Le Nouvel Educateur n° 125

Janvier 2001

Pauvre Planète

Janvier 2001

Editorial

 
Pauvre planète !
 
 
Nous voilà donc dans le troisième millénaire !
Bonne occasion pour s’interroger sur le monde dans lequel nous vivons.
Cette entrée aura été une fois encore l’occasion de vaines festivités. Mais, pour une majorité d’habitants de la planète, ni joie ni allégresse !
1,2 milliards de pauvres.
850 millions d’analphabètes.
800 millions de mal-nourris.
100 millions d’enfants exploités.
Dans quel monde effarant vivons-nous donc ?
Oui, la misère se porte bien, merci !
Près de la moitié de l’humanité (2,8 milliards de personnes) doit vivre avec moins de deux dollars par jour.
Pire : le niveau de vie des pays les moins avancés a baissé de 15% en 30 ans !
Partout, même au sein des sociétés les plus riches, les démunis sont légions : 34,5 millions aux États-Unis, 12 millions en Grande-Bretagne et 6 millions en France.
Et dans le monde, 800 millions de personnes souffrent de la faim.
Sous-alimentation et sous-équipement (absence d’eau potable, manque d’équipements sanitaires) ont des répercussions immédiates sur l’état de santé : plus d’un milliard de personnes ne peuvent bénéficier du progrès sanitaire. Onze millions d’enfants en meurent chaque année.
Quant au SIDA, qui ravage tout particulièrement l’Afrique, il demande des traitements aux coûts inabordables pour la quasi-totalité des pays concernés.
Conséquence de cette misère qui écrase de plus en plus les pays les plus pauvres, environ 40 millions d’enfants sont livrés à eux-mêmes dans les villes du tiers monde.
Inutile de s’attarder sur la scolarisation des jeunes. Le tableau n’est pas plus réjouissant. 850 millions d’analphabètes et 110 millions d’enfants non scolarisés en primaire. Le projet de l’UNESCO d’offrir une école pour tous en l’an 2000 est bien loin d’être réalisé.
Pourtant le Programme mondial des Nations unies pour le développement (Pnud) estime qu’une contribution de 1% sur les 200 fortunes les plus élevées de la planète rapporterait de quoi scolariser tous les enfants au niveau primaire.
Notre incapacité collective est d’autant plus choquante que l’état des techniques permettrait sans peine d’assurer à l’échelle mondiale une vie décente à tous !
Alors, au risque d’être taxé d’utopistes, il faut dire et redire qu’un autre monde est possible ! On ne peut se résigner à un monde dans lequel la moitié de l’humanité n’a pas les moyens de se nourrir, de s’instruire, de se soigner et de se loger. L’ampleur de la pauvreté humaine est une insulte à la dignité humaine.
Heureusement, de plus en plus de citoyens disent à travers le monde : Assez ! Assez d’accepter la mondialisation comme une fatalité ! Assez de voir le monde, le corps et les esprits transformés en marchandises ! Assez de subir, de se résigner, de se soumettre !
Construire une société plus juste et plus humaine, une société d’où seraient proscrits la guerre, le racisme et toutes les formes de discrimination et d’exploitation, n’a rien d’une utopie ringarde. C’est une exigence incontournable. Une exigence de justice et d’égalité qui ressurgit heureusement avec force.
En ce début d’année, que l’indignation qui nous saisit devant la misère du monde qui se construit sous nos yeux, ne soit pas une source de résignation. Qu’elle soit au contraire une source de révolte contre la misère, l’oppression, la barbarie.
Que vous, que nous souhaiter de mieux en ce mois de janvier 2001 que de « de savoir convoiter l’impossible : afin de mettre cette convoitise au service des mouvements d’émancipation. »
 
Jean-Marie Fouquer
Président de l’ICEM
 

La charte des droits fondamentaux

Janvier 2001

Le Sommet de Nice vient de s’achever dans la plus grande cacophonie. Une large opposition à la Charte des droits fondamentaux s’y est également manifestée.

Nous laisserons à Denis Horman, animateur du réseau belge des Marches et membre d'ATTAC-Liège, le soin de nous expliquer les enjeux et les raisons de cette mobilisation.
« Déjà approuvée au Sommet de Biarritz, (…) celle-ci pourrait devenir un instrument de régression sociale et démocratique, d'autant que le droit européen est censé primer sur le droit national.
Cette Charte renie le droit au travail qui devient “le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie”. Ainsi, les employeurs et les États n'ont plus d'obligations, si ce n'est de laisser chacun(e) libre de travailler ou de survivre! (…)
Le texte supprime “le droit à prestation” : ce qui peut remettre en cause les réglementations sur les allocations de chômage. Pas d'interdiction de licenciements non plus, mais " une protection contre tout licenciement injustifié " ! (…)
La Charte renie également le droit au revenu minimum vital, à une protection sociale et à un logement décent, tel qu'il est  pourtant inscrit dans de nombreuses constitutions et législations nationales. Le texte très ambigu et pernicieux précise : " afin de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté, l'Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon les modalités établies par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales ". Pas question  de déterminer, au niveau européen, le seuil de revenu en dessous duquel il serait " indécent " de descendre dans les pays de l'UE ou encore l'obligation de programmer des logements sociaux, par exemple !
Les droits des femmes se résument pratiquement à  celui de " se marier et de fonder une famille ". Les immigrés, eux, ont le droit de ne pas être " expulsés collectivement "
Cette Charte est en retrait sur d'autres textes internationaux, comme" la Déclaration universelle des droits de l'homme ", écrite en 1948, il y a plus d'un demi-siècle. En revanche, le document fait la part belle au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre. Bref, une charte à l'image de l'Europe libérale.
Au niveau européen, tout ce qui  concerne le marché et la monnaie se décide à coup de règlements et de directives à la majorité qualifiée, à l'exception de quelques verrous qui ont pu jusqu'à présent protéger les services publics (à condition qu'un  État ait la volonté et l'audace d'utiliser son veto pour cela). Mais ces verrous sont en passe de sauter. Par contre, tout ce qui concerne les normes sociales et fiscales, qui pourraient entraver la liberté des entreprises et la libre circulation  des capitaux, est soumis à l'unanimité (il suffit d'un État pour tout bloquer).  Il en résulte que les projets de directives sur le social et la fiscalité, adoptés à l'unanimité, sont généralement vidés de leur sens ou transformés en simples recommandations, sans obligation de transposition dans les législations nationales.
Les documents de la Conférence Intergouvernementale, qui prépare le Traité de Nice, comportent des amendements à l'article 137 du Traité d'Amsterdam sur les dispositions sociales. Un des amendements, qui satisfait la Confédération européenne des syndicats (CES), ouvre la possibilité de décisions, à la majorité qualifiée, sur les questions sociales.
Livrer à la Commission européenne, aujourd'hui ultra libérale, la possibilité de concevoir une initiative de directive sur ce sujet représente un  terrible danger pour les revenus des travailleurs qui se trouvent sans emploi.
Le commissaire européen, Pascal Lamy, pousse à obtenir une révision de l'article 133 du Traité d'Amsterdam, de telle sorte que les États n'aient plus la possibilité de s'opposer à des accords pris, par les instances européennes, à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou dans d'autres enceintes internationales. De tels accords concerneraient les investissements, les droits de propriété intellectuelle, les services. Au nom de la Commission, et sans aucune consultation démocratique, il dépose au siège de l'OMC à Genève des textes qui engagent irrémédiablement les pays et les populations européennes dans la voie de la libéralisation et la privatisation des services, en particulier l'enseignement et la santé.
Face au projet de Charte et des autres enjeux liés à la dérive libérale, antisociale et antidémocratique de nos gouvernements, nous voulons faire d'abord toute la  lumière sur les mesures qui se prennent sans nous et contre nous. Nous voulons faire le maximum pour empêcher l'adoption et la concrétisation de ces mesures. Nous voulons imposer à nos gouvernements une vraie Europe sociale, soucieuse d'une réelle répartition des richesses qui permettent à chacun(e) de vivre dans la dignité. Nous voulons une Europe avec de vrais droits sociaux et politiques et non la charité. Nous voulons une Europe qui instaure l'égalité de droit et de fait entre les hommes et les femmes. Nous voulons une Europe solidaire avec les peuples du tiers monde et accueillante pour les demandeurs d'asile. Nous voulons reprendre la parole qui nous a été confisquée par des institutions obsolètes et non démocratiques, pour définir ensemble ce que nous voulons, tout en permettant à chaque collectif, organisation, coordinations nationales et internationales de porter leurs propres revendications. »
 

Un projet personnel : l'exposé

Janvier 2001

 

Dans le cadre d’une correspondance scolaire, la classe de CM1 CM2 de Juvisy sur Orge, pratique l’échange d’exposé. A travers l’exemple d’Aurélie, Catherine Chabrun l’enseignante de cette classe, nous montre l’évolution de ce travail, tout au long de l’année.
 
Catherine Chabrun ,
institutrice à Juvisy sur Orge,
membre du groupe
départemental 91 de l’ICEM

 

 

Cette année, je trouve les enfants pétillants de projets qui se réalisent.
C'est un CMI-CM2 depuis deux ans, dont la moitié des élèves sont des "anciens". Ce double niveau est volontaire mais très difficile à garder dans une école de 16 classes.
 
L'année dernière, nous avions commencé à mettre en place des échanges de savoirs, il y avait quelques exposés, sans plus. Par contre, une séance d'EPS était issue de leurs projets, sous forme d'ateliers.
 
Cette année, suite je pense à ces quelques expériences, les enfants ont proposé très vite. J'ai dû réfléchir à l'organisation de la classe, car il n'y avait pas assez de temps pour réaliser ces projets ; le plan de travail a évolué pour qu'ils y trouvent leur place et ainsi élargir les moments de travail personnel.
 
Un projet personnel issu d'un projet de classe : l'exposé
 
Dans le cadre de la correspondance, nous échangeons des exposés par cassette vidéo. Pour le moment, les enfants proposent le sujet de leur exposé. En général, ils le préparent seul ou à deux. Voici le cas d'Aurélie qui a réalisé quatre exposés depuis la rentrée.
 
Premier exposé
 
C'est elle qui a proposé le premier de l'année : « le lapin ». Elle a préparé son exposé seule. Deux feuilles qu'elles nous a lues, puis elle nous a passé son lapin pour le caresser et sa nourriture. 
 
Je l'ai filmée et nous avons regardé la cassette. Il y eut des critiques sur l'exposé : Aurélie lisait, ne regardait pas souvent la classe (et sur ma façon de filmer : on entendait trop le zoom ). Par contre le passage où elle passait le lapin dans les bras de ses camarades et parlait de lui sans lire, plut beaucoup.
 
Il y eut après elle un autre exposé «La préhistoire en Bretagne» où l'enfant avait préparé des grands panneaux attrayants avec de nombreuses photos, schémas et dessins,
 
En regardant la cassette, les enfants échangèrent sur les différentes présentations.
 
Les panneaux permettaient de lire d'une manière plus vivante en regardant souvent la classe.
 
Deuxième exposé
 
Aurélie proposa alors un deuxième exposé sur le squelette humain. Elle fit des panneaux, me demandant du matériel (affiches, photocopies de documents) et la correction des textes qu'elle tapa à l'ordinateur. Elle travailla pendant plus d'une semaine.
 
Le jour de l'exposé, elle apporta aussi un petit squelette. Elle s'aida donc des panneaux pour lire et décrivit son squelette sans feuille, de mémoire. Puis elle posa des questions à la classe sur ce qu'elle venait de raconter.
 
Lorsqu'on regarda la cassette, tout le monde vit la différence et les progrès réalisés par Aurélie.
 
Troisième exposé
 
Peu de temps après, elle proposa un troisième exposé quiparlerait des chats et des félins. Entre temps nous avions fait un petit film pour se présenter à nos correspondants italiens et nous avions eu une présentation du violon par Daphnée. La caméra devenait plus naturelle...
 
Pour ce nouvel exposé, Aurélie a réalisé quatre panneaux, textes, dessins, photos personnelles, et une partie "Compliments" où les enfants devaient écrire ce qu'ils pensaient.
 
Son exposé fut très riche : une partie personnelle qui fut très émouvante car son chat avait fugué (il est rentré depuis), une partie générale sur les félins, les chats dans les légendes, une poésie et comment bien s'occuper de son chat. A la fin de chaque partie, elle posait des questions. Petit galop d'essai pour une timide. A la fin de l'exposé, une petite fille de CMI l'a rejointe pour présenter un classeur qui renfermait une collection de photos et de documents sur les chats qu'elle collectionnait.
 
Aurélie a su ce jour là accaparer l'attention de la classe et sa participation pendant 25 minutes !
 
Moi, j'avais l'oeil dans la caméra et je suis restée extérieure, sauf une fois suite à un questionnement.
 
Je crois là que le projet personnel d'Aurélie était de réussir un exposé. Et elle l'a réussi.
 
Quatrième exposé
 
Aurélie s’est associée avec Valérie pour nous parler de l’Egypte. Ce fut un travail long et très méticuleux, portant un regard artistique sur les coutumes égyptiennes avec un point fort sur les hiéroglyphes.
 
Dans le cadre des échanges de savoirs, un nouvel atelier était né validé par un brevet  :
“ Coder et décoder avec des hiéroglyphes ”.
Depuis, les exposés continuent. Mais d'autres projets prennent le relais, très souvent liés à la correspondance, aux échanges de savoirs, au journal de classe…
 
Les compétences mises en œuvre, lors de ces exposés, sont multiples aussi bien dans le domaine de la langue que transversales.
 
La coopération, l'entraide, les échanges dans un climat de confiance en sont certainement les révélateurs.
 
Catherine Chabrun
 



Un projet de la classe lié à la correspondance :
l’exposé filmé
 
L’objectif premier quand j’ai proposé aux enfants de filmer les exposés, était d’en faire profiter nos correspondants. C’était aussi un moyen de se voir et de s’entendre.
 
Le film du premier exposé, “ le lapin ” d’Aurélie a tout déclenché. Juste après, les enfants ont reproché un peu de n’avoir pas tout entendu lorsqu’elle lisait, mais ils étaient restés sous le charme de la fin de l’exposé qui était très vivante avec le lapin.
 
Lorsque les enfants ont visionné la cassette, la discussion est partie d’Aurélie qui trouvait qu’elle lisait de trop et qu’elle avait le nez sur sa feuille. Les enfants ont vite cerné ce qui n’allait pas pour récapituler ce que devait être un exposé. Certains ont donné des idées de présentation : panneaux, documents à faire passer…
 
Cette alternance exposé / visionnage a provoqué une prise de conscience plus rapide de ce qu’il devrait être. La dynamique dans la classe était déclenchée.
 
Nous avons envoyé une première cassette à nos correspondants avec nos premiers exposés (sauf un, car l’enfant se trouvant  très “ statique ” a refusé). Entre temps, nous avons reçu la leur. A la fin du premier exposé, nous avons discuté comme nous en avions pris l’habitude. Mais après le deuxième, nous avons remarqué que les exposés avaient été filmés le même jour et étaient donc tous présentés de la même façon. Le but là, n’étant pas la recherche d’une manière d’exposer mais plutôt la transmission d’une connaissance. Nous les avons donc regardé autrement et discuté plus du contenu que de la forme.
 
Nous leur avons envoyé une autre cassette d’exposés plus tard dans l’année et entre temps les enfants ont réalisé un petit film sur l’école pour nos correspondants italiens et un autre plus long sur notre classe transplantée. Ma vieille caméra est un peu lourde mais ils ont beaucoup aimé.
 
Du côté des correspondants, ils trouvaient nos exposés un peu long à regarder. Je laissais le questionnement des enfants par exemple. C’est la perspective d’un autre travail à faire avec eux qui sera des plus intéressants et qui leur permettra de comprendre qu’avec la même situation, on peut faire passer des choses différentes quand on arrange les images.
 
C’est en faisant soi-même des montages, des coupures qu’on devient peut-être moins naïf.
 
En espérant avoir un caméscope plus léger, je continuerai à utiliser la caméra. Je ne suis qu’au début de mes expériences vidéo avec les enfants.

 

La citoyenneté en pratiques (2ème partie)

Janvier 2001

 

Après une première partie (le Nouvel Educateur 124), présentant des pratiques de classes (conseil de coopérative, gestion des conflits par les enfants eux-mêmes, institutions d’école) Jean Le Gal pose les conditions de la mise en place d’une citoyenneté participative à l’école. Pour lui, l’action des éducateurs engagés sur le front des droits de l’enfant doit porter sur trois points : leur formation, la mise en adéquation des instructions officielles de l’Education Nationale avec la Convention Internationales des Droits de l’Enfant et la reconnaissance des pratiques innovantes.

 
Deux textes, l’un de Bernard Defrance, l’autre d’Eirick Prairat apportent un autre éclairage sur la mise en place de la citoyenneté et la question des sanctions.
 
Ces textes susciteront certainement réactions et réflexions, nous souhaitons ouvrir nos colonnes
à un débat sur la question de la citoyenneté participative, alors à vos stylos !

 

 

La PARTICIPATION est le critère de la citoyenneté et elle est,
aujourd'hui, un droit
pour les enfants et un combat pour les éducateurs.
 
L'enfant est un citoyen et doit pouvoir participer pleinement, en fonction de ses capacités de discernement et de sa maturité sociale, à la vie de la cité et de tous les lieux sociaux où il est amené à vivre.
 
Mettre en place des institutions qui permettent l'exercice du droit de participation des enfants et des jeunes aux affaires qui les concernent est donc non seulement un acte légitime pour les éducateurs qui le tentent, mais un devoir éducatif et citoyen pour tous.
 
Il nous faut aujourd'hui montrer que la participation et la citoyenneté à l'école sont possibles et demander à l'Etat, dans le cadre du droit à l'éducation, qu'il mette en place les moyens pour que les expériences novatrices se généralisent. Nous attendons donc des pouvoirs publics qu'ils s'engagent fermement et qu'ils apportent réponses et soutien à ceux qui agissent sur le terrain, car même si les expériences novatrices se multiplient, les oppositions continuent d'exister, liées souvent à des enjeux de pouvoir et, pour les enfants, à unereprésentation des adultes qui les considèrent comme incapables d'assumer des responsabilités.
 
Il s'agit donc de convaincre les éducateurs et de les accompagner dans leurs tentatives de changement.
 
Les pratiques citoyennes
doivent pouvoir s'appuyer
sur des textes officiels.
 
Fondée sur une philosophie éducative, sur une éthique de la relation, sur des principes politiques, la décision d'accorder des droits et des libertés aux enfants, à l'école, a été longtemps dépendante de l'enseignant. Il pouvait donc supprimer les droits comme il les avait octroyés, en particulier si un conflit avec la classe le mettait en difficulté : on a pu voir alors des enseignants remettre en place un pouvoir absolu et des pratiques coercitives abandonnées.
Cette situation de dépendance enfants ne peut permettre une réelle expérience de responsabilisation individuelle et collective.
 
Par ailleurs, ces principes et pratiques d'action éducative démocratique sont parfois contestés et attaqués, par des parents, des administrateurs et des enseignants. D'où le besoin, pour les militants des droits de l'enfant, d'obtenir des garanties institutionnelles et juridiques qui permettraient une légitimation de leur pratique pédagogique et une reconnaissance des décisions prises par les conseils d'élèves.
           
Aujourd’hui, en application de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, la classe et l'école, mais aussi les autres lieux de vie, doivent devenir des lieux de pratiques citoyennes qui permettent à chaque enfant de :
-    participer aux décisions collectives en donnant son avis, en défendant son point de vue, en faisant des choix, qu'il s'agisse d'activités, d'organisation ou de règlements et règles de vie ;
-    s'engager dans des projets collectifs réels, négociés et contractualisés, dans lesquels il doit assumer sa part coopérative ;
-    prendre des responsabilités qui marquent son appartenance au groupe et dont il rend compte ;
-    s'ouvrir aux autres et de coopérer avec eux.
 
C'est par cette pratique sociale que les enfants et les jeunes peuvent acquérir, progressivement, l'assurance, la confiance en soi et les compétences, nécessaires pour s'impliquer.
 
Les enseignants doivent avoir
un pouvoir d'initiative
 
Le partage du pouvoir avec les enfants n'est possible que si les enseignants ont eux-mêmes un pouvoir sur leurs actes.
 
Les pédagogues novateurs, pour autoriser un pouvoir institutionnel des élèves, ont dû s'approprier un espace de créativité, se donner une marge de manoeuvre, conquérir un pouvoir sur leurs actes. Or cela ne va jamais sans risque dans un système encore fortement soumis à l'autorité de la hiérarchie : l'infantilisation des enseignants, par l'administration, est souvent évoquée comme une des causes des résistances au changement. Pour Gérard Mendel, cette situation expliquerait pourquoi "subjectivement les enseignants ne veulent et ne peuvent renoncer à l'autorité...à défaut d'avoir un pouvoir individuel et surtout collectif sur le contenu de leur acte de travail, il ne leur reste plus que le pouvoir sur les autres, sur les élèves (1)".
 
 
Pour mettre en oeuvre des démarches de changement, nécessaires pour instaurer la démocratie à l'école, pour vaincre des craintes légitimes car les obstacles et les résistances existeront, il faut de la détermination et un engagement profond des praticiens du terrain, mais aussi des connaissances sur la réalisation d'un projet d'innovation, sur les phénomènes de groupe et sur les pratiques de l'institutionnel.
 
Je suis convaincu que les enseignants, mais aussi les animateurs de centres de loisirs et les éducateurs, seraient mieux à même d'entreprendre des expériences novatrices, s'ils pouvaient eux-mêmes, durant leur formation initiale ou continue, exercer un réel droit de participation sur leur formation et expérimenter les démarches et institutions qu'ils seront amenés à proposer aux enfants.
Les pionniers de l'Education nouvelle et de l'Ecole Moderne ont, historiquement, depuis le début du siècle, construit leurs pratiques éducatives novatrices sur la reconnaissance de l'enfant, comme une personne ayant ses intérêts, ses besoins, ses démarches, ses rythmes propres, et comme un citoyen titulaire de droits et de libertés.
 
Ce champ de réflexion et d'action doit donc demeurer une des préoccupations fondamentales des éducateurs.
           
Jean Le Gal
 
1– Mendel Gérard, 1993, Les enseignants et le deuil interminable de l’autorité, in Cahiers Pédagogiques, La démocratie à l’école, 313.

 



 
 
Jean Le Gal,
maître de conférences
en sciences de l’Education,
chargé de mission aux Droits de l’enfant et à la citoyenneté
de l’Institut Coopératif de l’Ecole Moderne



 
 
LE GAL Jean, Participation et citoyenneté à l'école, Le Nouvel Educateur ; 79, mai 1996
 
Le GAL Jean, Le conseil d'enfants de l'école, Le Nouvel Educateur, 102,octobre 98 et 105, janvier 99
 
LE GAL Jean , Coopérer pour développer la citoyenneté, Paris, HATIER,Questions d'école, 1999
 
Sur le thème "Libre circulation"
LE GAL Jean, Le nécessaire changement de la réglementation scolaire,Journal du droit des jeunes, 185, MAI 99
 
Sur le thème "sanctions"
LE GAL Jean, Châtiments corporels ou intervention physique, Journal du
droit des jeunes, 185, mai 99
 
La construction
de la citoyenneté à l’École
 
A l’occasion de l’assemblée générale de l’ODCE de l’Oise, Bernard Defrance a proposé un autre regard sur la construction de la citoyenneté à l’école, par une redéfinition plus précise de la finalité de l’école, du citoyen et des principes du droit.
 
 



Comment donc peut se construire la citoyenneté à l’école ? Ca va être l’essentiel de notre réflexion. La question de la citoyenneté remplit les bibliothèques, on ne va pas la résoudre en une ou deux heures : il s’agit plutôt d’ouvrir des chantiers de travail, de réflexion et d’action.
 
La triple mission de l’école
 
Au fond, quelle est la finalité du travail que nous faisons à l’école ? Il y a une triple mission, je crois, aujourd’hui, à l’école, qui est :
·l’instruction : former des savants, des gens aussi cultivés que possible,
·la formation : acquérir les qualités nécessaires à l’insertion professionnelle,
· et l’éducation : former des citoyens.
 
Aujourd’hui, d’une certaine manière, c’est la deuxième fonction qui est en train, (alors que c’est la première qui longtemps était dominante, celle de l’instruction), à cause de la crise économique et des angoisses liées à l’augmentation du chômage, de prendre le pas sur les deux autres et on a, aujourd’hui, des élèves de 6ème qui s’inquiètent de l’éventualité de se retrouver au chômage. Surtout quand, dans leur famille, dans les quartiers difficiles, comme on dit, les grands frères ou les parents sont au chômage : nous avons affaire aujourd’hui à des adolescents qui arrivent à l’âge de dix huit ans sans avoir jamais vu un adulte travailler. Petite parenthèse : si ! Ils ont vu deux catégories d’adultes travailler, les enseignants (mais les enseignants " travaillent-ils " ? Ils font travailler… ce qui est un tout petit peu problématique parce que ça permet d’intérioriser le principe hiérarchique selon lequel le chef ne fait rien, il fait faire à ses subordonnés, c’est naturellement une image fausse mais c’est celle-là qui s’intériorise), et puis une deuxième catégorie, c’est celle, par exemple, des femmes de ménage qui passent la serpillière dans les couloirs.
 
Quand, arrivé à l’âge de dix-huit ans, on n’a vu que ces deux catégories d’adultes travailler et que l’on vous demande en plus de choisir un projet professionnel, cela pose déjà quelques difficultés. Un de mes élèves, l’an dernier, écrit : " Les profs nous demandent de dire en quinze jours ce que l’on veut faire pour les quarante prochaines années de notre vie  " et évidemment, ça pose quelques problèmes.
 
Alors la deuxième fonction, celle de formation, parasite un peu les deux autres. Et, paradoxalement, on s’aperçoit que, à s’obnubiler sur la formation professionnelle, on manque, précisément, ce qui pourrait constituer les fondements d’une véritable formation professionnelle efficace. Alors, pour ce qui est de la question de la socialisation, de la formation à la citoyenneté, je crois que la question qui se pose est celle-ci : le citoyen n’est pas seulement celui qui obéit à la loi, c’est aussi celui qui la fait, avec les autres. Et toute la question est de savoir comment, à l’école, nous pouvons apprendre, pas seulement à obéir à la loi, mais à la faire avec les autres. Alors, ce n’est pas à des militants de l’OCCE que je vais apprendre comment on construit une classe coopérative ! Dans ces classes, en effet, les enfants apprennent progressivement à gérer le temps, l’espace et les activités, et leur budget et régler les conflits par la parole et non pas par des coups. Mais il reste que toutes les classes et l’ensemble de l’Éducation Nationale, surtout dans les collèges et les lycées, sont loin d’avoir un fonctionnement coopératif !
 
Faire la loi
 
Alors, la définition du citoyen, c’est ça : c’est celui qui apprend à faire la loi et pas seulement à y obéir. Et ça aussi, c’est une longue histoire. C’est-à-dire que, pendant des millénaires, ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ce qu’il est interdit de faire est fixé par les " transcendances ", qu’elles viennent du ciel ou du sol ; elles fixent les règles de comportements sociaux, jusque dans les moindres détails. Pour régler cette vieille question de la violence, comment ne pas s’entre-tuer, eh bien, il faut obéir. Il faut obéir soit à la nature, dans les systèmes religieux au sens anthropologique du terme , soit obéir à Dieu ou aux rois, aux représentants de l’autorité divine. Or, depuis Socrate, il n’y a plus, ou il n’y a pas de la même manière, cette transcendance des normes, des références. Alors on entend dire aujourd’hui : " Les jeunes n’ont plus de repères, les gens sont désemparés, il n’y a plus de " grands récits unificateurs… ", et les gens qui disent ça le déplorent la plupart du temps. Mais il n’y a pas à le déplorer ! Il n’y a pas à le déplorer parce que nous sommes là confrontés à cet enjeu fondamental qui est celui d’assumer notre liberté collective. Si nous sommes désemparés aujourd’hui par l’effondrement d’un certain nombre d’idéologies qui ont pu un temps se substituer aux systèmes transcendants religieux antérieurs, il faut savoir que d’être " désemparé ", c’est le contraire d’être " emparé " et que, si je suis " dés/emparé ", c’est aussi que je suis libre. C’est le contraire d’être " emparé " par des systèmes sociaux qui ont réponse à tout et du coup, je suis renvoyé à ma propre liberté. Alors, ça ne va pas sans désarroi, ça ne va pas sans incertitudes, lesquelles provoquent des réactions identitaires, nationalistes, ça ne va pas sans réactions idéologiques ou " retour du religieux " et on voit bien, aujourd’hui, la difficulté que cette question pose par exemple à la construction de l’Europe.
 
Être citoyen
 
Être citoyen, c’est effectivement pouvoir commencer à considérer l’autre comme un autre soi-même. Et si je prends l’exemple du racisme, on s’aperçoit que le racisme n’est pas tant un refus de la différence de l’autre qu’un refus de considérer que l’autre puisse être un autre soi-même. C’est la similitude que l’on refuse dans le racisme et non pas la différence. C’est parce que les juifs ne sont pas des hommes, parce qu’ils sont des untermenschen, que ce sont des " sous-hommes ", que les nazis peuvent alors se livrer au génocide. Si le juif est un homme comme moi, alors il ne peut plus y avoir de racisme. Marcel Conche, un philosophe contemporain, dit : " Un nazi qui aurait écouté un juif n’aurait plus été nazi " . C’est ça l’enjeu de la citoyenneté aujourd’hui.
 
Comment puis-je parler, travailler, m’affronter, coopérer avec l’autre, en tant qu’il est un autre moi-même et comment les différences qui sont les nôtres peuvent servir à nous enrichir mutuellement, à nous féconder mutuellement plutôt qu’à nous séparer ?
 
Je ne sais pas si cette définition provisoire peut suffire, mais le citoyen est bien celui qui, en effet, ne se réfère plus à des idéologies toutes montées, à des transcendances préétablies et qui doit construire avec les autres citoyens le sens qu’il entend donner à l’existence collective. Alors, question : est-ce que les classes coopératives le permettent ? Bien sûr ! À condition de bien distinguer les rôles respectifs de l’école et de la famille.
 
On entend très souvent, dans les stages, des récriminations de la part des enseignants à l’égard des familles. Grosso modo, pour caricaturer, au gamin qui se comporte de manière que nous estimons non conforme, nous lui disons : " Est-ce que tu ferais ça chez toi ? " C’est à peu près ça : " Qu’est-ce qu’on t’apprend chez toi ? "
 
Se pose en effet la question de la socialisation dans l’école et la question de la socialisation dans la famille. Il y a souvent des confusions, qui malheureusement ne nous aident pas beaucoup à résoudre le problème. " Démission des parents ", dit-on souvent. C’est un discours, un leitmotiv que nous connaissons bien. Alors, c’est un discours qui, moi, m’agace un tout petit peu… Je vous citais à l’instant le cas de ces enfants qui sont les seuls à se lever le matin pour aller travailler, pour aller à l’école ; dans certaines familles, le rapport économique lui-même est complètement renversé puisqu’ils sont également les seuls à rapporter de l’argent, des familles entières ne vivant qu’avec les allocations familiales, le RMI et quelquefois le produit des trafics divers auxquels se livrent les fils aînés. Certains responsables d’HLM auxquels on paie le loyer en liquide, savent très bien d’où vient ce liquide. Et les allocations familiales, c’est très intéressant parce que ça permet au mouflet, dès la 6ème, 5ème, de dire à ses parents : " Écoutez, m’emmerdez pas, parce que sinon je sèche l’école et on vous sucre les allocs ! " Il y a parfois une espèce de renversement, de déstructuration du lien familial, dans ses fondements économiques mêmes, et on en mesure bien aujourd’hui les ravages.
 
Je crois que l’école est faite pour apprendre un certain nombre de choses, notamment l’accès à la citoyenneté, que ni la famille, ni la vie sociale extérieure ne peuvent apporter.
 
Et effectivement, l’école est faite pour faire " sortir ", éduquer, ça veut dire " faire sortir de… " . Faire sortir de quoi ? Du milieu familial, de l’identitaire, de l’ethnique, du communautaire, de l’identification à une bande de quartier, etc.. Ils sont obligés de se parler parce que les procédures, les règles existent qui enrayent, qui répriment la violence, et donc, à partir de là, peut-être auront-ils une chance de se découvrir mutuellement en tant que, comme je le disais tout à l’heure, autre soi-même, d’accéder à l’universel. Alors, ne pas trop s’inquiéter de ces " bagarres ", c’est un problème du moment, il sera dépassé, réglé et puis on passera au moment suivant. Peut-être faut-il, dans un certain nombre d’endroits, en passer par là ?
 
Mais toute la question est de savoir comment ces règles peuvent se vivre à l’école. Lorsque dans la classe nous instituons la discipline, nous essayons de faire en sorte que les élèves découvrent que : si nous séparons les " combattants ", si je fais taire les bavards, c’est pour qu’ils puissent parler. C’est ça le paradoxe de la pédagogie et de la discipline : je fais taire le bavard pour qu’il puisse parler. Alors, j’ai travaillé dans des classes où en effet, les enfants découvrent ça, que toute interdiction n’a de sens qu’à être simultanément une autorisation.
 
Nul ne peut être juge
et partie.
 
Je crois que l’enfant fait l’expérience, dans l’immense majorité des cas, dans la classe, d’un pouvoir qui est encore un pouvoir d’essence religieuse. C’est-à-dire d’un pouvoir où les différentes fonctions ne sont pas distinctes et articulées. 
 
Ce n’est pas le magistrat qui a été cambriolé qui peut juger son propre cambrioleur. Sinon, le jugement n’aurait aucune validité et serait cassé. Nul ne peut être juge et partie, sauf dans la classe, précisément, où, comme enseignant, je peux être à la fois celui qui a été atteint par des injures, par le désordre, par l’agressivité des élèves et celui qui va les sanctionner. À partir de là, même si la punition que je donne à l’élève est objectivement juste, si elle est adaptée, équilibrée, si je n’enfreins pas l’arrêté de 1887 qui interdit les châtiments corporels ou humiliants, si j’utilise donc les moyens qui sont à ma disposition pour maintenir l’ordre de manière rationnelle, correcte, eh bien, même dans ce cas-là, la confusion des pouvoirs entre juge et partie fait que l’enfant ne peut percevoir la punition que comme la vengeance de celui dont l’autorité a été momentanément bafouée. Il s’agit pour moi de rétablir mon autorité, et la perversion induite par la confusion des pouvoirs à l’intérieur de la classe aboutit à ce que l’enfant apprend à se soumettre à une personne, au lieu que l’élève apprenne à obéir à la loi.
 
Or, le citoyen n’obéit pas aux autres personnes mais à la loi.
 
Quand je donne un ordre, ce n’est pas moi qui donne un ordre, je ne fais qu’exprimer une règle à un moment donné nécessaire pour que nous puissions travailler ensemble. Si les enfants apprennent à se soumettre à quelqu’un au lieu d’apprendre à obéir à la règle ou à la loi, effectivement, ils apprennent la soumission. Et la soumission c’est le contraire de l’obéissance.
 
Assemblée Générale de l’OCCE de l’Oise novembre 1995, conférence de Bernard Defrance





Quelques principes du droit.
 
1. La loi est la même pour tous.
 
2. Nul n’est censé ignorer la loi : à partir de la majorité civique.
 
3. Nul ne peut être mis en cause pour un acte dont il n’est pas l’auteur ou le complice.
 
4. Nul ne peut être mis en cause pour un comportement qui ne porte tort qu’à lui-même.
 
5. Toute infraction entraîne punition et réparation.
 
6. Un mineur est déjà sujet de droit, mais pas encore citoyen.
 
7. Pour une même infraction, un mineur est moins lourdement puni qu’un majeur.
 
8. Nul ne peut se faire justice à soi-même.
 
9. Nul ne peut être juge et partie.
 
10. Le citoyen obéit à la loi parce qu’il la fait avec les
autres citoyens.
 
11. L’interdit de la violence ne se discute pas démocratiquement puisqu’il permet la discussion démocratique.
 
12. La violence n’est légitime que dans deux cas : l’urgence c’est-à-dire la légitime défense ou l’assistance à personne en danger, et après épuisement de toutes les voies de droit pour rétablir le droit.
 
 
Les sept niveaux de règles
 
1. L’arbitraire personnel, les caractères particuliers.
 
2. La politesse, les coutumes, les habitudes.
 
3. Les rites culturels et religieux.
 
4. Les règles techniques de travail et de fonctionnement social.
 
5. Les déontologies, les règles du droit, civil et pénal.
 
6. Les règles morales, les valeurs.
 
7. Les principes éthiques.
 
Les six premiers niveaux peuvent se discuter, démocratiquement.
 
Les interdits du septième niveau ne se discutent pas puisqu’ils sont précisément ce qui permet qu’il y ait discussion.



 
 
Bernard Defrance
Professeur de philosophie
Lycée Maurice Utrillo, Stains
 
 
La sanction :
Intervention d’Eirick Prairat
au congrès de l’ICEM
 



Au cours du congrès de Rennes en août 2000, Eirick Prairat est intervenu sur le nécessaire caractère éducatif que doit présenter toute sanction dans le cadre d’une éducation citoyenne.
 
Fondement et fins de la sanction, des sujets à mettre en débat dans nos établissements scolaires.



 
Je voudrais faire deux remarques introductives. La première, pour dire que mon propos n’est pas un propos de sociologue. Il n’est pas non plus de dire comment on punit aujourd’hui dans les établissements scolaires français. Je ne vous présenterai pas un bilan ou un état des lieux sur la sanction qui serait une sorte de complément aux enquêtes d’Eric Debarbieux sur la violence. Ma préoccupation est d’ordre philosophique, elle consiste à penser le concept de sanction éducative. Qu’est-ce qu’un sanction éducative ? Voilà la question qui me préoccupe.
 
Seconde remarque, je voudrais m’excuser parce que je vais dire des choses simples, élémentaires, mais je crois qu’il est bon de les dire, car cette question de la sanction a longtemps été une question taboue, véritablement frappée d’indignité intellectuelle. La sanction est un impensé de la réflexion éducative contemporaine. On peut aujourd’hui faire l’éloge de la loi sans dire un seul mot de la sanction, ce qui est, reconnaissons-le, un tour de force intellectuel.
 
La question du fondement
 
Qu’est ce qui fonde le droit de punir ?
 
On peut dire les choses de manière compliquée et savante avec Hegel, mais on peut aussi les dire sans Hegel et plus simplement.
 
Pour le dire simplement, disons que dans l’ordre de la morale, il n’y a pas de sanction. Le monde désintéressé de la morale ignore le principe de rétribution, il est étranger aux lois de l’équilibre et de la compensation.
 
La morale n’est pas là pour punir ou pour réprimer. Elle commence là où aucune punition n’est possible, là où aucune répression n’est efficace, là où aucune condamnation n’est nécessaire.
 
Fonder la sanction, c’est donc la ramener dans sa sphère de validité. C’est l’inscrire dans un espace marqué au sceau du droit et en admettre la double présupposition :
 
-la reconnaissance du principe d’indentité juridique entre les sujets (Pierre vaut Paul qui lui même vaut Marguerite).
-l’objectivation des Libertés en une série de droits explicites. En ce sens, la réflexion sur le règlement intérieur, qui est l’incarnation d’une normalité juridique dans les établissements, est essentielle puisqu’il rend pensable et légitime le recours à la sanction.
 
Fonder la sanction, c’est l’inscrire dans l’espace juridique de la réciprocité et de la mutualité.
 
En d’autres termes la sanction présuppose un cadre, objectivé de nature juridique, de règles.
 
La question des fins
 
Préciser le fondement ne nous dit pas ipso-facto, à quelles fins on doit sanctionner.
 
Une sanction qui se prétend éducative vise trois fins d’égale dignité :
 
Une fin politique
 
La sanction n’est pas une stratégie de réactivation du pouvoir de l’adulte, de l’éducateur, du maître ou du prof, mais elle est là pour rappeler la centralité de la loi, d’où l’importance de la qualité de la règle : que vaut le rappel à la loi, lorsque la loi est inique ou lorsqu’il s’agit d’une petite règle tatillonne ?
 
Ce qu’il faut aussi dire, c’est que restaurer la primauté de la loi, c’est dans le même moment péserver l’intégrité et la cohésion du groupe.
Le « vivre-avec » autrui est articulé au « vivre-devant » (la loi). Il faut réhabiliter la loi et sa valeur d’instance
 
Une fin éthique
 
La sanction vise à faire advenir un sujet responsable en lui imputant les conséquences de ses actes.
 
L’idée n’est pas d’attendre que l’enfant soit responsable (car on peut attendre longtemps) mais de le sanctionner de telle manière que l’on anticipe en lui la venue d’un sujet responsable. C’est en pariant sur la liberté d’autrui qu’on l’actualise, c’est en traitant l’adolescent comme un sujet responsable qu’il le deviendra ou tout du moins qu’il a des chances de le devenir.
 
La logique éducative prend le contre-pied de la logique déductive classique. En matière éducative, il faut bien souvent parier sur l’existance de ce que précisement on a charge de faire advenir.
 
La sanction éducative a une fonction de responsabilisation.
 
Une fin psychologique
 
La sanction est un coup d’arrêt, elle est là pour signifier une limite, pour arrêter un fantasme de toute puissance, une dérive violente, une attitude régressive. Elle est bien souvent là pour casser la spirale du faire mal - se faire mal. Elle est là pour faire césure. D’où l’on voit que préciser les fins, c’est déjà pré-définir la forme, car si elle est là pour faire césure, elle ne saurait être un double, un calque, une simple duplication de l’acte fautif.
 
La sanction vise à réorienter un comportement à la dérive. Sa finalité psychologique ultime est d’ouvrir de nouveaux commencements. En ce sens, une sanction qui compromet l’avenir d’un fautif, n’est jamais une sanction éducative.
 
Trois remarques pour finir
 
La première s’inscrit dans le prolongement de ce que je viens de dire à l’instant. Une sanction qui compromet l’avenir d’un contrevenant n’est jamais éducative, je pense ici au problème de l’exclusion qui n’est pas une sanction nécessairement éducative, tout en étant légale. Sanction légale et sanction éducative ne sont pas des propositions identiques, superposables. C’est par ce décalage de la légalité et de l’éducatif que s’introduit la réflexion éthique.
 
Si l’établissement scolaire fonctionne au droit, à la norme juridique, la classe fonctionne au rituel, de par sa configuration « physique », de par sa nature « interactive », de par sa fonction qui est d’être un « lieu d’exercice », la classe est un lieu de ritualité. Il n’y a pas d’analogie, de symétrie entre rapport au savoir et rapport à la loi (1). Il faudrait montrer, tout au contraire que l’apprentissage, que la transmission requiert de la ritualité. Le lien entre socialisation et savoir ne passe pas par la question de la loi, mais par celle des rituels. Penser le cadre socialisant de la classe, ce n’est pas seulement penser les règles et les modes de production de la règle, c’est aussi penser les médiations infra-juridiques que l’on peut mettre en place au sein de la classe.
 
Dernière remarque, elle concerne la question de la légitimité de punir. Il ne vous a pas échappé que cette question est souvent l’objet de litige, d’échanges assez vifs voire conflictuels avec les parents. La question des règles de fonctionnement et des sanctions doit faire l’objet d’une rencontre, d’une information, d’un échange avec les parents. C’est essentiel, non pour extorquer un consentement, mais pour clarifier et préciser les enjeux et les modes de fonctionnement.
 
La légitimité de l’école n’est plus une légitimité institutionnelle stricte, c’est une légitimité mixte, institutionnelle et procédurale. C’est à dire que l’école ne peut plus faire silence sur la manière dont elle fonctionne et notamment sur la manière dont elle sanctionne les contrevenants à l’ordre scolaire.
 
1-Eirick Prairat, La sanction, Paris, l’Harmattan 1997, voir le chapitre « Petite phénoménologie de la loi »



 
 
Eirick Prairat,
maître de conférences
à l’IUFM de Lorraine, auteur de :
Eduquer et Punir, 1994 Presses Universitaires de Nancy,
La sanction, petites médiations à l’usage des éducateurs, 1997, l’Harmattan,
Penser la sanction, 1999 l’Harmattan
 

 

Du Crozet : des nouvelles de l'école Philippe Monet

Janvier 2001

Courrier

 Hé bien voilà c'est fait , Philippe Monnet  est bien venu Samedi 18 au Crozet découvrir la plaque qui porte son nom.
L'homme est agréable, proche, pas la grosse tête et ravi de voir « les bonnes petites gueules d'enfants » qui étaient aux anges samedi matin. Mes mômes avaient préparé de quoi faire une bonne séquence émotion, un texte écrit collectivement qui présentait ce que nous avait inspiré son tour du monde et surtout ce qu'il représentait pour eux. Philippe a été très touché par ce qu'ils ont dit. J'ai moi aussi été très touché par des paroles, des écrits aussi de véritables ami(e)s qui font que l'on se reconstruit, qui font fuir le doute qui s'installe parfois, souvent.

Puis après le repas avec les parents d'élèves qui avaient aussi leurs « bonnes petites gueules de gamins » suspendus aux lèvres de Philippe quand il nous expliquait les dépressions, les anticyclones, les coups de baston du Golfe de Gascogne, son cher bateau qui tapait dans les déferlantes du côté des 50èmes hurlants, les coups de blues dans la pétole, la trouille aussi avec les icebergs, la mort pas loin, tout près ; juste en face parfois, c'est tout ça un repas avec un navigateur. Ces bougres d'hommes là, ils vous font passer de votre petit bled au Cap Horn, à Bonne Espérance, de la pétole au baston comme ils disent, en un rien de temps et vous n'avez plus rien dans votre assiette. C'est quelqu'un Philippe .
Voir mes enfants et leurs parents sur un petit nuage c'était géant , puis je l'ai raccompagné au train, la vie a repris son cours habituel. Il n'empêche que ce matin, j'avais la tête ailleurs et mes mômes aussi, au Quoi de Neuf : « Roland , alors on la descend quand La Loire jusqu'à Nantes ? »
Voilà, ils sont terribles ! Pas le temps de souffler !
Allez à plus !

J. est parti ce matin

Janvier 2001

J. est parti... ce matin...

Ils étaient trois à l'attendre dans le couloir...
La directrice est entrée en classe, elle lui a demandé de ranger ses affaires et de la suivre.
Il a rangé ses affaires et a quitté la classe...
Noeud dans la gorge !
Sentiment de culpabilité !
Que dire ? Que faire ?
Lâchement, j'ai griffonné l'adresse de la classe sur un post-it, j'ai couru dans le couloir pour les rattrapper avant qu'il ne quitte l'école et je lui ai glissé le mot dans le creux de la main en lui murmurant : « Ecris-nous, la classe te répondra ! »
 
C'est vrai que depuis la rentrée, il arrive en classe blanc comme un linge.
On connaît la chanson : famille très nombreuse, père en prison, mère peu présente, peu d'heures de sommeil, repas réduits, maltraitance, numéro vert, juge pour enfants, foyer d'accueil, etc...
 
J. a quitté la classe ce matin et j'ai l'impression de recevoir la misère du monde en pleine figure. Il était bien chez nous, il avait perdu toute agressivité. Oh bien sûr, il ne faisait pas de prouesses scolaires, mais était-ce si important ? En tout cas, c'était la référence de la classe en matière de jonglage. Il maniait le bâton du diable à merveille, traversait la cour en marchant sur les mains, lançait le diabolo plus haut que tous...et toujours avec un sourire comme pour mieux estomper sa pâleur...
 
C'est vrai qu'ailleurs, il va peut-être dormir, qu'ailleurs, il va manger tous les jours à sa faim...
En tout cas, ce matin, je ne me sens pas très joyeux. Et puis, que dire au reste de la classe ? En parler ? Cacher pudiquement ou lâchement ? Faire l'autruche ? Expliquer ? Jouer la transparence ? Faire une belle leçon de morale dégoûlinante d'humanisme frelaté sur les mauvais parents et la bonne école petite soeur des pauvres...
 
Et vous, que feriez-vous ???
 
Dominique Tiberi

L'horloge

Janvier 2001
J’ai superposé à mon emploi du temps, une véritable horloge. L’aiguille des heures est prolongée et munie d’une flèche qui indique les différents moments de la journée. Y figurent, les temps d’accueil, les différents regroupements, les temps d’ateliers, de récréation, de sport, les moments où l’on quitte l’école.
 
Ainsi au fur et à mesure de la journée, l’aiguille des heures vient se positionner en face des différents moments, symbolisés par des pictogrammes et des couleurs différentes. Un trait matérialise les changements d’activités.
 
Puisque les enfants avaient tous les éléments pour pouvoir contrôler le temps, j’ai pu demander à un enfant de devenir le gardien du temps, c’est à dire d’indiquer à la classe les moments de rangement, de récréation.
 
A l’origine prévue pour quelques enfants, je me suis vite aperçu que tous les autres enfants regardaient également l’horloge. Si le gardien du temps oublie, ils le previennent.
 
Depuis, aucun enfant ne vient plus me voir pour me demander si on est le matin ou l’après-midi, pour savoir quand sera l’heure de la récréation, celle des parents. Chacun a maintenant les moyens de le vérifier par lui-même.
 
Jérôme Tcherniatinsky
Groupe départemental 75
de l’ICEM
Ecole maternelle
Long Perrier (77)



 

 

Les animachines

Janvier 2001

 

Extraits des échanges de la liste acticem
 
 
« En ce moment, nous étudions les montages électriques et nous fabriquons des "animachines" : des espèces de machines qui bougent, s'allument, volent, font du bruit ...
Voulez-vous que l'on vous envoie les photos dès qu'on les a terminées ? »
 
Classe de Cycle III
de l’école
de Rocles/Ardèche
 
ec-rocpb[arobase]inforoutes-ardeche.fr

 



 
L’avion fusée
La carcasse
La carcasse est composée de plastique, d’une tête de robot, d’un avion et d’un mixer.
Ce qui la fait bouger
Elle bouge grâce à un moteur d’une voiture télécommandée et aussi grâce à un ventilateur
Ce qui la fait s’allumer
Elle s’allume grâce à des ampoules qui sont placées dans un missile rouge et dans une tête de robot.
Les circuits
Nous avons composé quatre circuits simples.
Ils se composent de 21 volts de piles.
Son usage
Notre animachine sert à surveiller les mouches de la classe et à les écrabouiller pour qu’on soit à l’aise.
Elle vole pour surveiller les enfants s’ils sont bien coiffés.
 
Anthony, Achille et Floyd.



 
 
L’animiaouche
 
La carcasse
 
La carcasse est faite d’une bouteille, d’un téléphone, d’un mixer et d’une tête de robot.
Ce qui la fait bouger
Un moteur de mixer fait tourner la queue.
 
Ce qui la fait s’allumer et faire du bruit
 
Il y a deux ampoules qui allument les yeux, un buzzer qui fait miauler le chat.
Les circuits
Nous avons trois circuits en série. Il y a quatre petites piles et deux grosses piles (6 piles) et en tout il y a 15 volts.
Son usage
Quand il voit une souris, il lui donne un coup de queue pour l’assommer puis il la mange. Animiaouche attrape les souris et écrabouille tous les animaux qu’il voit. Quand il voit une souris, il remue la queue et allume ses yeux et quand il se jette dessus il miaule.
 
Manon, Natacha et Héloïse.



 
 
C’est moi qui ai fait ce bateau, il marche avec une pile de 4v5 qui envoie de l’énergie dans les fils électriques reliés au moteur qui fait tourner l’hélice. J’ai utilisé comme matériaux : du bois, un interrupteur, 3 fils électriques, un moteur de voiture télécommandée, une hélice et de la colle.
 
Benoît
Ecole Célestin Freinet de Triel
Adresse emel de l'école : Ecole.Hautil[arobase]ac-versailles.fr

 

Objets déclencheurs

Janvier 2001

Aiguiser la curiosité

 
Chaque semaine, le lundi, j’apporte, mais un enfant peut également proposer, une « chose curieuse » : une chignole à main, un trilobite, un fer à repasser en fonte, une poupée en bois d’Egypte, une noix de coco entière, une éponge en écorce de bouleau pour laver la vaisselle…
 
Pendant la semaine, les enfants doivent observer cet objet, se renseigner… et le samedi, on en cause.
 
Cette semaine-là, c’était un icosaèdre (un polyèdre régulier qui a 20 faces triangulaires) en verre acheté dans une « foire aux greniers ». Les enfants l’ont appelé « mille yeux, mille bouches).
 
Piège à arc en ciel, décomposition de la lumière… les pistes de travail se sont multipliées tout au long de la semaine.
 
Danielle Maltret
Classe de CP-CE1
Ecole C. Freinet
à Hérouville Saint Clair
 

 

Les enfants captifs

Janvier 2001

Chronique de l'école ordinaire

 
Les enfants captifs
 
La pédagogie a beaucoup évolué depuis quelques décennies. Dans son vocabulaire. Pas question de la changer, il suffit de la dire autrement. Le maître d'école, après être devenu instituteur, est bombardé « professeur des écoles » dont le principal avantage est d'alimenter des discussions interminables sur son féminin alors que la majorité de la profession est féminine, le travail individualisé « pédagogie différenciée », les groupes de travail « groupes de besoins », les questions qu'on se pose « problématique », le « gavage » ou comment tenter de faire boire un cheval qui n'a pas soif « didactique »...
 

 

 

Le propre des instances qui se préoccupent des jeunes est leur vélocité à utiliser les vocables nouveaux, en particulier à propos des intéressés quand ils ne sont pas là. C'est ainsi que dans un Conseil dadministration de collège j'ai entendu : « Pendant qu’ils sont captifs il faudrait former les élèves à l'orientation ».
 
Une brusque bouffée professionnelle ma rendu pensif. L'orientation, c'est comme l'amour, ça s'apprend sur le terrain avec carte et boussole. Comment s'y prendre avec des captifs ? Avec une corde très longue ? Avec un élastique ? A quel piquet nouer la longe ? Comment la financer à l'aide des crédits scolaires ? Chacun a-t-il la sienne ou tout le monde est-il amarré au même câble ? Un territoire boisé n'est-il pas un handicap ?
 
J'avais mal compris. Il ne s'agissait pas de parcours tout terrain, mais d'orientation professionnelle, bien que ce soit un peu pareil.
 
Il n'empêche que ce « captifs » m’a laissé rêveur… Ces captifs ont-ils été capturés, captivés, ou captés ? Sont-ils les prisonniers de la guerre aux jeunes ? Ont-ils été condamnés pour péché de jeunesse ? Est-ce pour mieux les emprisonner qu'un ministre de l'Éducation Nationale a décidé de mettre les élèves au centre du système éducatif ? Est-ce pour le remercier qu'on l'a nommé Premier Ministre ? La captivité donne-t-elle envie d'apprendre autre chose que les ficelles du parfait fugueur, du parfait cafteur, du parfait passif ou du parfait gardien d'enfants ? Les écoles sont-elles des stalags ? Le travail y serait-il une corvée ? La fréquentation d'au moins une prison maternelle, une prison élémentaire et une prison secondaire est-elle nécessaire à la formation d'un citoyen libre, égal et fraternel ?
 
Et si ce terme avait été lancé à bon escient par quelqu'observateur officiel particulièrement clairvoyant et perspicace ? Il a vu. Il dit : « A l'école les jeunes sont captifs ». Il ne le déplore pas, il en tire parti : « profitons-en pour leur apprendre l'orientation ». Ce serait effectivement une mesure de salubrité publique de leur enseigner à se sauver intelligemment. Le choeur des Conseils d'administration reprend cette bonne idée. Il faut bien tenir compte de l'état des lieux dressé par une Autorité.
 
Et c'est tellement plus simple que d'aménager un milieu scolaire où on a besoin de venir pour apprendre, avec d'autres, en produisant !

 

Liaison CM2-6ème

Janvier 2001

 

Liaison CM2 - 6 ème :

des pratiques différentes
 
 
Jean-Paul Jourdan et Michel Barrios nous présentent ici, leurs pratiques visant à dédramatiser le passage au collège, en donnant du temps aux enfants pour découvrir un univers nouveau et l’apprivoiser petit à petit.
 
 

Depuis très longtemps, j'ai négocié avec le collège l'obtention d'une salle pour la journée (vers fin mai-début juin). J'y emmène toute ma classe (ces dernières années un cycle 3, naguère une classe unique du CP au CM2). Ce jour-là, le travail de classe consiste à découvrir le collège sous forme d'enquêtes, d'interviews d'élèves, de profs, de personnel administratif, de personnel d'entretien, de cuisiniers etc…

La salle prêtée est notre QG. A partir de là, et entre une visite du CDI, de la salle informatique et la présence de mes seuls CM2 dans un ou deux cours (maths ou français), nous faisons classe, une classe un peu particulière ayant pour thème bien sûr le collège. Cette année, les CE2 CM1 ont réussi à dessiner le plan du collège, retrouver les endroits stratégiques (vie scolaire, WC, salle audio, salle des profs, infirmerie etc...) ont trouvé les réponses au questionnaire que nous avions préparé, se sont familiarisés avec les nombreuses sonneries (celles du changement de cours, celle des récrés...), ont mangé à la cantine... Bref, ils ont épluché le collège. Et comme j'ai un cycle3, mes CM2 en étaient à leur 3 ème journée, en 3 ans… C'est comme ça tous les ans.

 Et quand j'avais une classe unique, c'était aussi très intéressant d'y amener tous les enfants, du CP au CM2. (et alors là, les mômes avaient leurs 5 journées de collège, avant d'entrer en 6ème...)

De quoi vraiment dédramatiser le passage…

 Michel Barrios

 Un aspect me frappe dans ce que raconte Michel Barrios au niveau de la gestion de la temporalité ; c'est ce qu'il dit sur l'effet de ses visites successives pendant plusieurs années. C'est efficace car c'est comme ça que les apprentissages fonctionnent.

Alors, peut-être que quand on a peu de moyens pour réaliser des visites du collège, on pourrait au moins penser commencer ces visites en CM1 ou en début de CM2 pour que l'enfant ait le temps de se faire une représentation. Deux ou trois passages répartis dans l'année seraient sans doute bien plus efficaces qu'un seul en fin d'année.

On voit bien ici que la liaison CM2/6ème, ce peut être une concertation institutionnelle et/ou un vécu direct des enfants. Il resterait à s'interroger sur les effets de nos choix pédagogiques dans le cadre de la classe de CM2 pour une bonne intégration au collège.

Jean-Paul Jourdan

 





Au tout début de l'ère Jospin, on a vu se débloquer les fonds pour les actions innovantes et l'expérimentation pour l'enseignement des langues vivantes. Nous avions monté ainsi un projet liant les deux : nous avions un intervenant payé en anglais, une aide non négligeable pour rémunérer d'autres intervenants et une aide du SIVU du secteur qui acceptait d'ouvrir le ramassage scolaire aux élèves de CM2.

Comme on ne baignait pas encore dans la psychose de la responsabilité, et comme le collège travaillait encore le samedi matin, chaque samedi, de novembre à mai, les CM2 accompagnés par un "grand du collège", prenaient le car de ramassage et venaient passer la matinée au collège.

Là, ils vivaient une matinée collège avec 3 séquences de 50 mn : une d'anglais, une de sport en général pour la découverte du gymnase et des salles de Gym et une troisième de Techno de sciences ou de musique ... L'instit du CM2 se transformait alors pour un temps en prof de Techno.

Détail amusant : dans la cour du Collège, à la récré que nous avions voulue un peu longue, on voyait dans les coins les groupes d'école se constituer. Les profs du collèges étaient chaque fois étonnés de voir à la rentrée de septembre que tout cela avait disparu et que les enfants semblaient avoir déjà une longue expérience ensemble.

Les élèves étaient enchantés, les parents étaient enchantés, les profs

estimaient gagner de 1 mois à 1 trimestre d'adaptation. Mais … les fonds ont fondu au fur et à mesure que le ministère utilisait les fonds pour éditer des tonnes de cahiers d'évaluation et des milliers de cassettes d'anglais ; les parapluies de la responsabilité se sont ouverts (pouvait-on confier les enfants à des enseignants d'autres écoles etc ; les intervenants étaient-ils qualifiés, quid du transport scolaire etc.); le collège s'est mis à travailler 4 jours par semaine en 6° 5° et le mercredi matin pour les 4° 3°...

 Depuis, les élèves sont accueillis une fois dans l'année. Par petits groupes, ils suivent une classe de 6°. Puis ils revisitent leur collège avec les parents pour l'inscription, accueillis pas des élèves plus grands.

Jean-Paul Jourdan



Michel Barrios,

instituteur de cycle III, à Montsaunés,

membre du Groupe Départemental 31 de l’ICEM.

 

Jean-Paul Jourdan,

instituteur de cycle II et III, à Gilhoc 07

 

 

Chronique de la concertation ordinaire

 

Imaginez d'abord pour bien comprendre la montagne sillonnée par l'Ardéchoise … Au confluent des vallées, le bourg. Disséminées un peu plus haut dans ma moyenne montagne, de petites écoles à une ou deux classes. Dans la vallée, le collège.

Chaque année, notre Inspecteur réunissait au collège les Instits de tout le canton. On se retrouvait ainsi dans une salle de classe. A la chaire les V.I.P : Monsieur le Principal du Collège, Monsieur l'Inspecteur, Monsieur X professeur de français, Monsieur Y professeur de mathématiques etc. Dans la salle les instits : devant les ex-bons élèves, au milieu les anonymes, au fond le grincheux de service (généralement doublé du syndicaliste) et quelques francs tireurs de la pédagogie virulents ou blasés. Ne me demandez pas où j'étais, j'ai essayé au fil des années les 3 places.

Fort heureusement, le cadre était magnifique et l'oiseau Lyre ne tardait pas à descendre.

Depuis deux ans, je ne sais pas comment cela se passe. L'an dernier parce que j'étais en congé. Cette année parce que notre Inspecteur est décédé.

C'est une façon d'imaginer la concertation ... celle des rois du discours et de la pédagogie de papier.

Je suis bien certain qu'on ne peut rencontrer ça que dans la France profonde et que rien ne peut se passer comme ça chez vous.

 

Jean-Paul Jourdan

 

Méthode naturelle et apprentissage linguistique

Janvier 2001
En novembre et décembre 1999 (numéros 113 et 114), le Nouvel Educateur publiait deux textes d’André Ouzoulias sur la lecture et son apprentissage.
 
Jean Foucambert répond, ici, aux thèses développées par celui-ci.

Les deux articles d’André Ouzoulias sur La lecture et son apprentissage parus dans les numéros 113 et 114 du Nouvel Éducateur étaient précédés d’un chapeau rappelant les positions passéistes de l’Observatoire National de la Lecture et concluant : « On imagine l’effet de ce discours sur les maîtres de CP, notamment les débutants, sur les formateurs et finalement sur les pratiques de classe. ». Mais il faudrait également imaginer l’effet du discours d’André Ouzoulias. Puis l’effet du discours sur ce discours que nous amorçons ici. De manière plus générale, ce qui est à craindre, c’est l’effet d’un certain type de recours à la « science », et particulièrement à la psychologie, dans le débat pédagogique actuel (surtitre du premier des deux articles). Car on ne peut soupçonner aucun scientifique de ne pas connaître ses classiques. Debray-Ritzen autrefois et Zorman aujourd’hui argumentent sur des résultats avérés leur approche de la dyslexie ; Sprenger-Charolles ou José Morais, et avec eux les auteurs des programmes et instructions officielles, justifient par une bibliographie abondante la nécessité d’acqué­rir au plus vite la correspondance grapho-phonologique ; André Ouzoulias s’appuie sur des travaux publiés pour renvoyer dos à dos l’approche idéo-visuelle et l’approche phonique, accusées toutes deux de ne pas envisager « qu’un enseignement du décodage soit possible en dehors des GGP ».
Qui aura raison ? Celui dont la bibliographie est la plus récente ? Force est pourtant d’observer qu’aucune recherche de psychologie n’a jamais eu le pouvoir de faire changer d’avis un pédagogue. Fort heureusement ! Car la pédagogie ne se déduit pas de la psychologie, n’en déplaise aux psycho-pédagogues. Certes, une psychologie bien tempérée, judicieusement allongée d’autres disciplines, peut « inspirer » la réflexion du pédagogue et ouvrir certaines perspectives. Mais il ne s’agira jamais que de pistes de réflexion, parfois de tâtonnement expérimental, suggérées chez quelqu’un qui, nécessairement, pense déjà, à partir de son expérience, quelque chose de la lecture. Ce qui est fondamental alors, c’est ce « capital constitué » qui accueille des informations nouvelles. Quel est-il ? Car c’est lui qui explique que le même article de psychologie provoque chez des pédagogues également informés et intelligents des effets différents, voire opposés. En réalité, ce capital, loin d’accueillir passivement des informations, va rechercher celles qui lui conviennent et repousser celles qui le dérangent, non par malhonnêteté ou insouciance, mais par impossibilité de les comprendre, au sens littéral de les prendre avec soi, de les incorporer à ce qui existe déjà pour en faire autre chose.
Réjouissons-nous donc qu’un chercheur puisse toujours justifier scientifiquement son point de vue et que cette justification à son tour n’ait aucun pouvoir de convaincre quiconque ne serait pas déjà convaincu. Venons-en alors à ce qu’il faudrait dévoiler en amont pour que la controverse, indispensable au plan scientifique, à la différence de la polémique, soit utile à tous : non pas d’abord les travaux psychologiques appelés à la rescousse mais le capital à partir duquel ils sont précisément appelés. Force est de constater que ce capital est rarement offert à discussion, comme ce qui constitue la manière dont un individu (ou un courant) aborde la question de la lecture, comme le risque qu’il prend (et qu’il fait courir aux autres) que le problème se pose et continue de se poser en de tels termes.
Ce qui est à discuter dans les articles d’André Ouzoulias, c’est, comme pour chacun d’entre nous, ce qui semble aller de soi. Ici, ce sur quoi se fonde l’articulation entre la première parti, « reconnaissance habile des mots écrits 1», et la seconde, « un apprentissage complexe », laquelle commence par ce constat « Il ne suffit évidemment pas de reconnaître les mots d’un texte pour le comprendre. ». La phrase joue ici sur le nécessaire et le suffisant pour affirmer rétroactivement, donc sans le dire, qu’on ne saurait pour autant comprendre un texte sans en reconnaître préalablement tous les mots. De cette prémisse escamotée dépend la suite : pour que le lecteur habile puisse « recon­naî­tre les mots sans y penser », l’enseignement doit permettre à l’apprenti « de mémoriser en quelques années un ‘dictionnaire mental’ de plusieurs dizaines de milliers de mots ». Mais cette mémorisation serait une entreprise infinie si on ne fournissait pas une clé qui se fonde sur les analogies et les syllabogrammes, lesquels donnent accès, de manière implicite et non de manière explicite comme le recommande à tort l’ouvrage de l’ONL, à la découverte des CGP et du principe alphabétique. En quelque sorte, un « apprentissage naturel du décodage », ce qui doit rassurer les lecteurs du Nouvel Éducateur.
Le tout est de passer vite sur le postulat de départ : il y a 2 composantes dans l’activité de lecture, la reconnaissance des mots un par un, la compréhension du texte. Certes, « ces deux composantes (compréhension et reconnaissance) interagissent dans le développement de la capacité de lecture » mais le fait même qu’elles interagissent dit assez qu’elles sont distinctes. D’ailleurs deux auteurs américains n’ont-ils pas montré que pour améliorer la compréhension en lecture, il fallait améliorer la reconnaissance des mots écrits ? Bien sûr, le risque existe que surgisse à l’esprit d’un enseignant qui a lu Freinet ne serait-ce qu’un soupçon sur la légitimité de séparer perception et sens. Mais ce risque est à courir : éloigner reconnaissance des mots et compréhension de l’écrit, permet de rapprocher reconnaissance des mots écrits et compréhension des mots oraux et de revenir alors à un schéma qui ne diffère des positions de l’ONL que sur le point de l’accès implicite ou explicite au principe alphabétique.
Dès lors comment s’y prend André Ouzoulias ? Il commence par un sous-titre « Nous ne devinons pas les mots » qui cherche un accord facile contre ceux qui auraient nié le scrupuleux et indispensable respect de l’infor­mation graphique qui constitue le texte et que le lecteur n’a pas le pouvoir d’inventer selon sa fantaisie. Mais est-ce bien cela qu’a jamais dit Goodman ? C’est le même genre d’escamotage rhétorique que ce par quoi commence le livre de l’ONL (« l’apprentissage de la lecture n’est ni naturel ni surnaturel ! »). Vient ensuite l’arme scientifique absolue : « on sait maintenant ». Et que sait-on maintenant que d’autres s’obstineraient à ignorer ? On sait « que le lecteur habile fixe presque tous les mots d’un texte. »). Mieux vaudrait pourtant y regarder de près ! D’une part, il est exceptionnel dans la littérature spécialisée que ce genre d’observations soit lié à l’habileté de lecture et encore moins à la prise en compte de la vitesse. Une fixation par mot correspond en gros à une vitesse de 9 à 10000 mots/heure (la vitesse de l’oralisation) ; le lecteur habile va 2 ou 3 fois plus vite. Comme ce n’est pas la durée de la fixation qui diminue, il est probable que chaque fixation englobe plusieurs mots. Ce n’est donc pas la même chose de soutenir que tous les mots d’un texte sont pris en compte et d’affirmer que tous les mots font l’objet d’une fixation et d’une identification distinctes. D’autre part, de nombreuses recherches indiquent que le lecteur, même sans être très habile, traite simultanément beaucoup plus d’in­for­mations que celles contenues dans la seule zone de vision nette, notamment à droite de celle-ci. De telle sorte qu’il semble prélever de l’information sur des mots qu’il ne ‘voit’ pas encore pour se préparer à les ‘reconnaître’ lorsqu’ils viendront sous son regard. Ce serait vraiment pratique si la lecture reposait sur un automatisme qui fait qu’à « chaque fixation, le lecteur compare le mot écrit qu’il perçoit aux informations contenues dans sa mémoire orthographique » et que, « s’il y a correspondance, il récupère d’emblée la signification de ces mots » ! Puis il en ferait la somme pour passer de la signification à la compréhension. Le cerveau fonctionnant comme un ordinateur, il resterait simplement à le programmer !
Mais que peut bien vouloir dire : récupérer d’emblée la signification du mot ‘est’, du mot ‘fils’, ‘as’, ‘les’, mentions’, ‘orange’ en les comparant aux informations de la mémoire orthographique ? La signification d’un mot, en situation de lecture, est impossible à récupérer indépendamment de l’information contextuelle locale de nature grammaticale, sémantique, textuelle, etc., au point que reconnaître et comprendre semblent plutôt être une seule et même opération que des opérations successives.
Pour des raisons en partie techniques, les protocoles de recherche ont longtemps privilégié ce qui se passe avec des mots isolés, faute de pouvoir observer les processus à l’œuvre en situation réelle. Aujourd’hui, les modèles dit de « lecture structurale » mettent notamment l’accent sur le rôle premier de la syntaxe dans le parcours du lecteur. Dès le début de la phrase, un modèle syntaxique serait élaboré, constamment réévalué par le déplacement au sein du matériau phrastique. Une grande place est faite au rôle des mots outils, autour desquels se structure, de manière très rapide, la conscience de la phrase qui permet d’aller chercher et d’intégrer, dans un second temps, les informations sémantiques. « Dans cette organisation, les éléments qui convoient la structure de la phrase, jouent le rôle de squelette cognitif qui supporte et organise les éléments sémantiquement riches 2». Cette activation très rapide d’une structure dans laquelle va s’organiser le sens du propos, est probablement facilitée par une pré-vision parafovéale du texte. Même si la structure reste largement transparente au lecteur, c’est elle qui organise l’activation lexicale. On est loin d’un déplacement séquentiel mot à mot qui vise à récupérer des significations dont la concaténation aboutirait enfin à la découverte de l’ensemble.
L’étude de la lecture, considérée comme une activité cérébrale supérieure, est évidemment traversée par les courants philosophiques qui s’affrontent dans l’étude des comportements humains. Soit le cerveau est considéré comme une machine qui traite de manière séquentielle les informations perçues par le système sensoriel (en essayant de réduire ces informations en unités plus petites pour pouvoir les traiter par des modules séparés), soit le cerveau est appréhendé comme une entité qui prévoit, en le jouant à l’avance, ce qui va se passer et sélectionne en conséquence de manière active les informations. Être contraint d’appréhender et de traiter les mots les uns après les autres, quasiment en aveugle, les reconnaître de manière isolée, sans faire référence à la situation en cours est un bon exemple d’une conception binaire du fonctionnement cérébral. « Il faut partir, objecte Alain Berthoz 3, du but que poursuit l’organisme et comprendre comment le cerveau va interroger les capteurs en en réglant la sensibilité, en combinant les messages, en en préspécifiant des valeurs estimées en fonction d’une simulation interne des conséquences attendues de l’action. » Dans cette perspective, anticiper, construire des modèles, évaluer où doit se prendre l’in­formation en fonction de l’action entreprise, des conditions locales et de l’évolution permanente du but assigné sont les comportements mis en évidence par les modèles théoriques qui considèrent que le cerveau projette sur le monde ses interrogations pour réaliser des opérations mentales de prédiction et choisir la plus appropriées par un ajustement permanent. Comment ne pas prêter au lecteur habile en situation de lecture de texte et à l’enfant en train d’apprendre à lire, au moins la complexité des modes de fonctionnement du cormoran plongeant pour atteindre sa proie ?
Finalement, que tentent donc de soustraire au débat les 30 premières lignes de l’ar­ticle d’André Ouzoulias, lequel présente comme établie scientifiquement l’identification des mots à partir de leur adressage automatisé dans un lexique mental dont la constitution serait à construire, lors de l’apprentissage, par le recours au décodage ? Dans la pédagogie de la lecture, comme dans l’enseignement des langues étrangères, comme dans les débats autour du bilinguisme, comme pour tous les comportements qui se construisent en interaction avec du social et du scolaire, le risque est grand que le témoignage de la psychologie vienne souvent cautionner les pratiques existantes puisque cette discipline n’a guère d’autre alternative que d’observer ce qu’elles produisent en étant légitimement encline à le présenter comme ‘naturel’, ne serait-ce que pour ne pas relativiser sa propre légitimité.
Ce qui rend encore plus intolérable l’argument d’autorité qui masque la problématique des recherches en cours. Ainsi en est-il de ces ‘idéogrammes’ qui, contrairement à ce que dit Foucambert, ne sont même pas muets ! « Les résultats des expériences sur les toutes premières millisecondes de lecture, prétend Ouzoulias, indiquent que la phonologie du mot est activée avant sa signification. » De nombreuses recherches portent en effet sur l’obser­vation des aires cérébrales pendant la résolution de tâches expérimentales. On a notamment observé que les zones habituellement à l’œuvre dans la prononciation de mots sont également « allumées » lors d’épreu­ves de lecture de mots, aussi bien dans les langues idéo­visuelles comme le chinois que dans nos langues alphabétiques. Mais ces zones phonologiques sont activées après les zones sémantiques, comme le montre ce graphique issu des travaux de Posner. Les ‘idéogrammes’ activent certes un référentiel sonore. Mais, contrairement à ce qu’affirme André Ouzoulias, cette activation est postérieure à la reconnaissance sémantique du mot, comme une conséquence de sa compréhension, et non comme une cause ou une condition. En Chinois, comme en Anglais ou en Français, c’est parce qu’une unité graphique est identifiée comme unité de signification qu’elle devient prononçable et que s’active alors, avec un léger décalage, la zone phonologique ; et non l’inverse. Franchement, tant mieux qu’il en soit ainsi dans les laboratoires mais cela a-t-il vraiment de quoi bouleverser un éducateur nourri de « psychologie sensible » et donc soucieux d’aider l’enfant à édifier ses automatismes de lecteur sur sa compréhension et son intelligence des textes ? Notons encore sur ce graphique que le traitement de la forme générale du mot est encore et évidemment antérieur. Cette forme générale (silhouette) semble même suffisante pour reconnaître un mot sous la condition d’un double amorçage sémantique et syntaxique, qui n’est rien d’autre que le contexte 4. Là, on n’est plus en train de lire des mots isolés mais un texte. On est en train de lire vraiment ! Ce que bien peu de travaux se donne les moyens d’étudier.
Tout cela pour dire que le choix que fait André Ouzoulias de la voie indirecte est un choix pédagogique délibéré (plutôt que libre) et non une conséquence imposée par l’état actuel du savoir psychologique. Qu’il l’assume donc comme tel et qu’il le soumette, s’il le souhaite, à l’appréciation de ceux qui travaillent dans la voie ouverte par Freinet. Mais craint-il donc à ce point leur désaveu qu’il lui faille leur imposer cette ‘mise en condition psychologique’, doublement suspecte, une première fois en omettant toutes les recherches qui ne vont pas dans son sens, une seconde fois, en faisant jouer à la psychologie le rôle ridicule d’avoir à fonder le geste éducatif ? Le choix qui est le sien de la voie indirecte pour enseigner la lecture trouve son origine dans la représentation d’un écrit qui ne serait pas directement un signifiant dialoguant avec du signifié mais initialement le codage de ce langage ‘premier’ que serait l’oral. Ce phonocentrisme considère l’écrit d’abord comme un système de notation de la langue. Certes, le lecteur habile, entraîné pendant plusieurs années, ne se livrerait plus pour chaque mot à son décodage afin de le reconnaître : il se serait constitué progressivement un lexique écrit auquel il accéderait directement. Mais ce qui caractérise l’apprenti, c’est qu’il lui faut d’abord se constituer ce lexique écrit ; et qu’il va le faire à partir du lexique oral déjà présent en utilisant (parce qu’il les trouve ou qu’on les lui donne) des règles et des unités communes entre l’oral et l’écrit qui vont lui faire faire l’économie de la mémorisation distincte de chaque nouveau mot…
Nous pourrions paradoxalement discuter ce modèle en rappelant que même les psychologues qui le soutiennent reconnaissent qu’on ne peut expliquer comment l’apprenti, pour devenir habile, passe de la voie indirecte à la voie directe. Sans doute parce que ces deux voies ne sont pas dans le prolongement fonctionnel l’une de l’autre. Et qu’elles se développent parallèlement. Au pédagogue de se demander alors ce qu’il fait pour chacune d’elle et pourquoi il mobilise autant d’énergie autour de la voie qui doit disparaître ! Où est la frontière entre dialectique et mauvaise foi lorsqu’on suppose que « l’apprentissage de la voie indirecte est nécessaire à son propre déclin fonctionnel » ? Ne pourrait-on plus simplement faire l’hypothèse que la voie directe utilisée par le lecteur expert est l’aboutissement ‘naturel’ de la voie directe à l’œuvre chez l’apprenti ? Si le déclin de la voie indirecte est nécessaire pour utiliser efficacement l’écrit, n’est-ce pas simplement parce qu’aucun comportement linguistique ne s’acquiert et ne s’exerce jamais par elle et non parce qu’elle en prépare une autre ? D’où vient alors cet acharnement à l’enseigner ?
La pédagogie de la lecture, soutenue aujourd’hui par André Ouzoulias comme par les auteurs que publie l’ONL, s’appuie sur le présupposé qui présidait autrefois à l’enseignement d’une langue étrangère : on construit le code de la langue cible à partir du code de la langue maternelle. Aussi, semblait-il nécessaire d’être bon en grammaire française pour apprendre l’allemand. Par chance, cette condition souhaitée dans tous les collèges français ne semblait pas déterminante pour les nourrissons allemands apprenant à parler dans leur famille ! Condition pour enseigner ou condition pour apprendre ? Ce qui caractérise un apprentissage linguistique, c’est que c’est à travers le message qu’on accède au code et non à travers un autre code.
Partir à la conquête de l’écrit, est-ce faire un apprentissage linguistique ? Il m’a semblé que oui dès que j’ai lu Freinet.
Jean Foucambert, INRP
 
1-Les phrases en italiques sont extraites des articles parus dans le NE.
2-KORIAT, A., & GREENBERG, S. 1996. The Enhancement Effect in Letter Detection : Further Evidence for the structural Model of Reading . Journal of Experimental Psychology : Learning, Memory and Cognition, 22, 1184-1195
3-Alain Berthoz dirige au Collège de France le laboratoire de la perception et de l’action. Il a publié en 1996 chez Odile Jacob : Le sens du mouvement
4-FOUCAMBERT D, FOUCAMBERT J. Empans et silhouettes, Les actes de lecture, 49 : 84-110, 1995.
À noter également le retour de la ‘théorie de le Forme’ dans les recherches psychologiques (cf. la revue de l’association pour la recherche cognitive : Intellectica, 1999, n°28 vol 1).

Une journée à l'école Freinet de Mexico

Janvier 2001
Mexique

 

Étudiante en Licence de Sciences de l'Education et intéressée par les méthodes actives, Emilie DEROIN-THEVENIN a profité de son voyage au Mexique en 1997 pour voir ce qu'il en était des méthodes Freinet outre-atlantique.
 
Graciela Gonzalez de Tapia lui a fait visiter l’école Manuel Bartolome Cossio.
 
 
 
L'école, créée en 1964 par José et Graciela de Tapia, se trouve au sud de la ville, dans un quartier paisible. Les 280 enfants, âgés de 3 à 12 ans, sont répartis en six niveaux. Ils ont cours de 9h30 à 14h00 avec une récréation de 11h00 à 11h30. L'après-midi est libre et nombreux l'occupent en pratiquant un sport. Le cadre est agréable : les salles de classes, maisonnettes colorées encadrées d'arbustes et de massifs de fleurs égaient la cour de l'école. Les élèves sont issus d'un milieu social aisé puisque l'école est privée et payante.
 
Les activités de l'école
 
La bibliothèque se trouve dans la salle des professeurs de manière à ce que les enfants ayant des recherches à faire puissent leur demander conseil quand ils en ont besoin.
 
Un petit musée a été aménagé ; les thèmes de l'exposition varient tous les deux ans. Cette année les enfants ont fait des recherches sur la culture du maïs, les continents, et les poteries des civilisations anciennes. Un espace est consacré à José de Tapia, surnommé «pépé»; des affaires personnelles y sont exposées et chaque année, le 2 octobre, jour de son anniversaire, des offrandes lui sont déposées. Plus qu'un hommage, on voue un véritable culte au fondateur de l'école.
 
En ce qui concerne l'imprimerie, la vieille presse de l'école a été remplacée par l'ordinateur.
 
Chaque année l'école organise un voyage d'une semaine au cours duquel les élèves de 3ème et de 4ème niveau (8, 9 ans) découvrent les activités économiques d'une région de leur pays : les fermes spécialisées ou les fabriques de Veracruz, de Tuxtla Gutierez, les mines du nord... Ils sont hébergés par leurs correspondants "Freinet" qui viennent à leur tour découvrir la capitale pendant une semaine.
 
Lors du spectacle de fin d'année, des concerts et des expositions sont organisées.
 
Les professeurs spécialisés
 
Ils circulent de classe en classe pour faire de petites conférences sur la chimie, la physique ou la géométrie. Les cours d'informatique, de musique et de sport sont dispensés dans des salles spécialement aménagées. Le jour de ma visite, un biologiste parlait de la pigmentation de la peau et des albinos.
La coopérative
 
C'est une sorte de petite épicerie qui se trouve dans la cour de l'école. L'élève responsable de la coopérative est élu pour l'année lors du conseil de l'école par les élèves et les professeurs réunis. Cette année c'est Frida, une fille de 10 ans (5ème niveau). Elle donne à quelques enfants - à partir du 3ème niveau (7, 8 ans) - des petits cartons remplis de crayons, de boissons et de friandises qu'ils vendent à leurs camarades dans la cour, ceci afin d'éviter d'éventuelles bousculades à la coopérative. Puis ils rapportent les cartons vides (ou non) avec l'argent de la vente. Si les petits de 7, 8, 9 ans ne rapportent pas la somme exacte, on considère qu'ils ont fait une faute de calcul et sont blâmés par un "avertissement" ; au bout de trois, ils n'ont plus le droit d'exercer cette fonction. Pour les plus grands, ils doivent payer de leur poche la différence. Ils sont chargés également d'aider les plus jeunes à gérer leur compte. Les enfants peuvent aussi vendre des objets personnels à la coopérative. Avec l'aide de la comptable de l'école, Frida tient le livre des comptes des produits vendus et achetés dans la journée.
 
Les conseils
 
Il y a deux conseils à Bartolome Cossio : celui de l'école, "la asemblea", et celui de la classe d'Elisa, "la asemblea semanal".
 
"Ainsi nous créons un esprit de démocratie, de justice et de responsabilité qui aide les enfants à grandir.(1)"
 
Lors de "la asemblea", tout le monde se réunit sauf les plus petits (3, 4 et 5 ans). Un président et un secrétaire sont élus pour assurer le bon déroulement de la séance. On y vote les décisions de sorties, les voyages chez les correspondants et l'élection de la responsable de la coopérative…
La "asemblea semanal" n'existe que dans une classe, celle du 4ème niveau (8, 9 ans).
 
La classe d'Elisa
 
Les murs de la classe d'Elisa sont tapissés des lettres de correspondants et de panneaux relatant les événements marquants de la vie de chaque enfant. Dans ce cadre familier, le lundi, "el dia del gobierno", se déroule le conseil pendant 20 minutes après la récréation. Un président et deux secrétaires sont nommés en début d'année par des camarades qu'ils connaissent depuis l'année précédente.
 
Un secrétaire lit le résumé du dernier conseil devant toute la classe. Puis la présidente (qui est aussi la responsable de la coopérative) déclare le conseil ouvert et informe la classe du contenu de chaque papier signé et déposé dans l'urne au cours de la semaine. L'enfant ayant déposé un papier doit se lever pour en expliquer les motifs. On y retrouve des critiques et des félicitations (qui n'entrainent ni récompense ni punition en argent ou en points quelconques) et des propositions d'activités ou de sorties pour lesquelles un vote est organisé. Le second secrétaire écrit au tableau le programme d'activités et du travail de la semaine défini par les élèves.
 
La présidente régule les interventions en interrogeant ceux qui ont la main levée, y compris la professeur.
 
Tous les jeudis, des groupes de deux ou trois élèves préparent des "conferencias", sortes de petits exposés sur un thème libre, préparés en bibliothèque et pouvant faire l'objet d'une sortie ou d'un article de journal. Il peut s'agir du journal de la classe où est inscrit le travail quotidien, ou du journal "el cienpiés", rédigé par les élèves de diverses écoles privées pratiquant des méthodes actives.
 
 
 
1-Extrait de la revue des professeurs de l'école, le Correo del maestro, n°10, mars 97.
 
 
 
Entretien avec
Graciela Gonzales de Tapia
 
Est-ce la méthode Freinet française qui est appliquée dans votre établissement ou bien avez-vous mis en place une pédagogie Freinet mexicaine ?
 
Il n'existe pas de pédagogie Freinet mexicaine pas plus qu'il n'y a de pédagogie Freinet française. Chaque classe Freinet est différente ; tout dépend du professeur, des élèves et de leur milieu social.
 
Ce qui caractérise la technique Freinet c'est sa grande souplesse ; elle peut s'utiliser dans tous les pays du monde, dans n'importe quelle situation.
 
Finalement on peut dire que les méthodes Freinet transmettent avant tout des valeurs universelles telles que le respect, l'autonomie et la responsabilité.
 
Y a t'il une valeur que vous privilégiez particulièrement dans votre établissement ?
 
J’accorde beaucoup d'importance aux relations affectives qui sont très difficiles à gérer. La première idée-force de José de Tapia était de ne pas se contenter de dire les choses mais de les faire, la seconde était de développer la créativité.
 
Les enseignants bénéficient-ils d'une formation spéciale ?
 
Tous les profs ont passé le concours national, ils sont l'équivalent de vos (ex) normaliens. Pour maintenir un bon niveau de connaissances, ils doivent compléter leur formation en effectuant des sorties ou bien en assistant à des séminaires qu'organisent des parents d'élèves. Ceux-ci participent beaucoup à la vie de l'école.
 
Une réunion mensuelle est organisée avec l'ensemble des professeurs afin de discuter du projet pédagogique de l'école, des problèmes rencontrés...
 
En fait les professeurs se fondent dans l'esprit de l'école sans qu'il y ait de formation spéciale académique.
 
Chacun de nous arrive à l'école avec sa propre formation morale et sa propre hiérarchie de valeurs que l'esprit de l'école nous permet d'analyser. Nous prenons conscience que cette formation morale s'enrichit en parallèle avec celle des enfants. Si nous voulons que les enfants acquièrent un certain nombre de valeurs nous devons d'abord vérifier que nous les avons intériorisées.
 
« On ne peut pas donner ce qu'on n'a pas ; pour développer le respect, il faut être respectueux. La formation morale ne s'enseigne pas, elle se vit et sans elle il ne peut y avoir de formation humaine authentique (1)».
 
Quelle est l'histoire de la diffusion des méthodes Freinet au Mexique ?
Dès le début de sa carrière en Espagne, mon mari José de Tapia, décédé en 1993, utilisa les techniques Freinet et notamment l'imprimerie. Il a connu les camps d’internement en France pendant la guerre civile d'Espagne et en même temps qu'il devait travailler pour les allemands, il était maquisard. A la fin de la guerre civile il décida de suivre son ami, exilé au Mexique, Patricio Redondo qui avait créé "la escuela expérimental Freinet" dans l'état de Veracruz. Il a fait partie de la vague d'immigrés espagnols qui arrivèrent au Mexique à partir de 1939. Puis nous nous sommes rencontrés. Moi-même ayant fait un stage en France sur les techniques Freinet, je lui ai proposé de fonder une école privée où nous serions plus libres d'appliquer les techniques Freinet. D'autres prirent le relais dans de nombreux états du Mexique: Baja California, Chiapas etc.
Pendant un temps il y avait aussi de nombreuses classes Freinet à Cuba. Actuellement elles n'existent plus car l'appartenance politique de Freinet au communisme lui causa des problèmes en France et affecta pour un temps son mouvement. Je possède quelques textes libres sur la révolution cubaine et c'est très émouvant de voir comment les enfants la percevaient.
 
Ici, comment est perçue la pédagogie Freinet? En France certains disent qu'elle est dépassée.
 
Tout se dit sur la pédagogie Freinet : qu'elle est dépassée, qu'elle est la pédagogie du futur, qu'elle ne s'applique qu'avec des enfants doués ou qu'au contraire elle n'est valable que pour les classes de réadaptation. A chacun sa version.
 
1-Extrait de la revue Correo del maestro, n°10 mars 1997.
 
 
 
Bref aperçu de l’éducation
au Mexique
 
Au Mexique où tous les enfants n'ont pas la possibilité d'aller à l'école, les élèves de Bartolome Cossio font figure de privilégiés. La directrice est fière de développer les valeurs de la démocratie dans un pays où elles ne sont pas vraiment respectées. Grâce aux conseils et aux élections, les enfants apprennent à défendre leurs droits.
 
L'Etat autorise les initiatives privées qui en s'occupant de l'instruction des enfants des classes moyennes le seconde dans sa lourde tâche. Pourtant il reste défaillant et des milliers d'enfants sont dans la rue toute la journée. Très tôt, ces enfants apprennent à gagner leur vie par eux-mêmes en effectuant de petits travaux. En renonçant à l'école ils sauvent ce qu'ils arrivent à gagner péniblement aujourd'hui, mais sacrifient tout espoir de promotion sociale pour l'avenir.
 
Il ne semble pas y avoir de politique de fond menée par l'Etat pour donner aux enfants les mêmes chances d'accès à l'éducation. En revanche de petites opérations ponctuelles menées ici et là témoignent d'une prise de conscience de l'importance de l'instruction et d'un intérêt certain pour la vie éducative des jeunes.
 
Le 6 juillet 1997 ont eu lieu les élections législatives. Pour la première fois les habitants de Mexico allaient élire leur propre gouverneur. Pour la première fois aussi les enfants âgés de 6 à 12 ans allaient voter; ils avaient à choisir la mesure, qui à leurs yeux, devait être prise en priorité par le gouvernement : la lutte contre la pollution, une alimentation saine, l'interdiction du travail pour les enfants en-dessous de l'âge légal...
 
A cette occasion, chaque classe de son établissement a rédigé un petit fascicule à l'attention du nouveau gouvernement dans lequel les élèves exprimaient leurs souhaits (abolition du travail pour les enfants...).
 
Une exposition sur le droit des enfants organisée par l'UNICEF s'est tenue au Musée d'Anthropologie de Mexico : des textes, des photos et des reportages dénonçaient le travail des enfants causant la maladie ou la mort de la plupart d'entre eux, volant leur enfance et leur dignité. Ils rappelaient également le droit d'avoir un nom, de quoi manger, du temps pour jouer ainsi que le droit à l'éducation.
 
Dans le métro des affiches indiquent que des concours de dessin sont régulièrement organisés par la ville pour les enfants de 6 à 12 ans.
 
Des messages sur la vie politique, économique et sociale sont peints sur les murs de la ville ; I'un d'eux disait "La éducation ayuda a vivir" (L'éducation aide à vivre).
 
Au niveau de l'enseignement supérieur nombreux sont les étudiants qui n'ont pas de place à l' université. Un concours d'entrée est censé sélectionner les meilleurs, mais beaucoup y accèdent grâce à leurs "relations".
 
Finalement, du début à la fin de leur parcours, les études de qualité semblent réservées à la même classe sociale, celle des privilégiés.
 
Pour conclure sur une note optimiste, laissons la parole à José de Tapia qui utilisait la métaphore de la métamorphose du papillon pour évoquer l'évolution des choses :
« Du flou et de l'incompréhension du monde actuel naîtra un monde meilleur. »
 
Emilie DEROIN-THEVENIN

 



 



Emilie DEROIN-THEVENIN,
étudiante en Sciences
de l’éducation