Eduquer ou instruire?

Octobre 1999

L’école est, une fois encore, sur la sellette. Livres, journaux, revues cherchent le titre le plus alarmiste pour attirer la clientèle.

L’occasion est belle de tirer à boulets rouges sur l’école publique et les attaques ne viennent pas uniquement des plus réactionnaires. Certains en profitent pour dénoncer la responsable de tous nos maux : la pédagogie. Foin d’éducation, il faut en revenir à l’instruction !
Bien sûr, l’école continue à marginaliser trop de jeunes. Bien sûr, elle poursuit son œuvre de sélection sociale et de justification des inégalités. Ce n’est pas nous qui le nierons. Mais est-ce en décontextualisant les savoirs, selon la terminologie à la mode, que les jeunes des milieux défavorisés pourront s’approprier de nouveaux savoirs ?
Où exercent-ils ces donneurs de leçons ? Ignorent-ils que, d’années en années, les enfants en danger sont de plus en plus nombreux (83 000 enfants signalés en 1998 sans compter les 250 000 placés dans des institutions ou suivis par un éducateur) ?
Sans cas aussi dramatiques, peut-on oublier la situation de nos élèves ? Pour beaucoup trop d’entre eux, l’école est totalement étrangère à leur univers. Sa langue, ses valeurs, ses thèmes sont à des kilomètres de leurs préoccupations.
A moins de prôner l’élitisme, les discours autour de l’effort, des savoirs et de l’instruction ne sont que des prêches inutiles. Tout enseignant de terrain en fait bien vite l'expérience.
Nous avons fait un autre choix. Nous ne rougissons pas de vouloir être des éducateurs. Nous n’avons pas honte d’affirmer haut et fort que nous sommes des pédagogues. Nous affirmons le droit, la nécessité d’ancrer les apprentissages sur l’expression, la communication, l’affectivité des enfants. Nous persistons à dire qu’il faut s’appuyer sur la langue réelle des enfants pour donner du sens aux savoirs. Nous maintenons qu’individualiser les apprentissages donne une chance de plus à chacun de trouver le chemin de la réussite. Nous devons offrir à tous les jeunes des ouvrages documentaires centrés sur leurs intérêts, leur permettant de jeter un autre regard sur le monde et de développer leur esprit critique.
Ces choix, depuis “ l’aventure documentaire ” entamée avec la BT, notre mouvement pédagogique les porte. La pédagogie Freinet offre aux éducateurs d’aujourd’hui des solutions aux difficultés qu’ils rencontrent. Nos outils peuvent les y aider. A nous de les rendre encore plus performants, encore plus proches des préoccupations de la jeunesse, encore plus aptes à les aider à construire un autre monde pour demain.
Le partenariat avec les éditions Mango, va nous permettre d’envisager l’avenir de notre maison d’édition avec sérénité. A nous de relever les défis de l’école et de l’éducation à l’aube de l’an 2000.
 
Jean-Marie FOUQUER
Président de l’ICEM