L'Educateur Prolétarien n° 17 - année 1935-1936

Juin 1936

 

Vers un nouveau plan d'études français

Juin 1936

Les éducateurs populaires failliraient à leur tâche s'ils ne savaient utiliser pour les fins éducatives qui nous passionnent le puissant courant revendicatif qui secoue les masses victorieuses. Dans ce domaine aussi des réformes urgentes s'imposent. Lesquelles?
Il y a deux aspects que nous ne saurions arbitrairement séparer dans l'organisation ou la réorganisation de l'enseignement. Nous avons toujours dit la portée prépondérante sur l'évolution pédagogique des améliorations administratives morales et surtout matérielles : décharge des classes, donc création de nouvelles classes par la nomination d'instituteurs sans travail, construction de locaux, prolongation de la scolarité, organisation de l'enseignement du 2d degré, de l'enseignement technique, de l'orientation professionnelle, de la post-école.

Le gouvernement du Front Populaire a voulu faire un geste en demandant la prolongation de la scolarité. Nous espérons qu'on n'oubliera pas que ce n'est là qu'un geste, et, que ce geste fait, tout reste encore à réorganiser dans l'enseignement populaire.

Mais ce côté administratif, dont nous sommes cependant loin de nous désintéresser, est plutôt du ressort des syndicats. Nous nous attacherons davantage, nous, à l'examen de la réorganisation pédagogique, que tout le monde désire, mais pour laquelle manquent totalement les suggestions et directives susceptibles d'influer, le cas échéant, sur les décisions gouvernementales.

Nous réserverons aujourd'hui, pour la traiter séparément, la grave question du certificat d'études et des années de scolarité qui le précèdent directement, soit 11 et 12 ans, période pendant laquelle, dans l 'organisation actuelle, il nous faut dévier nos efforts et procéder, plus ou moins, au bourrage systématique qui assurera le succès à l'examen. La question est délicate parce que liée à des considérations extra-scolaires dont nous ne méconnaissons pas la gravité.

Mais il est une période éminemment plus favorable à la réforme pédagogique : c'est celle qui concente les quatre ou cinq premières années d'études primaires, de 5 et 6 ans à 10 ans.

Nous avons, pour ce degré, l'exemple précieux de la grande et récente réforme pédagogique belge, que nous citerons longuement pour montrer comment, en France encore plus qu'en Belgique, un nouveau plan d'études s'impose.

Les considérants de la circulaire ministérielle belge seraient bons à citer:

« Afin de conserver à l'enseignement primaire la caractère concret et cohérent qui doit être le sien, nous estimons que les leçons de géographie, d'histoire et de sciences naturelles peuvent être en quelque sorte confondues dans une seule et même rubrique: exercices d'observation.
» Au cours des quatre premières années d'études, ces exercices bien conduits fourniront aux élèves un bagage sérieux de connaissances, les mettront en contact direct avec le monde extérieur et développeront leur esprit d'observation et de recherche.
» Le milieu direct auquel l'enfant s'intéresse et qui le sollicite de toutes parts prodiguera la matière de tout cet enseignement. Le choix de la matière n'aura rien d'absolu et le programme des exercices d'observation sera établi en fonction du milieu et des circonstances. Cet enseignement sans ambitions scientifiques n'aura donc rien de systématique ni de rigide. Il ne peut s'agir au fond que d'une modeste initiation par une série de leçons judicieuses au cours desquelles l'esprit de l'enfant sera mis en contact avec les phénomènes et leurs effets pratiques sans s'égarer dans une outrecuidante recherche des causes.
» L'observation des choses dans le milieu ambiant enrichira l'expérience de l'enfant et fournira l'occasion de lui apprendre à exprimer sa pensée. Au cours des exercices d'observation, la langue maternelle sera toujours à l'honneur.
» Observer les êtres vivants, les choses et les faits et y appliquer les moyens d'expression, constituent un seul et même progrès.
» L'enfant exprimera par la parole et l'écriture ce qu'il aura vu, constaté, expérimenté. Mais les autres moyens d'expression, tels que le dessin, le modelage et le travail manuel ne seront pas négligés. Ainsi toute une série d'intérêts jaillissent et gravitent autour d'une idée et un beau travail d'association et de concentration se fait en profondeur.
» En résumé, au cours des quatre premières années d'études, la langue matérielle et l'arithmétique seront au premier plan des préoccupations et on visera à des résultats nettement déterminés et contrôlables. Un barême de connaissances pourrait être établi, afin que le but à atteindre soit défini avec précision.
» A partir de la 5e année d'études, les matières seront progressivement élargies et plus systématiquement organisées. C'est une autre étape à parcourir au cours de laquelle la connaissance abstraite remplacera petit à petit la connaissance concrète. En d'autres termes, à la façon accidentelle d'apprendre se substituera une méthode plus logiquement ordonnée. Mais si les branches d'études font ici leur réapparition, c'est en laissant tomber beaucoup de rameaux et en renonçant à l'encyclopédisme. En géographie, en hygiène, en histoire, etc. , il  faut nous décider à laisser les enfants de l'école primaire ignorants d'un grand nombre de choses  à condition qu'ils possèdent bien les plus simp!es et les plus importantes.
» A tous les degrés de l'école, l'enseignement s'inspire largement du milieu et il puisera ses plus fécondes leçons dans les réalités proches.
» Nous osons croire qu'en s' inspirant des principes que nous venons de rappeler, on peut étatblir un plan d'étude primaires applicable dans toutes les écoles du pays.
» En réclamant plus de simplicité et de sobriété, loin de nous la pensée de vouloir borner brutalement l'horizon des enfants. Cependant, il faut renoncer à vouloir tout apprendre et mal apprendre. Il faut surtout se préoccuper du choix, de la qualité et de la portée des connaissances, ne pas confondre les moyens avec les fins et ne jamais dissocier l'instruction de l' éducation.»

Que signifie, au fond, cette circulaire?

Nous avons, en France, la grande expérience de l' école maternelle. lncontestablement, il a été fait beaucoup dans ce domaine, et beaucoup surtout dans le sens de l'éducation nouvelle. On s'y applique à éduquer l'enfant, à étudier ses réactions, à faire du travail en profondeur en partant de ses besoins et de ses intérêts essentiels et fonctionnels. On n'y est pas contre l'acquisition, mais on pense avec raison que, à ce degré, l'acquisition ne doit pas trop tôt systématiser et étouffer la vie, qu'elle doit être la conséquence normale de cette vie.

On a souvent déploré qu'un fossé dont on mesure d'a.illeurs mal la profondeur, sépare l'école maternelle de l'école primaire qui devrait en être la suite naturelle. Là, l'enfant est dans un milieu qu'on s'efforce de rendre tout à la fois familier et éducatif, avec des activités qui le sollicitent, un matériel parfois même exagérément suggestif, des éducatrices qui s'essayent à marcher à son pas.

Il passe à l' école primaire. Finie la vie'! C'est ici le règne du manuel, du devoir, du règlement, de l'étude. On croirait que brusquement l'enfant a fini sa croissance et son évolution et qu'il faut, en hâte, procéder à un ameublement anormal et inconsidéré.

Nous demanderons seulement que soient continuées jusqu'à dix ans, les méthodes pédagogiques qui font, dans le monde, l'honneur de l'école maternelle française. Non pas qu'il s'agisse d'y appliquer les mêmes techniques mais seulement de se laisser diriger par les mêmes considérations pédagogiques que nous trouvons résumées dans la circulaire belge.

Sans prétendre dicter leur devoir à nos camarades du Front Populaire au pouvoir, nous hasarderons une règlementation qui, simple, souple et large, serait susceptible de donner satisfaction à toutes les exigences.

Le Cours préparatoire et le Cours élémentaire a l'école primaire ne sont que la continuation de l'école mtaernelle, et il ne doit pas y avoir brusque changement de méthode générale entre ces deux degrés.

La caractéristique pédagogique à ce degré sera que l'éducation de l'enfant y a le pas sur l'éducation, que la vie compte plus que la formule, que l' activité sociale prime l'étude verbale ou formelle par les leçons magistraies ou par le manuel scolaire.

Cela ne signifie point que nous devions, à ce degré, négliger l'acquisition.

Le rythme global pourra même en être prévu au règlement, à titre purement indicatif, étant entendu que, en aucun cas, on ne gavera l'enfant de notions formelles pour parvenir à ces normes indicatives.

La méthode sera celle que nous préconisons depuis dix ans et qui a fait ses preuves dans cinq cents écoles : c'est celle qui part de la vie de l'enfant pour mener à l'activité sociale par la vie de l'esprit.

L'enfant sera appelé à réfléchir d'abord sur les faits qui l'entourent, sur les événements intérieurs ou extérieurs de sa propre vie. Il sera engagé à écrire ses réflexions, à les imprimer, à les échanger avec d'autres camarades. Chemin faisant, il acquerra de la meilleure façon qui soit la maîtrise de la langue française qu'il apprendra ainsi à lire et à écrire - cet apprentissage ne devant jamais être l'effet d'un forçage, mais le résultat d'une vie intense et pédagogiquement, techniquement, organisée.

Les expériences d'éducation nouvelle, la nôtre en particulier, sont unanimes à montrer que, pour les enfants normaux - et les anormaux aussi d'ailleurs - les résultats, pour ce qui concerne l' acquisition, ne sont jamais inférieurs à ceux qui résultent du bourrage systématique trop communément pratiqué encore.

Les leçons ex-cathédra de sciences et de géographie - et partant, les manuels sous leur fonne actuelle - seront supprimés et remplacés par l'examen approfondi et systématique de la vie autour de soi. Par des visites sur les lieux du travail, par des expériences pratiques, des travaux manuels, par l'examen des vues, par la constitution et l'enrichissement permanent d'un imposant Fichier scolaire, par le cinéma, les enfants, en partant de leurs véritables intérêts, s'initieront harmonieusement aux acquisitions systématiques ultérieures.

Les calculs basés sur la vie et partant de la vie éviteront l'écueil de la « prématurité », c'est-à-dire de l'obligation où nous sommes actuellement d'imposer aux enfants des études et des problèmes qu'il n'est pas encore mentalentent en âge de comprendre et dont il s'assimile fort mal l'aride technique.
Pour l'histoire, l'inutile verbiage actuel sera remplacé par l'étude natut'elle de l'histoire locale d'abord et, simultanément, de l'évolution à travers les âges, des conditions de vie et de travail - éléments qui donnent aux acquisitions formelles ultérieures une assise inébranlable.

Ce n'est pas parce que, ce faisant, on tournerait le dos aux pratiques indéfendables de la pédagogie classique qu'on ferait un saut dangereux dans l'inconnu. Ces méthodes ont donné dans l'enseignement matériel des résultats incontestables ; elles ont enthousiasmé les éducatrices. Notre technique a d'ailleurs préparé la voie à cette réforme souhaitable puisqu'elle a montré pratiquement que, sans anormal forçage, sans leçons systématiques, sans abêtissement par les manuels scolaires, les enfants savaient et pouvaient non
seulement s'harmoniser et se centrer mais aussi s'enrichir d'une expérience qui, à l 'heure actuelle, déborde étrangement les formules et les résumés des manuels scolaires.

L'élan et la volonté créatrice des masses ont porté au pouvoir un gouvernernent de Front Populaire. Celui-ci tle peut que faire confiance à l'élan, à la volonté créatrice, à l'enthousiasme invincible des enfants d'aujourd'hui, constructeurs de la société socialiste de demain.
Nous demandons à tous nos camarades de réfléchir longuement aux propositions que nous apportons ci-desstts, ·de nous donner leur point de vue afin que, à la rentrée d'automne, nous puissions soumettre au Parlement le résultat pratique de notre travail collectif.

Comment rédigent les élèves?

Juin 1936

Pour la numération décimale intégrale

Juin 1936

Il semble étrange à première vue qu' il y ait besoin de parler, en France, de mieux appliquer le système décimal. C'est pourtant nécessaire. Il faudra nous débarrasser de plusieurs expressions obscures qui ne sont conservées dans la langue que par routine.
Ce sont les expressions : soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix. A la place, nous dirons : septante, octante et. nonante.
Ces mots sont tout à fait français ; ils sont clairs et logiques. On les emploie dans quelques régions de la France. Ainsi, tout dernièrement, à Nice, dans un magasin de la vieille ville, on annonçait à la caisse que je devais payer quatorze francs septante cinq.
En Belgique et dans la Suisse de langue française, on dit aussi septante, octante et nonante.
Dans les pays voisins, voici ce que nous voyons : en Angleterre, 7 se lit seven, et 70 seventy. 8 se lit eight et 80 eighty, 9 se lit nine et 90 ninety. En Allemagne, il y a sieben ct siebzig, acht et achtzig, neun et neunzig. En Italie, c' est sette, 7 et settanta 70. Puis ollo, 8 et ottauta , 80 ; nove, 9 et novanta 90.
Beaucoup d' étrangers savent que le système métrique décimal a été établi en France et c'est une des gloires de la Révolution. Cela semble certainement bien étrange à plus d'un, quand il apprend le français, d'avoir à dire ces expressions si archaïques et si illogiques : soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix.
Pour nos pauvres petits enfants, c'est un casse-t ête, un travail bien inutile. Le professeur ne peut donner aucune explication logique. C'est comme cela et voilà tout ! Et l'on répète bien des fois, d'une voix chantante : soixante-dix, soixante et onze, soixante-douze, soixante-treize, soixante-quatorze, etc ...
Non seulement c'est un travail inutile, mais il est nuisible car il est illogique.
Toute la compréhension du système métrique peut être troublée du fait que, dans la numération, l'étude de la première centaine
n'a pas été enseignée avec des expressions logiques et simples.
Nous supprimerons du même coup les mots onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize. Puisque nous disons bien dix-sept, dix-huit et. dix-neuf, nous dirons aussi dix-un, dix-deux, dix-trois, dix-quatre, dix cinq et dix-six.
Le système décimal est tout à fait logique quant à l'écriture des nombres. Nous avons neuf signes : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et le zéro. Tous les nombres, tous, s'écrivent avec ces neuf signes et le zéro. Dans le langage parlé il pourrait en être de même, ou presque : dix mots pour représenter les dix premiers nombres. Après dix, en combinant les mots précédents, on dirait : dix-un, dix-deux, dix-trois, etc ... , dix-neuf. Pour deux dizaines on dirait deux-dix, pour trois dizaines, trois-dix , etc ...
64 se lirait six-dix quatre, (on dit bien six cents , six mille, pourquoi ne pas dire six-dix ?).
75 se lirait sept-dix cinq. 93 se lirait neuf-dix trois.
Ainsi, en combinant les noms des dix premiers nombres, nous irions jusqu'à 99. Un mot nouveau pour désigner la centaine, cent. Et nous allons ainsi jusqu'ir 999. Attention, neuf cent neuf dix neuf. Un mot nouveau pour désigner 1.000, mille. Et c'est fini jusqu'à 999 999. Disons bien : neuf cent neuf dix neuf mille neuf cent neuf dix neuf. Un mot nouveau encore, le million, puis le billion, etc ... Voilà notre vocabulaire bien réduit.
Sans en venir à cette simplification extrême et logique, nous ferions une excellente réforme en supprimant. les expressions : soixante-dix, quatre-vingt, quatrevingt-dix et les mots : onze, douze, treize, quatorze, quinze et seize.
Souhaitons que les dirigeants de l'Enseignement en France prennent un jour la décision de faire appliquer cette réforme dans tout le pays. En attendant tous ceux qui sont intéressés par ce qui vient d'être dit peuvent commencer à l'appliquer autour d' eux. Chaque maman qui
apprend à compter à ses enfants leur dira : dix-un, dix-deux, dix-trois... et septante, octante et nonante.
Les instituteurs et professeurs en feront autant dans leurs classes, et les années passant, la réforme s'étendra sur tout le pays.

A l'Ecole Freinet

Juin 1936

Une camarade voulant se documenter personnellement sur l'Ecole Freinet, pensant que cela m'intéresserait, m'offrit de l'accompagner. Nous sommes allées passer une journée à l'école prolétarienne de Vence.
Nous avons d'abord pris contact avec le camarade Freinet et sa compagne, à Vence même où il a un bureau d'édition : (revue bi-mensuelle L'Educateur Prolétarien, revues enfantines, livres sur le végétarisme).
Rencontré au bureau le petit Claude. Premier étonnement devant ce jeune et clair visage, si ouvert, si intelligent, devant l'aisance et l'assurance de cet enfant qui nous tendait la main.
Nous avons fait dans la voiture de Freinet les quelques kilomètres qui séparent Vence du " Pioulier "· Rude montée, mauvais chemins, splendide paysage de montagnes.
Les bâtiments de l' école sont sur une éminence et tout à fait isolés. Avec le soutien matériel de quelques amis, les Freinet ont bâti eux-mêmes leur école, tour à tour architectes et maçons, ils ont réalisé une claire demeure où tout est contentement de l'esprit et des yeux.
Nous avons déjeuné. Repas végétarien, sans boisson, sans sel, salades, pâtes au yaourt., pain bis, fait par eux, et fruits.
Ce  système de nourriture réalise un esprit libre dans un corps libre.
Il y a là 25 enfants, de 4 à 13 ans, venus de Gennevilliers et d'ailleurs, enfants d'ouvriers, enfants malingres, sous-alimentés, chargés d'hérédité, mais absolument régénérés au bout de quelques mois de régime, offrant de beaux corps sains et musclés et des visages pleins
d'intelligence et respirant la santé et la joie de vivre, deux jeun es filles et un jeune instituteur qui collaborent à cette oeuvre d'éducation. Pas d'employés, ni de domestiques.
C'est la vie du kholkoze où l'effort de chacun profite à tous et l'effort de tous à chacun,
Et c'est merveilleux de voir avec quel enthousiasme, l'enlhousiame du stakhanoviste conscient de l'utilité de son effort, quelle joie ces enfants accomplissent librement leur tâche.
Aucune oppression, aucune contrainte. L'enfant dans la vie et s'éduquant par la vie, voilà ce qu'on a réalisé là.
Freinet est l'inventeur d'un système d'imprimerie à l'école. Les enfants impriment eux-mêmes leurs textes et quel intérêt ils y prennent !
Ils ont la T.S.F. et un phonographe.
Bien entendu, nous avons posé beaucoup de questions auxquelles on nous a répondu avec la plus grande amabilité.
- Votre système d'alimentation rationnelle est parfait si l'on en juge par l'aspect physique de vos enfants et de vous-mêmes, mais ne craignez-vous pas que ces petits êtres, rejetés ensuite dans la société imparfaite, n'aient à souffrir du changement de régime?
- Une fois parfaitement adaptés à cette vie saine, il leur sera facile après de se nourrir avec des pâtes ou des fruits et il n'y a là nul danger.
- Quelle est la part marxiste dans votre enseignement?
- Nous ne faisons pas de cours de marxisme, c'est une surcharge inutile. La vie de nos enfants est déjà révolutionnaire par elle-même, ils le sentent bien. Mais si toutefois ils nous posent des questions, nous leur répondons. Fait qui se produit souvent.
- Comment se fait-il que vos enfants soient si calmes si bien équilibrés et en même temps si gais, si pleins de vie?
- Parce que nous les désintoxiquons et que leur régime alimentaire dépourvu de tout excitant est essentiellement apaisant.
Freinet m'ayant demandé d'expliquer aux enfants de quelle façon je travaillais à Paris et ce que je faisais, nous avons réuni tous les gosses et je leur ai exposé, Je mieux que j'ai pu, le traYail du soufflage de verre.
Ils prenaient des notes et me posaient des questions tout à fait pertinentes et intelligentes.
Par exemple, le petit Claude :
- Il serait peut-être bon que vous expliquiez aux plus petits ce qu'est un chalumeau car ils l'ignorent..
Je compte d'ailleurs, dès que je serai rentrée à Paris, leur envoyer des objets qui illustreront mon exposé.
Nous avons quitté le « Pioulier »vers la fin de l'après-midi. Ce fut une belle et saine journée. Deux petits nous ont accompagnées à travers des sentiers de montagne jusqu'à la route de Vence.
Nous avons exprimé à ces deux courageux camarades, qui au prix de grandes difficultés ont monté cette école collectiviste, notre enthousiasme et notre plus sincère admiration.
Nous nous étonnons qu' ils n'aient pas rencontré plus de soutien.
II y a là, une initiative hardie, conforme à  nos idées, qui mérite d'être encouragée.

L. Morard  et Paule Robic.

***

A l'Ecole Freinet. les enfants s' habituent surtout à penser par eux-mêmes, et à agir librement.
Voici comment un de nos élèves répond à des curieux qui l'assaillent de questions et s'informent, surtout, pour savoir si nous ne faisons pas ici du bourrage communiste :
« J'aime entendre les pensionnaires parler sur la politique. Peut-être ce n'est ]pas bon pour moi, mais tu sais, maintenant, je ne me laisse plus influencer par cela.
" Ils parlent de notre école. Il y en a qui disent qu'on nous fait des cours de politique.
" Ce n'est pas vrai. Naturellement, cela serait amusant. de savoir où notre cerveau irait.
" Mais c'est bien simple: du côté où on lui fait du bien . »
C. T., 10 a., 10 m.

Nous préparons les enfants à être des hommes ; et il nous suffit de savoir que, parce qu'ils seront des hommes, ils seront des lutteurs et des révolutionnaires, quelles que soient d'ailleurs les écoles dont ils pourront, plus tard se réclamer.
Mais celle position d'entière confiance à la volonté libre de l' enfant nouveau, est rarement comprise. A gauche, on nous tient sans doute pour insuffisamment orthodoxe.
A notre droite, on nous considère comme trop communistes. Le résultat pratique de tout cela, c'est que les journaux apparemment amis nous sont fermés et que, de quelque côté que nous nous tournions, nous ne trouvons qu' incompréhension et ostracisme.
Alors, amis, qui avez déjà tant fait pour nous aider, continuez votre action. Faites connaître, aidez l'Ecole Freinet.

La grande bataille des formats

Juin 1936

 

Nous recevons, trop tard pour pouvoir nous y rendre, une circulaire, convocation lancée par L'U.F.O.C.E.L. (Union Française des Offices du Cinéma Educateur laïque) de la Ligue Française de l'Enseignement, en vue d'une réunion le 17 juin de tous ceux qui s'intéressent à cette bataille des formats.
Les fabricants d'appareils sont particulièrement convoqués pour faire des démonstrations pratiques pour la recherche du meilleur appareil d'enseignement.
Nous craignons qu'il n'y ait là une sorte de manœuvre- peut-être inconsciente de la part des initiateurs - pour imposer à l'enseignement et au Ministère, des appareils nouveaux dont le rendement supérieur ne fait aucun doute.
Nous aurions voulu pouvoir faire entendre notre voix, soit par un rapport, soit par un délégué. Et nous aurions signalé notamment que le rendement mécanique d'un appareil de projection n’est qu'un élément dans la question complexe du cinéma éducateur. Il faut savoir : si l'appareil reconnu souhaitable est d'un prix abordable par l'immense majorité des écoles pauvres. Car l'essentiel n'est-ce pas, c'est d'abord de pouvoir acquérir l'appareil, savoir ensuite si l'approvisionnement en films est possible, facile et pédagogiquement intéressant ; s'il est facilement maniable par des éducateurs sans préparation technique.
Et quand même on aura trouvé une solution provisoire à ces questions, il n'en restera pas moins cette réalité, pour l'instant déterminante en France : des milliers d'écoles possèdent un projecteur 9 m/m 5, qu'elles ne peuvent pas échanger contre l'appareil momentanément idéal. Que faire pour eux ?
Nous suivrons cette discussion des formats avec intérêt pour ramener à la réalité économique et pédagogique ceux qui se laisseraient emballer par les réalisations techniques modernes et rêveraient d'équiper richement quelques centaines d'écoles privilégiées pendant que les milliers d'écoles déshéritées resteraient sans cinéma.
Une solution provisoire s'impose qui tiendra compte des nouveautés souhaitables et des réalités existantes.
***
C'est pour la recherche de cette solution provisoire que nous avons créé la Ligue Nation ale des Usagers du 9mm5 elle nous vous demandons d’envoyer d'urgence votre adhésion.
Nous avons publié clans notre dernier no l'action de la Cinémathèque de l'Yonne, qui domine cette même idée.
L'Ecran Scolaire (est-ce démarquage ou concours de circonstances), constitue actuellement son Union des Usagers 9 m/m 5 dont voici les desiderata :
OBTENIR que les appareils 9mm5 soient subventionnés au même titre que tous les appareils de projection fixe ou animée ;
OBTENIR que l'Etat fasse éditer en 9mm5 tous les films agricoles ou Industriels, afin que les 4.000 appareils 9mrn5 en service puissent les utiliser ; ces films ne sont pas encore sonores.
OBTENIR que l'Etat achète le droit de reproduction de coupures de grands films, coupures véritablement instructives, et abandonne ce droit au domaine public.
OBTENIR que l'Etat encourage l'achat de phonos avec amplificateurs pour écoles et fêtes scolaires ; c'est une solution autrement intéressante que le film sonore et la T.S.F. pour introduire le goût de la musique dans les fêtes laïques.
Nous ne discuterons pas ici sur une question de priorité. Nous allons, au contraire, écrire à la Cinémathèque de l'Yonne et ù l'Ecran Scolaire pour l'unification de nos efforts et la création d'un organisme unique susceptible de parler un jour prochain au nom de la grande masse de nos camarades pédagogiquement lésés.
En attendant adhérez à notre Ligue Nationale afin que nous puissions entreprendre d'urgence l'action revendicative.
 

 

 

Pour un naturisme prolétarien : réflexion sur la guérison (III)

Juin 1936

 

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Sur l'URSS

Juin 1936
U.R.S.S., URSS

 

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Sur l'URSS274.02 Ko

Une critique de « L' École Libératrice »

Juin 1936