Etre peintre avec seulement quelques mots

Juin 1998

 

 


CréAtions 82 - Créer avec le corps - publié en mai-juin 1998

Lycée professionnel Jean Moulin, Le Blanc-Mesnil (Seine Saint-Denis) – Céline Baliki, professeur de lettres, Josep Rossetto, proviseur adjoint.

Etre peintre avec seulement quelques mots…



L’atelier Art et écriture n’est pas un lieu ou l’on apprend le nom des peintres et des poètes mais un voyage à travers l’exploration des images et des mots. Nous délaissons toute étude purement technique : les recherches sur la composition, les couleurs ou la perspective sont trop scolaires et les questions posées sur ces thèmes induisent les réponses que nous attendons, sans favoriser l’expression. Nous disons simplement la lumière et l’ombre ici ou là sur le visage, le regard… A partir d’un morceau d’image, d’une forme née parfois de la seule intuition, nous nous laissons aller à la rêverie.

 

L'art comme médiation

Avant de passer à l’écriture, nous observons pendant plusieurs semaines les œuvres de la renaissance italienne, florentine ou vénitienne. L’Italie est la terre des images par excellence. Le choc pour les élèves est d’autant plus violent que ces images sont à l’opposé de celles qu’ils perçoivent habituellement et qui montrent désastres et massacres. L’atelier art « n’est pas un cours » comme disent les élèves, il sort « du système scolaire », c’est un lieu où « l’on apprend à voyager, rêver, imaginer à travers l‘écriture et la peinture… ». Les images et les mots sont donc un ailleurs. Mais nous ne voulons pas fuir un présent difficile pour nous réfugier dans un ailleurs utopique : en puisant dans les images et la pensée de la Renaissance italienne, nous cherchons à comprendre le monde que nous vivons. La Renaissance est une époque de rénovation de la pensée, de la société et de la vie. Le culte de la beauté, la connaissance, la philosophie de l’amour, la recherche d’une cité harmonieuse et idéale ont eu pour conséquence d’élever l’esprit humain. L’art est un savoir qui a transformé la société.
Nous suscitons l’envie de l’élève en le faisant construire lui-même et de façon progressive ses propres connaissances. Nous favorisons sa réflexion en reliant la recherche sur Renaissance au monde dans lequel nous vivons. Ainsi les thèmes de l’harmonie avec la nature dans les jardins Médicéens et les fleurs de La Primavera ont été l’occasion d’aborder les déséquilibres écologiques qui mettent en danger la planète. Nous avons beaucoup parlé d’amour à partir de L’Amour sacré, l’Amour profane de Titien : « Aimer, c’est sortir de soi, se déposséder pour atteindre l’autre, établir le partage… »
Au départ, les élèves n’ont pratiquement aucune connaissance artistique ou historique.


Sonia, élève de terminale BEP a dit de l’atelier : « Que dire, que c’est magnifique, qu’on voyage et qu’on rêve, tout le monde le sait… Mais peut-être tout le monde ne sait qu’on est un autre univers, que nous suivons le chemin d’une autre vie… Ne dites rien, fermez les yeux et écoutez. »

Après l’étude approfondie des œuvres de Giorgione, partant d’un fait historique, nous avons commencé à écrire La Storia di Chiara : Chiara, jeune femme solitaire, hors du monde, est envoyée par Isabelle d’Este au mois de mai 1510 à Venise pour rechercher une toile de Giorgione quelques jours après sa mort. La découverte de l’atelier du peintre et d’un visage inconnu vont provoquer une brisure… Chiara cherche l’absolu, trouve sur son chemin des toiles qui n’existent pas, découvre des couleurs jamais vues qui sont les lieux de la mémoire, des rêves de l’enfance et de la poésie.

 

Le module art est un moyen d’évasion de l’esprit. Il nous permet de nous évader, de quitter le domaine de l’école. Il permet d’écrire en toute liberté.  Viviane

L’atelier art et écriture est un lieu où j’ai appris à voyager, rêver, imaginer à travers l’écriture (la nouvelle), la peinture (tableaux : Le Printemps, La Tempête, Le Concert champêtre, etc.) et d’individus historiques (Giorgione, Isabelle d’Este). Maryline

J’ai beaucoup aimé lorsqu’on étudiait les tableaux. Je pense que lorsque je verrai des tableaux hors des cours, je les regarderai plus profondément, je voudrai connaître leur signification. La musique du temps de Laurent de Médicis m’a plus. Cela m’a permis d’écouter un autre genre de musique.  Donut

Le module n’est pas un cours comme les autres, ce n’est d’abord pas un cours car chacun de nous apporte quelque chose à l’autre. Chacun fait part de ses connaissances et de ses talents d’écriture, on y parle de peinture, de philosophie, on écoute même de la musique et des poèmes. On y apprend avec plaisir, chaque semaine il y a quelque chose à découvrir. Arlène

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