie grâce à la correspondance qui nous permet d'échanger, de partager avec un "ailleurs" qui a su préserver son enthousiasme, ses recherches, qui nous apporte la vie, le renouveau, une discussion vraie dans le quotidien de nos classes.
Et la grisaille de nos beaux locaux sans vie coopérative s'illumine des "Echos" des jeunes du monde et de leurs enseignants.
"Cultivons avant tout - disait C.Freinet - ce désir inné chez l'enfant de communiquer avec d'autres personnes, avec d'autres enfants, surtout de faire connaître autour de lui ses pensées, ses sentiments, ses rêves, ses espoirs.
Alors, apprendre à lire, à écrire, se familiariser avec l'essentiel de ce que nous appelons la culture sera pour lui une fonction aussi naturelle que d'apprendre à marcher."
Pour apprendre, l'élève doit communiquer son expérience, c'est - à - dire s'exprimer. Apprendre et communiquer sont liés.
Pour apprendre, l'élève doit trouver et lire des documents écrits et audiovisuels, sonores, iconographiques avec des images fixes ou mobiles ; il doit choisir l'essentiel et résumer en organisant les informations retenues, présenter le résultat de ses recherhes aux autres en maîtrisant ses émotions, en tenant compte de son public, en choisissant le support le mieux adapté à ce qu'il veut communiquer.
 
Correspondance et citoyenneté
 
Avec la correspondance scolaire, écrite, télématique, vidéo, nationale, internationale, individuelle et collective, les enfants ouvrent leur champ relationnel. Ils se trouvent confrontés à d'autres organisations de société, à d'autres conceptions exprimées dans les échanges.
Ils découvrent d'autres réalités de vie. Ils apprennent à mieux saisir les différences, à les analyser sans les repousser à priori.
"L'enfant qui sent un but à son travail et qui peut se donner tout entier à une activité non plus scolaire mais simplement sociale et humaine, cet enfant sent que se libère en lui un besoin d'agir, de chercher, de créer.
Redonner la primauté à ces actes fonctionnels, sentir, créer, comprendre, se socialiser, vivre et aimer." (C.Freinet)
Echanger, correspondre est un moyen d'apprendre à vivre cette citoyenneté dont on parle tant et qui prête à sourire avec ses termes considérés comme désuets : valeurs, éthique, morale... C'est pourtant ce qui permet aux hommes et aux femmes de vivre ensemble, c'est avoir la curiosité de l'autre, le désir de connaître, de comprendre l'autre, c'est l'ouverture au monde...
Quand on habite près d'Orange, ville où on fait disparaître des livres qui dérangent le maire et ses acolytes, on n'a plus envie de sourire de ces dictateurs qui supprimeraient le papier, les timbres ou les machines à écrire. Et on peut se demander comment favoriser la construction de l'enfant citoyen dans une société où, comme le dit Badinter, rentabilité,productivité, consumérisme et élitisme sont rois.
L'introduction de la correspondance et de ses différents supports de communication dans une classe, leur utilisation par une équipe d'enseigants et leurs élèves, font entrer la vie, l'imprévu dans des lieux trop souvent conçus pour être clos.
L'information reçue, il faut mettre en place un dispositif pour l'orienter vers une équipe d'enfants qui saura la comprendre, l'analyser et la traiter pour faire une réponse sur un support adapté au destinataire et aux compétences de ceux qui ont pris en main le courrier reçu.
 
Motivations multiples.
 
Tout peut inciter à réagir à une proposition d'échanges : l'originalité des questions posées, la présentation, la mise en forme, une belle écriture, un dessin , de beaux timbres, un élément affectif, le média choisi, le pays d'origine, exotique ou voisin, une voix chaude, un sourire, des boucles d'oreille ou des lunettes, la marque d'un jean ou de chaussures, les musiques, les chants, les sports.
Très diverses, les motivations sont imprévisibles. Il est important qu'elles soient suivies de vrais et durables échanges qui ne demeurent pas superficiels et anecdotiques. C'est le rôle de l'enseignant ou de l'équipe de professeurs de faire en sorte que l'enthousiasme et le désir de correspondre se maintiennent.
Toutes les étapes sont importantes : à l'arrivée d'un paquet, il faut prendre le temps de l'examiner, regarder l'écriture,admirer et commenter les timbres toujours préférables aux anonymes machines à imprimer, déchiffrer les flammes, comparer les dates de départ et d'arrivée et ne pas oublier d'apprécier la qualité des enveloppes, jaunes au papier lisse et épais des Italiens ou des Américains, spongieux et grisâtre des Roumains, fabriquées et ficelées des Russes...
Il suffit d'écouter les réflexions des responsables... Curieux, intrigués, attentifs, les autres écoutent, regardent, commentent eux aussi. A l'enseignant de préciser, de rectifier si nécessaire.
On peut aussi filmer cette intrusion et les élèves du fond de la classe peuvent profiter de tous ces détails sur l'écran de contrôle du téléviseur relié à la caméra bien posée sur un pied.
 
Simplicité du support
 
Tous les supports ont leur intérêt mais le courrier postal conserve encore toute sa magie.
Dans cette classe de 6 ème, l'arrivée du paquet de Zerfaliu, petit village sarde au collège de cinquante élèves, crée une certaine agitation et c'est avec émotion que Céline se bat avec la ficelle fortement nouée avant de brandir bien haut la belle pochette de la cassette vidéo sur les traditions et le carnaval, suivie d'un magnifique masque de porcelaine.
Il faut à tout prix regarder tout de suite ce document : l'imprévu, le désordre, la vie toute simple sont entrés dans la classe.
A l'enseignant de trouver rapidement une solution : magnétoscope et téléviseur Pal, salle, clés...
Puis, c'est l'enveloppe toute simple mais grande et vraie caverne d'Ali Baba, de Sidi Bel Abbès : elle contenait une lettre géante, des pièces et une collection de timbres magnifiques, de nombreuses photos de la ville, de l'école, de la classe, de tapis merveilleux, de titres de journaux en français et en arabe...
Les exclamations jaillissent : " Quelle belle ville ! Que les profs sont jeunes ! Quelle belle école !Seules deux filles sont voilées ! C'est mixte ! Ils sont sympas ! Ils ne parlent pas du terrorisme ! Pourquoi tous ces cadeaux !... ". Les équipes se forment pour répondre, questionner, se dire... On veut des grandes feuilles pour écrire - nous aussi - des lettres géantes...
Mais la sonnerie retentit et tout doit rentrer dans l'ordre... Peut - être que demain ...
 
Multiplier les supports de communication
 
Tous les supports de communication sont proposés aux élèves, non pour suivre la mode, mais parce que chacun a sa spécificité et ses exigences, est complémentaire des autres, de ceux qui l'ont précédé, car jusqu'à présent, jamais un support n'en a remplacé un autre.
Toutes ces technologies, tous ces outils de communication se complètent et permettent aux jeunes de mieux apprendre, de mieux s'exprimer et de mieux communiquer ce qu'ils ont à dire.
Tous ces supports exigent une recherche et une mise en forme de l'information qui varie suivant le destinataire, les moyens financiers et les compétences de chacun.
L'enfant disorthographique s'emparera du micro, celui qui écrit mal frappera son texte sur l'ordinateur afin de valoriser son expression, celle qui a peur de son visage se cachera derrière la caméra... Aux adultes de faire en sorte de profiter de cette mise en confiance, de ces réussites, pour entraîner les enfants vers une autre technique afin de les aider à progresser là où ils sont en échec.
. Le contenu de la recherche, rigoureusement élaboré, choisi, rédigé avec soin, devra être adapté au support choisi : la télématique refuse le verbiage, le fax accepte un dessin et authentifie une écriture, une photo de classe remplace une longue présentation écrite ; c'est l'éducation aux médias, oubliée dans la formation des maîtres et pourtant bien nécessaire aux enfants de l'an 2000, pour appréhender ce monde où l'image est reine.
Le travail, les recherches, les créations seront vrais et ne seront pas produits pour être sanctionnés par une seule note mais pour être partagés avec d'autres, camarades, parents, équipes d'enseignants, amis lointains...
 
Importance des réseaux
 
La communication ne sera pas centralisée, hiérarchisée, elle ne sera pas objet de consommation et de concurrence mais coopérative et favorable aux échanges horizontaux. Chaque individu pourra s'adresser à tous les autres membres des différents réseaux et si une classe est à l'intersection de plusieurs réseaux, elle pourra mettre en liaison les réflexions épistolaires des jeunes Roumains préoccupés de leur devenir, les responsables du lycée français de Montevidéo, "Clarin" et les lycées branchés de Copenhague ou Barcelone.
En favorisant le partage, les réseaux donnent des forces pour résister, pour construire un monde plus coopératif, plus humain.
"Que des travaux d'enfants aient quitté le domaine du jetable pour acquérir la majesté et la permanence de l'imprimé, voilà un scandale que certains adultes ne sont pas près de surmonter." (C.Freinet)
En restant dans la tradition expérimentale et coopérative, appuyée sur toutes les technologies disponibles, et l'espoir, l'enthousiasme de tous les enseigants des pays qui découvrent la liberté, nous pouvons faire notre miel de tout ce qu'offrent la recherche et les expérimentations internationales actuelles, non pour en parler mais pour enrichir nos pratiques et montrer à ceux qui nous entourent et que gêne notre travail, que nous ne sommes pas seuls et qu'ensemble, avec des milliers de classes réparties dans le monde entier, nous avançons tout en aidant les enfants et les adolescents à partager et à se saisir du monde qui les environne.
                                                                              Georges Bellot
( Collège de Vedène - 84)
 
 
La venue des italiens
 
Quand les correspondants Italiens sont venus en France au mois de septembre, ils ont été hébergés par les familles de leurs correspondants et ils ont visité une partie de la Provence. Ils sont arrivés le mercredi 5 septembre et ils sont allés dans les familles pour se reposer. Ils ont passé la semaine en compagnie des correspondants français. Le jeudi matin, ils sont allés en cours pour voir ce qu'était la scolarité en France. L'après midi, ils sont partis visiter Vedène avec Melle Guidon et les professeurs italiens. Le soir, ils sont rentrés ravis. Le vendredi, nous avons visité un musée très sympathi­que qui projette des images contre les murs d'une grotte et que je vous invite d'ailleurs à découvrir. L'après midi, nous avons visité Gordes et les monuments de Saint Rémy de Provence. Après une journée épuisante, nous sommes rentrés chez nous et chacun a fait ce qui lui plaisait. Le samedi, nous avons visité Avignon et les Palais des papes et du Roure. Le dimanche, nous avons fait la grasse matinée et les valises avec nos correspondants italiens. A treize heures nous les avons déposés à la gare et une heure plus tard ils étaient partis pour l'Italie.
Cette rencontre entre italiens et français a été très enrichissante pour tout le monde.
Christophe (3ème 1)
Extrait de "L'écho des Cartables"
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

Plaidoyer pour l'art à l'école

Février 1997

L’homme est un être qui cherche... Mais aussi qui réalise, et les arts permettent cette deuxième attitude plus que toute autre activité.

La pratique des disciplines artistiques oblige à la prise en compte de chacun et de tous, en tant qu’individus, par des approches personnalisées incontournables où la parole, l’intellect et le corps sont partie prenante.
L’élève est, là, obligatoirement sujet, grâce aux différentes fonctions de l’art :
- esthétique : expérience et apprentissage du « beau », dépassement du subjectif.
- culturelle : autres références.
- civique : partage du bonheur et de l’émotion
- pédagogique : apprentissages par l’expérience, où l’agir ne se distingue pas du réflexif. On n’est pas du côté de la transmission des savoirs, mais du côté des expériences et des pratiques.
En permettant de construire son rapport au monde, son rapport à l’autre, l’art permet de construire sa personne
L’art est aussi un garant, un garde-fou pour les valeurs et les critères démocratiques. Il modifie les attitudes formalistes. Il est significatif, à ce sujet, que les régimes totalitaires s’attaquent en premier aux symboles de la culture et de l’art : les exemples ne manquent pas, aussi bien historiquement que récemment dans certaines municipalités.
En ce domaine, l’inégalité est hélas de mise, ainsi que le reconnaît le Président de la République dans Le Monde de l’Education de décembre 1996 :
« Que l’on naisse dans un petit village ou dans une grande métropole, dans une famille aisée où les pratiques culturelles vont de soi, ou dans une famille défavorisée, qui ne possède d’autre espace culturel que la télévision, et les cartes sont distribuées parfois pour toujours...
... L’essentiel doit se passer à l’école et par l’école »
Qu’en est-il en réalité ?
La valorisation de l’art ne peut se suffire de mots, et les faits semblent très éloignés du discours.
Le système tend à évacuer l’art de plus en plus du lieu le plus démocratique qui soit, c’est à dire de l’école :
- trop peu de temps réservé dans les horaires officiels ;
- aide financière de plus en plus congrue de la DRAC et de l’Education Nationale, alors que les projets se multiplient heureusement ;
on oppose et hiérarchise de plus en plus l’intellectuel et le sensible sous prétexte de respect des rythmes scolaires, choisissant de placer les uns le matin, les autres l’après-midi, voire hors temps scolaire. On confie de plus en plus la culture et l’art aux collectivités territoriales, avec entre autres les «expériences G. Drut » où l’on emploie des intervenants à moindre coût, à moindre qualification pédagogique.
Nous devons refuser cette réduction de la mission éducative de l’école et les transferts de fonds qui s’en suivent, pour éviter que l’inégalité s’installe et s’accroisse. Nous devons protéger cette mission et combattre pour sa qualité au sein de l’école, service public, lieu d’exercice démocratique.
Ce combat reste à mener pour une éducation dont les enjeux sont la formation de l’être global. On ne fait pas évoluer par décret. Il est nécessaire de mener un travail interne pour convaincre que l’éducation artistique doit prendre toute sa place, dans l’égalité et non l’uniformité.
Pour que l’art ne soit pas une matière mais une manière, un projet de vie.
 
N. Bizieau   Présidente de l’ICEM

 

 

Vers une correspondance scolaire avec Mostar (Bosnie)

Février 1997

Début septembre 95, Karina, à la réunion du matin, nous a apporté une carte postale du Chili, en nous expliquant qu'elle et sa famille venaient de Santiago. Nous avons sorti l'atlas géant et commencé une sorte de "voyage" sur les cartes naïves de notre livre.

Chacun s'est ouvert aux autres de ses origines ou de ses vacances lointaines. Comme la France est petite, comme le monde est vaste !
Nous avons ainsi amorcé une première enquête : "où suis-je né ? Où sont nés mes parents ? Et mes grands parents ?"
Quelques jours plus tard, Marion a reçu une carte de la Guadeloupe où se trouvait sa maman en ce moment pour son travail, Ahmed a apporté des photos du mariage de sa tante en Algérie, la papa de Romain une vidéo du Laos, Robin des images du Sénégal. Ava nous a parlé du voyage en convoi de son papa à Mostar en Bosnie : "là bas, il y a la guerre". Nous avons regardé les photos en silence.
C'est ainsi, et dans la globalité d'un projet sur "les enfants du monde" que les enfants ont commencé ce voyage d'"humanitude" (A. Jacquard).
"A Mostar, les enfants manquent d'habits, de jouets, de feutres" nous a dit Ava, si sérieuse et si grave.
-"Et ben on n'a qu'à trier nos jouets" a dit Mehdi.
La collecte s'est mise en place, le cahier de vie servait de lien avec les parents. Nous avons pu ainsi faire un carton de jouets, de cahiers et de feutres qui est parti avec le convoi civil humanitaire de décembre ainsi qu'une lettre, des photos de nous et des dessins. Noël approchait : c'est comment, Noêl, à Mostar ?...
Au retour du convoi en janvier, il n'y avait pas de courrier pour nous... sauf une photo de l'hôtel Ruza dont les caves servent d'école à des enfants handicapés.
Passée la déception, les enfants ont continué à parler de Mostar à différentes occasions : informations entendues à la télé, vues dans un journal ; des réponses à notre enquête (la papa de Malik né en Yougoslavie, la grand mère d'Anna née à Mostar ; des discussions sur le bagarre, les jeux de guerre.
En février, je leur annonce qu'un ami, Jérôme, part à Mostar pour un mois et qu'il se charge de remettre notre courrier à l'école Ruza et de nous apporter leur réponse.
La ruche s'est remise à bourdonner : lettre géante, dessins, papier et feutres.
Débu avril, un vendredi matin, nous avions une visite : Nizama, jeune étudiante de Mostar et Jérôme nous apportaient enfin un signe concret et vivant de nos amis bosniaques !
Nizama était émue et nous aussi. "Doberdan à tous !"
Elle nous a lu et traduit la grande lettre, elle a répondu à nos questions et nous a expliqué que les enfants qui nous écrivaient étaient d'une autre école primaire, l'école Sehovina. Leur courrier était enveloppé dans une grande image arrachée au calendrier montrant le célèbre vieux pont de Mostar, aujourd'hui détruit. Elle nous a raconté qu'avant la guerre, les gens plongeaient du pont dans la Neretva...
"Si vous avez le temps, je peux leur apporter votre réponse, je repars dimanche."
Un nouveau courrier encore plus joyeux est reparti. Nizama nous a appris à dire bonjour en bosniaque. Ce fut le sujet de notre nouvelle enquête : "dis moi comment tu dis bonjour dans ton pays ?"
Dans la lettre des amis, nous avons reconnu des lettres de notre alphabet, et d'autres différentes.
La maman d'Ahmed est venue nous lire un conte algérien et nous avons découvert une autre langue, d'autres signes comme des dessins.
La maman de Robin nous a prêté un livre et une cassette en chinois.
Karina nous a appris à dire bonjour en portugais...
Notre tour du monde continue. Et à chaque "voyage" nous découvrons, avec nos différences, nos ressemblances.
Nous venons de recevoir un nouveau courrier : notre correspondance est née !
Maintenant, pour nous, Mostar a une image, des prénoms, une autre réalité que celle des premières photos, une réalité solidaire, porteuse de vie et d'espérance.
Mettre en rapport une pratique coopérative et démocratique dans la classe net une action de solidarité avec un pays en guerre me paraît relever d'une même cohérence : l'éducation à la paix.
Essayer de construire au quotidien la solidarité et la coopération dans la classe ne peut qu'amener peu à peu les petits à sortir d'une conduite égocentrique, à se responsabiliser, à respecter les autres, à éprouver du plaisir à être, à bâtir des projets avec les autres.