Réformer l'école

Mai 2000

Avril 2000. Un nouveau ministre est nommé. Il vient éteindre l’incendie allumé par son prédécesseur.
Aussitôt, les appels à réformer l’école fleurissent, comme jamais, en ce printemps. Les journaux, les revues, les magazines de toute obédience nous en offrent un bouquet.
Aurait-on déjà oublié que le précédent ministre, qui affichait si clairement son mépris des personnels dont il avait la responsabilité, avait été nommé pour réformer l’école ? N’étant plus tenu au devoir de réserve, il dévoile pourtant enfin ses véritables objectifs : mettre
l’école et ses personnels sous la coupe des collectivités territoriales et en revenir ainsi à la situation qui précédait l’instauration de l’Éducation nationale.Tel était donc bien son projet : une école sur le modèle anglo-saxon, soumise aux idéologues locaux et intégrant
école et entreprise.
A lire les noms des signataires de ces appels de bon aloi, on peut parfois légitimement s’interroger. On y retrouve,curieusement,nombre de ceux qui, du temps du précédent ministre, approuvaient ses projets.On comprendra alors notre prudente réserve quant à ces déclarations où les repères semblent disparaître, où, dans un œcuménisme édifiant, des fédérations que leurs choix politiques opposaient naguère signent d’une seule main les mêmes vertueux appels antisyndicaux.
Mais, de quelle naïveté politique sont donc atteints ceux qui semblent croire qu’un ministre détermine une politique gouvernementale ?
Si, réformer l’école, c’est la mettre un peu plus sous la coupe des politiques, instituant ainsi des écoles à plusieurs vitesses et accentuant les inégalités,ce sera sans nous,ce sera contre nous.
Si, réformer l’école, c’est offrir encore plus aux « milieux économiques » (euphémisme pudique pour désigner le patronat et ses lobbies) de possibilités d’adapter l’enseignement à ses choix, ce sera sans nous, ce sera contre nous.
Si, réformer l’école, c’est continuer à développer la précarité en démantelant le service public et en multipliant la concurrence entre les établissements,ce sera sans nous,ce sera contre nous.
Alors faut-il transformer l’école ? Pour nous, c’est une évidence et nous le disons depuis suffisamment longtemps pour que nul ne nous soupçonne d’immobilisme.
Faut-il, pour cela, oublier que l’école, à elle seule, ne peut offrir les changements que nous souhaitons ? Ce n’est pas en réformant le système scolaire qu’on réduira le chômage ni qu’on supprimera les inégalités sociales.On aura beau invoquer de nouveau la notion mystificatrice de « l’égalité des chances » que nous avons toujours dénoncée, on ne peut pas demander à l’école seule ce que la société ne sait pas ou, plutôt, ne veut pas faire.
Ceci n’est, bien sûr, pas une invite à l’immobilisme ou au découragement. C’est, au contraire, un appel à mettre en œuvre, dans l’école, des expériences susceptibles de remettre en question les pratiques établies tout en luttant pour une transformation sociale indispensable.
Jean-Marie Fouquer
Président de l’ICEM-Pédagogie Freinet