Le Nouvel Educateur n° 89

Mai 1997

Exploration des territoires de lecture

Mai 1997
Exploration des territoires de la lectureà la maternelle, à l'école élémentaire
 
Au Groupe Scolaire d'Aizenay (85) l'équipe pédagogique a mis en place une politique globale de lecture sur l'école dès 1980 par :
- un apprentissage "naturel" de la lecture au cycle II utilisant des supports les plus variés possibles.
- une familiarisation avec les livres bien avant le CP et une poursuite de l'apprentissage et de l'entraînement bien au-delà.
- la mise en place d'une BCD (Bibliothèque Centre Documentaire) regroupant l'ensemble des écrits de l'école, gérée coopérativement avec les enfants, BCD qui est un lieu central de l'école constamment en interaction avec les classes.
 
Entrées en lecture de 2 à 11 ans
 
Très jeunes les enfants "lisent", parce qu'ils en ont besoin dans leur travail quotidien, tous les types d'écrits présents à la BCD ou dans l'école. Ils produisent divers écrits, se familiarisent ainsi avec une majorité d'entre eux, comprennent leur fonctionnement.
Le temps où le seul apprentissage du code était du rôle de l'école et la noblesse des pratiques culturelles du rôle de la bibliothèque est révolu.
L'école touchant la totalité des enfants, elle reste l'endroit privilégié pour la rencontre de tous les enfants avec des pratiques culturelles. La littérature jeunesse occupe une place privilégiée tout au long de la scolarité maternelle et élémentaire.
Habitués depuis le plus jeune âge à la découverte, la réflexion, l'analyse, l'échange coopératif, les enfants conquièrent peu à peu la critique littéraire. Capables de confronter leur point de vue avec celui de l'auteur et ceux de leurs camarades, de mettre en réseau leurs lectures avec d'autres écrits, ils approchent pas à pas "la lecture savante" qui seule permet de devenir autonome, responsable et adulte.
 
S'il est inconcevable pour nous de différencier le dire, le lire et l'écrire à l'école, comme le rappelle notamment le manifeste de l'écrit-lire de l'ICEM(1) ou la plate-forme commune aux mouvements pédagogiques publiée en 1992 (cf. extrait), dans cet article nous essaierons de dresser un panorama des situations, qui de la petite section de maternelle au CM2, contribuent à former des enfants lecteurs. Mais encore une fois, le lecteur de cet article devra avoir présent à l'esprit que toutes ces situations sont en interactions constantes avec des situations d'écriture.
 
L'enfant lecteur en petite section de maternelle
 
Pour chaque enfant, nous essayons de mettre en place "le vouloir être" (reconnaissance de l'individu en tant que personne : développement de l'autonomie, participation aux prises de décisions, connaissance et estime de son corps) qui
 
 
participe à son "vouloir communiquer".
Apprendre à lire avec les tout-petits, cela signifie pour nous :
- se familiariser avec l'écrit et avec la langue
- observer l'autre qui est lecteur
- observer celui qui écrit
- manipuler différents types d'écrits (livres, courrier, messages, comptines...)
- produire des messages écrits
- imiter en jouant à lire ce qui conduit au vouloir lire
- être en position de chercheur devant l'écrit (étiquettes avec prénoms ou autres situations où l'enfant prend des indices pour repérer le contenu : recettes, lecture d'affiches...)
L'écrit a toujours une fonction : il sert à... ou il donne du plaisir.
Dans la classe on peut lire pour s'informer. On fait exister des écrits réellement utiles à la vie de l'enfant (étiquette avec prénom sans photo -plutôt qu'un pictogramme- au portemanteau et pour l'emprunt des livres de la bibliothèque, repères écrits pour le rangement dans les casiers ou boîtes particulières, messages d'urgence écrits avec les enfants pour affichage à la porte, repères sur le tableau des services pour veiller à participer chacun son tour, reconnaissance de son cahier). L'enfant peut aller à la bibliothèque pour chercher des documents en réponse à une question posée ou suscitée par l'apport d'un objet en classe.
On peut y lire pour communiquer : lecture du mot de la semaine dans le cahier de vie ou des actualités de la classe, présentation aux autres enfants du texte écrit par les parents dans le cahier de vie, lecture d'informations préparées pour la radio, transmission de messages par les enfants à d'autres adultes ou enfants de l'école, lecture de télécopies, lecture d'un article du journal de l'école.
On peut y lire pour bricoler ou cuisiner.
On peut aussi lire, et ce n'est pas le moindre, pour le plaisir : présentations d'albums, "histoire de la semaine", comptines et poésies. "L'histoire de la semaine" est lue au moins une fois chaque jour de la semaine. La photocopie de la page de couverture est collée dans le cahier. Une boîte de livres de la semaine est à portée des enfants et distincte des autres livres du coin livres de la classe. Ceux-ci peuvent être empruntés par les enfants pour être lus à la maison comme les autres livres de la bibli.
Les comptines, chansons et poésies connues des enfants sont disponibles dans une boîte. Lors de notre réunion quotidienne, un enfant de la classe en choisit quelques-unes et il les présente au groupe classe.
L'écrit a aussi une fonction symbolique de Pouvoir pour, par exemple, fixer une loi de la classe et s'y référer (un carnet indiquant les règles de vie de la classe est à la portée des enfants).
En parallèle des activités pour développer la mémoire et la discrimination visuelle sont organisées. Des situations et l'organisation de la classe favorisent l'autonomie et les prises d'initiative. Ceci facilite plus tard les formulations d'hypothèses et l'anticipation.
Isabelle Godron
 
Lire au CP
 
"Concernant l'apprentissage technique de la lecture, l'objectif reste la maîtrise de la lecture en fin de cycle II. Si nous sommes persuadés de la nécessité de développer au plus tôt le contact avec les livres et l'écrit sous toutes ses formes, nous sommes opposés à toute systématisation de l'apprentissage de la lecture avant le CP." avons-nous jugé utile de préciser dans notre projet d'école.
Il est essentiel pour nous que les enfants trouvent dans nos classes des lieux chargés de sens, que des interactions soient possibles dans le groupe classe et avec l'extérieur.
Chaque enfant arrive avec son histoire ; cheminons avec lui et aidons-le à aller toujours plus loin. La langue écrite est au centre d'un milieu de vie complexe. L'apprentissage du lire-écrire ne peut donc se réduire à une méthode servie par un manuel sans aucun lien avec la vie de la classe et les projets des enfants. Il ne s'agit pas pour autant de partir de rien.
La lecture est l'objet d'un perpétuel aller et retour entre une approche individuelle et une approche collective :
- la lecture individuelle prend toute sa place dans le cadre du travail individuel (plan de travail), à la bibliothèque, dans les recherches documentaires, dans les livres de la classe, dans les jeux, à l'ordinateur (utilisation du logiciel Elmo International), dans la préparation du journal bimensuel de l'école...
- la lecture collective fait appel à des moments où le groupe classe se retrouve pour découvrir des textes les plus variés possibles : écrits de communication et/ou écrits sociaux (textes d'enfants de la classe ou d'autres classes, textes issus de livres de littérature jeunesse, lecture d'affiches, recettes de cuisine, Jmagazine, programmes télé, règles de jeux, bricolages, revues lecture documentaires, poésie, chansons, bandes dessinées, lettres des correspondants, télécopies...)
Dans ces moments de découverte de la lecture, nous veillons particulièrement à varier l'approche de la présentation de chaque nouvel écrit (différents supports, formats, calligraphies). Nous nous efforçons aussi de favoriser toutes les entrées possibles, toutes les démarches (lecture globale, anticipation, déchiffrement, analyse, comparaison avec listes de mots connus...), de permettre à chacun de les expliquer, tout en veillant, pour l'enseignant, à ne jamais prendre parti pour telle ou telle démarche adoptée par un enfant. C'est pour ces raisons que nous avons choisi de ne pas utiliser de manuel de lecture qui nous paraît trop réducteur quant à la diversité des démarches d'apprentissage de la lecture et à la variété des écrits.
Véronique Pabois
 
L'enfant qui apprend à lire et à écrire le fait à son rythme et très vite des outils d'entraînement individualisés sont nécessaires pour permettre à chacun de progresser en dehors des séquences collectives autour d'un texte. Les fichiers de lecture produits par les PEMF offrent un éventail de fichiers très progressifs où l'enfant est confronté à des types de lecture très variés qui n'incitent pas à déchiffrer, mais qui favorisent l'émission et la vérification d'hypothèses, la nécessité de prises d'indices, l'utilisation d'analogies, le raisonnement par élimination, le travail sur les similitudes, sur les différences. Ces fichiers sont conçus pour permettre l'autonomie de l'enfant face à l'écrit. Ils lui permettent d'acquérir très tôt des attitudes de questionneur vis à vis du texte sans avoir recours ni au déchiffrage ni à l'oralisation.
 
Lire au cycle III
 
Si nous avons vu que ce bain de lecture commence bien avant le CP, cet apprentissage et cette familiarisation se poursuivent bien après. Le panorama suivant, sans être exhaustif, montre combien la multiplication des types de supports, des nécessités ou des plaisirs de recourir à l'écrit, en différents lieux avec des projets divers vise à aider les enfants à devenir des lecteurs polyvalents au cycle III.
- Lire pour s'informer, se renseigner : la semaine commence par la lecture des bilans de la semaine précédente, lecture du journal de l'école "L'Echo du p'tit Buton", de journaux scolaires d'autres écoles, de l'hebdomadaire " Le Journal des Enfants", du quotidien Ouest -France, des nouveautés reçues pour la BCD (BTj, BT, périodiques...), de livres (moments kiosque hebdomadaires dans chaque classe), des comptes-rendus des différents conseils coopératifs de gestion de l'école, lecture des affichages, lettres des correspondants...
- Lire pour se documenter, pour situer, pour savoir d'où ça vient : pour préparer un projet, un voyage, une sortie, une enquête, une communication, un exposé.
- Lire pour informer les autres, renseigner les autres : lecture aux plus petits à la bibliothèque
présentation d'informations aux autres, présentation d'un exposé, d'une conférence, "Les enfants renseignent les enfants" où les enfants de l'école répondent dans un grand élan coopératif par télécopie, aux questions que leur posent d'autres enfants d'autres classes (2).
- Lire pour se construire et donner un point de vue : revues de presse, lecture critique des BTj BT, présentation de livres en classe, Ecritiques (échanges autour d'une série de livres lus par les enfants pour aller vers la mise en commun de conseils de lecture) (3), lecture critique des journaux produits par d'autres écoles, participation au Prix de lecture Etamine (prix organisé par l'OCCE et décerné par les enfants à des productions écrites produites par des classes), participation au jury du Prix littéraire des Incorruptibles (les enfants lisent plusieurs livres sélectionnés par les librairies Clés et élisent leur préféré), lire et se former pour devenir "enfant conseiller lecteur" pendant la Fête du livre jeunesse annuelle.
- Lire pour choisir : un poème, faire une chasse aux livres d'un même thème, consulter les catalogues des éditeurs pour aller vers la mise en réseau des livres et des lectures et se construire une réelle culture de l'écrit. Un écrit n'existe jamais seul mais peut-être être mis en relation avec d'autres.
- Lire pour faire : lecture des consignes des exercices, des énoncés mathématiques, lire pour fabriquer en atelier un vrai objet social qui conduit à une reconnaissance : recettes pour cuisiner, notices pour les ateliers scientifiques, conseils pour jardiner ou pour fabriquer un... livre.
- Lire pour se corriger, pour corriger, pour vérifier, pour compléter.
- Lire pour s'entraîner à... lire plus efficacement et plus rapidement : fichier d'écrits réels (il s'agit d'augmenter l'efficacité et le champ de compétence des enfants à partir d'écrits sociaux : journaux, revues diverses, calendrier, publicités...), fichier lecture BTj, fichier lectures sélectives (sciences, histoire.) permettent de systématiser certaines entrées dans des textes variés. L'entraînement au questionnement de type journalistique (Qui, Quoi, Quand, Où, Comment, Pourquoi) est très efficient à ce niveau-là.
L'utilisation du logiciel Elsa (entraînement à la lecture Savante) de l'AFL, à partir d'écrits prenant largement appui sur l'actualité de la littérature de jeunesse, de la fiction à de la presse en passant par les documentaires, des plus récents à quelques classiques, permet de travailler sur des capacités différentes dont la convergence participe pleinement à l'activité de lecture.
Parce qu'ils leur sont d'un emploi fréquent et nécessaire, les "objets de lecture" (auteur, éditeur, collection, illustrateur, lexique, glossaire, table des matières, sommaire, index, répertoire, bibliographie, biographie, cotation, 4ème de couverture..) deviennent familiers aux enfants.
Sur ce dernier point on veillera cependant à éviter la mystification, trop souvent entretenue dans l'école traditionnelle, de laisser croire que la lecture, c'est seulement l'entraînement. Cet entraînement n'a de raison d'être que parce qu'il permet d'accéder à la vraie lecture.
- Et puis lire pour le plaisir... Si nous n'avons pas instauré le plaisir de lire obligatoire pour tous, une telle offre de lecture permet aux enfants qui le souhaitent des rencontres heureuses avec les écrits aux moments de leurs choix.
- Enfin entamer une réflexion sur ses pratiques personnelles de lecteur : comprendre pourquoi et comment on lit, à quoi sert de savoir lire, pouvoir évoquer ses joies mais aussi ses difficultés avec tel ou tel écrit, pouvoir acquérir une attitude réflexive sur ses compétences de lecteur, réfléchir à "Comment j'ai appris à lire" (entre représentations sociales et réalité), sont des temps de métacognition qui permettent de prendre de la distance et de réfléchir à ses propres comportements de lecteur. C'est parce que les enjeux de lecture sont connus qu'ils se les approprient plus facilement.
La classe n'est pas le seul lieu de lecture, la BCD (voir ci-contre) est aussi un lieu privilégié pour l'apprentissage de l'autonomie et du repérage dans les écrits. Chaque année la Fête du livre jeunesse d'Aizenay (5) (véritable fête de la lecture et des lecteurs, fête pour les enfants) est également l'occasion de rencontres et de formations avec les livres mais aussi avec un libraire, un écrivain, un poète, un illustrateur ou un conteur, avec des expositions, des créations artistiques, des jeux de lecture dans les vitrines des commerces du bourg...
La multiplication des situations de lecture, des objets à lire, des lieux de lecture, des offres de lecture, la multiplication des possibilités d'entrées dans la lecture, l'ancrage dans la réalité des situations de communication, sont autant de possibilités présentées à l'enfant pour devenir l'heureux "braconneur" dessiné par Michel de Certeau en se promenant dans les territoires de la lecture afin d'y conquérir liberté et pouvoir.
Joël Blanchard
et les enseignants
Groupe scolaire louis Buton
85190 Aizenay
1 - "Priorité à l'Ecrilire" par le secteur français de l'ICEM, Le nouvel Educateur N° 47 (mars 1993)
2 -"Télécopie et recherche documentaire" dossier, J. Blanchard, Le nouvel Educateur N° 52 - Octobre 1993
3 - "ECRITIQUES" document vidéo réalisé par l'O.C.C.E. Vendée (1990)
   - "Ecritiques" : des enfants critiques littéraires", article, J. Blanchard, Le nouvel Educateur (décembre 1994)
4 - "Lire à l'école" document vidéo réalisé par les Amis de la Joie par les livres (1992)
   - "Pourquoi, Comment créer et animer une B.C.D." brochure, éditions P.E.M.F. (1985)
   - "Lire à l'école ou l'aventure de la BCD d'Aizenay" article, G. Patte, Revue de la Joie par les livres N° 146 (été 1992)
   - "Quand BCD et CDI se suivent et ne se ressemblent pas" article, A. Valin, J. Blanchard, Argos N° 14 (mars 1995)
 - "Une BCD, coeur et pivot de l'école", contribution au CDRom "Pédagogie de la lecture", Ministère de l'Education Nationale (septembre 1996)
 - "BCD et coopération", article, J. Blanchard, "Cahiers pédagogiques" N° 347 (Octobre 1996)
 - "Lecture : les parents jouent le jeu" article dans la revue "Le nouvel Educateur" n°26 (Février 1991)
 - "L'écho du p'tit Buton" article, F. Rachédi, Animation & Education n°110 (Septembre 1992)
 - "Carnet d'agésinate, le livre d'art des CM2" reportage, Créations N° 59 (mai 1993)
5 - "Avez-vous matière à lire" Créations N° 60 (juin 1993)
   - "Fais-moi peur ! une exposition de livres matières" reportage, V. Pabois, Créations N° 70 (janvier 1996)
 
 
 

 

Un lieu ressource privilégié pour la lecture : la BCD (4).
La B.C.D de l'école, organisée coopérativement avec les enfants (Conseil de Bibliothèque), est un lieu central de l'école, constamment en interaction avec les classes. C'est un lieu où l'enfant peut accéder seul à tout moment pour aller chercher des réponses aux questions qu'il se pose, c'est un outil de conquête de l'autonomie personnelle (gérer son temps, ses déplacements, son propre questionnement) au sein d'une collectivité qui a aussi ses règles.
C'est devenu un lieu d'apprentissages à part entière et non pas uniquement de stockage de livres.
La B.C.D. ne devient efficace que si c'est un lieu animé. L'accueil et l'animation y sont assurés par des parents ou amis de l'école et par trois personnes employées en Contrat emploi Solidarité. Ainsi deux adultes au minimum y sont constamment présents
L'animation en B.C.D. n'est pas réservée à des spécialistes, c'est avant tout une attitude pédagogique adoptable par tout enseignant. L'animation y laisse une grande place à l'initiative de l'enfant. C'est lui le lecteur à former, c'est lui qui est en situation d'apprenant, de découvreur, de conquête d'autonomie pour ses pratiques culturelles.
Pour cela la cohérence et la cohésion d'une équipe pédagogique ainsi que la reconnaissance d'un statut à l'enfant sont indispensables.
L'évaluation du fonctionnement d'une BCD peut-être abordée au travers des raisons de s'y rendre qu'évoquent les utilisateurs eux-mêmes.
"Que viens-tu faire à la BCD ?" (Enquête réalisée auprès des enfants du Groupe scolaire en 1996) :
- lire un livre
- regarder un livre
- lire des poèmes
- lire des albums
- regarder des bandes dessinées
- lire le journal
- préparer une revue de presse
- faire un exposé
- faire un dessin
- écrire une histoire
- écrire un poème
- raconter des histoires
- lire des histoires à mes copines
- rechercher des documents
 
Ou encore au travers de cette enquête d'Audrey, Amandine et Morgan (élèves de CM) pour répondre à la question posée par des adultes stagiaires :
"Que se passerait-il si vous n'aviez pas de BCD dans votre école ?"
On ne pourrait pas se documenter, on ne pourrait pas faire d'exposés.
Nous serions obligés d'envoyer des Fax dans d'autres écoles pour avoir des documents.
Nous serions obligés de chercher chez nous ou de demander des documents aux gens de la classe.
Nos exposés seraient de moins bonne qualité.
La lecture à l'école serait moins facile, on ne pourrait pas lire aussi facilement des romans ou des BD qui nous plaisent
On n'aurait pas d'endroit calme dans l'école
On s'ennuierait pendant les récréations.
On ne pourrait pas se payer tous les livres dont on aurait besoin.
Ca changerait toute l'école !
 

 

- consulter des revues
- regarder une émission de télé
- regarder une cassette vidéo
- écouter un livre enregistré au coin audio
- projeter des diapositives
- découvrir les nouveautés exposées sur le présentoir
- choisir un livre ou un documentaire
- voir une exposition
- demander des informations
- je vais au "conseil de bibli"
- mettre une affiche
- faire don d'un livre à la bibli
- me reposer
 
 
 
 
C'est parce que l'enfant est intégré dans un groupe qui vit qu'il ne peut faire l'économie de développer les moyens de recours à l'écrit pour tous les aspects où celui-ci se révèle nécessaire. Il en va, en effet, de la lecture comme du développement global de l'individu qui ne peut se réaliser qu'à travers l'implication dans la vie de groupes diversifiés.
L'implication directe de tous dans la vie de l'école conduit à spécifier des groupes plus restreints d'affinité et de projets qui sont des lieux de vie multiples et habituels de chaque enfant. Ce n'est jamais un individu seul mais un individu dans un groupe qui apprend à lire et la qualité de son apprentissage est directement liée à la qualité des rencontres avec l'écrit que la vie du groupe permet.
Puisque l'enfant est témoin et utilisateur de l'écrit dans le groupe, il éprouve rapidement le besoin d'en produire lui-même pour des effets symétriques de ceux qui le conduisent à y avoir recours. La production de l'écrit - qui prend appui autant sur les nécessités de la vie sociale que sur les besoins d'expression personnelle - naît de son utilisation et se construit à partir d'elle, et les deux activités ne peuvent être séparées dans le temps. L'expression cherche toujours un partenaire et s'inscrit naturellement dans les mêmes réseaux de communication.
On ne peut donc aborder la question de la nécessité de la lecture sans ipso-facto se poser celle de la nécessité de l'écriture. Non pas lire pour s'informer, et écrire, peut-être un jour, quand on sera bien nourri de la pensée des autres, mais écrire d'abord, ou tout au moins en même temps, c'est à dire se placer d'emblée en position de producteur d'écrits...
Extraits de "Apprendre à lire du cycle 1 au cycle 3" plate-forme commune des Mouvements pédagogiques (AFL, CEMEA, CRAP, FOEVEN, FRANCAS, GFEN, ICEM, OCCE) 1992
 
 
 
Devant un nouvel écrit le dialogue s'instaure :
- De quoi parle ce texte ?
- Pourquoi dis-tu qu'il s'agit d'un lapin ?
On observe la forme du texte (majuscules, ponctuation, longueur des phrases, organisation en paragraphes). Avant de chercher tel ou tel mot, on émet des hypothèses (il sera plutôt à la fin, ce sera un mot plutôt court...). Au départ on se fabrique une vision globale du texte, nous allons de la phrase vers le mot, car c'est la phrase elle-même qui est porteuse de sens et non le mot. Propositions et hypothèses vérifiées se succèdent, on bâtit du sens ensemble. Un texte qui est inaccessible à un enfant seul peut être lu par un groupe grâce aux échanges qui s'instaurent entre eux avec des questions aller-retour, les propositions des uns, les vérifications, infirmations ou démentis des autres.
Véronique Pabois

L'homme n'est rien en soi

Mai 1997
« L’homme n’est rien en soi, il n’est qu’une chance infime, mais il est responsable de cette chance... »
A. Camus
 
Strasbourg, le 29 mars : soixante mille personnes refusent l’incitation à la haine raciale, à la xénophobie et dénoncent la propagande insidieuse ou avouée, en tout cas dangereuse, proposée par l’extrême droite. Celle-ci se nourrissant des déficiences de la société et de ses inquiétudes propose des solutions simplistes et populistes aux fins de séduire un électorat enclin à penser que là se trouvent les réponses à ses préoccupations quotidiennes.
Soixante mille manifestants, devenus « quelques voyous à mettre au pas », ce qui a le mérite de la clarté !
Parmi ces « voyous », les enseignants, les éducateurs ont un rôle particulier à jouer sur les terrains de l’éducation à la démocratie, à la tolérance.
En apprenant aux enfants dès la petite enfance que cet autre, si différent, est de même nature que soi-même...
En proposant des situations pédagogiques qui favoriseront l’entraide mutuelle, l’esprit critique, l’apprentissage des libertés et des règles qu’elles exigent...
En défendant la laïcité, garante de plus d’égalité...
Parmi ces « voyous », les citoyens que nous sommes ont aussi leur rôle à jouer, dans la vie de tous les jours.
En ayant le courage de briser les préjugés devant un étal, un guichet, lorsqu’un homme « différent » se fait rabrouer pour simple cause de différence... Ne pas être complice.
En n’utilisant pas à notre tour les armes de la démagogie : affirmer, répéter, exagérer et... ne rien démontrer...
Il ne suffit pas aujourd’hui de dénoncer : il faut agir, si petites soient les actions, pour refuser la fatalité d’un futur qui ressemblerait à un passé honteux et douloureux mais déjà oublié. Ce passé n’est pas une fiction, un moment détaché du cours de l’histoire : avant d’offrir son visage le plus odieux, le fascisme sait séduire, toucher les émotions, flatter les identités. Il sait se faire notre compagnon de tous les jours.
Chaque geste, chaque pas, chaque mot dans notre vie professionnelle et quotidienne, peut conduire aux dérives criminelles ou éduquer à leur refus.
C’est parce que le combat pour la démocratie ne doit jamais cesser que nous resterons vigilants et mobilisés pour défendre et promouvoir les principes d’un projet social, d’un projet pour l’homme.
 
Nicole Bizieau
Présidente de l’ICEM

 

La croix tressée

Mai 1997

 

La pédagogie Freinet est-elle toujours une pédagogie populaire ?

Mai 1997
Si l’on fait un rapide balayage historique, il est certain que Freinet situait l’école dans un contexte politique ; il la concevait comme étant au service des travailleurs, comme un des outils de transformation de la société capitaliste (son engagement à l’extérieur de l’école, dans son combat politique et social, en étant un autre) ; en effet, il était bien conscient que l’éducation, telle qu’il la concevait, ne suffirait pas à modifier la société, mais pourrait contribuer à son évolution.
Cette école pour le peuple que voulait Freinet, cette pédagogie populaire que nous interpellions déjà dans les années 70, représentent-elles une réalité à l’heure actuelle ?
 
Cette lutte pour une autre société et une autre école, cet engagement politique de l’ICEM, sont clairement réaffirmés dans le P.E.P (Perspectives d’Education Populaire)*, édité en 1979, comme est dénoncée, de la même manière, l’illusion pédagogique :
«On ne peut dissocier pédagogie et politique, école et société... Il y a place pour l’action éducative au sein des luttes politiques... Sans une transformation radicale de l’action éducative globale, tout projet de transformation de la société perdrait de son crédit et de sa force... ».
Mais tout d’abord, quelle définition de « peuple » choisissons-nous ?
Le dictionnaire en donne plusieurs. Je choisirais celle-là, car me semblant cohérente par rapport à Freinet et à l’ICEM :
« ensemble de citoyens de condition modeste, par opposition aux catégories privilégiées par la naissance, la culture ou la fortune ».
 
La Pédagogie Freinet est-elle au service de ces citoyens là ?
 
Spontanément, on aurait tendance à répondre : « pas vraiment ! Ce sont ces gens là qui nous rejettent... Le public des parents qui ont fait la démarche de rechercher nos écoles est tout autre ! »
Qui sont ces parents ?
Certainement pas des capitalistes, mais des personnes de condition moyenne, voire modeste, quelques cadres, oui, des travailleurs du social et de la santé, des enseignants, des éducateurs, des employés, quelques chômeurs... En tout cas des personnes ayant réfléchi, pour la plupart, à l’éducation qu’ils voulaient pour leurs enfants et ayant pris un certain recul par rapport à l’école, s’inscrivant souvent en opposition à cette école « majoritaire » qu’ils ont connue. Globalement, même s’ils nous font part de leurs inquiétudes, même si, parfois, ils jouent un rôle conservateur, ils nous font confiance.
Ces gens-là font-ils partie du peuple ? Je ne sais pas. Certains font peut-être partie des catégories privilégiées par la culture... Mais est-ce que le peuple n’a pas de culture ? Il est vrai qu’autrefois, le peuple, ouvriers, paysans, artisans... avaient une culture de classe très forte et en étaient fiers ; il est vrai aussi qu’aujourd’hui, existe une dilution, une banalisation de la pensée sociale, qui fait qu’on ne sait pas très bien où se situer. A ce propos, la « lutte des classes » ne serait plus d’actualité...
Toujours est-il que nous ne savons pas qui regrouper dans « le peuple ». Peut-être n’y en a - t - il pas ? Comme il n’y a pas un enfant de trois ans, de six ou douze ans, il y aurait des individus se reconnaissant dans une pensée, une réflexion, un certain mode de vie... ?
Car, si l’on interroge le mot « prolétarien », on n’est pas plus avancé :
« personne qui ne vit que du produit d’une activité salariée manuelle, et dont le niveau de vie est, en général, bas (par opposition à capitaliste) ».
 
Analyser les pratiques, rappeler le projet politique
 
S’il est difficile de définir le public de nos écoles, nous pouvons, par contre, en analyser les pratiques, rappeler le projet politique qui sous-tend la Pédagogie Freinet.
En reconnaissant les droits fondamentaux des enfants, de chaque enfant (et notamment être reconnu, écouté, respecté), la pédagogie Freinet leur donne le droit à l’expression, à la communication, à la création, à la coopération, à l’ouverture sur le monde, sur le réel, et ceci dans un processus de tâtonnement expérimental.
Déjà, en prenant en compte le vécu familial et social de l’enfant, les savoirs et savoir-faire acquis dans son milieu d’origine, elle reconnaît et accepte l’identité de la classe sociale de chacun : son langage et ses références culturelles.
Cette affirmation est révolutionnaire en elle-même, puisque le rôle idéologique de l’école est de valoriser une certaine culture, un certain langage, qui sont bien ceux de milieux privilégiés, favorisés, dominants. De ce fait, ceux qui ne possèdent pas cette culture deviennent « défavorisés », « handicapés », connaissent difficultés et échec scolaire, ont besoin de « soutien », de « remédiation » (c’est plus moderne), en sont culpabilisés, infériorisés ou révoltés. Laissés pour compte, en tout les cas.
Les sociologues (Bourdieu, Passeron, Zazzo) l’ont parfaitement analysé. Les techniques et outils de libération de la parole et du potentiel créatif de chaque enfant, des apprentissages souples, ancrés sur la motivation, l’expérimentation personnelle, permettent l’affirmation de chaque enfant, de tous les enfants, en respectant leurs rythmes et leur identité. L’Ecole, par contre, bien souvent, en coupant les activités de la vie quotidienne, en hiérarchisant les disciplines, en imposant des progressions rigides et étanches, les mêmes rythmes d’acquisition pour tous, en ayant la prétention d’amener chacun à un niveau type d’acquisition à un âge donné, cette Ecole là perpétue la ségrégation et sélectionne par l’échec, à travers notes et examens.
L’organisation coopérative de la classe, la responsabilisation de chacun, un autre fonctionnement de l’école, des pratiques comme l’établissement d’un plan de travail, des réunions coopératives, entraînent une remise en cause des structures sociales hiérarchisées reproduites, au contraire, par l’Ecole. Apprendre à vivre, s’organiser, coopérer, tel est bien notre but. Et là encore, cet enjeu est révolutionnaire . Comme sont révolutionnaire cette ouverture sur le milieu, cette analyse critique du réel, du mode de vie, du travail, cette réflexion sur les conditions socio-économiques que développe la pratiques des enquêtes, s’appuyant sur le désir de connaître, de comprendre, sur cet esprit de curiosoté qui existe en chaque enfant, chez tous les enfants.
Les ennemis de Freinet l’avaient d’ailleurs bien compris, puisqu’un de leurs principaux griefs (on le voit bien dans le film « L’école Buissonnière », à travers le personnage de l’antiquaire), porte sur l’observation critique du milieu et sur le fait que la Pédagogie Freinet porte à réfléchir sur le pourquoi, entraînant ainsi une véritable prise de conscience sociale, donc politique.
Il est vrai qu’à l’heure actuelle, cette ouverture sur le monde du travail est problématique, parce que les enfants ne connaissent pas le monde professionnel de leurs parents ou que, bien souvent, c’est un monde de non-travail qui s’installe pour beaucoup, avec la perte de l’espoir.
 
Réaffirmer les valeurs du travail
 
Je pense que dans ce contexte - et surtout dans ce contexte - l’analyse critique du réel reste encore plus d’actualité et il nous sera peut-être nécessaire de réaffirmer, comme le faisait déjà Freinet, les valeurs du travail ; une certaine notion du travail, c’est à dire « créateur, librement choisi et assumé » et non dénauré, comme le présente la société, parce que contraint, soumis et lié au salaire. Et c’est ce qui fait, évidemment, le drame actuel. Nous serons sans doute amenés à redéfinir un travail dissocié de la rémunération, au sein d’une communauté humaine équilibrée, vivant des rapports fraternels.
C’est un rêve ? Peut-être... Mais la Pédagogie Freinet œuvre dans ce sens et c’est pour cela qu’elle est enthousiasmante, que nous continuons à la pratiquer avec les difficultés, mais aussi avec espoir.
L’espoir que les enfants de nos classes, tous les enfants, chaque enfant, deviennent des individus nouveaux, plus libres, plus autonomes, susceptibles de transformer progressivement le société.
Alors, pour en revenir à la question de départ : « la Pédagogie Freinet est-elle toujours populaire ? »... si ce mot est démodé, disons « révolutionnaire »... ou ne disons rien, mais faisons...
Liliane Corre
 
 
* Perspectives d’éducation populaire, par un collectif ICEM. Petite collection Maspero 1979

 

Les Francas : de l'éducation...

Mai 1997

Se référant à la laïcité, ce mouvement d'éducation intervient hors structures scolaires, lors du temps libre des enfants et des jeunes. Il est surtout connu pour son action dans le domaine des centres de loisirs et d'accueil.

La Fédération Nationale des Francas, c'est :
- 5000 centres d'activités affiliés, gérés par les organisateurs locaux, accueillant plus d'un million d'enfants par an,
- 30000 adhérents individuels, bénévoles ou professionnels (animateurs, enseignants, travailleurs sociaux, éducateurs...).
- 25 délégations régionales et 100 associations départementales.
 
A la différence des adultes, les enfants sont eux-mêmes à la recherche d'éléments permettant d'enrichir une identité conçue comme mouvante, sans que cette recherche s'inscrive dans le cadre d'objectifs prédéfinis. Par conséquent, ils sont beaucoup plus sensibles aux influences éducatives qu'ils exercent dans leurs différents cadres de vie, soit l'école et la famille, mais aussi le temps libre. Ce dernier représente le premier temps de vie éveillé de l'enfant, même si aucune institution ne peut prétendre l'incarner à elle seule. La différence la plus fondamentale, en ce qui concerne les enfants, est que l'éducation est aussi un processus volontaire et finalisé.
La finalisation de ce processus recouvre trois dimensions, l'instruction, la qualification et la socialisation. Si toutes trois concernent le devenir de l'enfant et son accession à l'âge adulte, elles n'en diffèrent pas moins essentiellement quant à leurs champs de préoccupations.
Si la qualification vise à préparer l'enfant, puis le jeune, à l'exercice d'un métier, l'instruction est la transmission d'un patrimoine de connaissances plus générales, moyen et condition d'un choix d'orientation, mais aussi minimum commun aux membres de la société. La socialisation enfin, prépare à vivre dans une société hautement complexe, et à intégrer ses règles, lois, fondements et valeurs, au sein des pratiques quotidiennes et des représentations. Les liens entre ces trois éléments sont évidemment nombreux ; ainsi, l'un des fondements de l'identité sociale des individus demeurant le travail, l'échec de la qualification peut avoir des conséquences lourdes sur le plan de la socialisation.
Ce triptyque définit les capacités d'adaptation de l'enfant et du jeune à l'ensemble social, grévant ses probabilités d'intégration en cas de difficultés. L'évolution économique mène à une très forte réduction des emplois supposant un faible niveau d'instruction ou de qualification. Aussi le monde du travail sanctionne-t-il durement l'échec dans l'une de ces deux dimensions.
Quant à la socialisation, elle n'est généralement évoquée que lors d'événements tragiques dans les "quartiers" ou les banlieues ; événements qui révèlent la réalité de l'échec et handicapent   durablement les possibilités d'adaptation. Les jeunes concernés, en effet, sont entrés dans une logique de refus qui rend difficile tout retour vers l'ensemble social. De plus, l'image acquise par ces quartiers stigmatisés rend encore plus difficile, à la simple mention du domicile, l'obtention d'un emploi salarié. Pour être mis en avant, cet échec n'est cependant pas unique : les accidents d'automobile, produits par des excès de boisson ou de vitesse, la multiplication des cas de non assistance à personne en danger en milieu urbain, ou la relative désaffectation électorale sont des phénomènes qui relèvent tous, à des degrés divers, d'une non appropriation d'un des fondements de notre société : la responsabilité. Ils en illustrent bien les périls.
La tendance à l'uniformisation autour d'une culture commune rend cette situation particulièrement alarmante. Les cultures régionales, ouvrières ou paysannes constituaient en effet des recours et des déclinaisons sociales permettant de pallier une difficulté d'insertion. Or, les cultures subsistant sont les cultures ethniques de communautés en passe - ou en mal - d'intégration. Elles sont fermées et n'offrent, en tout état de cause, que peu de recours. Parallèlement, l'étiolement et le recentrage des sociétés familiales font disparaître un garde-fou. Par là, une mauvaise adaptation à la société prédispose fortement à la vie en marge, qui s'oriente vers les risques de délinquance ou d'exclusion. Tels sont les enjeux de l'éducation : réussir à ce que l'individu s'intègre actuellement et à l'avenir à l'ensemble social et contribue positivement à sa production.
 
Jean Paul Henri
(extrait de Le temps libre des enfants
Editions Milan, 1995)

 

 

Rencontre internationale d'enfants à l'Unesco

Mai 1997

Mercredi 20 novembre a eu lieu la première journée des droits de l'enfant.

La rédaction de la Haute Saintonge nous a proposé d'écrire une page de temps en temps dans son journal, respectant ainsi l'article 13.1 qui dit : "L'enfant a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l'enfant".
 
Plus de 130 enfants de nombreux pays se sont rassemblés lors d'une rencontre internationale pour présenter leur pays, pour discuter, communiquer et se connaître. "C'est une occasion formidable pour tous les enfants de différents pays de se rencontrer et aussi pour les adultes afin d'échanger sur tout ce qu'on fait tous les jours à l'école" nous a avoué un professeur du Sénégal.
Une trentaine de pays étaient représentés chacun par une délégation de 4 ou 5 élèves accompagnés de leur professeur : ils venaient du Burkina Faso, d'Allemagne, d'Algérie, du Mexique, d'Ukraine, de Russie, du Bénin, du Mali, du Sénégal, de Bulgarie, du Brésil...
Chaque groupe se présenta soit en chantant, soit en dansant ou encore en lisant des poèmes dans la grande salle de conférences du palais de l'UNESCO où se déroulait cette rencontre les 7 et 8 octobre 1996. "Il y a beaucoup de monde, beaucoup de monde de pays variés et ils se sont tous bien présentés, ils ont fait vraiment de belles choses" raconta un professeur de dessin au micro d'Alexandre et de Sabrina. En effet, nous étions à cette rencontre comme journalistes et nous avons ramené de nombreuses interviews. "Les enfants étaient très sympathiques" récapitule Cédric, "mais un peu timides devant nos micros".
"Nous faisons un journal qui s'appelle "chouette chouette journal" s'exclamèrent des petits CP avec leur accent marseillais, pendant que Xavier, en CM2 à l'école d'Aizenay annonça à Christelle et Alexandre qu'il préparait un lâcher de ballons et qu'un petit Burkinabé de 11 ans nous dit être venu en avion, après avoir tenu à nous raconter une histoire de Toto.
"Las verdad es que tenemos que respectar los recherchos de los ninos porque los ninos son los mas benito que hay en el mundo" nous expliqua un Mexicain : heureusement notre traductrice en simultané reprit en français : "il faut respecter les droits de l'enfant parce que les enfants sont ce qu'on a de meilleur au monde".
"Il devrait y avoir davantage de rencontres comme celle ci" ajouta un professeur retraité "car au moins les enfants ont la parole".
"Quand j'interrogeais les gens, conclut Cindy, j'étais contente de savoir ce qu'ils faisaient et pourquoi ils étaient là, et puis les gens eux aussi étaient contents qu'on les interroge".
 
Ce que nous avons vu, entendu, ressenti
 
"Quand je suis entrée à l'UNESCO, ça faisait drôle car il y avait beaucoup de gens et d'enfants. J'ai vu un garçon noir qui chantait. J'ai aussi entendu des garçons roumains qui chantaient très bien ! Cette rencontre m'a servi à rencontrer des enfants étrangers"(Emelyne)
"J'ai vu une grande fille d'à peu près quinze ans qui parlait le portugais. Alors je lui ai dit "bomdia, como està ?" Et elle m'a répondu, mais là je n'ai rien compris ! Je lui ai dit "au revoir" parce que je ne savais pas quoi dire !"(Julius)
"J'ai discuté avec un allemand, j'ai parlé aussi avec un traducteur. J'ai rencontré des enfants africains : j'aurais bien voulu voir des japonais ! Le palais de l'UNESCO est plus grand que je ne pensais, plus grand que le bourg de St Simon de Bordes. (Yoann)
"Dans la salle de conférences, j'ai vu une fille aux cheveux longs et blonds. Quand je l'ai entendu chanter, la chanson me plaisait. J'ai vu un petit garçon étranger à la peau noire qui lisait une poésie sur le mur, à l'entrée. Cette rencontre internationale d'enfants était super bien. Mais vraiment : ça m'a plu beaucoup de voir autant d'enfants".(Alison)
"Dans la salle de conférences, des personnes parlaient devant tout le monde, des enfants dansaient et chantaient pour présenter leur pays. J'ai compris que tous les enfants qui étaient là venaient des quatre coins du monde.
Je pense que cette rencontre internationale sert aussi à ce que tous les enfants du monde soient bien traités".(Amélie)
"J'ai vu une fille anglaise. Je lui ai dit "bonjour" et elle m'a répondu "Hello !" et une phrase anglaise : je n'ai pas compris. Alors elle est partie parce que je ne savais pas ce qu'elle disait. J'ai entendu des filles qui chantaient : à force, moi aussi, je chantais !
Et moi, je trouve que c'est important que les gens se comprennent".(Elise)
"J'aimais bien les écritures des différents pays. J'aimais bien entendre les enfants qui parlaient une autre langue. Moi j'ai compris que ça ne sert à rien de ne pas aimer les personnes des autres pays".(Chloe)
 
 
 
 

 

 

Une nécessaire interactivité entre "l'intime expérience tâtonnée", la connaissance et les autres

Mai 1997

La personnalisation des apprentissages ne se réduit pas à l'individualisation de ceux - ci.

Afin d'aider à une clarification de ce concept propre à la pédagogie Freinet, nous avons recueilli quelques extraits de divers propos sur ce sujet : ceux de Francine Best*, ceux de Célestin Freinet et ceux de Jean Vial*.
 
 
Sortir de l'opposition individualisation - socialisation
"Quand on parle d'individualiser, d'individualisation, de personnalisation, c'est pour opposer ces pratiques à un apprentissage collectif, c'est comme s'il y avait d'un côté la socialisation, (le fait de vivre avec d'autres enfants du même âge) et de l'autre côté l'individualisation et la personnalité, comme si la personnalité était enfermée en elle - même, dans son individualité...
Or toutes les études ont montré que les interactions entre pairs étaient un formidable levier des apprentissages, y compris devant un micro - ordinateur qui fait tourner un logiciel ; on s'est rendu compte que les interactions entre deux ou trois enfants étaient aussi déclenchantes que l'appareil, que le programme lui - même.
Il existe une incitation à l'apprentissage individuel par la vie en petit groupe, par la vie sociale.
Donc bien comprendre que la réussite scolaire, la réussite personnelle, la sociale ne font qu'un pour aider à la construction d' une personnalité. Il n'y a donc pas des éléments qui seraient entièrement personnels et d'autres entièrement sociaux et civiques. Les deux sont en constantes interactions.
La communication avec les pairs produit un effet sur les apprentissages cognitifs. Cette découverte importante montre qu'il y a une relation très forte entre les apprentissages cognitifs (connaissances) et les dialogues avec les autres."
Extraits de la conférence de Francine BEST (1) Nantes 1989
Construire sa chaîne personnelle de la connaissance est fondamental
Nous retrouvons chez C. Freinet les fondements de cette personnalisation des apprentissages qui n'est pas qu'une simple alternance entre des pratiques individualisantes, mais qui proposent le même travail à chacun, et des pratiques collectives, qui relèvent d'une "pédagogie frontale".
"...Nous touchons là à la nature même, intime et profonde, d'une conception nouvelle de la méthode pédagogique : on est parti jusqu'à présent de ce point de vue que l'enfant ne "sait" pas ; qu'il faut l'instruire, c'est - à - dire lui présenter le résultat formel de l'expérience d'autrui pour qu'il s'en serve dans son comportement sans refaire lui - même toutes les expériences qui y ont conduit. Et surtout, on ne veut pas qu'il s'attarde à ces expériences : nous possédons tout un lot de connaissances que nous estimons sûres et définitives ; nous voulons, d'autorité, porter l'enfant à ce niveau, à partir duquel il pourra plus rapidement s'aventurer dans la vie pour y creuser sa trace, toujours plus avant ...
... L'homme est ainsi fait que - à moins d'une extrême faiblesse asservie par l'autorité ambiante - il n'est jamais persuadé, par l'extérieur, de ce qu'on lui dit et de ce qu'on lui montre. Tout se passe comme s'il se demandait, même devant la plus claire évidence : Mais est - on sûr qu'il en soit ainsi ?
Et si moi je pouvais faire autrement , si je veux faire autrement ! Il faut voir , dans cette tendance, moins un flagrant délit de contradiction que l'affirmation originale d'une personnalité qui prétend se construire et se modeler elle - même, selon ses lignes de vie, et qui résiste d'avance à la main qui se tend non pour l'aider mais pour l'arracher prématurément à une formation qui lui est essentielle.
... Comme on le voit : l'expérience tâtonnée est spécifiquement personnelle ; mais elle peut et doit être enrichie, accélérée, rendue plus rapidement efficace par les contacts et les comparaisons avec l'expérience tâtonnée de ceux qui nous entourent et nous accompagnent.
Seulement, attention : l'expérience tâtonnée d'autrui n'a d'utilité et d'efficacité pour nous que si elle s'encastre dans notre propre expérience tâtonnée...
C. Freinet insistait toujours, dans de nombreux écrits, sur la nécessité impérieuse d'une auto - construction de cette chaîne personnelle de la connaissance ; mais une chaîne qui intègre, à bon escient, au moment sensible de plus forte perméabilité, les apports extérieurs : les expériences , les connaissances des autres (pairs ou adultes). Il symbolisait même cette interactivité par des "maillons" extérieurs s'imbriquant dans la chaîne personnelle en construction (Voir analyses et schémas à propos de l'imitation et l'exemple (2) p.371)
"... Notre chaîne de la connaissance, nous la forgeons anneau par anneau, si nous sommes livrés à nos propres forces, avec d'autant plus de rapidité et de sûreté que nous sommes mieux équilibrés, mieux organisés, physiologiquement et psychiquement, plus intelligents. Si nous trouvons de l'aide pour forger les anneaux intermédiaires, il nous suffira de les ajouter aux anneaux initiaux, d'en contrôler le jeu et la solidité, pour parvenir à l'anneau principal autour duquel se nouent d'autres maillons de la chaîne. La multiplicité, la sûreté de ces maillons seront fonction encore de l'aide généreuse que nous aurons reçue des recours - barrières.
... Il faut des recours - barrières aidants qui :
- rendent l'expérience tâtonnée possible ;
- en précipitent le processus ;
- en systématisent, en comparent, en jugent les conclusions."
Cependant, les connaissances extérieures apportées, même sous des formes diversifiées, ne doivent pas se substituer à l'élaboration d'un "savoir privé" sinon, dit - il, on risque d'aboutir à la construction de deux chaînes parallèles.
"Et si, au comble de l'erreur, vous présentez à l'enfant votre propre chaîne de la connaissance, même s'il l'utilise plus ou moins bien à l'école, vous n'en avez pas moins manqué votre but parce que l'enfant retournera, dès qu'il le pourra, à sa propre chaîne qu'il assemblera et forgera et enrichira avec les moyens de son bord, empiriquement peut - être, mais il aura sa chaîne. Il sera alors partagé entre deux chaînes de connaissances : l'une qui lui sert exclusivement à l'école et constituée à grand renfort de mots, de définitions, de lois et de théorèmes, avec lesquels il jongle de son mieux jusqu'à y devenir parfois virtuose - et sa propre chaîne, apparemment moins riche peut -être, moins impressionnante, mais personnelle, solide et familière, et qui sera son outil essentiel dans la vie."
Célestin FREINET (2)
 
"C'est à plusieurs qu'on apprend tout seul"
(ou l'auto - socio - construction de sa chaîne personnelle de la connaissance)
 
On puisera aussi, avec intérêt, de l'information sur les fonctions du travail en équipe et de la vie coopérative dans l'ouvrage de de Jean Vial (3) où se côtoient historiques, analyses et synthèses mais aussi descriptions de pratiques diverses dont voici deux extraits :
à propos du travail en équipe :
"... il y a accord entre les besoins de l'enfant, le développement harmonieux de sa personnalité, et le travail par groupes (J.Bordebeurre, Leadership et personnalité).
Une telle activité présente, en effet, à la fois, l'attrait de l'action ludique et le réalisme exaltant du travail créateur, ces traits prenant en quelque sorte l'image du partenaire agréé et de l'objet accessible. En fait, les enfants craignent l'insolite et la solitude ; ils vont à un milieu à leur mesure ; par son volume, l'équipe autorise les contacts nécessaires ; par sa nature, elle réalise un cercle de "pairs", saisis au même niveau de développement, selon des axes de motivation semblables ; par son but, elle organise et soutient la coopération. Ces chances sont accrues si l'enfant est associé à des équipes diverses d'objet et de même nature."
à propos de la vie coopérative :
"Les coopératives bien conçues se révèlent comme riches de possibilités matérielles, pédagogiques, psychologiques, morales, et, surtout sociales...
...L'occasion, le cadre et la fin de cette expression étant de nature sociale, ce sont des qualités communautaires qui s'affirment : camaraderie de travail, faculté d'amitié, loyauté envers autrui. L'apport des coopératives est donc riche sur le plan social. Distribuant, à la fois, des méthodes coopératives et un esprit communautaire, elles constituent "une école incomparable de la vie sociale"... "C'est une admirable école d'entraide" notait Piaget."
... La classe n'est plus seulement une unité pédagogique, à la mesure du maître ; intégrant, respectant et exprimant chacun de ses membres, maîtres et enfants, elle devient un capital particulier de biens, d'idées et d'amis ; elle se définit par un style singulier de vie, de travail et de relations, d'une riche diversité de formulations ; elle se crée une personnalité ; elle devient une réalité sociale authentique."
Jean VIAL (3)
 
* Francine Best : Inspectrice Générale. Directrice honoraire de l'I.N.R.P
   Jean Vial : Professeur en Sciences de l'Education à l'Université de Caen. Récemment disparu.
 
 (1) Francine Best - Actes du salon des apprentissages individualisés et personnalisés de Nantes
Réussir par l'Ecole. Comment ? Edité par l'I.C.E.M. 62 Bd Van Iseghem 44000 Nantes
(2) Célestin Freinet - Essai de psychologie sensible I - in Oeuvres pédagogiques Tome I - Seuil
(3) Jean Vial - Vers une pédagogie de la personne - Collection SUP - PUF

 

 

Une école du travail productif

Mai 1997

L'école devra être une branche de la production" (1)

(Célestin Freinet)
 
Hier, une carence conceptuelle...
 
"On imagine mal aujourd'hui ce que pouvait-être cet état de pauvreté documentaire d'un enfant de douze ans qui n'avait jamais vu un train, qui ne feuilletait aucun journal, ne voyait aucune vitrine ni étalage, n'entendait jamais parler autour de lui que des éléments de vie des travailleurs rivés au cycle des saisons..."
Ainsi Freinet en 1953, (1) évoquait-il sa propre jeunesse. et Michel Barre, rappor­tant les mots, de souligner sa "méfiance à l'égard des belles paroles, la priorité toujours donnée à ce qu'on fait" voire un certain "anti-intellectualisme" entraînés par pareille expérience et contre laquelle il aurait réagi par la place donnée à la correspondance interscolaire.
Du fond d'une telle pauvreté, comment aurait-on pu au début du siècle imaginer une carence symétriquement inverse chez les préadolescents de la fin du même siècle ?
 
Aujourd'hui l'obsolescence du réel
 
Pour des enfants gavés de télé et de jeux vidéos, promis à toujours plus de "réalité virtuelle" (2) ne voilà-t-il pas jusqu'à la technique en passe de se voir de plus en plus déréalisée et "cybernetisée", risquant en tous cas de les éloigner des réalités aussi bien du concret naturel et du monde du travail que du monde tout court.
La télématique quant à elle n'est certes qu'une technique qui ne vaut que par ce qu'on en fait : le meilleur comme le pire. au service d'une pédagogie de responsabilisation et de coopération s'appuyant sur échanges et communication, elle peut s'avérer un merveilleux outil.
Mais avec télétravail, téléachat, télécorrespondants, les gens ayant tout à portée d'écran et de moins en moins à se déplacer ; le "village global" à la Mac Luhan peut aussi bien amener renfermement et repli sur soi.3
Avec leurs conséquences inattendues, entre autres le bond de 43 % ces dix dernières années aux Etats Unis de l'obésité enfantine (4) attribué à la pub pour la junk food ou "nourriture pourrie" et aux grignotages devant la télé de ceux qu'on nomme là-bas "légumes de canapés".
 
Une désorientation des rapports
 
"Ce qui se prépare est un trouble de la perception du réel, une désorientation du rapport au monde et à l'autre" (5)
On imagine alors les conséquences envisageables au niveau de la socialisation et de l'acquisition des valeurs coopératives et fraternelles. Jusqu'à la solidarité qui se fait virtuelle : il n'est qu'entendre sur TF1 les jeunes otages de Dorothée bêlant : "nous allons changer tout ça !" Comme si Dorothée et TF1 pouvaient souhaiter changer quoi que ce soit !
Interpellé par Europe 1 sur la créativité des français à l'occasion de la sortie de son dernier ouvrage, (6) Pierre Gilles de Gennes de constater d'ailleurs :
"Autrefois l'école était essentiellement rurale et il lui revenait de communiquer le sens de l'abstraction.
"La situation étant aujourd'hui inversée, il lui faudrait redonner le goût du concret."
Paradoxalement, même si la problématique se trouve ainsi inversée, la direction péda­gogique demeure plus que jamais celle indiquée par Freinet : l'école du travail !
 
Actualité de la pédagogie du travail
 
"Création constante qui développe l'intelligence et la raison, tout en familiarisant avec les premières pratiques scolaires : lire, écrire, compter, mesurer, peser, etc... A mesure les élèves acquerront le sens de l'entraide et de la sociabilité ." (1)
Une pédagogie du travail devient donc incontournable, d'autant plus aujourd'hui en ce monde de chômage. et, plus précisément une pédagogie du travail coopératif face à un indivi­dualisme par trop triomphant.
Entraîner nos jeunes à prendre en main leur destinée, ne serait-ce que pour pouvoir choisir d'être indépendants et maîtres de leur travail - même très modeste - et donc en grande partie plus responsables de leur vie, est déjà un propos fort ambitieux par les temps qui courent.
 
Dans une demarche non seulement active ...
 
Notre système éducatif traditionnel - les pédagogies actives l'ont assez dénoncé - ne sait hélas, en dépit de l'emphase de son discours, que former des exécutants.
Et qui plus est de mauvais exécutants : des individus passifs, éteints par des années déprimantes d'obéissance, d'abord scolaire. Par une pédagogie étriquée pour de petits boulots à l'avenant, la galère scolaire préparant la galère sociale. Par une pédagogie subie et émiettée pour des jeunes ballottés ensuite de petits boulots en petits stages. Par une école passive qui prépare une dérive servile plus ou moins bien supportées, l'une et l'autre et débouchant sur une irresponsabilité aussi bien individuelle que collective.
"Nous voudrions bien qu'on ne nous oblige pas à poser à l'entrée des écoles l'inscription que Dante lisait aux portes de l'enfer : "laissez ici toute espérance." protestait déjà Freinet
 
Non seulement d'information et de communication ...
 
L'essentiel, en réaction, resterait pour certains d'entre nous de préparer des individus informés et conscients. Et c'est à coup sûr notre pédagogie qui, depuis l'imprimerie à l'école et le journal scolaire, s'avère la mieux placée pour ce faire.
Petits boulots peut-être, chômage hélas. "Est-il bien en notre pouvoir d'enseignants d'y changer quelque chose ?" pourraient-ils se résigner.
"Au moins luttons-nous pour former des individus plus libres, parce qu'entraînés à utili­ser, produire, traiter et échanger de l'information", pourraient-ils se consoler.
Que ce soit insuffisant au siècle où nous sommes est plus qu'évident mais au moins auraient-ils le sentiment d'avoir essayé de réagir par une pédagogie active contre l'envahisse­ment et l'abrutissement médiatiques ...
 
Mais aussi réactive ...
 
Car une pédagogie elle-même consciente et responsable ne saurait se limiter à l'infor­mation d'individus conscients sans les préparer non seulement à agir mais surtout à réagir.
Et qui sera le plus en situation de le faire : le demandeur d'emploi ou le créateur d'en­treprise ? Ce dernier ne choisissant pas, surtout à l'époque actuelle, la voie la plus facile.
L'esprit d'entreprise se trouve précisément au coeur de la démarche Freinet, pédagogie de la créativité s'il en fut. La coopérative scolaire, justement, ne demeure-t-elle pas un creuset où se développe ce goût du risque calculé et assumé qui semble tant faire défaut à une jeu­nesse que l'école a déjà trop contribué à désabuser ?
Pourquoi ne pas redonner toute sa place à la "coopé" en la confrontant davantage aux contraintes de la vie et de la rigueur du monde environnant ?
Contraintes qui ont aussi aujourd'hui noms : budget, investissement, coût de revient, amortissement, étude de marché, publicité, facturation, perte, bénéfice, etc...
"L'école devra être une branche de la production." Et de la production en vraie grandeur, qui ne se paie pas uniquement de mots pour le simple plaisir de l'expression libre.
Production "coopérative" en tous cas, et pas seulement dans la forme : "que l'étudiant se livre aux fantaisies intellectuelles qui lui plairont mais pas avant de s'être acquitté de ses premiers devoirs sociaux, c'est à dire d'avoir contribué par son travail à créer la richesse so­ciale" (1)
 
Une pédagogie du projet ...
 
"Des projets, c'est ce qui manque le plus à nos jeunes" entend-on ici ou là. Ce ne sont en tous cas pas les "projets technologiques" parachutés dans les collèges par les Inspections gé­nérale et régionales qui pourraient jamais y pallier. (7)
La "démarche de projet" développée par les pédagogies actives - en particulier le G.F.E.N. - implique bien autre chose : une production en vraie grandeur répondant à de véri­tables besoins d'abord, une implication véritable des jeunes au niveau des choix et des déci­sions ensuite.
A noter que le fondateur de l'O.C.C.E., B. Profit, était lui aussi en plein accord avec ces "petites entreprises économiques au bénéfice de la communauté scolaire propres à développer le sens social et l'esprit nécessaire à toute action collective".
Freinet tenant cependant à préciser qu'il ne saurait être question par là "d'organiser l'exploitation des possibilités financières de l'école ". Il ne souhaite pas en effet que l'état ou les Collectivités locales en profitent pour échapper à leurs obligations.
 
... Et de la créativité (8)
 
Créativité que la démarche coopérative favorise tout autant dans le domaine manuel et technique qu'en ceux de l'art enfantin ou de la production de textes. Ma propre expérience me permet d'en aligner nombre d'exemples.
Créativité manuelle et technique (9) certes plutôt déprisée de nos jours mais dont nos jeunes, on le voit bien, ont nettement plus besoin que de baby sitting télé.
Leur soif d'activités manuelles restant au moins aussi vive qu'au temps des élevages et des jardins scolaires des premières classes coopératives ...
Avez-vous remarqué combien les jeunes qui n'ont pas la télévision chez eux sont sou­vent beaucoup plus friands d'activités manuelles et dégourdis à ce niveau ?
Ah ! si nous pouvions donner à d'autres le goût, de retour chez eux, plutôt que de con­templer Dorothée ou de se polariser sur leurs "vidéo-games", de donner suite entre copains à des entreprises lancées en classe !
 
Pour des individus responsables et solidaires ...
 
L'entreprise individuelle réussie est plus rare que ne veut le faire croire une illusion libé­rale trop répandue ; les entreprises qui ont pu se développer par exemple dans la fameuse "Silicon Valley" étant souvent en fait l'oeuvre collective de petits groupes d'individus complé­mentaires habitués à travailler ensemble. Coopérativement pourrait-on dire.
La gestion de l'entreprise coopérative sur ordinateur étant un premier moyen de redon­ner de la matérialité aux écrans et un caractère plus concret aux échanges interscolaires. Echanges d'idées, de tours de mains, de tuyaux, de croquis, mise au point collective de logi­ciels pour le calcul des coûts, le dessin ou la comptabilité de la coopé, projets à plusieurs classes, réponses groupées à des commandes importantes et - pourquoi pas ? - publicité et vente aussi sur réseaux ... 
 
Une pédagogie inter, voire télé-coopérative
 
La maîtrise acquise par les classes Freinet au niveau de la communication peut jouer ici un rôle non négligeable.(10)
Le cadre habituel de la coopérative de classe peut se voir en effet dynamisé par une synergie inter-coopérative déjà expérimentée mais encore largement à préciser et les outils conviviaux que sont par exemple télémessageries et fax peuvent se faire "interactifs" au plein sens du terme.
Car les réseaux I.C.E.M ne sont pas, comme trop de réseaux câblés de l'Education Natio­nale, de simples connections de machines mais répondent plus à l'acception humaine du terme retenue par le Larousse encyclopédique : "ensemble de personnes en liaison les unes avec les autres pour une action commune".
Pourquoi pas ici les "projets" d'autant de "sociétés coopératives de production" s'épau­lant télé-coopérativement ? (11)
Alex Lafosse

 

Quand je serai grande, j'veux être heureuse,

 

savoir me servir d'une perceuse,

 

savoir allumer un feu...

 

Si l'école permet pas ça

 

alors j'dis halte à tout

Renaud

 
Réalisation d'objets en bois en cycle 3
 
Le fait d'avoir pour objectif de vendre nos réalisations présente de nombreux intérêts éducatifs mais aussi quelques inconvénients : peut-on accepter un produit impropre à la vente, mal fini, en comptant sur la complicité du client ? Faut-il réserver le projet aux enfants capables de réaliser seuls un produit commercialisable?
Je réponds non aux deux questions bien entendu. Je pense que les enfants, habitués qu'ils sont à consommer sans construire, ont perdu une certaine habileté gestuelle qu'avaient par exemple leurs grands parents. Nous avons d'ailleurs reçu une collection d'objets artisanaux réalisés par nos correspondants du Burkina Faso qui a proprement époustouflé les élèves.
La confrontation au matériau, à l'outil, ses contingences, contraintes, insoumissions... est prodigieusement enrichissante...
J'en veux pour preuve, le long tâtonnement (deux mois) de Malak et Anne-Héloïse pour réaliser un projet élémentaire en bois que Juliette a finalement exécuté seule en une heure. Evidemment pour Malak et Anne-Héloïse le risque est de se décourager. Ma part de respon­sabilité dans leur perte de temps est réelle dans la mesure où j'aurais pu leur éviter de nom­breux tâtonnements. J'ai le plus souvent choisi de les laisser tâtonner car elles sont toujours apparues motivées; outils et matériaux exercent une telle attraction !
Je suis persuadé qu'elles ont plus progressé à travers cette expérience que Juliette qui, elle, avançait en terrain connu.
D'autres élèves ont mené à bien des projets sur deux mois : réalisation de mobiles-oiseaux en bois. Ces projets, réalisés exclusivement avec de la récupération, permettront de substantiels bénéfices pour la coopé.
Par contre, ils ne permettent pas de mesurer l'aspect "rentabilité - concurrence" en faisant un calcul de prix des matériaux (si instructif pour Malak et Anne-Héloïse) ou la prise en compte du temps de réalisation.
Cet aspect des choses me semble important car les traditionnelles activités lucratives de l'école reposent malheureusement sur des bases artificielles : les parents achètent (objet, prestation... ) pour l'enfant ou l'école et non pour l'intérêt marchand.
Je suis convaincu de l'utilité éducative que dégage en cycle 3 la confrontation à la réa­lité économique même si, idéologiquement, on est naturellement tenté d'en préserver les enfants. Ne pas gaspiller les matériaux relève certes de l'éducation morale mais aussi de la réalité économique.
Malak et Anne-Héloïse l'ont bien compris mais tout le monde, dans la classe, est d'ac­cord pour reconnaître le droit à l'apprentissage.
Pour les objets réalisés avec des matériaux achetés par la coopé, des prix de revient seront calculés pour permettre une estimation raisonnée des prix de vente en tenant compte des prix du commerce.
Yves Fradin - Ecole Ange Guépin - Nantes
 
Entreprise de production en C.L.I.S.
 
Au risque de casser le marché et de faire s'envoler le prix des matières premières, je vous révèle dans le détail de son organisation, les techniques, les méthodes de vente de l'en­treprise qui finance nos bonbons, nos cinés, nos anniversaires... Et qui sponsorise nos sorties de ski.
Le produit fini : un récipient en verre contenant différents sels colorés et harmonieusement disposés. Prix de vente publicTTC: entre 5 F et 20 F.
Le sel est fin, de bonne qualité, acheté 3 francs 10 centimes le kilo. Les pots de verre sont récupérés ou achetés à nos sous-traitants 20 centimes pièce. Actuellement notre pool de sous-traitants se compose de trois coopératives de l'école. Lorsqu'un lot de pots nous est proposé, nous ne choisissons que la meilleure qualité (bocaux d'asperges, ketchup, ...).
Nous réglons ces achats sous une semaine (la formation du service financier est à amé­liorer...).
Traitement du sel : il est coloré par des encres. Trois jours sont nécessaires à la fabrication d'un bocal d'un kilo de sel coloré.
Prendre une bassine en plastique d'environ 30 cm de diamètre, verser deux cuillerées à soupe rases d'encre (mélange d'encres permis), étaler l'encre sur toute la surface. Saupoudrer d'un kilo de sel, brasser le tout énergiquement sans avoir peur de se salir, puis travailler comme le couscous pour éviter les grumaux.
Il faut un certain "tour de main" qui ne vient qu'avec l'expérience. Verser alors ce mé­lange légèrement humide dans une boîte de conserve vide et propre de 5 kg. Poser sur un radiateur, laisser sécher. brasser une fois par jour pendant trois jours.
Verser alors dans un bocal de verre d'un litre (genre jus de fruit).
Fabrication :
elle demande un outillage simple : un entonnoir en plastique (investissement d'environ 3 F 40) qui, judicieusement orienté, permet de déposer délicatement les couleurs à l'endroit désiré dans le pot. Lorsque le pot est plein, il faut tasser le sel sans déranger les motifs. On peut taper de petits coups secs et répétés sur un coin de table mais, là aussi, c'est l'expérience qui fait la qualité. Fermer le pot par un bouchon de bougie.
Organisation de l'atelier
Installé en permanence dans l'une des deux classes que nous utilisons, il en utilise un tiers de la surface. Chacun peut y travailler à tout moment. C'est évidemment pris sur les heu­res d'éveil... Et pourtant c'est du sport !
La fabrication d'un petit pot peut ne prendre que cinq minutes. Lors d'une grosse com­mande ou avant les fêtes, la fabrication est inscrite au plan de travail de la classe.
Circuits de vente
Ecouler la production est notre principal souci et nous devons de ce fait suivre au plus près les goûts des consommateurs, ce qui nous a amené à produire la bouteille de Coca d'un litre. Deux circuits de vente :
- l'un directement de l'usine, à 16 H 30 devant l'école le vendredi, mais un magasin est toujours ouvert dans la classe,
- l'autre par un revendeur franchisé, la coopérative d'une école proche qui achète notre production en demi-gros à des prix évidemment étudiés et qui possède ses propres tarifs et méthodes de vente.
Une ouverture sur une exportation plus lointaine pose problème du fait même du produit. Tout trajet ayant tendance à mélanger les couleurs.
La concurrence
Devant le succès du produit, elle commence à se développer, mais ne nous fait pas peur. Des gosses du quartier avec des méthodes artisanales - coloriage du sel avec des feutres - se sont mis en tête de faire "de la thune" en dehors de l'école et tiennent un stand au pied des im­meubles le dimanche matin. Mais la qualité est vraiment inférieure, semblable à ce que nous produisions tout au début...
Perspectives de développement
Elles sont limitées par les problèmes de conditionnement du produit pour l'exportation. Mais, pour l'instant, tout le monde a du travail et les bénéfices couvrent nos besoins essen­tiels... Alors ...
Renseignemnts :
coopé. de la C.L.I.S. Ecole F.G..Llorca 1, rue Desnos 69 120 Vaulx en Velin (joindre une enveloppe timbrée !)
Patrick Chrétien  Vaux en Velin
 
 
Fusées fiction, fusées passion ...
 
Une micro-fusée est un modèle réduit carton et balsa qui peut peser 80g et atteindre une altitude de 250 m grâce à un propulseur à poudre. Son coût de revient est d'environ trente francs.
Ayant découvert l'activité au cours d'un stage BAFA de perfectionnement organisé par l'ANSTJ, j'eus envie de l'introduire auprès de mes élèves. Je l'ai donc proposée à mes classes de troisième où douze garçons se sont engagés à participer toute l'année à un P.A.E sur le thème. Activité de création dans un cadre coopératif, le projet fut l'occasion d'un enrichisse­ment culturel en matière spatiale, scientifique et technologique et éveilla la curiosité sur un sujet non abordé par les programmes officiels.
Une collaboration interdisciplinaire put être mise en place, avec le collègue de physique d'une part, avec le collègue d'arts plastiques d'autre part pour la décoration.
Le travail démarra par un tâtonnement expérimental autour d'une construction sauvage de micro-fusée. Le jeune créant en fonction de ce qu'il savait déjà sur le sujet et sans apport théorique ou technique de ma part. Ceci permettant à la fois de développer l'esprit de création, l'imagination, le sens de l'organisation ainsi que les qualités manuelles et de démystifier certaines idées préconçues. Aucune documentation ne fut donnée pendant cette phase : je répondis seulement à certaines questions.
La phase suivante permit de découvrir, à partir de formes et de dimensions différentes comment aller encore plus haut. j'apportais alors des renseignements plus précis grâce à la documentation fournie par l'ANSTJ et le CNES.
Les analyses faites permirent alors d'aborder les phases de vol, les forces en présence : poussée du moteur, poids de la fusée...ainsi que la stabilité... ou l'instabilité de la fusée.
Cette étape permit aux jeunes de développer des qualités d'observation, d'analyse, de synthèse et de réflexion, de travailler en équipe avec d'autres équipes et d'acquérir des con­naissances scientifiques et technologiques.
Chacun avait des talents parfois insoupçonnés et le travail de groupe mit en évidence ces capacités individuelles au niveau du bricolage, de la menuiserie, de la science, de la technologie ou de la physique...
Ceci à l'occasion du travail du carton, du balsa : coupe, collage, etc ...autant que des phénomènes physiques : poussée, poids, résistance, forces, aérodynamique, électricité ou des mathématiques : étude de l'altitude du vol, géométrie, calcul d'accélération et de vitesse et du dessin technique, de l'ébauche au dessin final.
La diversité des tâches dans l'activité micro-fusée exige en effet une mise en commun des connaissances aussi bien intellectuelles que manuelles.
Le jeune était désormais plus à même d'élaborer son projet.
Capacités d'initiative, d'invention, de responsabilisation et d'écoute encore sollicitées durant la phase suivante où furent abordés des montages plus complexes : fusées à deux étages, pupitre de mise à feu.
Un élargissement de l'activité fut aussi possible dans le domaines informatiques et au niveau communication. furent ainsi utilisés les logiciels de dessin assisté par ordinateur, par exemple pour tracer les plans de fusées ou de traitement de texte ou publication assistée par ordinateur pour rendre compte du vécu de l'activité dans le journal de l'établissement, réaliser des affiches ou participer à la rédaction d'une brochure.
Le groupe s'est montré enthousiaste car c'était pour lui la découverte et l'inconnu. Le projet était aussi original que marginal dans l'établissement.
Les élèves travaillaient par équipes de deux. Dans l'étape de fabrication, il y eut peu d'originalité et de différence entre les différentes fusées. Les différents groupes s'observaient et avaient tendance à reprendre les idées des copains.
Ceci fut très vrai dans la partie dite "sauvage". Les différences se situèrent surtout au niveau de la longueur des micro-fusées ainsi que du nombre et de la forme des ailerons.
Ce n'est que lors des lancements que se manifesta une émulation entre des équipes qui pouvaient comparer leurs performances. Chaque couple souhaitait que sa fusée atteigne l'apogée le plus haut possible, que l'atterrissage se fasse après une belle descente et l'ouver­ture du parachute.
La responsabilité des jeunes doit impérativement s'exercer à ces moments-là où de strictes règles de sécurité sont à observer.
Le premier lancement, effectué sur le terrain de foot municipal, apporta un tel agrément, une telle valorisation du travail des jeunes aux yeux du public (autres classes, parents d'élè­ves, professeurs, administration... ) qu'il amena une forte mise en avant de l'activité. Ces lancements ont toujours un côté spectaculaire qui intéresse et draine le public.
Un deuxième lancement permit aux équipes ayant "raté" leur premier vol d'analyser leur échec et de se rattraper. Un article dans le "dauphiné libéré" vint même relater la chose.
Je leur ai bien sûr parlé de l'agrément micro-fusée que l'on obtient suite à un stage spécifique d'animateur d'atelier et les ai informé de l'existence de centres de vacances scienti­fiques où ils peuvent pratiquer l'activité en tant que participant ou en tant qu'animateur ; façon intelligente de gagner de l'argent pendant les vacances...
Ayant ensuite changé d'établissement, je me suis engagée avec une classe de qua­trième à rédiger une B.T2 sur le sujet.
L'intérêt de cette nouvelle activité étant de faire une large place à la rédaction d'un texte du domaine technique. Cela s'avéra très enrichissant pour des élèves souvent plus à l'aise dans la réalisation de choses que dans l'explication écrite de ces choses.
Ce travail leur a demandé beaucoup d'efforts et ils en attendirent avec impatience l'aboutissement.(1)
Bernadette Sauzee 47, rue Francis Chirat 26 100 Romans
 
Atelier lattes de bois en CE2
 
Suite à la présentation d'Alex au stage Sud Ouest de Labenne, j'ai - ainsi que déjà indiqué dans la multi lettre n°3 du secteur création manuelle et technique - installé dans ma classe durant l'année 95/96 un atelier lattes de bois.
Dans le coin "atelier bois" déjà existant, j'ai ajouté :
¤ une boîte de rangement / classement de ma conception : les lattes y étant rangées verticalement elle reste pratique et prend peu de place.
¤ une vingtaine de sortes de lattes achetées en "supermarché du bricolage" : de section carrée, rectangulaire, rectangulaire avec bords arrondis, rond, quart de rond. Je me suis rendu compte que quatre ou cinq formes différentes et pour chacune d'elles quatre ou cinq dimensions permettent de créer des volumes variés et donc beaucoup d'objets différents.
¤ une boîte à onglets achetée à laquelle j'ai rajouté deux serre-joints fixés en pemanence, très pratiques pour serrer rapidement et efficacement la latte avant sciage.
¤ une scie relativement lourde à manche droit et dents fines. Ce que j'ai trouvé de plus efficace pour le sciage, opération difficile pour les enfants, je m'en suis rendu compte. Il faut donc à ce niveau de très bons outils. pour scier sans les déchirer les lattes de petite section une lame de scie à métaux fait bien l'affaire.
¤ les roues : je les ai fabriquées à l'aide d'une scie à cloche - outil très dangereux à ne pas mettre entre toutes les mains - mais conseille de les acheter toutes faites (catalogue OPITEC - gratuit pour les établissements scolaires - 7, rue du Clos 75 020 Paris).
J'ai découpé plusieurs "morceaux gabarits" de 5 cm de chaque type de latte et en ai coloré la section en noir. Je me rends compte à l'usage qu'il en faut beaucoup plus et de longueurs différentes : 1 cm, 8 cm, 10 cm, etc... qui seront très utiles à chaque étape du projet : à la conception, au moment de faire le dessin du modèle de l'objet et pendant toute la fabrication de celui-ci.
Ces morceaux, en quelque sorte calibrés, permettent, comme un jeu de construction modifiable, de visualiser en volume l'esquisse de l'objet à réaliser. Ils permettent de déterminer les morceaux de lattes qu'il faudra choisir, mesurer, découper et assembler. Le procédé, surtout utile au moment de la conception de l'objet, permet de se passer, préalablement à sa fabrication, d'un dessin côté difficilement réalisable par les plus jeunes.
C'est en cet état que j'ai présenté l'atelier aux enfants, leur expliquant qu'on pouvait concevoir et réaliser toutes sortes d'objets en lattes à condition d'imaginer un modèle ou de reproduire un modèle, par exemple d'après plan ou photo, de mesurer, scier, poncer et assembler les morceaux par collage.
Je ne leur ai proposé au départ qu'un modèle de boîte à crayons - dessin côté - et, voulant leur laisser bien sûr une grande liberté de création, la base - plateau + 2 longerons + 2 axes + 4 roues - d'un véhicule que j'avais fabriqué.
Une surprise fut de voir tout au long de l'année la grande variété d'objets imaginés et fabriqués par les enfants : plusieurs modèles de voitures et de camions, d'autobus, de tracteurs, de motos, de scooters mais aussi une armoire de poupée, des boîtes à bijoux ou des coffrets de rangement de cassettes.
Une autre de constater l'aboutissement de tous les projets. Grâce sans doute au début à beaucoup d'aide de ma part mais aussi ensuite à l'entraide et l'échange de savoir faire acquis.
Avec des enfants de huit à neuf ans je m'attendais à des difficultés. Mais part du maître et coopération ont permis à la créativité de se manifester constamment.
Magie de voir l'idée de départ, esquisse sur papier ne permettant que difficilement d'imaginer l'objet futur, se transformer petit à petit, au fil d'une activité de deux ou trois jours représentant deux à quatre heures d'atelier, en un objet beau et fonctionnel !
Pendant ces séances, où souvent deux enfants travaillent ensemble, interviennent toute une suite de tâtonnements ou de manipulations non programmées pour réaliser l'objet : copier un modèle, mesurer un schéma, empiler des "morceaux gabarits", copier un élément de l'objet d'un camarade, couper un morceau, se tromper de mesure, recommencer la coupe, se faire aider par le maître ou un camarade lors d'un passage délicat ou pour un tour de main ...
C'est vraiment une activité complète et très riche de recherche, de création et de réalisation technique faisant appel à de multiples savoir-faire : imaginer un objet en volume, copier un modèle, mesurer, couper ou découper, poncer, coller, assembler, calculer - par exemple le prix de revient - mais aussi s'entraider, expliquer, guider ...
Difficultés rencontrées :
¤ Au démarrage de la fabrication : par quel élément commencer ? Sur quelle base ? (quelle pièce ?)
¤ Mesurer avec précision, au mm prés.
¤ Scier. même avec une boîte à onglet il faut une certaine dextérité. D'où l'utilité d'un système de serrage efficace et adapté ...
Pistes :
¤.Echanger des modèles d'objets entre classes : schémas, croquis côtés, photographies de chaque face ...
¤ Peut-être avec des enfants plus grands -C.M - travailler la conception de l'objet ou son croquis en D.A.O : dessin assisté par ordinateur ...
Serge Durrieux 9 bis, av. de Courpian 47 000 Agen
 
Notes
(1) Célestin FREINET Article publié dans la revue CLARTE d'Henri BARBUSSE le 1er Juillet 1924 rapporté par Michel BARRE dans "Célestin FREINET, un Educateur pour notre temps" PEMF édit.(2) L'Educateur N° 4 - rapporté
par Michel BARRE ibidem -
(3) Comme si les deux termes n'étaient pas irréductiblement antinomiques !
(4) cf. témoignages de collègues in N°spécialsur INTERNET Nouvelles Technologies du Lire~écrire - 30 F aux éditions ICEM 18, rue Sarrazin 44 000 NANTES
(5) "Les enfants malades de la publicité" Le Monde Diplomatique Septembre 95
(6) Paul VIRILIO "Alerte dans le cyberspace" Août 95 "Le Monde Diplomatique"
(7) "LES OBJETS FRAGILES" Plon édit.
          (8) Cf à ce sujet "JOLIE, LA TECHNO ?" in Cahiers Pédagogiques N°348 - Nov. 96 ou la significative polémique suite à la parution dans "Le Nouvel Educateur' N°59 de Mai 94 de l'article de l'auteur : "POUR UN PLUS LIBRE TRAITEMENT DE TEXTES PLUS LIBRES" sous le titre "ETERNELLE CONTROVERSE", "Coopération Pédagogique" N°81 Mars 95.
          (9) SUR LA CREATIVITE : *La leçon d'imagination Créations n° 0 Juin 81 *De l'irrespect comme source de créativité L'éducateur N° 9/10 Juin 83 *L'imagination au mouroir" Créations Juillet 83 *Créatitudes L'Educateur Mars 86* Grammaire de l'imagination L'Educateur n°7- 87 * Objets inanimés L'Educateur n°3 Novembre 87
          (10) SUR LA CREATION MANUELLE ET TECHNIQUE : *Comment démarrer en Création Manuelle et Technique au second degré" L'éducateur Dossier Pédagogique N°10 Mars 82 *Comment démarrer en C. M.T. à l'école élémentaire Document de l'Educateur N°173 *Quelle place pour le monde technique dans la culture de notre temps ?" L'Educateur Oct 82 *La technique des lattes de bois l'Educateur n°1 septembre 86*
          (11) SUR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE COMMUNICATION A L'ECOLE : L'Educateur spécial télématique n°6 Mars 85 - La télématique dans une pédagogie de la communication Collection Pourquoi, Comment ? P.E.M.F. - De la communication créative à la créativité communicative L'éducateur N°132 - Mai 87. *Télécopie et Pédagogie Coopérative Document du Nouvel Educateur N° 219 Oct.90
          (12) SUR LES STRUCTURES INTER COOPERATIVES : Conseil inter-coopératif au collège Nouvel Educateur n° 23 Décembre 90 -
                (13) BT2 N°287 "LES MICROFUSEES" en liaison avec le CNES (Bibliothèque du Travail Second Degré - aux P.E.M.F.)
 
 
 
 
Le secteur création manuelle et technique de l'Institut Coopératif de l'Ecole Moderne -Pédagogie Freinet
Il a organisé des stages autogérés sur différents sujets incluant créations manuelles, informatiques, électroniques, robotiques et télématiques ... il a produit des docu­memts de démarrage en école et en collège et publié aux P.E.M.F un "fichu fichier" en instance de refonte qui reçut en 82 le prix "jeunes années"...
L'utilisation de la télécopie en réseau lui valut aussi le premier prix 91 des professionnels de l'Education.
En cours de réactivation, il regroupe pour l'instant témoignages, questionnements, docu­ments écrits ou vidéos, logiciels, etc... selon trois axes en fonction des âges :
1/ les plus jeunes enfants : fichier d'activités, créations à l'aide de la scie électro-magnéti­que, puzzles, livres animés, jeux de construction divers, quizz auto-correctifs...
2/ cycle 3 : création, dessin, production, gestion, échanges coopératifs et inter-scolaires d'objets les plus variés en lattes ou lamelles de bois collées, jeux logiques ou de constructions, montages scientifiques, énergies douces, fichiers, etc...
3/ collèges : recherche-action I.C.E.M/A.E.A.T (Association des Enseignants d'Activités Technologiques) autour d'une conception active de la pédagogie de projet.
Echanges inter-coopératifs en pédagogie active en liaison avec les enseignants d'Ecole. Utilisation éventuelle des nouvelles technologies de communication, interventions, regroupe­ments, stages ...