Mieux vivre au collège

Février 1997

Il y a tant de désillusions chez les enseignants de collège que toutes les brêches proposées pour humaniser les relations, tenter de mieux vivre avec les adolescents, les aider à exister, à se comprendre mutuellement, à se construire, doivent être soutenues, valorisées.

Rien n'est jamais trop modeste à faire partager si, en introduisant telle ou telle technique d'expression, d'échange, tels ou tels outils de recherches et de création, disciplinaires ou interdisciplinaires, de gestion plus opérante du travail, d'une partie des apprentissages, on change l'atmosphère quotidienne d'une classe, on propose quelques repères clairs et sécurisants, sur les plans intellectuel et affectif, indissociables...
Que l'on ose aussi dire sa joie devant la réussite d'un petit projet négocié et abouti ; que l'on ose, dans cette vague de morosité et de renoncement, exprimer le désir de beaucoup d'adolescents encore de se passionner pour un travail qui a du sens, sur lequel ils ont des pouvoirs, qui, sans négliger l'appropriation de savoirs cognitifs, permettent d'acquérir des compétences comportementales positives et valorisantes.
Ne serait - il pas temps, à nouveau, de mettre en commun quelques repères pédagogiques essentiels et éprouvés pour éclairer le quotidien face à l'inflation de discours, de modes successives et éphémères qui déroutent, désarçonnent et préparent trop de renoncements ?
Où que l'on se trouve, il y a un combat coopératif à mener sur le plan de l'action et de la réflexion pour que les enfants et les adolescents gardent ou retrouvent l'élan et la confiance en l'avenir. La parole et la théorie ne suffisent pas à changer le quotidien, il faut des pratiques et des outils porteurs de cohérence, induisant responsabilisation et autonomie des jeunes.
                                                                                                              Janou Lèmery
 
Mieux vivre par la correspondance internationale
 
Pour mieux vivre avec les enfants et les adolescents, le travail au sein d'une équipe au projet dynamique et convivial est un moyen de survivre et de résister à la morosité ambiante.
En ouvrant le collège à toute forme de communication avec l'extérieur par différentes techniques, il est possible de permettre aux élèves d'exercer leur droit à la parole, à l'expression et d'ouvrir des sujets de débats qui n'émergeraient pas autrement.
On peut même, parfois, envisager l'utopie grâce à la correspondance qui nous permet d'échanger, de partager avec un "ailleurs" qui a su préserver son enthousiasme, ses recherches, qui nous apporte la vie, le renouveau, une discussion vraie dans le quotidien de nos classes.
Et la grisaille de nos beaux locaux sans vie coopérative s'illumine des "Echos" des jeunes du monde et de leurs enseignants.
"Cultivons avant tout - disait C.Freinet - ce désir inné chez l'enfant de communiquer avec d'autres personnes, avec d'autres enfants, surtout de faire connaître autour de lui ses pensées, ses sentiments, ses rêves, ses espoirs.
Alors, apprendre à lire, à écrire, se familiariser avec l'essentiel de ce que nous appelons la culture sera pour lui une fonction aussi naturelle que d'apprendre à marcher."
Pour apprendre, l'élève doit communiquer son expérience, c'est - à - dire s'exprimer. Apprendre et communiquer sont liés.
Pour apprendre, l'élève doit trouver et lire des documents écrits et audiovisuels, sonores, iconographiques avec des images fixes ou mobiles ; il doit choisir l'essentiel et résumer en organisant les informations retenues, présenter le résultat de ses recherhes aux autres en maîtrisant ses émotions, en tenant compte de son public, en choisissant le support le mieux adapté à ce qu'il veut communiquer.
 
Correspondance et citoyenneté
 
Avec la correspondance scolaire, écrite, télématique, vidéo, nationale, internationale, individuelle et collective, les enfants ouvrent leur champ relationnel. Ils se trouvent confrontés à d'autres organisations de société, à d'autres conceptions exprimées dans les échanges.
Ils découvrent d'autres réalités de vie. Ils apprennent à mieux saisir les différences, à les analyser sans les repousser à priori.
"L'enfant qui sent un but à son travail et qui peut se donner tout entier à une activité non plus scolaire mais simplement sociale et humaine, cet enfant sent que se libère en lui un besoin d'agir, de chercher, de créer.
Redonner la primauté à ces actes fonctionnels, sentir, créer, comprendre, se socialiser, vivre et aimer." (C.Freinet)
Echanger, correspondre est un moyen d'apprendre à vivre cette citoyenneté dont on parle tant et qui prête à sourire avec ses termes considérés comme désuets : valeurs, éthique, morale... C'est pourtant ce qui permet aux hommes et aux femmes de vivre ensemble, c'est avoir la curiosité de l'autre, le désir de connaître, de comprendre l'autre, c'est l'ouverture au monde...
Quand on habite près d'Orange, ville où on fait disparaître des livres qui dérangent le maire et ses acolytes, on n'a plus envie de sourire de ces dictateurs qui supprimeraient le papier, les timbres ou les machines à écrire. Et on peut se demander comment favoriser la construction de l'enfant citoyen dans une société où, comme le dit Badinter, rentabilité,productivité, consumérisme et élitisme sont rois.
L'introduction de la correspondance et de ses différents supports de communication dans une classe, leur utilisation par une équipe d'enseigants et leurs élèves, font entrer la vie, l'imprévu dans des lieux trop souvent conçus pour être clos.
L'information reçue, il faut mettre en place un dispositif pour l'orienter vers une équipe d'enfants qui saura la comprendre, l'analyser et la traiter pour faire une réponse sur un support adapté au destinataire et aux compétences de ceux qui ont pris en main le courrier reçu.
 
Motivations multiples.
 
Tout peut inciter à réagir à une proposition d'échanges : l'originalité des questions posées, la présentation, la mise en forme, une belle écriture, un dessin , de beaux timbres, un élément affectif, le média choisi, le pays d'origine, exotique ou voisin, une voix chaude, un sourire, des boucles d'oreille ou des lunettes, la marque d'un jean ou de chaussures, les musiques, les chants, les sports.
Très diverses, les motivations sont imprévisibles. Il est important qu'elles soient suivies de vrais et durables échanges qui ne demeurent pas superficiels et anecdotiques. C'est le rôle de l'enseignant ou de l'équipe de professeurs de faire en sorte que l'enthousiasme et le désir de correspondre se maintiennent.
Toutes les étapes sont importantes : à l'arrivée d'un paquet, il faut prendre le temps de l'examiner, regarder l'écriture,admirer et commenter les timbres toujours préférables aux anonymes machines à imprimer, déchiffrer les flammes, comparer les dates de départ et d'arrivée et ne pas oublier d'apprécier la qualité des enveloppes, jaunes au papier lisse et épais des Italiens ou des Américains, spongieux et grisâtre des Roumains, fabriquées et ficelées des Russes...
Il suffit d'écouter les réflexions des responsables... Curieux, intrigués, attentifs, les autres écoutent, regardent, commentent eux aussi. A l'enseignant de préciser, de rectifier si nécessaire.
On peut aussi filmer cette intrusion et les élèves du fond de la classe peuvent profiter de tous ces détails sur l'écran de contrôle du téléviseur relié à la caméra bien posée sur un pied.
 
Simplicité du support
 
Tous les supports ont leur intérêt mais le courrier postal conserve encore toute sa magie.
Dans cette classe de 6 ème, l'arrivée du paquet de Zerfaliu, petit village sarde au collège de cinquante élèves, crée une certaine agitation et c'est avec émotion que Céline se bat avec la ficelle fortement nouée avant de brandir bien haut la belle pochette de la cassette vidéo sur les traditions et le carnaval, suivie d'un magnifique masque de porcelaine.
Il faut à tout prix regarder tout de suite ce document : l'imprévu, le désordre, la vie toute simple sont entrés dans la classe.
A l'enseignant de trouver rapidement une solution : magnétoscope et téléviseur Pal, salle, clés...
Puis, c'est l'enveloppe toute simple mais grande et vraie caverne d'Ali Baba, de Sidi Bel Abbès : elle contenait une lettre géante, des pièces et une collection de timbres magnifiques, de nombreuses photos de la ville, de l'école, de la classe, de tapis merveilleux, de titres de journaux en français et en arabe...
Les exclamations jaillissent : " Quelle belle ville ! Que les profs sont jeunes ! Quelle belle école !Seules deux filles sont voilées ! C'est mixte ! Ils sont sympas ! Ils ne parlent pas du terrorisme ! Pourquoi tous ces cadeaux !... ". Les équipes se forment pour répondre, questionner, se dire... On veut des grandes feuilles pour écrire - nous aussi - des lettres géantes...
Mais la sonnerie retentit et tout doit rentrer dans l'ordre... Peut - être que demain ...
 
Multiplier les supports de communication
 
Tous les supports de communication sont proposés aux élèves, non pour suivre la mode, mais parce que chacun a sa spécificité et ses exigences, est complémentaire des autres, de ceux qui l'ont précédé, car jusqu'à présent, jamais un support n'en a remplacé un autre.
Toutes ces technologies, tous ces outils de communication se complètent et permettent aux jeunes de mieux apprendre, de mieux s'exprimer et de mieux communiquer ce qu'ils ont à dire.
Tous ces supports exigent une recherche et une mise en forme de l'information qui varie suivant le destinataire, les moyens financiers et les compétences de chacun.
L'enfant disorthographique s'emparera du micro, celui qui écrit mal frappera son texte sur l'ordinateur afin de valoriser son expression, celle qui a peur de son visage se cachera derrière la caméra... Aux adultes de faire en sorte de profiter de cette mise en confiance, de ces réussites, pour entraîner les enfants vers une autre technique afin de les aider à progresser là où ils sont en échec.
. Le contenu de la recherche, rigoureusement élaboré, choisi, rédigé avec soin, devra être adapté au support choisi : la télématique refuse le verbiage, le fax accepte un dessin et authentifie une écriture, une photo de classe remplace une longue présentation écrite ; c'est l'éducation aux médias, oubliée dans la formation des maîtres et pourtant bien nécessaire aux enfants de l'an 2000, pour appréhender ce monde où l'image est reine.
Le travail, les recherches, les créations seront vrais et ne seront pas produits pour être sanctionnés par une seule note mais pour être partagés avec d'autres, camarades, parents, équipes d'enseignants, amis lointains...
 
Importance des réseaux
 
La communication ne sera pas centralisée, hiérarchisée, elle ne sera pas objet de consommation et de concurrence mais coopérative et favorable aux échanges horizontaux. Chaque individu pourra s'adresser à tous les autres membres des différents réseaux et si une classe est à l'intersection de plusieurs réseaux, elle pourra mettre en liaison les réflexions épistolaires des jeunes Roumains préoccupés de leur devenir, les responsables du lycée français de Montevidéo, "Clarin" et les lycées branchés de Copenhague ou Barcelone.
En favorisant le partage, les réseaux donnent des forces pour résister, pour construire un monde plus coopératif, plus humain.
"Que des travaux d'enfants aient quitté le domaine du jetable pour acquérir la majesté et la permanence de l'imprimé, voilà un scandale que certains adultes ne sont pas près de surmonter." (C.Freinet)
En restant dans la tradition expérimentale et coopérative, appuyée sur toutes les technologies disponibles, et l'espoir, l'enthousiasme de tous les enseigants des pays qui découvrent la liberté, nous pouvons faire notre miel de tout ce qu'offrent la recherche et les expérimentations internationales actuelles, non pour en parler mais pour enrichir nos pratiques et montrer à ceux qui nous entourent et que gêne notre travail, que nous ne sommes pas seuls et qu'ensemble, avec des milliers de classes réparties dans le monde entier, nous avançons tout en aidant les enfants et les adolescents à partager et à se saisir du monde qui les environne.
                                                                              Georges Bellot
( Collège de Vedène - 84)
 
 
La venue des italiens
 
Quand les correspondants Italiens sont venus en France au mois de septembre, ils ont été hébergés par les familles de leurs correspondants et ils ont visité une partie de la Provence. Ils sont arrivés le mercredi 5 septembre et ils sont allés dans les familles pour se reposer. Ils ont passé la semaine en compagnie des correspondants français. Le jeudi matin, ils sont allés en cours pour voir ce qu'était la scolarité en France. L'après midi, ils sont partis visiter Vedène avec Melle Guidon et les professeurs italiens. Le soir, ils sont rentrés ravis. Le vendredi, nous avons visité un musée très sympathi­que qui projette des images contre les murs d'une grotte et que je vous invite d'ailleurs à découvrir. L'après midi, nous avons visité Gordes et les monuments de Saint Rémy de Provence. Après une journée épuisante, nous sommes rentrés chez nous et chacun a fait ce qui lui plaisait. Le samedi, nous avons visité Avignon et les Palais des papes et du Roure. Le dimanche, nous avons fait la grasse matinée et les valises avec nos correspondants italiens. A treize heures nous les avons déposés à la gare et une heure plus tard ils étaient partis pour l'Italie.
Cette rencontre entre italiens et français a été très enrichissante pour tout le monde.
Christophe (3ème 1)
Extrait de "L'écho des Cartables"