Le Nouvel Educateur n° 95

Janvier 1998

Brèves de classe et chronique

Janvier 1998

 

eps

 
L’arbre sur un pied, le pont à deux, le pont crisé, la brouette à l’envers, la crêpe, l’équilibre sur la tête. Voilà ce que les enfants avaient trouvé dans la scéance de recherche de gym qu’ils avaient programmée en ce lundi ensoleillé. On cherchait, on riait, c’était drôle et pendant que chacun faisait sa recherche individuelle ou à 2, sur le terrain de foot, les autres classes «faisaient EPS» : à la queue leu leu, ils couraient tous du même pas, attention ! coup de sifflet, une, deux, une deux...
On ne fait pas tous le même métier...
Marc Déchamps (76)
 

 

Dérive sécuritaire
 
Aux instit de maternelle, Mme Ségolène Royal avait demandé de préparer une rentrée festive...
Les enfants :
- et le toboggan ?
- et la cage à grimpr ?
- et les bassines d’eau ?
- et la cabane ? ....Où tu les as mis ?
C’est pas nous, mais c’est qui et pourquoi ?
Comment voulez-vous dire que c’est en raison «d’énormeuzorropéennes», «des dangers qu’ils couraient» qu’on a tout enlevé, tout...
Complètement rasée, la cours!...
 
 
- alors où on va grimper ? Alors, où on
va glisser ? Où on va jouer à papa et maman ? Où on va se cacher ?
Allez savoir où vous allez faire çà ? ...
Grimper, sur le grillage, glisser dans la cage d’escalier ? C’est pour «votre bien», les enfants qu’ils ont dit à la mairie...
Pour les adultes, les jeux de cours sont accessoires, voire superflus, les apprentissages sérieux se font entre quatre murs à l’étage...
Pas tous les adultes !
Annie Bard
Aix en Provence (13)
 
 

 

Gestion des conflits
Paroles d’enfants au moment d’un conseil de classe.
Le conseil est le lieu où le groupe-classe va tenter de se réguler. L’ordre du jour du conseil est établi progressivement durant la semaine : les enfants inscrivent sur une affiche les thèmes dont ils veulent parler, les propositions qu’ils ont envi de faire. Certaines propositions écrites sur la feuille peuvent se régler. A ce moment-là, l’enfant efface ce qu’il avait envi de dire.
Le conseil du 10 juin .
Murat : C’est Mickaël qui m’a donné un coup de pied. J’ai dit «t’arrêtes», il a arrêté, mais il a dit des gros mots.
Un enfant : Est-ce que vous avez essayé de négocier ?
Mickaël : Non parce qu’on est copains.
Un autre enfant : négocier, ça veut dire parler.
Murat : Il avait continué à dire des gros mots, alors ça m’a énervé.
Un enfant : Si vous ne savez pas négocier, il faut trouver quelqu’un, il faut prendre un médiateur.
Un enfant : Mickaël, c’est pas beau de donner des coups de pied.
Mickaël : Oui mais quand on se bagarre on est toujours amis.
Un enfant : Peut-être mais mettre en conseil, c’est quand on n’a pas réussi à s’entendre. Si on fait la paix après avoir écrit , on est obligé de barrer la plainte, mais l’accusé ne doit pas la barrer lui-même.
Un enfant : C’est vrai que quand on se bagarre on est toujours copains; mais il vaut mieux en parler en conseil, peut-être qu’il y aura une proposition et cela fera une règle. Comme cela on n’aura plus de bagarre.
Un enfant : Il faut marquer même si on est copains, parce que ça fait parler d’un sentiment, et que peut-être quelqu’un a déjà eu ce sentiment; comme ça on va commencer à comprendre et faire une nouvelle règle.
La maîtresse : Est-ce que tu demande réparation, Murat ?
Murat : Je propose que Mickaël arrête de me donner des coups, et comme ça je ne lui en rendrai pas.
 
Le secrétaire du jour aura pris soin de noter les remarques et les propositions des enfants dans le cahier de conseil.
A la fin de la séance, le secrétaire relit les notes du jour.
Il faut du temps et de la patience pour qu’une règle de vie s’installe dans la conscience des enfants. Cet apprentissage premier du savoir vivre en démocratie est indispensable.
Ce dialogue est extrait de la cassette vidéo : «une journée en classe Freinet» tournée dans la classe de Martine Baro
(30’) Production et conception CIEP - Sèvres 1996
 
La chronique de George Blanc
 
- «J’suis pas raciste, mais...» -
 
Il disait comme ça «que si y’aurait un enfant noir dans la classe, «il jouerait pas avec lui, ... qu’il était pas raciste, mais qu’il aimait pas les noirs et tout le bordel...»
 
Il le disait, il l’écrivait aussi. On avait longtemps travaillé sur le racisme cette année en CE ; l’Afrique du sud, l’apartheid... films, cassettes vidéo, photos, textes... Ils étaient tous horrifiés, et moi, content de cette réaction, car bien sûr, je n’en attendais que celle-là.
 
Tous sauf lui, il disait ça. Reflet, écho de ce qu’il entendait à la maison évidemment. Mais enfin, le texte était là devant moi. Satisfait qu’il puisse l’exprimer... sans trop de fautes, j’étais quand même un peu désarmé devant ce texte qu’il fallait «corriger» comme les autres. Et jusqu’où le corriger ?
 
C’est vrai qu’il était quand même un peu particulier ce gamin. Difficultés d’élocution, verrues et réactions intempestives le mettaient un peu à l’écart. On ne le cherchait pas trop. Alors à la récré, il jouait avec les petits. Tiens, il jouait avec Lucile. Il la plaçait sur la planche à roulettes et il la promenait pendant toute la récré en la tirant dans la cour et devenait mauvais quand les autres rouspétaient parce qu’ils traversaient le «terrain de foot». Ou bien il faisait le loup, celui qui fait bien peur mais qu’on rit beaucoup quand il nous attrape. Il lui donnait souvent un morceau de son goûter, lui relaçait ses chaussures, la portait. Toujours prévenant et attentif, se foutant bien pour une fois de ce que pouvaient dire les autres.
 
Moi, je les observais et ça me faisait sourire de les voir comme ça ces deux là, enfin, surtout lui, et je me demandais bien s’il avait remarqué que Lucile, deux ans, est une adorable petite métisse à la peau bien noire.
 
 

 

Classe de mer

Un séjour coopératif autogéré

 
 
 
Journal scolaire
 
Une fiche-guide de lecture
Quand on reçoit un journal, quelqu’un est chargé de le présenter à la classe, pour garder trace du journal reçu et pour aider à la présentation du journal on utilise cette fiche guide.
Patrick Pierron
Ecole du CH de St Omer (62)
 
Réseaux d’Apprentissage
dans la classe
La dictée aussi !
 
Je dicte un texte court aux enfants dans les conditions traditionnelles. Puis, ils se groupent par deux et confrontent leurs écrits. En cas de désaccord, ils peuvent consulter tous les outils à leur disposition : dictionnaire, tableaux de conjugaison, manuels...
Qui a eu besoin de chercher ? Où avez-vous trouvé la réponse, Comment avez-vous cherché ?...
Le texte est écrit correctement au tableau.
Compétences à l’oeuvre : réinvestir ses savoirs en orthographe, grammaire et conjugaison; savoir se poser des questions, émettre des hypothèses, argumenter, confronter, se donner une méthode de recherche, utiliser les outils, faire des choix, être perméable aux arguments des autres.
Danger, dérives : Que l’avis de l’un des enfants fasse autorité ( par sa personnalité, ses compétences) et annule ainsi toute recherche. Remède : la mise au point en grand groupe viendra bien pouver que nul n’est infailllible !
Chantal Nay - Cycle 3 Vaulx en Velin (69)
(extrait du Dossier n° 9 «Vie Coopérative» du Groupe lyonnais de l’Ecole moderne.)
 
Atmosphère
 
Têtes blondes, 4-5 ans. la maîtresse du lundi propose à ceux qui le veulent de s’entraîner à écrire la date pendant le moment d’accueil.
Quelques enfants s’appliquent, sans tirer la langue. Morgan lève la tête, elle allume la mèche :
- «Lucie, elle sait pas faire».
Le feu suit la traînée de poudre:
- «De toute façon, Lucie, elle sait rien faire»
- «Ouais, c’est vrai...» etc.
Quelles paroles sont-ils en train de rapporter ? Quelle adhésion cherchent-ils ?
A quelle exclusion suis-je en train d’assister ?
Jusqu’à quel point ont-ils touché Lucie?
J’ai allumé un contre feu, arrêté l’hémorragie pour cette fois...
Comment construire autre chose, changer leur regard et l’atmosphère de la classe, construire un espace d’accueil et de respect ?... vaste programme. Je m’y colle
Christine Brunon
 
 
 
Un projet ZEP
J magazine, moteur de la relation école -famille
Depuis 5 ans tous les enfants de CP de la ZEP de Nantes-Nord reçoivent «J magazine» à domicile.
Le financement de cette action est assurée par l’Inspection académique et la ville de Nantes.
Développer la maîtrise de la langue et renforcer les relations école/famille étant deux axes importants du projet ZEP. Il a semblé intéressant aux collègues que J magazine devienne le vecteur de communication et ils se sont engagés à s’en servir dans les classes comme un des supports d’apprentissage de la lecture.
Les familles sont invitées, cinq à six samedis dans l’année, à passer une matinée dans la classe pour participer à des activités de lecture et pour réaliser avec des groupes d’enfants, des bricolages, des recettes de cuisine issues des fiches du mensuel.
L’abonnement à J maazine est devenu une institution qui évolue d’année en année. Malheureusement le coût de l’abonnement n’est pas supportable par les familles et les écoles continuent de s’abonner pour que les CE1 puissent vivre une transition plus facile l’année suivante.
Contact : J-M Grégoire (coordinateur de la ZEP) 83, rue des renards - 44300 Nantes. tél : 0240765961
 
Piste 
Les mots-valises
 
Le Philipposuccion, à force de
s’époumonner
dans son harmonicasellès,
attrapa une aventurpitude
qui dégénéra rapidement en ouverturpitude.
Il fit appel immédiatement
à sa psychologarithme-
saladiététicienne renommée
qui lui prescrit
des utopinambours
accompagnés de quelques
persiflageolets
en toute coopérationnalité.
Ballonné, il se réfugia dans son
hippocampement
en rêvant à quelques
égalitérature.
 
Philipposuccion : (n,m) familier tâtonneur expérimenté. « Il pratiquait ce Philipposuccion, une pédagogie expérimentale ».
Harmonicasellès : (n,m) instrument à vent n’ayant plus court. « L’harmonicasellès frisait le net ».
Aventurpitude : (n,m) voir. ouverturpitude
Ouverturpitude : (n,m) fièvre aphteuse, souvent précédée de l’aventurpitude.
Psychologarithme : (n,m) spécialiste de la pensée sérielle.
Saladiététicienne : (n,f) spécialiste de la prise de chou diffusant l’utopinambour (voir ce mot).
Persiflageolets : (n,m) haricot impertinent. « ces fiers persiflageolets, trônant dans leur assiette... »
Coopérationnalité : (n,f) entraide raisonnée.
Hippocampement : (n,m) tente mobile.
Egalitérature : (n,f) utopie textuelle.
 
 
 atelier d’écriture (déc 96) paru dans le journal de stage de formation continue du 93 : «transmettre, communiquer, se former»

 

Défendre et transformer l'école pour tous

Janvier 1998

COLLOQUE

" DEFENDRE
ET TRANSFORMER L'ECOLE POUR TOUS "
MARSEILLE: 3 - 4 - 5 Octobre 1997
 
 
Rappelons que ce colloque est né suite à l'initiative de S. JOSHUA ( Univ de Provence):150 universitaires avaient lancé, à la rentrée scolaire 96/97 un appel pour alerter sur la gravité des menaces qui leur semblaient peser sur l'école du fait des options prises par les deux précédents gouvernements (suite au rapport Fauroux, entre autres). Une association s'est créée: " Défendre et transformer l'école pour tous " qui a organisé ce colloque (prévu en mai et reporté pour cause d’élections anticipées).
 
L'appel des 150 soulignait les dangers de " certaines orientations prises sous couvert de l'aménagement des rythmes scolaires, dans les quartiers dits sensibles et qui opposent les apprentissages " fondamentaux ", considérés comme fatalement ennuyeux, aux activités dites ludiques, culturelles, artistiques ou sportives, considérées comme n'ayant rien à voir avec les apprentissages "
Il proposait de " mettre en débat les pratiques enseignantes, ainsi que la nature des contenus disciplinaires scolaires et de leurs didactiques. "
 
C'est pourquoi l'I.C.E.M. avait salué l'initiative qui développait des idées proches de celles que lui-même " n'a cessé de développer dans ses actions de recherches et de pratiques pédagogiques ".
 
 La structure
Le Colloque est construit sur le schéma maintenant classique de séances plénières en matinée: succession d'interventions (sans discussion) où sont présentées des données théoriques ou des éléments de débat qui peuvent se discuter ou s'approfondir dans les travaux d'atelier l'après-midi.
5 ateliers sont proposés:
- Le système éducatif s'est-il démocratisé?
- Evolution des finalités et des fractures de l'école en France
- L'école et ses environnements
- Pratiques enseignantes et travaux des élèves
- La définition des contenus de l'école pour tous
 
Quelques chiffres : 400 participants - 92 intervenants (dont 3 praticiens et un seul non enseignant)
 
Les ambitions du colloque
L'introduction proposée par S. JOSHUA est alléchante. On sent l'homme passionné. Non sans humour, il soutient " l'importance et l'urgence d'engager le débat sur l'école, même si certains pensent qu'il est déjà terminé ". Il fustige la critique libérale qui veut faire porter à l'école la responsabilité du chômage ou de l'inadéquation entre les besoins de l'entreprise et les filières de formation: " on veut faire jouer à l'école le rôle de sélection ".
Il estime que les problèmes que nous avons à résoudre maintenant ont changé par rapport à l'idée d'école pour tous: la France s'est lancée dans un projet de donner une culture de haut niveau ˆ des générations entières. Il est donc normal que cela soit difficile et que cela provoque des bouleversements entre l'école et ses environnements.
A la question: " notre système éducatif s'est-il démocratisé? " on est bien obligé de donner une réponse négative. Le succès scolaire, allant de pair avec la réussite sociale, n'est plus de mise aujourd'hui, d'où une accentuation des clivages sociaux, de la concurrence et du " consumérisme scolaire "
Ce constat plaide en faveur de la nécessité de " défendre pied à pied l'école " Mais il ne s'agit pas pour lui d'une " défense passive: " il faut « défendre pour transformer, mais aussi transformer pour défendre ". L'école est sollicitée pour prendre en charge de nombreux problèmes nouveaux, sans réflexion, ni organisation. C'est pourquoi il propose de " dessiner un cadre dans lequel le débat devrait être mené ":
* on ne peut pas poser ces problèmes sans mettre ˆ distance la question de l'emploi qui, selon lui, " finira par cannibaliser tous les autres problèmes "
* prendre comme point fixe l'enfant
* affirmer l'éducabilité universelle
* La réponse à la question " quoi enseigner? ", liée à la définition de la culture commune (débat explosif!) doit rester liée aux autres éléments de la culture non définis comme essentiels: il ne faut pas opposer à tout le reste les disciplines " fondamentales " (considérées comme rébarbatives, peu flexibles et de peu d'intérêt)
 
Il évoque quelques questions épineuses:
- école ouverte ou non sur la vie ?: " il y a la vie à côté, l'école ne la traite pas "
- comment faire apprendre à tout le monde ce qu'on faisait apprendre avant à peu de gens? Et l'on voit poindre là une allusion au couple pédagogie et didactique: " il y a maintenant une exigence de compréhension ", qui remet en cause " l'équilibre entre ce qui est de la responsabilité du maître et celles de l'élève et de son environnement ".
 
 
3: Le point de vue des sociologues
Les premières interventions, d'ordre démographique, géographique et historique sont bien utiles pour nous remettre quelques idées en place ou bousculer quelques représentations.
 
Encore aujourd'hui, on a plus de chance d'accéder à l'Université selon que l'on est fils de cadre supérieur ou des classes moyennes que fils de paysan ou d'ouvrier, on est plus égal à Paris qu'en banlieue (58% de réussite au bac dans l'académie de Créteil, pour près de 70 à Paris) mais la Bretagne talonne Paris, tandis que, nous assure R. HERIN (Univ de Caen), Nice, Bordeaux, Montpellier et Strasbourg sont plus près de Créteil...
 
Le tableau historique de l'évolution des inégalités dans l'accès au savoir dressé par J.-P. TERRAIL (Univ de Versailles) nous rappelle le glissement progressif du système de réseaux scolaires cloisonnés de la 3ème Rpublique2 vers un enseignement de masse, avec toutes les difficultés et les contradictions lorsque l'on prétend en même temps à un enseignement de haut niveau, sans que, pour autant, la proportion des enfants d'ouvriers accédant à l'enseignement supérieur n'ait vraiment augmenté: " Il est difficile de rendre compatible un enseignement de masse de haut niveau avec des mécanismes de ségrégation de classe ".Il montre que, depuis les années 60," le formidable essor des scolarités ", même s'il a mobilisé d'énormes investissements, a été réalisé au moindre coût. Par exemple: la décision de mener 80% d'enfants d'une classe d'âge n'a été accompagnée que par un redéploiement des moyens. Résultat? une inégalité interne, une disparité qui se manifeste par le cumul des inégalités entre filières et établissements. L'école de la 5ème République conjugue formation et sélection : »Au niveau des filières nobles, les proportions d'enfants des classes populaires n'ont pas vraiment varié " (1 sur 24 en 1950, 1 sur 23 aujourd'hui).L'intervention suivante nous a posé de tels problèmes, au niveau même de sa réception, que nous avons éprouvé le besoin de vérifier notre compréhension en posant des questions écrites à l'auteur, qui a bien voulu y répondre. Nous ferons une place à part à ce sociologue, qui nous a semblé porteur d'un discours " qui nous interpelle " et qui se répand de plus en plus, y compris dans le champ des recherches sur l'éducation. Nous reviendrons ultérieurement plus en détail sur cette intervention.
Après s'être interrogé sur les finalités de l'école: " doit-elle prioriser l'accès aux savoirs, ou avoir d'autres objectifs? " (tels que préparer à de multiples emplois, à la vie en société, à la compréhension des messages de l'environnement), B. LAHIRE (Univ Lyon II) choisit la mission la plus restrictive et milite en faveur de la transmission des savoirs, y compris pour les élèves les plus en difficulté.
 
La formation professionnelle ne pouvait rester absente. G. BRUCY (Univ d'Amiens) met en évidence les rapports plutôt conflictuels entre l'école et la production. D'abord entièrement laissée aux mains du patronat, la formation professionnelle entre à l'intérieur de l'école seulement en 1945. Mais ce n'est que dans les années 70 que l'on incite les enseignants à se rapprocher de l'entreprise ( notamment par le biais des premières formations en alternance).
 
 
... et les mises en garde du journaliste
E. PLENEL, le directeur de la rédaction du " Monde " s'est interrogé sur cette volonté de " défendre l'école ". Notre génération, dit-il, a mis en scène une critique du mythe de l'école libératrice, c'est-à-dire d'une école instrument de la dictature du patronat, " au moment même où les tenants du marché scolaire, de la privatisation, du libre choix du consommateur qui parle au consommateur, ... nous sommes sur la défensive, nous sommes piégés: nous sommes dans une forme de critique qui nous a quelque peu désarmés ".
Pour sortir de ce piège, il faut, selon lui, tenir ensemble la défense de l'école publique (en tant qu'institution ayant son autonomie au sens d'espace de conflits et de contradictions, qui permette à d'éventuels progressistes de jouer et d'éviter des régressions) et en même temps l'ouverture de l'école publique (ouverture, engagement dans la société) c'est-à-dire retrouver une certaine dimension républicaine - citoyenne - de la mission enseignante, au delà d'une défense corporatiste du métier.
 
 
 Des idées reçues
B. CHARLOT (Paris 8) montre que jusqu'à la fin des années 70, la revendication (qui s'impose même à la Droite) était l'accès pour tous au savoir universel. Cependant, dans le Collège Fouchet, si, comme le voulait l'auteur de cette réforme " tous les enfants sont sous le même toit ", ils le sont dans 3 filières différentes.
Dans les années 80, les collectivités territoriales sont associées ˆ la mise en oeuvre et au financement d'une politique nationale. Mais démocratiser, ce n'est plus unifier: apparaît la notion de " discrimination positive " ˆ travers la mise en place des Z.E.P., on légitime la diversité: " l'école démocratique est celle qui prend en compte la diversité des élèves " (J.M. FAVRET, directeur des Ecoles)
Mais la Droite, de retour au pouvoir, donne à la territorialisation une version libérale (ˆ visée consumériste): l'établissement doit se gérer comme une entreprise.
 
J.FIJALKOW (Univ . Toulouse) elle s'attache à cerner et relativiser les notions de lecture à travers trois termes que l'on rencontre fréquemment dans le discours médiatico-politique actuel, à savoir: la dyslexie, la méthode globale et l'illettrisme. Ce « dégonflement de baudruche » vaut mieux que les quelques lignes que nous pouvons lui consacrer ici et fera l’objet d’un prochain article. Le discours tenu à propos de ces trois termes dans les médias n’est pas un discours informatif.
« Si on considère ce discours en lui-même, on y trouve les constantes du discours politico-médiatique portant sur des O.M.N.I.: Objets Médiatiques Non Identifiés "
et, comme le disait S. JOSHUA " le niveau baisse ... depuis au moins Platon "!
 
 
5: Les travaux d'atelier
L'atelier 3: " L'école et ses environnements " fut l'un des rares où l'on put entendre la communication d'un praticien sur les ateliers d'accompagnement scolaire dans les quartiers Nord de Marseille, à laquelle firent écho les questions posées par D. GLASMAN (Univ. de St Etienne) qui se demande si on ne va pas vers une institutionnalisation de l'accompagnement scolaire. La moisson fut si riche que nous y consacrerons prochainement un dossier centré sur la globalité de l'acte éducatif, la place de l'enfant dans la gestion de son " itinéraire de formation " et comment tout cela " questionne " le rôle de l'enseignant.
La critique plus ou moins explicite du « détour »pédagogique n'était cependant pas absente, notamment chez J.Y. Rochex, à propos des Z.E.P ; il estime que l’on privilégie tout ce qui permet de sortir de la classe. Mais le retour de ces actions vers l'acquisition et la consolidation de savoirs et de dispositions intellectuelles est rarement posé.
cela peut contribuer à décrédibiliser l'ordinaire de la classe et à ne pas s'interroger sur ce qui se passe dans le temps pédagogique, au nom de l'extraordinaire, à renforcer le divorce entre des disciplines fondamentales fastidieuses, où on ne peut trouver du plaisir et des activités à caractère ludique et « ça risque d’accentuer le clivage entre des établissements où il s’agit de « consoler les élèves » et les établissements où, d’emblée la question de l’appropriation des savoirs est socialisante en elle-même ».
. Freinet a aussi écrit sur la question : " il ne suffit pas de vivre une expérience pour avoir intégré les apprentissages ". Comment concilier la prise en compte de " l'intérêt des enfants " et un retour sur le vécu permettant de construire ou de consolider des savoirs solides.
Voilà une mise en garde qui mérite réflexion
 
L'atelier 4: " Pratiques enseignantes et travail des élèves " a vu se succéder un grand nombre d'interventions balayant des domaines disciplinaires et d'autres plus transversaux. Il est impossible d'en rendre compte d'une manière exhaustive; nous n'en citerons que quelques-unes, parmi celles ayant le plus résonné avec nos préoccupations actuelles.
* L'enseignement scientifique: o J.P. ASTOLFI (Univ. de Rouen) décrit une expérience d'ateliers scientifiques hors de l'école, dans la région parisienne et envisage l'enseignement scientifique comme point d'ancrage de la réussite scolaire, en particulier pour les enfants en difficulté.
* Un nouveau regard sur les pratiques enseignantes: M. BRU (Univ. de Toulouse - Le Mirail) ouvre des perspectives très intéressantes sur l'ouverture d'un observatoire des pratiques enseignantes avec une posture toute nouvelle: examiner ce qu'elles sont - et non ce qu'elles devraient être - afin de provoquer une transformation du système scolaire.
* Perversion des rapports à l'écrit et langage en Maternelle: M. LAPARRA (Univ. de Metz) dresse un tableau alarmiste sur les dérives qu'entraîne le rapport fort à l'écrit en Maternelle.
* Arts plastiques: J. COHEN-GONTHIER (Collège de Montreuil) développe l'articulation entre arts plastiques, apprentissages et construction du sujet, tout en faisant part de son inquiétude face aux dernières Instructions Officielles risquant d'isoler les Arts Plastiques du corps global des disciplines fondamentales.
* Le collège unique, histoire d'une utopie, ou projet è construire? D. MANESSE (Paris V et IUFM de Paris) fait un bilan amer de l'histoire du collège unique et milite maintenant pour la réduction de l’hétérogénéité en collège.
Etant donné leur intérêt, certaines de ces interventions feront l'objet d'un développement ultérieur dans la revue.
 
Nous ne pouvons terminer sans citer le côté international de ce colloque par l'ouverture faite sur les aspects de l'école japonaise, allemande ou anglaise (le problème de la langue, hélas, perturbait la communication).
 
 
Liliane CORRE et Xavier NICQUEVERT - Colloque « défendre et transformer l’école pour tous » Compte-rendu -
 
 
Impressions personnelles
 
Tout avait très bien commencé avec l'introduction de l'initiateur de ce colloque: S. JOSHUA. Regret, seulement, que la main ne suive pas, pour n'en point perdre, l'agilité d'un discours plein de pertinence, d'humour en même temps que de largeur de vue et d'esprit.
Comment ne pas approuver quand il est affirmé que " toutes les pratiques ne se valent pas " et donc qu'il faut accepter de les soumettre à évaluation.
On salue l'humilité du chercheur: " la recherche en éducation ne peut pas fournir clé en main des réponses aux décideurs... elle produit en permanence du doute, de l'incertitude... "
Nous sommes invités à un débat ouvert et serein, mais avertis que " les débats sur l'éducation en France ont rarement l'apparence d'un long fleuve tranquille ", et que " ça devient tout de suite polémique, politique et idéologique ".
 
La polémique ne tarde pas à pointer lorsque l'on entend considérer l'ouverture de l'école comme un " luxe historique que l'institution se paie... sous prétexte de ne pas opprimer les élèves ", ce qui relève d'une " logique libertaire, en grande partie libérale ".; regretter que l'enseignant ne soit plus qu'un facilitateur qui " insuffle sa pratique pédagogique par de l'humour ".; et traiter cela de « romantisme pédagogique ".
 
L. ALLAL et P. PERRENOUD de l'Institut Pédagogique de Neuchatel se demandaient (début des années 80) pourquoi les acquis de la recherche en pédagogie avaient si peu de retentissement sur les pratiques des enseignants. Ils avaient fait un grand pas en comprenant qu‘à peine les enseignants venaient-ils de s'approprier quelques données nouvelles, celles-ci «étaient remises en cause par ceux-là même qui venaient de les convaincre d'y adhérer. Ceci avait donc pour effet de culpabiliser les enseignants et de les déstabiliser.
 
Je me souviens également des difficultés rencontrées par les premiers formateurs MAFPEN des années 80 pour faire accepter aux professeurs des collèges la nécessité de prendre en compte la logique d’apprentissage de celui qui apprend, d’intégrer dans leur enseignement les apprentissages procéduraux et d’entraîner leurs élèves aux démarches de métacognition. Les maîtres mots étaient alors « l’élève acteur de ses apprentissages », « construction des savoirs ».
 
 
Ce colloque donne l’impression que tout cela est passé de mode, que l'important c'est le savoir, dans un retour même aux valeurs de transmission de celui-ci. Si c'est vrai, quelle économie : on fait faire le cours par le meilleur spécialiste et on balance sur Internet?
 
Certes, la défense de l'école passe par sa critique, mais de quelle défense s'agit-il si elle piétine les quelques points d'appui existant à l'interne : les enseignants ayant déjà remis en question leurs pratiques en tentant d'intégrer les acquis de la recherche.
 
Dans les ateliers, la parole est plutôt aux didacticiens, en particulier dans l'atelier " Pratiques enseignantes et travail des élèves " qui attire le plus de monde, avec des intervenants qui se succèdent à un rythme frisant les " cadences infernales ". Ceci réduit forcément les réactions de l'auditoire à la portion congrue et suscite des frustrations, mais aussi des malentendus: les orateurs sont souvent contraints de condenser leur propos, voire de renoncer à une partie entière de l'exposé. Des formules tombent ainsi comme des couperets: elles n'en sont pas moins révélatrices d'un courant de retour aux vertus de la transmission des savoirs.
 
Demandant à intervenir au moment du bilan de cet atelier, Liliane mettait en évidence cette tendance:
J'ai senti, de la part de plusieurs intervenants, une attitude sur la défensive: défensive vis-à-vis des pédagogies dites actives, qualifiées de « dérives pédagogiques ".
J'ai entendu aussi: " les effets pervers de certaines innovations des dernières années », les dangers de « l'expression qui placerait l'enfant au centre ", enfant qui « serait censé s'exprimer et s’épanouir en classe ».
J'ai aussi entendu parler des " ruses pédagogiques " porteuses de perte de temps... surtout pour les élèves en difficulté, etc...
J'ai aussi beaucoup entendu parler d'échec scolaire. Mais comment l'éviter, si, d'un côté il y a les " savoirs savants " et de l'autre les enfants, les élèves - dont beaucoup en difficulté -
 
mais très peu de la logique de l'apprenant, de la globalité indispensable, or il me semble évident que si on se situe uniquement dans une logique des savoirs, le danger est bien celui d'une accumulation de connaissances sans colonne vertébrale.
Quand j'entends dire que les enseignants sont incapables de gérer les erreurs de leurs élèves afin d'introduire des remédiations, je suis blessée globalement pour eux (leur formation est mal faite, alors!)
 
Mais nous devons avoir l'honnêteté de souligner que toutes les interventions n'allaient pas dans ce sens
 
L'atelier 3 (" L'école et ses environnements ") n'a pas ŽtŽ porteur du discours culpabilisateur. La parole y a été donnée à des acteurs de terrains, y compris dans les communications. Mais on comprend le désarroi ou la mauvaise humeur d'acteurs des Z.E.P. qui se sont " décarcassés " dans l'indifférence et l'abandon quasi général et qui viennent ici prendre acte d'un bilan " globalement " négatif. Ils pouvaient s’attendre à ce que, malgré leur - légitime - prudence à se hasarder au delà des constats, les chercheurs posent quelques repères plus précis et quelques mises en garde, notamment dans ce domaine de l'ouverture de l'école sur ses environnements.
 
 
Nous avons particulièrement apprécié - parmi d'autres - les interventions de J. FIJALKOW, de B. CHARLOT et celle d'E. PLENEL. Petit " cocorico ": il aura fallu l'intervention du seul non enseignant pour que soit affirmé:
" en même temps, à l'inverse, dans l'héritage, je dirais plus libertaire de Mai 68, nous sommes donc - et c'est légitime - dans la redécouverte du débat pédagogique - dans la redécouverte, par exemple de l'Institut Coopératif de l'Ecole Moderne et du Mouvement Freinet - dans la redécouverte aussi d'une certaine critique du magister professoral, donc, à l'inverse aussi, dans une forme d'idéalisation, dans le mouvement de balancier, du débat pédagogique, par rapport ˆ la question de la transmission des savoirs... "
Peut-être, un de ces jours prochains, " le Canard " révélera-t-il qui avait graissé la patte du directeur de la rédaction du Monde pour qu'il glisse cette " publicité clandestine " quelque peu incongrue?
 
 
 Xavier NIQUEVERT
 
 

 

Inégalités scolaires et inégalités sociales

Janvier 1998

L'école d'autodétemination à Moscou

Janvier 1998

 

Russie

La culture se construit sur l'expérience personnelle

Janvier 1998

Pour Olivier Reboul :

"Le mot culture a aujourd'hui deux sens bien différents.
Le sens inspiré de l'allemand Kultur ; culture est ici synonyme de civilisation ; elle indique une civilisation en tant surtout qu'elle se distingue des autres ; la culture chinoise, c'est la civilistion chinoise dépouillée de tout ce qu'elle peut comporter d'européen. D'où les termes comme "culturalisme", "pluriculturel", etc...
Un sens proprement français, en rapport avec les savoirs d'un individu. La culture n'est pourtant pas le savoir... une accumulation de savoirs ne fait pas une culture... mais une certaine qualité des savoirs, que l'on peut décrire ainsi. La culture, c'est le fait que les savoirs sont disponibles , qu'ils peuvent servir dans des circonstances toutes différentes de celles où on les a acquis, qu'en apprenant on "apprend à apprendre". Que les savoirs sont assimilés : je ne puis disposer d'un savoir que si je l'ai fait mien, intégré à ma personnalité ; si j'ai acquis mon propre style. Que les savoirs sont communicables : un savoir qu'on ne peut partager ni confronter avec ceux des autres est rejeté hors de la culture." (1)
Pour Célestin Freinet :
"La connaissance et les lois ne sont rien de sérieux sans l'expérience personnelle* qui les accroche. Vous ne ferez pas l'économie de cette expérience, et la pratique vous montre, partout, la nécessité de cette loi.
On dirait justement que les milieux éducatifs - famille et école - ont voué une guerre déloyale à cette expérience personnelle : l'école parce qu'elle a trop de choses à enseigner, trop de choses à accrocher, qu'elle n'y parviendrait jamais croit - elle, s'il lui fallait fixer au préalable les crochets nécessaires, et qui fonde alors son acte illusoire sur la seule représentation offerte à la mémoire mécanique. On "apprend" les explications, on s'initie verbalement aux règles et aux lois. Mais tout ce savoir - qui peut être considérable - n'est nullement accroché, et c'est pourquoi il est d'une si générale inutilité pour le perfectionnement de l'homme, c'est pourquoi il lui reste extérieur, à l'origine d'une culture séparée de l'individu, qui de ce fait même, peut parfois aller plus loin et plus rapidement... Vers quoi ? Pourquoi ? On vous dira : vers la connaissance... Elle n'a rien fait cependant que créer du désordre et de la misère intellectuelle si elle ne va pas vers la vie, si elle n'est pas une foncion de vie... Et ne nous, y trompons pas : là réside le grand drame de cette civilisation déclinante qui branle sur ses bases et se débat sur des sommets inutiles." (2)...
..."Nous pourrons alors rassurer les éducateurs quant à la pratique de cette expérience tâtonnée accélérée qui est le fondement de toute connaissance. Il n'est pas indispensable que l'enfant pousse à fond et dans tous les domaines sa prospection ; s'il a suffisamment exploré son jardin, comparé les résultats de ses observations à ceux de l'exploration de jardins voisins, à l'expérience d'explorations identiques pratiquées par d'autres dans les lieux éloignés, il en déduira de lui - même, ou avec notre aide, les rapports communs, en distinguera les dissemblances, formulera les lois générales qui règlent l'organisation et la vie des jardins. Cette connaissance sera d'autant plus parfaite, et d'autant plus riches seront les enseignements, que l'enfant aura pu disposer, pour confronter avec ses expériences, des résultats d'expériences d'autrui, résultats consignés dans les monuments, dans les dessins, les livres, les images fixes ou animées.**
Quand il aura exploré sa maison, ou son propre corps, qu'il aura confronté ses découvertes avec celles faites, en d'autres circonstances, dans d'autres maisons et sur d'autres corps, qu'il aura éprouvé ces rapports, étalonné les règles, il aura la possibilité pratique de connaître toutes les maisons et tous les corps dont les principes fondamentaux sont identiques.
Il y a là, plus qu'une masse de connaissances, une clé, une habitude d'esprit, une norme de comportement qui passent bien vite en règles puis en techniques de vie." (3)
* Par "expérience personnelle" il faut entendre, au sens large, tous les vécus de l'individu :
 vécus "expérimentaux" et savoirs accumulés, strictement privés qui en découlent bien sûr,
mais aussi vécus interactifs sociaux, socio - cognitifs, socio - affectifs dans la famille, à l'école et hors de l'école, où l'altérité est source d'échanges, d'apports divers, d'imitations, de transformations donc d'un métissage de cultures diversifiées.
Ainsi, la rencontre avec des oeuvres artistiques, poétiques, littéraires, scientifiques, documentaires... peut être une ouverture à partir de sa propre pensée, un prolongement et un approfondissement de son expression spontanée ou, au contraire, un facteur déclenchant, à l'origine d'une auto - construction créative, ces deux démarches étant source de culture.
** c'est le cas des B.T créées par C.Freinet (voir catalogues PEMF) et aujourd'hui des CD - ROM , Internet ...
                                                                                              Montage de J. et E. Lèmery
(1) O.Reboul - Les valeurs de l'éducation - PUF - Collection 1er Cycle - Septembre 1992
(2) C. Freinet - Essai de psychologie sensible I - p.431 - Oeuvres pédagogiques Tome I - Seuil - Septembre 1994
(3) Ibid - p. 581
 

 

La présentation de livres en maternelle

Janvier 1998

Organisation de classe

La présentation de livres en maternelle
 
 
Comment faciliter la rencontre de l’enfant et du livre ? Comment susciter l’échange et le dialogue autour du livre, et ceci dès la maternelle ? Comment faire partager ce plaisir de lire, d’écouter lire et de présenter ?
Martine Castier nous présente l’organisation actuelle de sa classe de ce moment capital de la présentation de livres.
« A l’école maternelle, les enfants empruntent des livres. Au départ, ils empruntaient tous un livre le même jour, et ce jour-là, avant de changer de livre, je demandais qui voulait le raconter aux autres... mais le temps manquait... et chaque semaine, les mêmes enfants voulaient lire, alors que d’autres n’avaient peut-être pas même ouvert leur livre à la maison !
Alors, ensemble, nous avons réfléchi à une nouvelle organisation... »
 l'article en pdf
 
Comment nous nous organisons
En début d’année, des groupes d’enfants sont constitués : enfants de même famille, voisins qui font la route ensemble...afin que personne n’oublie son livre. La liste des groupes est affichée à la porte pour les parents et dans la classe pour les enfants et la maîtresse.
Chaque enfant sait donc quel jour il va rendre et présenter son livre avant d’en choisir un autre.
 
Dans la classe des « tout petits » et petits :
le livre est présenté devant le groupe classe. La notion du collectif est importante, on vit un moment riche.
 
Dans la classe des moyens et des grands :
les enfants sont réunis en groupe de six ou huit. Ceux qui présentent ce jour, sont réunis dans le même coin de la classe. Ils prennent leur livre de bibliothèque, leur cahier de bibliothèque, leurs feutres et représentent sur leur cahier de bibliothèque la première de couverture de leur livre (titre et illustration). Ainsi, ils gardent la trace des livres qu’ils ont lus dans l’année.
Dans la classe, deux autres groupes travaillent en autonomie et... écoutent ! Le moment partagé est toujours important, mais si les enfants n’avaient pas d’activités spécifiques, les moments de présentation dans la journée paraîtraient trop longs.
 
La présentation
Les possibilités et les centres d’intérêts des enfants sont différents :
ncertains racontent ce qu’ils voient sur les images,
nd’autres nomment et montrent les personnages, les objets en réutilisant ce qui leur a été lu,
ncertains savent finir les phrases du livre si la maîtresse les commence,
nd’autres enfants connaissent le livre par cœur du début jusqu'à la fin.
 
Le rôle de la maîtresse
La maîtresse participe activement, elle aide l’enfant qui présente pour que ce soit vivant pour ceux qui l’écoutent ; elle incite l’enfant à expliquer l’histoire avec ses propres mots, à dire ce qu’il a aimé dans le livre. Les autres participent et peuvent poser des questions ou faire des remarques. Elle note rapidement sur une fiche d’évaluation toute prête ce que l’enfant a su faire, ainsi que d’éventuels problèmes de langage.
 
L’accueil des parents est capital
Mes remarques et mes observations (voir tableau « présentation de mon livre de bibliothèque ») sont données aux parents. Je pense que c’est ce qui a permis à ce que la majorité des parents soient sensibilisés à l’importance de la lecture avec leur enfant : ils « préparent la lecture du livre » avec leur enfant.
Des moments de présentation ont été également filmés et montrés aux parents pour leur permettre de constater l’intérêt de cette activité dans la classe.
Pour certains le « bachotage » est peut-être plus important que le plaisir de lire le livre ensemble et c’est dommage, mais cela a au moins permis à ce que la majorité des enfants sache présenter leur livre aux autres.
 
L’attitude des enfants face aux livres
Les enfants reprennent facilement dans la bibliothèque de classe un livre qui a déjà été présenté. Les livres qui plaisent le plus se trouvent rarement dans la bibliothèque, car ils sont empruntés chaque semaine. Après plusieurs présentations, il n’est pas rare que les enfants connaissent déjà le livre... ce qui étonne les parents quand ils l’ouvrent à la maison et que leur enfant leur lit ce livre avant qu’ils le leur aient lu eux-mêmes.
 
Bref, la présentation de livres en maternelle, ça marche très bien, c’est riche et vivant, alors... n’hésitez pas à la pratiquer avec vos élèves.
Martine Castier,
 pour les deux classes maternelles de Escoeuilles (62)
 
 
 
Conseils aux parents
Vous vous installez avec votre enfant dans un lieu confortable et chaud : un lit, un fauteuil...
Votre enfant a choisi son livre ou alors c’est vous qui décidez de lui en présentez un, celui que vous voulez , à votre convenance. Dans le premier cas, ne vous irritez pas qu’il aie, pour la énième fois rechoisit son livre favori : le livre est une source intarissable de découverte.
Le livre est (aussi) un objet : on le regarde ensemble sous toutes les coutures, on le fouille, on l’explore, d’ailleurs votre enfant est un très bon explorateur d’images....
Ah oui ! J’oubliais l’essentiel ! Tenez bien votre enfant serré contre vous, dans vos bras, sur vos genoux : le livre c’est un objet de médiation, de rencontre et de plaisir...
Bonne lecture !
Les bonnes recettes de Pépé
 
 
Présentation de lecture :
déroulement
l’enfant qui présente son livre
1 - donne son livre à la maîtresse
2 - prends le micro
3 - dit ce qu’il sait :
                 - le titre
                 - il raconte l’histoire. La maîtresse l’aide en tournant les pages et en montrant les illustrations aux autres enfants.

 

Le passeur de culture

Janvier 1998

Notre travail d’enseignant(e) est un travail d’éducateur pour peu que l’on se préoccupe de l’enfant, être global, être vivant dont la nature est la même que celle de l’Homme. Cette « évidence » nous conduit, dans les classes coopératives , dans notre choix de militant(e) de la pédagogie Freinet, à permettre les impulsions créatrices, à laisser se creuser les sillons où vont germer les créations et expressions des enfants. Les communications, la coopération dans les apprentissages nous conduisent petit à petit à prendre, construire des points d’appui, par l’intermédiaire de techniques et d’outils. Dans cette « montée » vers les savoirs, lois trouvées, techniques de vie vont apparaître des métissages de cultures au gré des rencontres entre les enfants, entre les enfants et l’enseignant, entre la classe et les cultures socialement déjà existantes. Les productions des enfants vont au fur et à mesure s’interpénétrer et « s’entrechoquer » avec des oeuvres extérieures à la classe, que ce soit des livres, des textes d’écrivains adultes, des peintures, sculptures, musiques de « grands maîtres»... Les questions poséeds dans ce dossier sont :

                - Quelle est la place de l’éducateur ?
                - Quelle est sa part ?
                - Comment vont se produire les rencontres avec l’art, les romans, les poèmes, ?..
 
L'article en pdf
 
Révéler aux enfants, dans tous les domaines, les richesses de leur patrimoine culturel relève d'une nécessité qui incombe tout naturellement à un éducateur soucieux d'élargir au maximum le champ d'investigations culturelles des enfants : les mettre en rapport avec le monde passé et le monde à venir, avec le « déjà là » historique, social, culturel. Il nous appartient, à nous éducateurs, de bâtir des ponts entre savoirs personnels, privés d’une part et savoirs coopérativement construits au sein d’une communauté que chacun sert et qui sert chacun, savoirs « publics » d’autre part. C'est là certainement la part essentielle que tout enseignant(e) doit apporter.
 
                La question posée ici est donc surtout de savoir à quel moment il serait le plus favorable que l'enfant puisse rencontrer des oeuvres d’adultes et ce que cela pourrait lui apporter. Encore faut-il poser comme postulat la nécessité d'un climat d'expression libre maximum et rappeler que lorsqu'il crée, agit, l'enfant engage globalement toutes les facultés de son être, Il se construit et pour ce faire, a besoin d'espace, de temps, d'accueil et d'écoute .
 
Le statut
du texte d’auteur,
place et part du maître.
 
Jean-François Denis et Sylvain Hannebique (Lille, CM1-CM2, école Brunschvicg - Rousseau),
 
 
Un espace, un espace de temps, de liberté, espace dans lequel chaque enfant, tous les enfants vont pouvoir écrire, dire, dessiner, peindre, chanter, danser.... Telle est d’abord et avant tout la condition impérieuse de toute création dans la classe. L’invention ne supporte pas la contrainte, elle la fuit, la contourne.
 
Dans ma classe, les enfants savent qu’ils peuvent créer, qu’ils peuvent dire, oser et que leur parole sera écoutée, entendue, reçue. Ils ont pour cela du temps mais pas tout le temps. Car les contraintes existent. Celles de l’institution scolaire qui place ses exigences, celles de la classe et de son fonctionnement qui a besoin d’organiser son temps commun, propice à la vie du groupe.
 
On peut donc inventer dans le temps de travail individuel ( 1H30 à 3H par jour)et aussi parfois, quand la nécessité impérieuse de l’émergence se fait sentir, hors du temps individuel quand les autres font autre chose ensemble. Sans cette liberté, pas de création.
 
Un lundi, l’entretien, 8H30.
 
Hélène raconte qu’elle a vu la veille, sur le bord de la route, des chasseurs et un lièvre mort allongé par terre. S’ensuit une discussion sur la chasse et sa nécessité.
Trente minutes plus tard, Lucas m’apporte ce texte.
A la présentation, il reçoit un accueil enthousiaste. C’est le premier d’une série de textes qui parleront à la première personne même quand on ne parle pas de soi. Idée géniale (au dire des autres) que certains reprendront!
« Mais au fait, comment as tu eu l’idée d’écrire à la première personne?
- Et bien l’autre jour, Lucile nous a lu un texte sur l’amitié et elle a lu aussi la réponse de M Denis. Cette réponse était avec je et aujourd’hui, j’y ai repensé et cela m’a donné cette idée. »
 
                                              
La réponse?
 
Ce terme, rituel dans la classe, illustre les incursions que je me permets, quand ,à la lecture d’un texte par un enfant, je lui donne un écrit d’un autre écrivain, adulte ou enfant. Il le colle dans son cahier d’écrivain, à côté de son texte. Ce sont les enfants qui ont trouvé le mot réponse et j’avoue qu’il illustre assez bien une forme de dialogue qui s’instaure entre eux et moi à propos de l’écriture. Lorsqu’un enfant lit son texte à la classe, il peut également lire cette réponse, rencontre avec un autre qui a eu la même idée sous une forme identique ou différente. Ce qui, à chaque fois, stupéfie les enfants. Ce n’est jamais « j’ai pensé comme lui » mais plutôt « il a pensé comme moi! »
Le texte d’auteur que j’avais offert deux semaines auparavant à Lucile et qu’elle avait lu à la classe à la suite du sien racontait la rencontre entre un maître et son chien à travers les yeux du chien. Il n’avait pas suscité de remarques particulières.
 
Le statut de la  réponse.
 
Apporter un texte extérieur dans la classe n’est jamais un acte facile et cela doit être fait avec beaucoup de prudence. Il en va du respect des enfants, de leur potentiel créatif, de leur être.
Ne pas lui donner l’existence du « mieux dit », de ce qu’il faudrait faire. Ne pas lui donner un caractère d’imposition et d’obligation. Ne pas systématiser ce qui doit être un acte exceptionnel, une rencontre extraordinaire. Ne pas lui permettre l’écrasement de la parole de l’enfant par celle des adultes.
Alors la  réponse peut devenir une ouverture sur le monde des autres, une proposition à grandir, un tremplin pour rebondir. Elle est le signe que l’écriture peut être un outil d’échange et de rencontre.
Il arrive qu’elle ne trouve pas d’écho, ni chez l’enfant à qui elle a été proposée, ni chez les autres à qui elle est lue. Et c’est tant mieux. Telle est la garantie qu’elle n’est rien d’autre qu’un carrefour possible qui peut ne pas être emprunté.
 
La place de la réponse.
 
Avant ou après? Avant ou après la création, l’écriture, l’invention? Telle est la question qui se pose lorsqu’on a la volonté de préserver la richesse et le potentiel de l’enfant dans son acte créatif.
Ne risque-t-on pas d’empêcher l’émergence de nouvelles formes, de nouvelles idées, en apportant des objets qui peuvent prendre le statut de modèle et qui risquent de projeter des contraintes sur l’enfant qui crée?
L’exemple de Lucas illustre bien, je pense, l’invalidité de cette question.
C’est bien un texte apporté dans la classe par l’adulte qui lui permet d’explorer une nouvelle forme d’écriture, qui lui permet d’imaginer de nouveaux possibles. Tel n’est pas toujours le cas, peut-être aurait il quand même écrit un texte. Mais Lucas a dit que cela l’a aidé. Cela lui a ouvert des possibles.
Le texte est arrivé après celui de Lucile, il est arrivé avant celui de Lucas, comme beaucoup d’autres. A-t-il posé un modèle dans la classe, a-t-il empêché l’acte créatif de se développer? Je ne le pense pas.
Pour penser la place de la culture publique dans la classe, il faut regarder l’enfant qui crée et se demander d’où vient, où naît l’idée, comment elle germe? On ne peut penser qu’il existe une génération spontanée qui fasse qu’une création enfantine naisse de la virginité. Un enfant est un être d’expériences qui a vécu, engrangé, amassé, qui possède des structures mentales qui génèrent des idées. C’est la possibilité et la liberté, la force et l’audace qu’il a de les modifier, de les transformer qui lui permet de continuer à créer.
La réponse est un ferment du milieu de vie qu’est la classe, un parmi d’autres, un élément du terreau sur lequel les créations naissent. Elle est en même temps une rencontre avec l’existant, l’histoire des hommes, des autres.
 
Quelles réponses?
 
J’ai stocké dans ma classe depuis de nombreuses années des textes et écrits qui sont classés par thème. Cette banque de textes me permet, à chaque fois que je l’estime utile ou heureux, de trouver assez facilement une réponse. Texte d’adulte, texte d’un autre enfant. (encart 2) En fonction de l’enfant qui a créé, de sa sensibilité, de son histoire scolaire, je lui propose un texte qui lui est accessible, dont je pense qu’il lui parlera. C’est parfois Sophie, enfant connue ou inconnue, parfois Rimbaud, parfois un poème, parfois un récit, toujours proche du sujet traité, de l’idée exprimée.
 
La liste des thèmes a été construite en prenant en compte la fréquence d’apparition des thèmes dans les textes d’enfants. Elle est donc bien un outil à l’écoute des enfants et non une somme d’écrits débouchant sur l’écrasant « à la manière de... »
 
La part du maître : ses réponses.
 
S’il est une question qui est à travailler quand l’enseignant devient passeur de culture, c’est celle du statut de ses apports, propositions, suggestions. C’est elle qu’il faut éclaircir. Que dit le maître, que sait-il, qui est-il? Comment sa personnalité, sa culture, sa sensibilité influent-elles sur le cours de la création?
Comment met-il en place le bain qui favorise l’émergence, la permet, la poursuit? Car on ne peut ignorer l’influence primordiale de l’enseignant dans les directions culturelles, artistiques, créatives que prend le groupe.
C’est alors à lui d’ouvrir les champs, les horizons en veillant à ce que le sens ne se perde pas, que la culture ait une histoire dans la classe, qu’elle soit liée au vécu des enfants. c’est à lui d’assurer que toutes ces ouvertures ne sont que des propositions au service de l’enfant, de son potentiel créatif, de ses désirs.
                                                              
Post Scriptum
 
J’ai proposé à Lucas, en réponse à son texte, un texte de Louis Pergaud sur la chasse et la mort d’un écureuil : la mort de Guerriot. Il l’a lu avec grand plaisir à la classe.
 
Jean-François Denis
 
                                                                             
               
 
Pour illustrer ces propos, on voudrait aussi évoquer des expériences vécues ici et là par Clem Berteloot, dans des milieux sociaux différents: les uns exceptionnels comme celui de l'Ecole Freinet de Vence, les autres dans des milieux particulièrement défavorisés et au sein des institutions contraignantes de l'Education Nationale.
 
Je vous parlerai d'abord de F. (6 ans), fils de mineur, famille nombreuse, difficultés pour la famille de vivre normalement.
Lors d'un voyage de correspondance à Paris, passant en bateau-mouche devant Notre Dame il s'écria:
 «Regarde, ils ont pris ma rosace ».
Je me suis souvenue que la semaine précédant le voyage, F. avait dessiné à l'encre de Chine de nombreux graphismes dans lesquels effectivement figurait ce que l'on pouvait prendre pour une rosace « Oui ! lui dis-je, mais d'autres que toi en ont dessiné, je te les montrerai, on cherchera dans les «grands livres».
Suivit alors une fervente période de quêtes de rosaces dans les livres sur les cathédrales ... recherche dans laquelle j'eus sans doute reculé, si F. n'avait reconnu graphiquement et émotionnellement sa création dans celle d'un autre, en l'occurrence un grand maître du vitrail .
 
Chaque enfant qui s'engage, dans une activité, nous l'avons déjà dit, engage son être tout entier et exprime son « essentiel » sur le registre de sa possibilité majeure .
Je pense à M. cet enfant de 7 ans, « rebelle-né », refusant toute contrainte vivant sa vie, en parallèle à celle du groupe, sans jamais d'intersection, qui déclare un jour :
« Je voudrais savoir faire une petite lumière électrique». Vite le matériel est réuni... pile, fils, ampoules... M. cherche... échoue... recommence. Au bout d'un tâtonnement laborieux mais fructueux, la petite ampoule s'allume ! !
Victoire, M. court vers le groupe. « J'ai réussi ! ». Le groupe questionne. M. explique. « Alors, tu as compris, tu es content ? » Réponse de M:
«Oui, parce que, mon oiseau est mort, et je vais l'enterrer avec la lumière... sinon il aurait eu peur dans le noir...».
Suivirent alors, d'autres recherches fructueuses sur le courant électrique et aussi de nouvelles relations avec le groupe .
Et ce jour-là, si la lumière fut pour M., elle le fut aussi pour nous.
 
C'est volontairement que je continue à prendre des exemples dans des disciplines différentes. Prenons dans le domaine du texte libre - oral ou écrit - du texte qui naît soudainement, trouve sa forme et s'exhale comme un souffle.
 
Une fin d'après-midi d'hiver, panne d'électricité. Nous allumons une bougie. Devant cette flamme solitaire chacun rêve, tout haut, nouant avec elle un dialogue secret Ils parlent, fascinés, laissant émerger de lentes remontées intérieures. J'enregistre, je note sur un carnet. Tous ces textes, portent, même chez ceux qui ne sont pas d'ordinaire enclins à exprimer leur réalité intérieure, une telle poésie, une résonance si profonde qu'ils m'interrogent:
« La flamme brûle dans le noir, et moi je la regarde, et moi je deviens flamme. Une flamme tranquille et je brûle, je brûle, je m'envole» (Brigitte, 9 ans)
« La flamme s'est éteinte, dans les coulées de cire demeurent figés mes souvenirs perdus » (Eric, 10 ans).
 
Je pense à Bachelard et à sa «Poétique de la flamme». J'hésite, Bachelard est difficile, et pourtant le lendemain j'écris au tableau :
« Tout rêveur de flamme est un poète en puissance. Toute rêverie devant la flamme est une rêverie qui admire. Tout rêveur de flamme est en état de rêverie première »
Vives réactions de tous.
« Qui a écrit ça? Qu'est-ce qu'il a encore écrit ? Lis-nous d'autres passages » .
 
Malgré les difficultés que présente le texte de Bachelard, ils l'assimilent avec une précision et une rapidité surprenante. D'emblée ils entrent sur les voies du philosophe poète, non pas à sa suite mais avec l’intuition de l'avoir à la fois précédé, à la fois retrouvé.
 
Dans un incessant et subtil tâtonnement émotionnel sur un fond d'expression libre totale, de profonds liens se sont noués entre le maître et l'enfant créateur.
 
Bachelard devint, pour certains, un ami chez qui ils recherchèrent des émotions communes.
 
Prenons la création musicale...
 
X. 12 ans, passé douloureux, mère disparue, père emprisonné, passages successifs en maison d'enfants. Les disciplines scolaires et didactiques le rebutent. Il peint, il danse, il fait du théâtre, il écrit des textes libres, il crée des musiques.
 
Il interprète un jour, devant le groupe, sur le dos d'un piano démonté, une de ses compositions libres intitulée: «L'orage». Le groupe applaudit, analyse, décortique et ressent, particulièrement après le déchaînement des éléments, l'apaisement que procurent les dernières notes... La fin tombe, sur un accord parfait.
 
Nous lui faisons remarquer qu'un grand musicien, Beethoven, a composé sur le même thème une symphonie bâtie sur le même plan.
 
Aussitôt, engouement de X. Il veut tout de suite savoir qui était Beethoven. Comment était Beethoven, l'homme, son visage, son histoire. Nous n'avons sous la main que le petit Larousse. Avec application et fébrilité il cherche, il découvre une représentation de la tête du musicien . Il se met à la reproduire au crayon, une bonne cinquantaine de fois.... il anime la petite image grise, lui compose des expressions et va même jusqu'à lui donner une stature, et l'asseoir au piano.
 
En même temps il entreprend une série de Conférences sur Beethoven, écoute et fait entendre les oeuvres du Maître, entraînant dans son sillage, d'autres enfants passionnés par les exposés.
 
Mais X. ne s'arrête pas là.
Naissent alors trois grandes peintures dans lesquelles il met son héros en scène.
D'abord directement au pinceau (trait noir sur fond blanc 1,20m x 0,80m) le portrait du musicien, puis le maître, habillé en chanteur moderne (face à un micro) qui pleure sur le malheur de sa surdité et enfin l'apothéose : « l'orchestre » qu'une inscription en haut à droite du dessin signale par cette invite: « Ce soir, il y aura Beethoven ».
 
Il faudrait analyser cette étrange interférence qui, à travers les oeuvres réalisées, a établi entre le Maître et l'enfant, des liens émotionnels et culturels.
 
Je pourrais, au risque de fatiguer le lecteur, multiplier des exemples de ces rencontres en math, en danse, en théâtre.
 
Si j'ai tenu à citer ces exemples, qui furent autant pour nous que pour les enfants, des déclics : déclics dans la construction de notre savoir et de notre être, c'est pour essayer de mettre en évidence, à travers des actes vécus, les voies de la création, ses chemins depuis sa formation «pulsionnelle», son émergence, sa concrétisation jusqu'aux signes évidents d'intégration par l'enfant, d'un véritable savoir.
 
Il me semble que ces exemples expliquent aussi cette nécessité pour l'être à la recherche de lui-même :
1.de pouvoir en créant exprimer ce qu'il est j'ai entendu Changeux dire à France Inter: la création est difficile à expliquer, elle appartient à la condition de l'homme).
2.de «savoir être au mieux dans les plis de son existence » afin de pouvoir ingérer à son rythme et avec efficience les connaissances exigées souvent d'une manière contraignante par l'institution scolaire .
 
Comment favoriser cette éclosion qui mène à la création ?
Comment, pour la faire émerger et reconnaître, peut-on la concrétiser ?
 
C'est du déjà dit certes, mais peut-être qu'en braquant le spot à nouveau sur ces questions, éclairerons-nous davantage notre lanterne.
 
Redirons-nous la nécessité d'un élément de liberté au sein d'un groupe organisé techniquement, qui sert l'enfant et que l'enfant sert. Climat de liberté qui lui permette cette lente remontée de « son profond ». (Un authentique texte libre ne se prépare pas le soir à la maison. Trop d'influences s'exercent alors sur l'enfant. Le texte libre doit pouvoir « être craché » au moment où le besoin d'écrire se fait sentir, et pour cela la classe doit pouvoir offrir un « ailleurs » un espace dégagé de toutes contraintes familiales).
 
En dessin, cette lente remontée, qui amène à la concrétisation de ce besoin intérieur, semble incontrôlable, le geste qui l'amorce et le précise apparaît d'abord comme une action tâtonnée (du moins chez les plus jeunes) sans organisation préalable.
 
Regardez un petit de la maternelle qui s'élance sur sa feuille blanche, il démarre d'un geste impérieux. Ce n'est pas seulement une trace sur la feuille, c'est une gestuelle, un langage, quelque fois une chanson, un mouvement du corps. C'est un petit drame imaginé sur le plan moral, humain, qui va beaucoup plus loin que ce qu'en retient la feuille blanche abandonnée au seul crayon.
 
Cette impétuosité du geste se retrouve dans les tags des ados, lignes qui crient sur les murs honnêtes, leur douloureux mal de vivre. Pour eux, pas ou peu de groupes compréhensifs de groupes d'échange. Devant eux rien que le groupe société féroce et inhumain.
 
Dans nos classes organisées pour que l'enfant gère son temps et son travail, le groupe vit comme un être social, groupe qui est beaucoup plus que la somme des individus qui le composent, devant lequel chacun présente son oeuvre, est reconnu et existe, à travers elle.
 
C'est là que s'instaure l'échange, la solidarité, l'absence de compétition, ovations, questions, réponses... Ce qui n'était au départ que le résultat heureux mais fortuit d'un tâtonnement, s'analyse se construit, se décortique, révèle la technique le plus souvent employée, amenant chez l'auteur une prise de conscience de sa reconnaissance par le groupe, de son savoir-faire.
 
Ainsi, avec la possibilité laissée à chacun de jeter son oeuvre dans l'arène, se construit sur les assises d'un savoir être, le savoir, base de toutes connaissances.
 
Sans cette appartenance au groupe, l'individu n'aurait pu toucher cette dimension qu'il ne peut atteindre seul.
 
De même qu'il est nécessaire d'admettre la globalité de l'activité de l'enfant dans la recherche et dans son expression, il est souhaitable de s'abstenir d'y coller des étiquettes, et de ne pas vouloir l'orienter. C'est là l'acte essentiel pour protéger ce qui va naître, souvent fragile, inconnu, et que la moindre maladresse peut, sinon détruire, tout au moins infirmer.
 
Mais chaque éclosion vient à son heure, et ce n'est que, lorsque le bouton de la création a pu s'ouvrir largement, révélant dans son épanouissement l'architecture intérieure de son auteur, qu'on pourra avec efficience mettre l'enfant en présence des oeuvres d'un Maître, ayant traduit dans le même registre ou dans un registre différent des émotions identiques.
 
Alors, il sera prêt à accrocher à sa chaîne d'expérience vécue et concrète, ce nouveau maillon. Riche d'un savoir nouveau, intégré, assimilé, il repartira à travers un tâtonnement incessant à la conquête d'un nouveau savoir.
« Ils (les enfants) trouvent sans chercher, c'est pour cela qu'ils deviennent suspects aux penseurs qui s'épuisent à courir les chimères» (E. Freinet)
«Il y aura, ici, dit encore Elise Freinet (précède tout un chapitre sur «Comment combattre le pompier»), opportunité à montrer des oeuvres de grands Maîtres aux élèves (suit une énumération de grands noms de la peinture, assortis de traits qui caractérisent leur oeuvre). Mais, ajoute-t-elle, il faut aussi « garder la vision personnelle de l'enfant».
 
Il ne s'agit pas de mettre entre les mains des élèves, ces reproductions d'oeuvres de Maître. On courrait ainsi le risque de susciter la simple copie, du moins une sorte d'envoûtement qui pourrait suggérer des créations « à la manière de...».
 
Ce respect de la vision personnelle de l'Enfant implique , nous le répétons, un éducateur catalyseur, à l'écoute, qui sait reconnaître le déclic. Ce déclic qui amènera l'enfant à rejeter toutes les concrétions psychiques accumulées depuis sa naissance, à rétablir les circuits manquants dont l'absence, d'une manière ou d'une autre, bloque le processus de sa construction interne.
 
Alors, je crois qu'on pourra amener les Grands Maîtres (dans toutes les disciplines), et, alors, seulement! On ne dit pas à un enfant qui va faire un texte libre, «va voir avant ce que tel ou tel a écrit »
 
Pourquoi en serait-il autrement pour le dessin, la peinture, la sculpture, la musique, le théâtre, la danse, en un mot pour toute réalisation émanant de l'être.
 
Ce faisant, ce n'est plus ‘à la manière de’ que l'enfant travaille. Il a précédé, retrouvé, le Maître qui devient son compagnon.
 
Il ne s'agit nullement de savoir s'il fait autant ou mieux qu'un artiste mais bien plutôt, de l'aider à se construire le plus harmonieusement possible, tout en respectant les conditions de développement de l'espèce humaine.
 
Plus que jamais, nos jeunes, dominés par une technologie galopante qui les «déboussolent » auraient besoin de se retrouver autrement qu'à travers les images virtuelles de leurs écrans ! images qui ne demeurent dans sa formation qu'un ersatz d'expériences vécues.
 
Oublier tous ces principes au nom d'une Sainte Kulture c'est amener l'être à des comportements incontrôlés et incontrôlables dont chaque jour nous percevons les malheureux échos.
 
Il nous faut à travers l'enfant retrouver l'homme, permettre à chacun, ô d'appréhender la culture par ses propres passerelles et mettre en commun ses savoirs.
 
 
J'ai entendu le professeur A.Jacquart dire, en substance : «L'utopiste c'est celui qui choisit une étoile pour savoir où il va. Il n'atteint pas son étoile, mais il continue à savoir où il va ».
 
Clem Berteloot
 
Conclusion ... provisoire ...
 
Il semble que la question de la place de la culture dans l’acte pédagogique, de la part qu’elle occupe, des mélanges que son « introduction » provoque peut se poser de façon plurielle dans les classes en pédagogie Freinet. En tout cas, les rapports entre savoirs individuels, personnels, privés d’une part, les savoirs que la classe se construit coopérativement et les savoirs socialement et historiquement repérés sont permanents. Les « grandes oeuvres, on l’a vu, peuvent arriver à différents moments de la création. Il y a selon l’être de chacun des dosages différents, des mises en oeuvre variées. Nous retrouvons heureusement dans les classes coopératives comme qilleurs de grandes variables et nous aurons sans doute encore longtemps à en partager les complexités ... pour petit à petit savoir chacun ce que l’on fait, pourquoi, comment ?
 
Les enfants tout comme les adultes n’arrivent pas vierges, quelques soient leurs milieux de vie et leur enracinements dans la communauté des hommes. Il reste aussi que nous sommes en grande partie les lins que nous tissons à des étages de vie multiples, étages entrelacés patiemment.
 
« Un savoir non partagé humilie ceux qui n’y ont pas accès » rappelle B.Cyrulnik*. Il nous revient certainement d’être des passeurs de cultures, des architectes bâtisseurs de ponts et passerelles et donc de sans cesse partager aussi entre adultes nos savoirs.
                               Dossier coordonné
 par Sylvain Hannebique
                               avec des apports de Jean François Denis
 et Clem Berteloot
 
 
                La chasse.
 
C’est samedi et j’ai peur, il est presque deux heures, les chasseurs vont bientôt arriver.
Je vais me cacher dans mon terrier. je regarde les chasseurs arriver. Ils arrivent.
Vite, je pars vers la droite, je cours à toute allure.
J’entends un grand bruit et tout à coup, c’est le vide et le noir.
 
                                                               Lucas
Encart 1
 
                Quand les sociétés fourniront à chaque individu dès le plus jeune âge, puis toute sa vie durant, autant d’informations sur ce qu’il est, sur les mécanismes qui lui permettent de penser, de désirer, de se souvenir, d’être joyeux ou triste, calme ou angoissé, furieux ou débonnaire, sur les mécanismes qui lui permettent de vivre en résumé, de vivre avec les autres, quand elles lui donneront autant d’informations sur cet animal curieux qu’est l’Homme, qu’elles s’efforcent depuis toujours de lui en donner sur la façon la plus efficace de produire des marchandises, la vie quotidienne de cet individu risquera d’être transformée.            Comme rien ne peut l’intéresser plus intensément que lui-même, quand il s’apercevra que l’introspection lui a caché l’essentiel et déformé le reste, que les choses se contentent d’être et que c’est nous, pour notre intérêt personnel ou celui du groupe auquel nous appartenons, qui leur attribuons une « valeur », sa vie quotidienne sera transfigurée. Il se sentira non plus isolé mais réuni à travers le temps et l’espace, semblable aux autres mais différent, unique et multiple à la fois, conforme et particulier, passager et éternel, propriétaire de tout sans rien posséder et, cherchant sa propre joie, il en donnera aux autres.
 
Mais surtout, débarrassé de fatras encombrant des valeurs éternelles, jeune et nu comme au premier âge, et riche cependant de l’acquis des générations passées, chaque homme pourra peut-être alors apporter au monde sa créativité (...) il traversera l’écharpe irisée de l’imaginaire, ce qui lui évitera de se soumettre, menottes au poignet, à l’autorité de la socio-culture, qui a déformé les systèmes nerveux à son avantage ... »                   
                                                                              Henri Laborit, «Eloge de la fuite»
 
Encart 2
La banque de textes est regroupée dans 26 classeurs de textes d’auteurs, d’enfants, de reproductions de peintures et 26 cassettes de musique.
Voici la liste des thèmes :
1-Les animaux/2-La mer, le monde marin/3-La beauté/4-Le bonheur, le malheur, la tristesse/5-La fête, la musique, la danse, la table/6-Le mariage, le divorce, la famille/7-La violence/8-La peur/9-La vie, la mort, la naissance/10-L’amour, l’amitié, la haine/11-La solitude, les autres/12-La religion, les croyances/13-La liberté/14-Le temps qui passe/15-Les saisons, le temps qu’il fait/16-La nature, les arbres, les fleurs/17-La montagne/18-Les éléments : l’eau, l’air, le feu, la terre/19-Les sens/20- La nuit/21-Le sport, les loisirs, les vacances/22-Noël/23-Le travail, la peine des hommes/24-La ville, la campagne/25-Les couleurs/26-Le rêve, la folie, l’imaginaire/27-L’univers, les planètes.
 
               
« La part du maître est faite d’écoute, de permissivité, d’exigence, d’apports personnels. Il faut savoir accueillir, refuser et avec quel doigté ! Et le doigté suppose la culture ».               
Elise Freinet
 
« Je souhaite une culture faisant l’école buissonnière, le nez barbouillé de confiture, les cheveux en brousaille, sans pli de pantalon et cherchant à travers les taillis de l’imaginaire le sentir de désir. »
                                               Henri Laborit      Eloge de la fuite
 
.. pour en savoir plus ...
- Le texte de Clementine Berteloot a été publié dans le revue interne de l’ICEM « Coopération Pédagogique » n° 92 - mai 97)
- « L’ensorcellement du monde » de Boris Cyrulnik aux Editions O.Jacob
- « Eloge de la fuite » de Henri Laborit aux Editions Folio - essais
- Nouvel Educ à rechercher sur savoirs privés, savoirs publics ...
-revue « Création » n°78 septembre-octobre 97, «la part du maître»

 

Les livrets de tests Numération-Opérations

Janvier 1998

On s'affiche

Janvier 1998

Primaire - 3ème cycle, collège et lycées

«ON S'AFFICHE» :
le réseau d’échange d’affiches
 
"Nous cultiverons avant tout ce désir inné chez l'enfant
de communiquer avec d'autres personnes, avec d'autres enfants,
surtout de faire connaître autour de lui ses pensées,
ses sentiments, ses rêves et ses espoirs."
Célestin FREINET
 
Par voie postale, par minitel, et maintenant par le WEB (internet)... et pourquoi pas créer des affiches avec ses élèves ? Les échanger avec d’autres classes en France ou à l’étranger, les exposer dans son école , son collège ou son lycée ?
Depuis 9 ans le réseau «On s’affiche» s’emploie à valoriser ce mode d’expression moderne qui passionne les enfants. Alex Lafosse, un des initiateurs du projet, nous présente un bref historique de ce réseau d’échange et de nombreux éléments pour mieux le découvrir.
 l'article en pdf
 
 
Première expérience : fin des années quatre-vingt          
Suite à une Université d'été COMMUNICATION en août 88, le mouvement FREINET(1) développa une première fois et durant plusieurs années une expérience de correspondance par voie postale portant sur des échanges d'affiches de collégiens ou de lycéens ...             Initiée par le secteur "Création Manuelle & Technique" de l'Institut Coopératif de l'Ecole Moderne (ICEM), la coordination en fut assurée entre enseignants sur le réseau télématique 36 14 du Mouvement.
 
                Le démarrage en fut incroyablement lent : informer et convaincre les hiérarchies, obtenir crédits et accès au matériel (ordinateurs, photocopieurs ...) prit un bon trimestre.
                Puis ce fut l'explosion, le déferlement de 150 affiches en un mois dans chaque établis­sement ce qui posa un réel dilemme : où afficher tout ça ? dans une classe, au C.D.I., dans les couloirs ? Organiser un affichage sélectif ? mais qui choisit ? et selon quels critères ?
                Organiser un affichage tournant ? par thème ? une exposition de fin d'année ?
                Surtout comment gérer le flux ? Qui a envoyé quoi ? Très vite on s'y perd et il faut réa­gir, s'organiser ...
                On nota même un véritable emballement en fin d'année : jusqu'à 3 courriers par jour, à moins d'une semaine de la sortie !
 
                Au niveau des jeunes, après une période dubitative, un intérêt grandissant se fit jour : "Heureusement qu'il y a ça pour mettre un peu d'ambiance dans cette saleté de bahut !" s'ex­clama même l'un d'eux - dont on nous excusera de préserver l'anonymat ! -
                Un premier bilan en fut tiré lors des journées d'études 89 de l'ICEM à ANDERNOS.
                Le problème surtout souligné était que ces échanges s'apparentaient finalement peu à une véritable correspondance : les jeunes créaient et s'exprimaient mais se répondaient peu ou pas du tout : peu de "feed back" immédiats, peu de "retours" directs. Les horaires éclatés du second degré espaçaient au point de les décourager les inter-réactions indispensables à toute communication digne de ce nom.
                Malgré des tentatives plus ou moins imposées par les enseignants pour y remédier (coupons-réponses, accusés de réception plus ou moins détaillés... ) le problème demeura toujours vécu par eux comme central.
               
«On s’affiche» et le travail de la classe
D'une manière générale "l'outil affiche" fut considéré comme un plus dans le travail de la classe. On y retrouvait bien sûr des classes de français ou d'art plastique mais aussi de tech­nologie ou de langues, voire des C.D.I. Une exposition d'affiches en latin fut même montrée au CRDP de Toulouse !
                Certains témoignèrent de la possibilité offerte à certains élèves s'exprimant peu d'ordi­naire, voire de la bouée de sauvetage pour certaines classes en difficulté.
                "Un groupe d'adultes, notait Annie DHENIN, professeur de Français qui en fait elle-même à nouveau partie, une bande de gosses qui dans "On s'affiche" existaient comme clas­ses et avaient su inventer des tas de pistes d'utilisation imprévues pour l'outil proposé, en l'oc­currence l'affiche.
                "Avec comme vocation de communiquer, non pas de personne à personne avec réponse obligatoire sous quarante huit heures, mais par effet d'écho.
                "C'est à dire qu'on ne savait jamais qui réagirait à notre message, quand et sous quelle forme, l'important étant d'être sûr que celui qui le ferait se serait approprié le thème ..."
 
Un réseau qui prend de l’ampleur
L'ouverture du réseau vers l'étranger : Anvers, Barcelone, Honolulu, Welesley aux Etats Unis, Christchurch en Nouvelle Zélande ... confirme à quel point cette expérience était déjà en phase avec un siècle se voulant voué à la communication.
                La présence de stands et d'animations par des enfants, entre autres lors de carrefours "Media Jeunesse" à Niort, SCHOLA 2000 à Rennes, dans l'espace "Communication Sud-Ouest-M6" de la foire de Bordeaux, dans des salons du livre ou de la B.D. d'Angoulême en té­moignè­rent dès la première année.
                La troisième année l'expérience rebondissait et le réseau "On s'affiche !" se fondait dans le réseau "TéléCOOPicem", premier réseau de correspondance interscolaire utilisant le fax. Initiative qui en 1990 valait d'ailleurs à l'ICEM le premier prix des professionnels de l'éducation.
 
                               RELANCE EN 96 ET MAINTENANT SUR LE WEB !
                A l'occasion du Congrès de VALBONNE qui fut celui du centenaire de la naissance de Célestin FREINET, une réunion de collègues du second degré réclama la relance d'une expé­rience ayant laissé un excellent souvenir.
                Ce qui n'alla pas sans quelques difficultés, la coordination ne pouvant être aussi effi­ciente que par le passé, les nouveaux participants étant pour certains sur le 36 14, pour d'au­tres sur le Net mais assez nombreux sans domiciliation télématique.
 
                Un réseau dit "ados" des plus grands (4ème, 3ème et au delà ...) et un autre dit "jeunes" (6èmes, 5èmes et en deçà) purent toutefois être mis en fonctionnement avec la participation d'établissements Portugais, Catalan, Belge, Finlandais et Tchèque.
 
                Grâce au travail de Bérénice, Célie, Amélie et Elodie du CM2 de l'Ecole de PIQUECOS et de leur maître Pierre VALADE (2) une sélection d'affiches est désormais consul­table sur le WEB.
                Ceci sur le serveur de Toulouse, le Recteur ayant aimablement accepté "sous réserve de vigilance esthétique" un dossier d'une cinquantaine de propositions d'affiches parmi celles échangées par le passé.
                Les quatre jeunes de Piquecos s'étant portées volontaires ont choisi lors d'un défilé ultra rapide des affiches (il s'agissait, comme habituellement au cas d'affiche, d'être attiré plus par un instantané visuel que par une logique réflexive) une trentaine d'affiches qu'elles ont ensuite "scannées" puis chargées sur un cadre préparé par Pierre Girin.
                La galerie présente donc une trentaine de mini-vignettes - dont deux en couleurs - sur lesquelles il suffit de "cliquer" pour les agrandir et les visionner tour à tour.
                A la demande de participants aux journées d'études ICEM de BIARRITZ qui la décou­vraient avec admiration, Pierre Girin a accepté d'améliorer encore le site en rajoutant au bas des affiches où ils seraient difficilement lisibles les noms des auteurs et établissements d'origine.
 
                Excellente occasion en tous cas :
                ¤ de motiver les jeunes des réseaux existants qui peuvent nourrir l'espoir de retrouver un jour leur oeuvre dans cette galerie - ou une autre que certains se proposeraient de mettre en place par ailleurs.
                ¤ de recueillir sur le livre d'or les impressions et suggestions des visiteurs.
                ¤ de mettre en présence des classes débutantes avec des réalisations d'autres jeunes déjà échangées et leur en inspirer de nouvelles.
                ¤ de recruter de par le monde des partenaires intéressés qui pourraient venir grossir et enrichir, voire multiplier les réseaux existants ...
 
                Pour ce faire les messages laissés sur le livre d'or seront relevés. Pour participer on pourra écrire directement à l'auteur de ces lignes, coordonateur desdits réseaux.(3)
Si vous voulez participer au réseau «ons’affiche», par voie postale, minitel ou encore le web, écrivez directement à l’auteur de cet article.
                                                                                              Alex LAFOSSE
2, impasse de la Marjolaine
 31 320 CASTANET TOLOSAN Tél/Fax : (33) 05 61 81 94 91
 
 
(1) I.C.E.M. Institut Coopératif de l'Ecole Moderne pédagogie Freinet¤ Contact sur le Web : michel.girin[arobase]meteor.aurecvideo.fr & http://www.freinet.org] ¤ LISTES de diffusion ICEM : adultes : freinet[arobase]cru.fr ou classes : acticem[arobase]cru.fr ¤ vers plus de 30 mouvements-frères de par le monde : contact pour le mouvement FREINET international : christian.lego[arobase]freinet.interpc.fr pour la FIMEM (Fédération Internationale des Mouvements de L'Ecole Moderne) : fimem[arobase]freinet.interpc.fr ou bernard.monthubert[arobase]freinet.interpc.fr
¤ Journaux scolaires sur le Web : www.interpc.fr/freinet/six-fours/www.interpc.fr/freinet/riec/www.interpc.fr/freinet/
          valence/www.cur-archamps.fr/www.edres74/ecoles/ecstsigi/unimedia.fr/homepage/ecolebizu/ interweb.be/bruyères/ et http://www.ac-toulouse.fr/piquecos (qui pourra aiguiller sur d'autres...)
                (2) - qui possèdent d'ailleurs déjà leur journal sur le WEB consultable sous http://www.ac-toulouse.fr/piquecos -
 
 
 
L’affiche : différentes formes, différents contenus
 
On peut distinguer plusieurs types d'affiches : l'affiche-journal, l'affiche texte libre, l'affiche "affiche" ou "poster", l'affiche gag, défi, l'affiche témoignage, l'affiche poème illus­tré, l'affiche concours, questionnement, enquête ...
Nombreuses sont celles touchant l'écologie. Protection de la nature et des animaux suscitent un intérêt aussi fort que spontané quel que soit le pays d'origine; nombreux aussi les échanges intéres­sant la santé de l'homme (lutte contre le tabac, la drogue ...) ou les réactions contre sa misère.
Des réutilisations peuvent en être faites sous forme de dossiers ou d'albums, voire de cartes de voeux ou de calendriers à thèmes vendus en fin d'année.
Une classe d'Anglais a réalisé un journal-affiche entièrement en bandes dessinées.
 
 
L’affiche, un mode de communication à découvrir
L’affiche est une technique nouvelle avec ses règles, ses contraintes au niveau bien sûr du maquettage et de la mise en page mais aussi du symbolisme et de l'abstraction.
L’affiche, c’est surtout la contrac­tion de l'expression écrite, spécifique d'une communication moderne friande de textes courts, d'images et de formules "chic & choc", mettant en étroite symbiose, poids des mots et choc des photos !
 
 
 
 
 
 
 
 
          (3) dans un supplément Activités à la BTJ - Bibliothèque du Travail Junior - N°6 de rentrée, consacré à la communication.
        P E M F 06 376 MOUANS SARTOUX CEDEX
 
          (3) dans un supplément Activités à la BTJ - Bibliothèque du Travail Junior - N°6 de rentrée, consacré à la communication.
        P E M F 06 376 MOUANS SARTOUX CEDEX
 
 
Réactions d’un participant au réseau «On s’affiche»
L’an passé avec Chloé, Christelle, Julie Wendy, Sylvain, élèves passionnés de 4 ème, nous avons attrapé au vol cette opération «ON S’AFFICHE»... vous savez... pour voir !
Nous voulions simplement exprimer auprès des autres membres du réseau ICEM, notre fierté (eh oui !) et notre joie (oh oui !), d’avoir su réaliser notre premier journal (papier*) «LES QUATRE VENTS DECHAÎNES»...
Une affiche fut alors «pondue» puis expédiée, un peu comme on lance une bouteille à la mer !
Et là, sans informatique, sans portable - on se demande donc presque comment - nous avons reçu les messages d’autres «isolés» comme nous, exprimant :
- l’un de Belgique, une indignation suite à une décision de couper un vieil arbre devant leur école,... un meutre quoi !
- l’autre, de Barcelone, son imagination sur le stle, l’élégance de l’Européemme-type de demain,... de quoi, je vous le jure, aller faire se rhabiller les Grands Couturiers !
La pompe était belle et bien amorcée.
Cette nouvelle année, nous revoilà bientôt prêts à relancer d’autres bouteilles contenant de nouveaux messages écrits par des Robinsons Crusoé, d’une «île 4ème»... et que vive l’eau !
J’allais oublié, notre collège en ZEP rurale a inscit dans son projet d’établissement «...s’ouvrir sur l’extérieur» Cela vaut bien un programme, non ?
* je précise car maintenant nous venons juste d’en créer un autre «cathodique» sur le 3614 code EDUILI*QUVENTS... à bon entendeur, salut !
Michel WALLE collège de Guines (62)