Le Nouvel Educateur n° 120

Juin 2000


 

 

L'école populaire : un enjeu pour les années 2000

Juin 2000

Prendre l’école populaire comme thème de notre congrès de l’an 2000, c’est marquer une continuité avec l’histoire de notre mouvement et dessiner l’avenir de l’école du XXIème siècle.

Le libéralisme que certains présentaient comme l’avenir inéluctable de notre société a fait ses preuves. La société française est, en Europe, une des plus riches du monde mais aussi celle au sein de laquelle les inégalités sociales sont les plus grandes et ne cessent d’augmenter. Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour dire qu’un autre monde est possible. N’est-ce pas là ce que disait déjà notre Charte de l’École Moderne ?
La situation de l’enfance en France se dégrade. Les jeunes des couches sociales touchées par le libéralisme subissent de plein fouet les effets de la crise. Le nombre d’enfants en danger ne cesse d’augmenter. Les éducateurs et les citoyens que nous sommes peuvent-ils rester sans réaction lorsque des milliers d’enfants et d’adolescents ne connaissent de la vie que pauvreté, précarité, galère, exploitation, violence ?
De nombreuses entreprises s’intéressent à l’école. Des groupes de pression industriels, la Commission européenne tout comme l’OCDE prônent une transformation de l’école. Celle-ci doit fournir une main d’œuvre mieux adaptée aux injonctions du monde économique et financier. Elle doit davantage diversifier ses filières, devenir plus flexible et se diriger vers un réseau d’établissements autonomes en forte concurrence mutuelle. Qu’en sera-t-il alors du service public d’éducation si nous laissons faire ?
A la lumière de ces projets, la charte du XXIème siècle avec ses aides éducateurs et ses comités éducatifs locaux, le collège de l’an 2000 et la réforme des lycées sont-ils le cheval de Troie du libéralisme à l’école ou une façon de s’opposer à la mainmise libérale sur l’éducation ?
Le débat autour de l’école suscite à nouveau une intense production éditoriale. L’école publique est la cible d’attaques d’une rare violence : “ le scandale ”, “ la barbarie”, “ l’horreur ”, “ la crise ” de l’Éducation nationale. Une telle abondance d’écrits ne peut que nous interroger. L’école a pourtant réussi dans deux domaines : elle a assuré l’accès de tous à l’école jusqu’à 16 ans et, si on en croit les études, a permis une élévation globale du niveau des jeunes. Il est vrai que si la “ massification ” est réelle, la démocratisation n’a pas suivi. La réussite scolaire est toujours liée à l’origine sociale. Faut-il voir dans ces critiques faites à l’école française la volonté de l’adapter à une société dominée par le libéralisme ? Faut-il y voir plutôt l’ambition de trouver des solutions nouvelles permettant enfin la réussite de tous et non plus seulement celle de ceux que la naissance a favorisés ?
Des critiques virulentes, venant parfois de milieux progressistes, mettent en cause la pédagogie. Celle-ci est-elle la source de tous les maux, la responsable des échecs persistants des jeunes issus des milieux défavorisés ? Est-ce donc en décontextualisant les apprentissages, selon la terminologie à la mode, en revenant à la transmission des savoirs, en développant la didactique que les jeunes des milieux défavorisés pourront se les approprier ?
Faut-il prôner l’élitisme, même républicain ? Les discours autour de l’effort, des savoirs et de l’instruction sont-ils autre chose que des prêches inutiles ? Aurions-nous à rougir de vouloir être des éducateurs, des pédagogues ? Est-ce une erreur d’affirmer le droit, la nécessité d’ancrer les apprentissages sur l’expression, la communication, l’affectivité des enfants ? Est-ce desservir les enfants qu’individualiser les apprentissages en donnant une chance de plus à chacun de trouver le chemin de la réussite ?
Pour beaucoup d’élèves d’aujourd’hui, l’école est totalement étrangère à leur univers. Sa langue, ses valeurs, ses thèmes sont de plus en plus éloignés de leurs préoccupations. Pourtant, c’est à l’école que la société demande de jouer un rôle de plus en plus grand de maintien de la paix sociale. Comment demander à ces jeunes de s’intégrer et à quoi, quand tout ce qu’ils connaissent leur dit qu’il s’agit d’une illusion ? Est-ce en enseignant l’instruction civique qu’on comblera l’écart social et culturel qui se creuse entre une partie de la jeunesse et ses enseignants ? Comment enseigner la morale dans une société où la loi du plus fort ou du plus riche prime bien souvent sur toute autre ? N’est-ce pas plutôt en vivant, dès l’école, l’entraide, la solidarité, la prise de décisions collectives, l’auto-évaluation, l’autonomie et la responsabilité qu’ils découvriront d’autres valeurs et d’autres rapports sociaux ?
En montrant comment, tous les jours, dans nos classes, loin des projecteurs, nous inventons l’école populaire de demain, notre congrès témoignera de nos luttes permanentes contre toutes les formes d’exclusion et d’inégalité.
Lieux de parole, lieux d’expression, lieux d’échanges, lieux de coopération de confrontation et de communication mettront en valeur nos pratiques de classe.
De mille et une façons différentes, nos chantiers, nos secteurs, nos groupes de travail et nos groupes départementaux y feront la démonstration du dynamisme de notre École Moderne.
C’est à un congrès international de l’École Moderne, appuyé sur les pratiques des milliers d’éducateurs du mouvement Freinet et tourné résolument vers l’avenir que nous donnons rendez-vous à tous ceux qui ont fait leur la cause des enfants.
 
 

 

La pédagogie Freinet aujourd'hui

Juin 2000

LA PEDAGOGIE FREINET AUJOURD’HUI

 
LES PRINCIPES FONTAMENTAUX
« Former en l’enfant, l’homme de demain » (p5-9)
L’éducation est un projet politique, au sens le plus noble du terme, celui de la place de l’homme dans la cité. (p10-12)
 
Une pédagogie centrée sur l’enfant
et non sur la transmission des savoirs
 
On considère l’enfant dans sa globalité avec :
- sa personnalité ;
- son histoire ;
- sa propre culture ;
- ses désirs ;
- ses besoins...
 
Il s’agit de l’aider à construire son savoir
de lui apprendre à APPRENDRE
et à créer
au sein d’un groupe...
 
LES CONDITIONS NECESSAIRES
L’enfant veut exister, être reconnu,
il a besoin de parler de lui :
EXPRESSION .
Il veut être entendu :
COMMUNICATION.
Devant toutes les peurs qu’il éprouve,
il a besoin d’alliés avec lesquels il doit vivre :
COOPERATION.
Il a besoin de connaître le monde,
de se connaître :
TÂTONNEMENT EXPERIMENTAL.
Il a besoin de jouissance, de bonheur :
PLAISIR.
 
DEMARCHE PEDAGOGIQUE
1.    Prendre comme fondement du travail scolaire LE VECU DES ENFANTS
Accueil des apports des enfants : objets, entretien, sortie, textes libres... (p13-15)
L’enfant exprime son milieu.
2.    Pour devenir Réalité Culturelle, ce vécu doit être fixé :
Création d’albums, textes, compte-rendus, recherche math, œuvres d’art (arts plastiques, musiques, danse...), montage audio, ...
et communiqué : (p16-17)
à la classe : présentations, conférences...
à d’autre enfants : correspondance...
aux parents, aux gens du quartier : journal scolaire...
3.    Rechercher une gestion coopérative (p18-20)
« On prépare la démocratie de demain par la démocratie à l’école... »
- gestion du travail ;
- répartition des responsabilités ;
- régulation de la vie du groupe ;
- élaboration de règles de vie et du travail.
4. Individualiser le travail
- Possibilité pour l’enfant de travailler à son rythme au sein d’une équipe (p24-25). Tâtonnement expérimental (p21-23), démarches naturelles ;
- contrat de travail ;
- évaluation formative.
 
L’ICEM, UNE DYNAMIQUE POUR CHANGER L’ECOLE (p26-33)
1) L’ICEM favorise la recherche pédagogique grâce à ses secteurs de travail.
2) L’ICEM est structuré en groupes départementaux dans lesquels les enseignants élaborent et s’échangent des pratiques, des démarches et des outils pédagogiques.
3) L’ICEM conçoit des outils et des revues documentaires grâce à ses chantiers de travail.
 

Les principes fondamentaux de la pédagogie Freinet

Juin 2000

La pédagogie Freinet aujourd'hui

Les principes fondamentaux de la pédagogie Freinet
 
La pédagogie Freinet ne se réduit pas à une juxtaposition accumulée de techniques : matérialisme pédagogique oblige, celles-ci sont nécessaires ; elles ne suffisent cependant pas à faire vivre une pratique alternative de l'éducation, de la socialisation et des apprentissages en milieu scolaire. Extraits du livre d’Henri Peyronie*, Célestin Freinet, pédagogie et émancipation. Hachette Education. 1999.
Quand on parle "d'esprit" Freinet ou de pédagogie Freinet, on fait implicitement référence à l'existence de quelques grands principes qui donnent un sens aux techniques de la classe. Ces principes sont de trois ordres : ils concernent les finalités qu'on assigne à l'éducation scolaire, les pratiques de l'enseignement-apprentissage(s) qu'on met en oeuvre, et les dispositifs d'interaction et de socialisation instituants qu'on construit dans la classe. En quoi ces principes fondamentaux font-ils "système" ? Quelle est leur actualité ?
H. P.
 
 
* Henri Peyronie, membre du groupe Freinet du Calvados, est enseignant-chercheur à l’université de Caen.
 
 
I. trois principes concernant les finalités de l'école
1) L'école ouverte sur la vie
2) L'éducation du travail
3) L'école populaire
II. trois principes fondateurs concernant les apprentissages
III. Des techniques, un esprit, des dispositifs pour faire exister ces principes
IV. Les fondements psychologiques de la pédagogie Freinet et la recherche en éducation
 
I Trois principes concernant les finalités de l’école
1) L’école ouverte sur la vie
Cette formule indique à la fois un refus et une volonté : le refus de la scolastique, du savoir scolaire recroquevillé sur de mauvais manuels, de la coupure symbolique et pratique de l'école avec son environnement naturel, humain, social... Elle indique à l'inverse la volonté d'ouverture sur l'environnement naturel et social proche et la volonté d'appropriation active d'une culture scolaire, qui ne porte pas sur des objets embaumés mais qui travaille au contraire sur des questions vives dans l'ordre du social, de l'économique, du culturel, du politique, de l'historique. […]
 
2) L'éducation du travail
                 Cette notion-là met en réseau les ancrages de plusieurs dimensions théoriques et pratiques de l'action de Freinet, qui convergent aussi avec son ethos d'instituteur fils de petits paysans. Idéologiquement Freinet dénonce l'exploitation du travail ouvrier dans l'organisation capitaliste du mode de production. Mais, comme les socialistes du XIXe siècle, il croit à l'intérêt de la participation des enfants à un vrai travail productif, hors de tout rapport d'exploitation et d'aliénation. Il imagine donc la pédagogie populaire en y intégrant les aspirations à une éducation polytechnique. Un des apports de l'imprimerie à l'école, avec ses casses, ses caractères, ses composteurs et sa presse, c'est d'introduire un travail manuel qualifié dans les apprentissages des élèves (un travail qualifié comme le sont les métiers de la presse et du labeur qui ont constitué une aristocratie de la classe ouvrière en même temps qu'une pépinière de syndicalistes révolutionnaires). Mais, chez Freinet, le modèle du travail libéré rencontre, jusqu'à se superposer et se confondre avec lui, le modèle du travail paysan et des valeurs rurales de son enfance (dans le contexte d'une agriculture de petits propriétaires exploitants de la basse-montagne méditerranéenne : un espace géographique qu'on dirait aujourd'hui privilégié quant à la "qualité de vie"). L'aspiration socialiste à un travail débarrassé de l'exploitation et de l'aliénation, le vitalisme philosophique et psychologique, et encore l'ethos de classe (le travail comme dimension essentielle des valeurs des classes populaires ou laborieuses) se confondent donc ici, jusqu'à se fondre. Dans cette configuration, le travail a un statut de grande tendance vitale. […]
Indéniablement le statut symbolique du travail ne peut pas être identique chez des enfants de milieux sous-prolétarisés, à ce qu'il a été antérieurement chez des enfants de milieux ouvriers ou de milieux paysans. Il y a là un vrai problème, et il ne concerne pas seulement la pédagogie Freinet. Soulignons, cependant, que la question du statut symbolique du travail est moins prégnante en dehors des quartiers sous-prolétarisés des grandes villes et, à plus forte raison en milieu rural : là, les activités liées au travail continuent à structurer l'univers social. Soulignons encore que les pratiques scolaires, organisées dans la logique d'un "travail vrai" et non autour d'un "travail de soldat", conservent leur aptitude à mobiliser l'énergie et l'implication des enfants dans les apprentissages cognitifs et sociaux : la pertinence de cette option psycho-pédagogique n'est guère discutable.
 
3) L'école populaire
Notion centrale pour le Freinet des années 20 et 30, la référence à la construction de l'école populaire est moins présente dans les énoncés d'après-guerre. Les expressions "école du peuple", "pédagogie prolétarienne" sont tombées en désuétude, en même temps que les mots "peuple" et "prolétariat" ont disparu de la langue politique. L'ambition de préfigurer l'école d'une société sans classes s'est muée en ambition d'une école accueillante pour tous, contre les normes qui prévalent : des normes qui se sont largement alignées sur les profils culturels des enfants issus des classes sociales dominantes et des classes moyennes supérieures ainsi que sur les attentes sociales de leurs familles.
Des analyses socio-politiques suggèrent que les classes moyennes sont actuellement beaucoup moins mobilisées en faveur de la démocratisation de l'enseignement qu'elles ne l'ont été dans les années 60, où (particulièrement dans leur fraction intellectuelle) elles avaient été porteuses de la dénonciation de l'inégalité sociale devant l'école. A l'inverse de cette tendance, les militants de l'Ecole moderne sont restés fidèles - avec volontarisme - à l'ambition d'une démocratisation de l'enseignement : après la démocratisation de l'accès à l'enseignement général long, il s'agit de démocratiser la réussite scolaire, dans sa double ambition d'acquisition/élaboration de savoirs et de socialisation émancipatrice. […]
Une autre question a été posée par le britannique Basil Bernstein, puis par le sociologue genevois Philippe Perrenoud à propos des convergences entre "l'organisation invisible" des pédagogies nouvelles et les valeurs des nouvelles classes moyennes. Dans un texte de 1997, Philippe Perrenoud résume ainsi son interrogation, qui n'est pas sans interpeller aussi l'Ecole moderne :
Les pédagogies nouvelles sont, historiquement, du côté des opprimés, des défavorisés, des classes populaires. Que reste-t-il de cet ancrage historique dans une société de classes moyennes ? Lorsque les parents sont libres du choix de leur école, ce sont les familles des classes moyennes supérieures qui inscrivent leurs enfants dans les écoles actives. Cela n'a rien de mystérieux : le capital culturel et la position des parents leur donnent en leur enfant la confiance nécessaire pour parier sur son développement, son autonomie, la construction de soi plutôt que sur une instruction menée au pas de charge. (...)
A cela s'ajoute le réel divorce entre les valeurs, le rapport au savoir et à la règle, les modalités de travail qui animent les pédagogies nouvelles et la culture des enfants et des parents des classes populaires. Apprendre par le jeu, discuter les ordres, négocier les activités, parlementer, poser des questions, formuler des objections, tout cela paraît contraire aux rapports "naturels" adultes-enfants et aux façons jugées sérieuses d'apprendre aux yeux des familles ouvrières.
Le système de valeurs, sur lequel reposent les pratiques des écoles actives est proche du système de valeurs de ces nouvelles classes moyennes, écrivait encore Philippe Perrenoud dans un texte de 1985 :
On valorise l'autonomie (...), dans les rapports sociaux on valorise la composante coopérative (...), on défend des valeurs de tolérance, (...) on insiste sur l'importance de l'épanouissement personnel.
Le problème mérite bien sûr d'être posé. […]
 
 
II. Trois principes fondateurs concernant les apprentissages
Trois notions - très liées - sont au cœur de la théorie psycho-pédagogique des apprentissages chez Freinet : le tâtonnement expérimental, la libre expression et la méthode naturelle.
La loi du tâtonnement expérimental s'appuie sur le constat qu'il existe un même processus chez les enfants et chez les adultes. Le petit enfant esquisse une multitude de gestes et s'en tient à ceux qui ont réussi : le nouveau-né passe d'un "tâtonnement mécanique", expression inefficace des besoins, à un "tâtonnement intelligent" caractérisé par la "perméabilité à l'expérience", c'est-à-dire par la capacité à intégrer les acquis de l'expérience (à la différence des comportements animaux instinctifs). De même les adultes, hors de la routine, dans un milieu favorable, cherchent à connaître par essai, analyse, hypothèse, vérification.
L'apprentissage de l'enfant est nécessairement socialisé : la famille, la société, les autres individus, la nature constituent des "recours-barrières" :
Dans ses tâtonnements l'individu mesure et exerce non seulement ses propres possibilités, mais il essaie aussi de s'accrocher au milieu ambiant par des recours susceptibles de renforcer son potentiel de puissance. Mais le milieu est plus ou moins complaisant, plus ou moins docile, plus ou moins utile. Il est tantôt recours, tantôt barrière, le plus souvent un complexe mélange des deux. C'est de la position et du jeu de ces recours-barrières que résulte en définitive le comportement de l'individu vis-à-vis du milieu (1).
Le principe se fonde aussi sur l'idée de la non-dissociation de l'affectif et de l'intellectuel dans les apprentissages, auxquels les notions de réussite et de plaisir sont associées. Ces idées sont proches de celles de la psychologie fonctionnelle de Claparède.
La notion de méthode naturelle est complémentaire de celle de tâtonnement expérimental. Son émergence, chez Freinet, semble plus particulièrement liée à l'observation de l'apprentissage de la langue écrite chez sa fille et au refus de la dimension extrêmement sclérosée des outils officiels d'apprentissage scolaire de la lecture (rappelons que le bon enseignement de la lecture-écriture est l'enjeu essentiel de l'école primaire aux yeux de beaucoup de partenaires de l'école). C'est l'apprentissage de la marche chez le jeune enfant, et plus encore celui de la parole, qui servent de référent pour penser l'apprentissage de la langue écrite dans la classe Freinet, puis pour penser les autres apprentissages scolaires. La méthode naturelle suppose cependant une part du maître importante : pédagogiquement cette méthode implique des partenaires aidants, un appui au tâtonnement expérimental et à la libre expression, ou encore l'organisation d'un milieu riche en outils et techniques à l'école.
Elise Freinet a intitulé la publication posthume d'écrits de Freinet en trois volumes : La méthode naturelle, et elle a sous-titré L'itinéraire de Célestin Freinet (son livre bilan de 1977) : La libre expression dans la pédagogie Freinet. C'est dire la place de ces deux notions dans la pédagogie Freinet. Libre expression pour que s'exprime le moi social et le moi affectif, dans un dispositif d'écoute servi par les techniques du texte libre (de sa lecture aux autres, de sa mise au point, de sa diffusion...), du "quoi de neuf ?" du matin, de la réunion de conseil, ou des ateliers d'expression artistique...
Le tâtonnement expérimental, la méthode naturelle, la libre expression, sont des principes de comportements psychologiques (ils sont même considérés comme des principes de l'évolution des espèces chez Célestin et Elise Freinet), ils sont aussi des principes pédagogiques ; et, dans cette pensée qui accorde une place centrale à la nature et à la vie, comme principes pédagogiques ils se trouvent légitimés par cette adéquation aux principes psychologiques naturels2.
 
 
III. Des techniques, un esprit, des dispositifs pour faire exister ces principes
Ce qui fait exister ces principes pédagogiques dans la classe et ce qui leur donne une orientation cohérente avec les finalités d'une "éducation populaire moderne", ce sont nécessairement les techniques et les outils matériels (conçus et diffusés coopérativement) que le maître introduit dans la classe. Mais ce qui donne sens à l'usage des techniques et des outils, c'est ce qui instaure une visée quant au devenir des élèves (responsabilisation, sens de la coopération, expression-communication, élan de création, autonomie3, acquisition de savoirs émancipateurs) : ce sont, d'une part, les "façons de faire" du maître (elles sont liées à son ethos, à ses valeurs idéologiques, à ses compétences, à son implication personnelle...) ; c'est, d'autre part, l'introduction dans la classe de dispositifs que l'on peut qualifier "de dispositifs instituants" :
- la pratique coopérative pour l'organisation du travail et pour la régulation des relations inter-personnelles et de groupe dans la classe ;
- la personnalisation des apprentissages ;
- la créativité, l'expression libre ;
- l'ouverture à l'altérité dans l'ordre des cultures anthropologiques.
Nous avons dit que l'introduction de l'imprimerie dans sa classe, par Freinet, a été "la clef de la transformation de son enseignement" ; il faut dire maintenant que ces dispositifs instituants sont la clef de voûte de la pédagogie Freinet.
 
 
IV. Les fondements psychologiques de la pédagogie Freinet et la recherche en éducation
Les outils matériels de la pédagogie Freinet n'ont jamais été distancés par l'évolution des technologies, tant la volonté d'être précurseur dans ce domaine-là est une constante dans l'ICEM (ou, tout au moins, une constante chez des minorités actives du mouvement, de génération en génération) : ce fut l'appropriation du cinéma et de la radio en 1927 ; c'était le recours au télécopieur et à la télématique (avec le minitel) pour acheminer la correspondance scolaire, dans les années 80 ; c'est actuellement l'ouverture de "sites web" sur le réseau internet par des écoles Freinet... […]
Le même engouement pour la modernité ne caractérise pas le rapport de cette pédagogie à l'évolution de la recherche en éducation quand celle-ci est extérieure au mouvement. Le fonctionnement du mouvement Freinet en intellectuel collectif assure, en effet, une fonction autonome de recherche pédagogique depuis plus d'un demi-siècle. De multiples articles en rendent compte : ils sont les supports du fonctionnement de la recherche coopérative, à la fois dans ses phases de tâtonnements et dans ses phases de diffusion ; de nombreux livres - collectifs ou individuels - ont aussi été publiés4. Dans les années 80, la notion de "praticien chercheur" s'est imposée pour traduire ce mode de fonctionnement.
Simultanément, les relations avec les instances académiques de recherche n'ont jamais été faciles ; on peut presque parler d'une position d'attraction-répulsion du mouvement Freinet vis-à-vis du monde universitaire (un monde dont le séparent les logiques sociales, les valeurs, les modes de reconnaissance, un monde qui a longtemps affiché une suffisance un peu méprisante vis-à-vis des "primaires"). Fondamentalement, la pédagogie Freinet est le produit des "techniciens de la base". […]
 Les deux colloques de Bordeaux, en 1987 et en 1990 (et dans une moindre mesure les colloques de Rennes et de Caen en 1996), le Salon des apprentissages à Nantes, l'ouverture régulière des congrès de l'ICEM à des chercheurs académiques, ou encore l'implication de praticiens-chercheurs de l'ICEM dans des dispositifs de recherche de type universitaire (des dispositifs coopératifs originaux (5) ou des dispositifs académiques comme la réalisation d'une thèse) : tout cela témoigne d'un processus d'échange aux multiples ramifications.
Quand Michel Fabre souligne l'apport - en termes de complémentarité - que peut constituer le courant des didactiques et son souci de la rigueur des situations d'apprentissage à côté de la tradition de "l'inventivité pédagogique de Freinet"6, ou bien quand Philippe Perrenoud écrit que "les pédagogies nouvelles ne peuvent plus ignorer les approches constructivistes, les didactiques des disciplines, les travaux sur le transfert ou les compétences, les pédagogies des situations-problèmes" : ils indiquent une direction souhaitable et ils repèrent en même temps un processus bien amorcé. On sait combien les "savoirs issus de la recherche en éducation" se diffusent très mal en direction des enseignants ; les institutions officielles de la recherche s'en désolent même. Ce sont peut-être les militants pédagogiques - parce qu'ils sont les héritiers de la tradition praxéologique d'un travail vrai entre pratique et théorie -  qui sauront intégrer des apports des "savoirs savants" dans le corpus de leurs "savoirs d'action" et de leur réflexion théorique (en même temps qu'ils continueront à interpeller des "savoirs savants" en élaboration). Des textes récents issus de l'ICEM - par exemple sur la méthode naturelle de lecture écriture - témoignent de ce que ce processus est en cours.
Henri Peyronie
______________________________
1.      C. Freinet, Essai de psychologie sensible, p. 101 dans l'édition originale, p. 422, t. 1, dans l'édition de 1994.
2.      Cf. l'extrait de Essai de psychologie sensible, t. 1 pp. 585-587, dans l'édition de 1994.
3.      Même si Freinet n'utilise pas ce mot mais celui de liberté, cf. Alain Vergnioux, "Pédagogie Freinet : autonomie ou liberté ?", Les Sciences de l'éducation - Pour l'ère nouvelle, 1997.
4.      On se reportera à la bibliographie annexée à cet ouvrage.
5.      Comme le Groupe de Formation-Recherche à l'Université de Caen, au début des années 70.
9.      Michel Fabre, "Freinet et les didactiques", dans Freinet, 70 ans après, op. cit.

 

L'école populaire...

Juin 2000

L’école populaire, un enjeu pour les années 2000

Certes, il ne s’agit pas seulement de déclarations de principes, de slogans. Il convient de montrer comment les pratiques actuelles de la pédagogie Freinet constituent une rupture de l’école actuelle, en s’opposant à la logique du profit, du rendement et de la compétitivité, à la sélection sociale à la hiérarchie...
C’est au quotidien, dans les classes, dans les écoles, que l’on peut avancer notre idéal d’école populaire tout en dénonçant le mythe de l’égalité des chances ainsi que tous les obstacles au fonctionnement de l’école : classes surchargées, suppressions de classes..

Célestin Freinet avait bien compris les limites de l’action à l’école, dans ce complexe processus social, au service de l’exploitation humaine. Qu’on ne s’étonne guère de l’échec de l’école populaire, en régime capitaliste.
Cependant ce n’est plus d’un changement d’orientation politique que viendra la transformation presque magique du système éducatif. Il ne peut y avoir de révolution politique que sous-tendue par une révolution éducative et culturelle, et c’est à celle-là que nous travaillons.
Citons encore Freinet, dans la revue « Clarté », il écrit de nombreux articles. « L’école actuelle est fille et servante du régime capitaliste et l’ordre nouveau doit correspondre nécessairement une orientation nouvelle de l’école prolétarienne. » Il nous faut partout réaffirmer que les problèmes pédagogiques sont partie intégrante de la lutte pour une société ayant comme finalité l’épanouissement et non la rentabilité.
Les valeurs morales et sociales sur lesquelles se fonde notre action éducative sont toujours les mêmes :
· Solidarité et entraide, et non la concurrence, la compétition, la performance qui suscite une émulation combattive et dominatrice ;
· responsabilité, et non la soumission ;
· coopération, et non violence, pour régler les conflits.

Cette conception éducative est l’expression vivante, des droits de l’enfant, des droits de l’homme.
Nous supprimons les classements, les punitions et les récompenses.
Nous rejetons l’individualisme outrancier, la possession individuelle, le goût exclusif de la réussite personnelle, le travail aliénant et imposé.
La pédagogie Freinet, crée le désir et la volonté d’être maître de sa vie.
C’est la reconnaissance du droit à la différence, c’est la tolérance.
C’est une éducation laïque, dans une perspective de PAIX.
Notre pratique est partie prenante de notre action militante, en vue d’une société reposant sur les mêmes valeurs.

Mais il nous faut aussi évaluer l’impact de nos pratiques pédagogiques et accepter de les remettre en cause, avec les enfants, dans une classe coopérative. Cela dépasse donc largement l’utilisation des techniques Freinet.

La gauche, au pouvoir, développe un discours sans autre perspective qu’une adaptation du système éducatif. Nous pensons que la rupture politique introduite dans l’éducation et dans la pédagogie de Freinet reste une alternative stimulante.

Pierre Yvin
responsable du secteur des « Amis de Freinet »

 

Pour une société pédagogique

Juin 2000

Pour une société pédagogique, mutualiste et participative

Aujourd'hui, une action pédagogique qui se veut populaire peut-elle se circonscrire aux murs de l'école, quand bien même elle pratique l'ouverture sur la vie ? Dans notre société de l'information où le savoir tend à prendre une place prédominante - en s'alliant, on ne doit pas le négliger, aux pouvoirs financiers - la mission de l'école et de ses éducateurs ne doit-elle pas se transformer radicalement ? A l'heure où les médias et le multimédia investissent chaque jour un peu plus l'espace du savoir, l'identité enseignante est questionnée dans ses fondements.
Changer l'école pour changer la société ou l'inverse ? Qu'en est-il de ce vieux dilemme à une époque où le scepticisme voire la défiance prévalent vis à vis d'un monde politique assimilé aux milieux politiciens ? Dans ce climat, l'école ne serait-elle plus qu'un terrain offert, au mieux, à un pédagogisme discret, sinon à un technicisme didactique sans âme sous la houlette d'IUFM où domine le cloisonnement disciplinaire ?
Le Mouvement Freinet a toujours eu une vision dialectique du problème. Agir dans l'espace socio-politique et, en cohérence, au sein de l'école. Mais l'analyse des réalités sociale et sociétale actuelle ne nous invite-t-elle pas à revoir les termes de nos engagements ?
 
En n'intervenant que dans la sphère scolaire, on ne se donne pas réellement les moyens de promouvoir une citoyenneté fondée sur la coopération et la participation. Dépasser le hiatus préjudiciable entre société civile et société politique nous incite à trouver des outils de médiation adaptés. L'action politique traditionnelle a tendance à traiter les problèmes par le haut. Il ne s’agit pas de la jeter au pilon. Le progrès social a toujours besoin de réponses au niveau macro-politique et s'appuie encore bien souvent sur des rapports de force.
Cependant, avec le développement du temps libéré et dans la mesure où celui-ci n'entraîne pas précarité ou de nouveaux types d'exploitation, se dessine en contrepoint un espace pour "la militance civique"1 affrontant les problèmes par la base et dans une optique beaucoup plus participative. Celle-ci consisterait entre autres à intervenir " dans des réseaux qui oeuvrent pour le changement et qui s'efforcent d'influencer le pouvoir et de l'amener notamment à tenir davantage compte des sans-voix". C'est un encouragement à la constitution de laboratoires d'expérimentation sociale destinés à explorer de nouvelles pistes d'organisation du lien social. Autant de foyers de contre-pouvoir, si petits soient-ils. Autant de petites ambitions qui pourraient en nourrir de plus grandes. Cette nouvelle donne, choisissant l'entrée micro-politique, doit pouvoir s'appuyer sur "des animateurs capables d'aider à l'élaboration des projets et des réalisations, compte tenu du fossé entre les difficultés ressenties dans la vie quotidienne et les institutions, des passeurs, des médiateurs. Or cette fonction est niée par des politiques qui ne cherchent à mobiliser les acteurs que de façon instrumentale."
Il nous faut participer à la construction d'une alternative à la société de l'information mercantile qui s'impose actuellement, tournée avant tout vers la consommation et la compétition et prompte à toutes les manipulations.
 
Au niveau des praticiens de l'école, c'est une invitation à entreprendre à la base des coopérations avec d'autres praticiens du milieu socio-éducatif à l'échelle du quartier ou du village. Qu'ils occupent pleinement leur place parmi "ces militants civiques".
 
Au service d'un tel projet de société pédagogique, mutualiste et participative, il faut trouver aujourd'hui les outils adaptés. Les Arbres de Connaissances me semblent faire partie de ces outils de médiation susceptibles d'aider à ce projet, dès lors qu'ils se développent dans une optique réellement coopérative. (cf Nouvel éducateur n°…).
Depuis cinq ans maintenant, nous expérimentons ce système en Ille et Vilaine2, au sein d’une association regroupant trois écoles et des structures de quartier. A l'origine de cette action, il y a le constat d'une distance culturelle persistante entre de nombreuses familles et les institutions, qui n'est pas sans effet sur le devenir social des enfants. Notre visée essentielle est de développer des liens sociaux à l'échelle de quartiers, en offrant à chacun de valoriser ses connaissances quelles qu'elles soient et de susciter leur mutualisation au sein de communautés émergentes. En aval, c'est la création d'un espace éducatif permanent qui nous motive, avec des passerelles possibles entre les différents espaces d'évolution des personnes, mais aussi entre générations ou catégories sociales.
 
Nul doute qu'à de telles fins il faille se battre, au-delà d'une réorientation de la formation des maîtres, pour des moyens conséquents et du temps pour le travail en partenariat. Nul doute encore qu'il faille chercher à peser pour une remise en cause de la hiérarchie des connaissances et des critères de domination par les seuls savoir intellectuels.
Nul doute enfin qu'il faille veiller à ne pas se laisser récupérer par les tenants d'une vision libérale de l'école. On connaît aujourd'hui les projets assez inquiétants de certaines officines de la Commission Européenne telles que la Table Ronde Européenne sur l'Education ou de l'OCDE. Certains décideurs économiques "éclairés" voudraient profiter de l'essor des nouvelles technologies de l'information pour instaurer un enseignement à plusieurs vitesses.
Une école populaire réactualisée, animatrice de réseaux pédagogiques de proximité, saura-t-elle tenir sa place dans le rapport de forces qui s’annonce au coeur du nouveau paysage socio-éducatif ?
 
Pierrick Descottes
1 Cf "Vers un nouveau contrat social" de Guy Roustang, Jean Louis Laville et al - Desclée de Brouwer 1996
 
2 L'association Acacia est née autour de ce projet. D'autres expériences du même type ont cours ailleurs en France. Pour en savoir plus, aller voir sur www.globenet.org/arbor
3 Cf le travail mené par l'APED, à l'initiative de l'écrivain et journaliste Nico Hirtt.

 

L'enseignement sous la coupe des marchés

Juin 2000

 



L'entrée en classe...

Juin 2000

"Nous voulons que notre école soit la maison familiale où s'épanouit le cœur et s'extériorisent les pensées. Il nous suffit de sentir cet élan, de le capter, de l'utiliser, de l'exploiter pédagogiquement. […] Cette vie si confiante, impatiente de s'extérioriser, nous n'avons garde de la rabattre doctoralement ou avec un dédain plus ou moins vexant. […] Si nous atteignons à cette camaraderie qui peut s'élever à la dignité de communion, notre programme pédagogique est ainsi tout tracé".      C. Freinet - L'Ecole Moderne Française.

 
 
 
 
Le « Quoi de neuf ? »
chez Magali
Tous les lundis matin, une demi-heure est consacrée au "Quoi de neuf ?".
Les enfants s'installent de façon à se voir tous, à pouvoir établir un contact visuel pour améliorer le contact auditif. Très vite, les enfants sont habitués à ce moment et quelques-uns se proposent pour animer la séance, d'autres (ceux qui ont un chrono sur leur montre) pour être maîtres du temps.
Je choisis alors l'un d'entre eux en essayant de faire un roulement. J'ai un tableau pour noter les dates auxquelles les enfants animent et surtout participent.
L'animateur lance la petite phrase rituelle : "Est-ce que quelqu'un a quelque chose à dire, à annoncer ou à montrer ?"
Des doigts se lèvent, l'animateur distribue les tours de parole, à chaque fois qu'il dit le prénom d'un participant, celui annonce le titre qui correspond à son intervention. De mon côté, je note ces titres en face des noms des enfants, sur le tableau dont j'ai parlé précédemment. Les enfants ont le droit de parler de ce qu'ils veulent, il n'y a pas de censure. A l'issue de leur intervention (le temps imparti à chacun est calculé en fonction du nombre de participants), on peut réagir (questions, commentaires...). A la fin, je reprends quelques incorrections que j'ai notées, je les propose telles quelles et je demande aux enfants de reformuler.
Mais j'évite d'alourdir ce petit travail de correction. Je demande ensuite si les enfants qui ont pris la parole souhaitent mettre cela par écrit pour le journal scolaire. Plus tard, certains sujets peuvent être repris pour être approfondis soit sous forme d'enquête, soit de petite recherche, soit de débats et à passer aussi au stade écrit et prendre une place dans les enquêtes, dans le journal, sur le site Internet...
Magali WENZ
Classe unique, École de Moutrot
groupe ICEM 54
 
La mort de notre lapin CALINOU (novembre1999)
Du bout de l'aile de notre petit coeur si plein d'amour, nous avons touché la mort. Dans ce contact nouveau, les enfants de la classe ont vécu, d'abord la consternation, on pourrait appeler ça l'état de choc. Cette consternation, je l'ai lu dans les yeux de Romain : il était près de moi lorsque Mme Lassalle, très culpabilisée, m'annonçait la mort de notre Calinou, pendant les vacances de Toussaint.
Les yeux de Romain se sont agrandis, laissant passer une grande douleur, et dans le regard que nous échangions je pouvais lire la peur de tout homme, la peur de la mort, la notre et celle des êtres que nous aimons.
Pas un mot ne fut échangé ; seulement l'intensité d'un regard, l'immense vide laissé par le chagrin, la perte de l'autre, du compagnon, du témoin.
Dans un regard d'enfant, lorsque passe l'expression d'une authentique émotion, on peut y lire le même drame existentiel que chez l'adulte.
Le chagrin et la peur de Romain étaient ceux de tous les enfants.
Nous avons eu un grand débat, un débat philosophique, au cours duquel chacun a pu "parler" sa propre peur, et apporter des éléments de réponses.
Parler, mettre des mots sur des émotions, des sentiments qui nous dépassent, c'est un premier pas vers l'apaisement, c'est commencer à faire le deuil.
Nous avons lu et relu des albums pour enfants traitant de la mort, dont: "Au revoir Blaireau". Nous avons écrit des textes parlant de la mort de Calinou.
Renée Vuides (groupe ICEM 64)
 
 
Le moment décisif de l’accueil de la parole de l’enfant, le temps de « l’entretien » ou du « Quoi de neuf ? » est l’objet de présentations de classe et d’échanges par les groupes Freinet des Pyrénées Atlantiques (64) et de Meurthe et Moselle (54).
 
 
POURQUOI LE QUOI DE NEUF ?
Libérer la parole.
Cela permet aux enfants :
- de se raconter ;
- d'évacuer des angoisses dues à des conflits personnels (avec la fratrie, souvent ) ;
- de débattre de problèmes existenciels (la mort ) ;
- de débattre de problèmes d'actualité (la guerre, la chasse, tempête et marée noire,droits de l'enfant ).
 
Faire une passerelle entre la maison et l'école.
 
Faire émerger des projets de classe.
 
Apprendre à prendre la parole :
- parler de manière intelligible ;
- tenir un discours cohérent ;
- écouter la parole de l'autre ;
- attendre son tour, et donc apprendre à différer : le bâton de parole sert de relais dans la prise de parole.
 
Des textes de référence :
- on choisit ensemble les textes que l'on imprimera pour le journal à partir des "quoi de neuf."
- certains peuvent servir de supports de lecture pour les G.S.
GD 64.

 

Itinéraires graphiques

Juin 2000

Pour observer la créativité de ses élèves, Michèle Le Guillou, une institutrice du Finistère, leur avait donné des blocs (13, x 21). Et, pendant les moments collectifs (exposés, présentations), ils griffonnaient dessus avec des crayons à bille comme on le fait en téléphonant ou en écoutant une conférence.

Mais c'était beaucoup plus libre que je ne le croyais...
 
Paul Le Bohec s’est « donné à devoir - et à plaisir d'observer l'itinéraire de chacun des élèves de CM1-CM2 de Michèle Le Guillou. » dans un impressionnant recueil de dessins libres. Ces itinéraires graphiques seront exposés dans la salle des « Amis de Freinet ».
 
 
Les enfants prenaient le crayon monocolore parce que c'était le plus adéquat à la circonstance. Le soir, en quittant la classe, ils déposaient leur production graphique de la journée dans une boîte. Et, chez elle, Michèle collait les dessins datés sur un dossier (dépliant d'ordinateur). Le lendemain, pendant les moments de travail personnel, chacun venait lui parler brièvement sur ses dessins de la veille et, sans mot dire, elle écrivait en dessous leurs commentaires.
Tous les enfants s'étaient progressivement engagés avec détermination dans cette aventure et en deux années de C.M.1 - C.M.2, ils avaient produit plus de 3 000 dessins. Ne sachant que faire de cette masse de documents, Michèle me les a confiés.
Je me suis donné à devoir - et à plaisir - d'observer l'itinéraire de chacun d'entre eux.
 
Eric M
En numéro 1, j'ai placé Eric M., le plus réaliste de la classe. Fils de vétérinaire, c'est tout naturellement qu'il s'est d'abord intéressé à la représentation des animaux. Mais, en suivant ses dessins dans l'ordre, j'ai compris très vite qu'il se demandait également comment on pouvait donner l'impression de la troisième dimension sur une feuille qui n'en avait que deux. Il s'est adonné dans un premier temps à l'étude de la perspective en s'inventant des situations originales et multiples.
Mais il est passé par diverses étapes - pour ne pas dire époques - En effet, alors que, jusque-là, il soignait ses traits, allant même jusqu'à les renforcer vigoureusement, le voilà qui se met soudain à dessiner flou, immatériel, en laissant vaguement apparaître des formes sous-esquissées. A la suite de quoi, il revient à ses animaux et à son étude de la perspective en plongée. Soudain, seconde crise : il se met à créer une longue série d'animaux imaginaires à base de solides géométriques. Puis, il retourne à son domaine de prédilection en se donnant, cette fois, la montagne comme champ d'étude. Mais peu à peu, on sent que cela ne le satisfait pas vraiment. Il semble chercher quelque chose. Il s'essaie d'abord aux dessins à rayures « à la Pascal », puis aux arabesques d’Annyvonne. Mais manifestement, ce n'est pas sa voie. Il se met à nouveau à l'étude de la perspective, en choisissant cette fois le monde sous-marin.
Enfin, il découvre l'introducteur qui lui convient : Philippe B. Il est tellement intéressé par ses monstres qu'il les copie vraiment de très près. Mais cela ne saurait durer, ce serait trop aliéner sa liberté. Alors, il finit par trouver son domaine, il s'installe dans son propre imaginaire : des monstres bien noirs, bien acérés, bien agressifs dont il commente les actions originales.
 
Philippe B
En numéro 2, pour élargir mon champ de vision, j'ai précisément choisi de suivre Philippe B. car, au départ, il se situe à l'exact opposé d'Eric. Dès le second dessin, il s'installe dans l'imaginaire. Et c'est tout juste si, en 433 dessins, il réussit deux fois à représenter un tracteur. Et pourtant, ses parents étant agriculteurs, il est plongé dans la réalité. Mais il a bien autre chose à faire que de la représenter. En fait, il fait un usage "thérapeutique" du dessin : pendant six mois, sans le savoir, il laisse monter une colère intérieure pour aboutir, le 5 avril, à la suite d'une crise de trente dessins en trois jours - consacrée essentiellement à la recherche de « l’arme » - au meurtre symbolique d'un personnage masculin puissant. (Voir "Les dessins de Patrick" (Casterman).
Après quoi, apaisé par sa catharsis, il continue à développer d'une manière détendue ses monstres en changeant deux fois de style. A la rentrée suivante, lui qui jusque-là n'avait eu absolument aucun souci de là forme, le voilà qui bascule dans l'esthétisme : il soigne ses traits et introduit même les trois autres couleurs des crayons à bille. Cela dure un bon mois. Et puis, peu à peu, il revient au dessin monocolore. Enfin, après plusieurs étapes plus ou moins décontractées auxquelles correspondent des changements de style, il achève sa deuxième année de monstres. Mais ce ne semble plus être qu'une routine.
Avec ces deux garçons, j'avais donc complètement ouvert l'éventail des possibles du dessin : du réalisme figuratif à l'abstrait imaginaire. Bref, il ne me semblait plus avoir grand chose à apprendre. Cependant, il me restait encore environ 2500 dessins. Alors, tranquillement, après ces deux dossiers si riches d'enseignements, j'ai suivi l'ordre alphabétique.
 
Alain.
D'abord, Alain. En classant ses dessins par ordre chronologique, je me disais qu'il n'y avait sans doute rien de bien nouveau à y trouver. Mais comment le savoir sans y regarder de plus près ? Bien que capable de dessiner, c'est-à-dire de représenter assez convenablement la réalité, il ignore complètement cette piste. Après diverses explorations, il trouve enfin sa voie : il se donne toujours le même thème prétexte et il s’ingénie à le traiter du plus grand nombre possible de façons différentes. En gros, on peut dire que la dominante de sa production pourrait se résumer à : thème : démolition de l'image de l'Homme... et variations. Si je n'avais pas regardé de près ses 1l1 dessins, ce garçon ne m'aurait rien appris.
 
Annyvonne.
Et voici maintenant les 153 dessins d'Annyvonne. C'est la première fille. Va-t-elle suivre des voies différentes de celles des garçons ? Oui, au moins sur un point : elle a souci de dessiner joli. Ou, plutôt non, cela lui est naturel : même ses dessins agressifs ont un charme. Mais ce n'est pas là l'essentiel. Au départ, elle construit son oeuvre sur des personnages, sur des objets, sur l'anormalité ; puis, peu à peu, elle en fait la synthèse. Ses commentaires se centrent de plus en plus sur la solitude, une envie de voyager, un désir de fuite, des désirs de destruction de monstres qui veulent détruire de la planète. Vers avril-mai, elle n'en est plus qu'à six/sept dessins par mois. Et puis, soudain, en juin, une explosion de 42 dessins, tous de même sujet et de même jolie facture. Elle ne se contente pas de s'emparer des monstres "philippéens", elle les traite à sa manière et en constitue la source de sa joie - ou de l'atténuation de sa tristesse ?
 
Conclusion
Non seulement tous ces "itinéraires" seront aux congrès (salle des « Amis de Freinet »), mais j'espère avoir le temps de terminer les douze autres. Et parmi eux Femanda, Femando, M.L.J., Michel L. Patricia...Mais je sais maintenant que chacun des douze enfants vaudra assurément la peine d'être considéré, d'être totalement accepté pour lui -même.
J'ai récemment appris que De Kooning, l'un des papes de l'abstrait, s'était remis un jour à peindre des femmes. Scandale ! tollé général ! il trahissait. Mais il s'en est moqué. Quoi que cela pût lui coûter, il voulait continuer à peindre selon son désir en passant alternativement, quand cela lui chantait, de l'abstrait au figuratif.
N'est-ce pas ce que nous voulons : que les enfants puissent dessiner et peindre selon leur désir ?
Paul Le Bohec.
35520 La Mezière
 
Expression sous toutes ses formes !
De nombreux ateliers-débats et expositions viendront aussi enrichir ce thème lors du congrès.

 

Les nouvelles technologies au congrès

Juin 2000
 L’histoire de la pédagogie Freinet montre qu'à chaque époque les possibilités technologiques ont été exploitées, avec en parallèle la recherche de plus de liberté, plus d'autonomie, plus de pouvoir pour les enfants sur la construction de leurs connaissances et aussi plus d'étendue sur les plans géographique et humain.
 
 
Le mouvement Freinet s’est construit autour d’outils ou de techniques :
Sans présenter ici "La Pédagogie Freinet", voyons-en les axes fondamentaux, avec à l'esprit l'apport possible des TNIC :
- favoriser l’expression personnelle et la communication ;
- permettre le développement de l'individualité ;
- contribuer à la construction des structures mentales permettant la vie sociale ;
- faire émerger la créativité et l’enrichir ;
- former à la curiosité et l'esprit de recherche ;
- développer l’autonomie ;
- appuyer toute construction du savoir sur l'expression et l'intérêt des enfants.
 
   Il n'est pas très difficile de mettre sous chacun des points de cette "philosophie" éducative, un outil, une fonction, offerts par les TNIC que ce soit ordinateur, logiciels ou réseaux.
 
 La technologie actuelle permet d'améliorer ces "outils pédagogiques", d'en faciliter l'usage, souvent d'en multiplier l'impact.
- Le texte libre et le journal avec les traitements de textes, les PAO, les PREAO, le multimédia, les éditeurs HTML... ;
- la correspondance avec la messagerie électronique, les listes de diffusion, les forums, les "IRC", les sites Web personnels... ;
- le travail individualisé avec les logiciels "personnalisables", les fonctions de soutien des traitements de textes, les outils mathématiques... ;
- la recherche documentaire avec les logiciels permettant aux enfants de parvenir à l'autonomie dans le choix de leurs sujets d'étude ou de lecture, avec aussi, bien entendu, l'explosion du corpus d'information et documentation qu'offrent les réseaux ;
- le tâtonnement expérimental pour lequel les limites seront repoussées grâce aux soutiens techniques de machines (calculatrices, appareils de photocopie, photographie, vidéo, scanners...) mais aussi à l'élargissement du monde des "pairs" qui est une composante fondamentale dans le processus de construction des savoirs, savoir-faire, savoir-être, (voir à ce sujet les arbres de connaissance en particulier) ;
- l'organisation coopérative du travail et de la vie de groupe avec les nouvelles formes de communication qui permettent des débats larges, rapides et ouverts; avec aussi les outils d'enregistrement permettant l'observation et l'analyse du fonctionnement de la vie de groupe.
 
Mais si la pédagogie peut tirer profit de la technologie, en revanche il est rare que la technologie modifie, à elle seule, profondément la pédagogie.
Et il est essentiel de comprendre que seules une attitude philosophique et une conception de l’homme, enfant comme adulte, bien spécifiques, permettront d’atteindre les objectifs que nous citions précédemment pour la Pédagogie Freinet et que les partisans de l'usage des TNIC à l'école présentent aussi comme indispensables pour l'éducation des années 2000.
Bernard Monthubert
bernard.monthubert[arobase]freinet.interpc.fr
Extrait du dossier Pédagogie Freinet et technologies de l’information du Nouvel Educateur n°113.

 

 

 

Pour favoriser la dynamique coopérative.
Pour donner à voir la richesse du groupe et faciliter les échanges de compétences.
L’arbre de connaissance de l’ICEM au Congrès
Avec l'aimable accord de Michel Authier, nous avons lancé une nouvelle expérience : construire l’arbre de l’ICEM et des participants du congrès. Cette animation permettra de faire émerger et de visualiser les "coopétences" des personnes et du groupe. Nous avons osé ce néologisme car il évoque assez bien selon nous l'esprit de mutualisation des compétences.
Lors du Congrès, l’Arbre existant de l'ICEM fonctionnera en continu, avec vidéoprojection dans un lieu central. Il devrait constituer le fil rouge de la rencontre, en s'enrichissant des différents apports, animations et réalisations du Congrès
Le but est de montrer l'intérêt pour la dynamique du groupe ICEM d'une cartographie facilement accessible et lisible de ses différentes compétences et recherches actuelles.
En outre, un atelier du Congrès devrait être consacré à la présentation de différentes actions menées sur le terrain socio-éducatif avec les Arbres de Connaissances (Acacia, Acné, réseau Arbres sur Marelle…)
Pierrick Descottes et Christian Lego
 
 

 

Le journal scolaire

Juin 2000
« Le journal scolaire est comme une permanente enquête qui vous place à l’écoute du monde, une large fenêtre ouverte sur le travail et sur la vie ».
 
C. Freinet
in « Le journal scolaire ».
 
Le journal scolaire :
une pratique active de la citoyenneté
Objectifs transversaux et disciplinaires
Écrire pour un journal c’est apprendre à se connaître, à connaître les autres et leur environnement, à participer à une œuvre commune et à mettre ses compétences au service de la collectivité. C’est donc une pratique régulière de la citoyenneté.
C’est aussi donner un sens à sa production d’écrits.
 
                On écrit pour être lu.
L’enfant ne peut pas donner de sens à son travail, quand on lui demande dans un exercice d’écrire une lettre, un compte-rendu, une recette, une fiche technique... Le destinataire n’existe pas et l’écrit reste dans un cahier.
                On écrit pour les autres.
L’enfant écrit pour ses pairs : pour les informer, les distraire, leur raconter, leur exposer, leur décrire, les questionner...
Il écrit aussi pour offrir : à ses correspondants, à ses parents, aux autres classes...
                On écrit avec les autres.
La répartition du travail, le choix des types d’écrits, les améliorations, le traitement de texte, la maquette... Tout est fait en coopération et avec l’esprit d’entraide.
Alors, l’enfant se sent vraiment co-réalisateur du journal.
                On écrit dans le respect de l’autre.
De sa personne (pas de moquerie, d’injures...).
De sa parole (afin que chacun puisse s’exprimer librement en toute sécurité).
De son travail (pratique de l’entraide).
                On travaille pour écrire.
Si sa production est lue véritablement, alors seront justifiés pour l’enfant l’effort et le travail sur la forme et le fond de son écrit.
Il développera la qualité des textes :
- respect de la cohérence minimale : orthographe, syntaxe des phrases, organisation du texte en paragraphe, pertinence du titre ;
- respect des caractéristiques particulières des types et formes de textes ;
- respect de la mise en page.
Catherine Chabrun (GD 91 - Essonne)

 

Une exposition sur le journal scolaire
Cette exposition réalisée par Daniel Villebasse retrace l’histoire de la technique pédagogique qu’est le journal scolaire créée par Célestin Freinet au début du siècle (1923), ainsi que l’histoire d’un journal scolaire de Tourcoing, « NOUS TOUS » de 1963 à 1999, soit 100 numéros.
Les panneaux présentent :
-            la naissance du journal et l’évolution de la présentation de la « Une » ;
-            les contenus du journal ;
-            les moyens de reproduction ;
-            les techniques d’illustration ;
-            la pédagogie induite par l’existence du journal : le travail en équipe, les échanges inter-scolaire.
 
Ces panneaux sont accompagnés par l’exposition sous vitrine des 100 numéros de « NOUS TOUS » et par la présentation du matériel utilisé dans les classes dans les années 60/70.
Daniel Villebasse GD 59 - Nord

 

Vient de paraître aux Editions ICEM,
« Pratiques du journal scolaire - Gerbe de témoignages - », contact : ICEM, 18, rue Sarrazin - 44000 Nantes

 

 

 

Au congrès, Le GD 76 (Seine Maritime) présente le réseau d’échange de journaux scolaires ainsi que des pratiques de coreespondance par fax.

 

 

Droits de l'enfant et citoyenneté

Juin 2000

Pour une citoyenneté participative

Le concept de "participation" est très présent actuellement dans les discours et les pratiques concernant l'éducation à la citoyenneté. J'ai avancé moi-même le concept de "citoyenneté participative" pour bien marquer la différence avec une citoyenneté qui se réduirait à investir des représentants élus, des responsabilités liées au fonctionnement des institutions démocratiques.1
            La participation concerne tous les citoyens partout où ils se trouvent, habitants dans la ville2, travailleurs dans les entreprises3…enfants et jeunes dans la famille, l'école, les institutions éducatives, les centres de loisirs… le problème qui est alors posé étant :             
            comment faire pour que les adultes et les enfants puissent être des citoyens à part entière dans les lieux où ils vivent et travaillent?
Les expériences novatrices se multiplient mais des oppositions continuent d'exister liées souvent à des enjeux de pouvoir et, pour les enfants, à une représentation des adultes qui les considèrent comme incapables d'assumer des responsabilités.
Il s'agit donc de convaincre les éducateurs que “ le meilleur enseignement de la démocratie est dispensé dans un cadre où la participation est encouragée et les points de vue exprimés ouvertement, où règnent la liberté d’expression des élèves et des enseignants, ainsi que l’équité et la justice4 et que cela est possible.
 
La participation est un critère de la citoyenneté
Dans son rapport sur "la participation des habitants de la ville" (op.cit.), Jacques Floch montre les perspectives de ce qu'il appelle une "nouvelle citoyenneté" A travers les expériences relatées, on voit se dessiner l'image d'un citoyen actif et engagé qui, en coopération avec les autres, pèse sur les décisions qui ordonnent sa vie quotidienne. La participation est un critère de la citoyenneté.
 
Mais qu'en est-il de la citoyenneté de l'enfant ?
« On naît citoyen, on devient un citoyen éclairé ». Les finalités et objectifs de l'école sont clairs : il s'agit de préparer les enfants à devenir des citoyens autonomes, responsables et solidaires.
La classe et l'école, mais aussi les autres lieux de vie, devraient donc devenir des lieux de pratiques citoyennes5 C'est par cette pratique sociale que les enfants et les jeunes pourront acquérir, progressivement, l'assurance, la confiance en soi et les compétences, nécessaires pour s'impliquer.
La participation est un droit pour les adultes, qui peuvent légitimement la revendiquer, mais l'est-elle aussi pour les enfants ?
Dans son rapport,6 présenté à l'Assemblée nationale en 1990, pour la ratification de la Convention Internationale des droits de l'Enfant, Denise CACHEUX écrivait, à propos du droit d'expression 7:
"Ce droit d'expression peut être décomposé en trois points :
- le droit de s'exprimer, de parler, de donner son avis ;
- le droit d'être écouté, d'être cru ;
- le droit de participer au processus de décision et même de prendre seul des décisions.
Je souscris totalement à cette conception du droit d'expression et j'y ajoute, dans une perspective d'éducation à la responsabilité, le droit et le devoir de participer à la mise en œuvre des décisions prises.
Le cadre juridique du droit de participation existe donc désormais et c'est, en conséquence, un nouveau contrat social et éducatif qui doit se mettre en place dans la cité et dans toutes les institutions éducatives.
Mettre en place des institutions qui permettent l'exercice d'un droit de participation des enfants et des jeunes aux affaires qui les concerne est donc non seulement un acte légitime pour les éducateurs qui le tentent, mais un devoir éducatif et citoyen pour tous. Et pour les pouvoirs publics, il s'agit d'instituer ce droit dans des textes officiels et de soutenir les initiatives des praticiens novateurs. 
Jean LE GAL
 
______________________________
1 LE GAL Jean, Participation et citoyenneté à l'école, Le Nouvel Educateur,  79, mai 1996.
2 FLOCH Jacques, député, Rapport de commission, Participation des habitants de la ville, Editions du Conseil national des villes et du développement urbain, novembre 1991.
    Politique de participation et participation au politique, Les habitants dans la décision locale, Territoires, ADELS, septembre-octobre 1999.
3 LAVILLE J.L. , La participation dans les entreprises en Europe, Paris, Vuibert, 1992.
4 Apprendre pour vivre, Strasbourg, Conseil de l'Europe, 1989.
5 LE GAL Jean, Coopérer pour développer la citoyenneté, Hatier, Questions d'école, 1999.
6 CACHEUX Denise, 1990, Rapport d'information
7 L'article 12, de la CIDE, stipule que :
"Les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité".

 

l’énoncé théorique des droits et des devoirs de l’individu dans la communauté ne suffit plus ; c’est la pratique sociale qu’il faut développer afin que l’homme sache plus tard se conduire librement dans les diverses occasions de sa vie”.         
 Freinet

 

" Pour la première fois, dans l'histoire, la Convention reconnaît la citoyenneté des enfants, garçons et filles ( articles 12 à 18) et leur capacité à être titulaire de droits (…) Du moment que l'on considère les enfants comme des citoyens à part entière, il devient d'autant plus capital de veiller à leur donner la possibilité d'exprimer leurs propres points de vue et de participer à l'adoption des décisions les concernant. Le mineur doit être assimilé à un interlocuteur actif ou à un citoyen comme les autres dans tous les domaines qui l'intéressent (famille, école, collectivité, sports, etc.)
Christina ALBERDI ALONSO, ministre espagnole des Affaires sociales, en 1994,
Conférence de Madrid - Conseil de l'Europe

 

Le conseil, clé de voûte de l'organisation coopérative

Juin 2000

Une réflexion de fond sur la classe coopérative, des conseils pratiques et clairs, Jean Le gal* a publié l’an passé un petit livre efficace sur lequel nous revenons avec plaisir en reproduisant quelques extraits du chapitre 5 portant sur la mise en place du conseil.

 
*  Dans le vaste champ de la pédagogie freinet, Jean Le Gal s’est consacré plus particulièrement à la défense des droits et des libertés de l’enfant, à l’autogestion et à l’exercice d’une citoyenneté participative à l’école.
 
 
Le conseil, une institution fondamentale
La richesse et la complexité des activités et des relations, au sein de la classe coopérative, nécessitent une organisation sociale réfléchie, la mise en place d'institutions qui répondent aux besoins identifiés par le groupe.
Pour Femand Oury (1), tout ce que le groupe institue en fonction des réalités qu'il vit, peut s'appeler institution : les "lois de la classe", les fonctions (responsabilités, services...), les rôles (présidence, secrétariat), les statuts de chacun, les équipes, les lieux de parole («quoi de neuf ?», conseils)...
 
Parmi ces institutions le conseil occupe une place essentielle.
Il est la structure instituante, le lieu d'échange de parole où, ensemble, les membres du groupe analysent les différents aspects de leur vie commune, confrontent leurs points de vue, prennent des décisions et en évaluent
l'application. Son organisation est donc fondamentale. Pour être crédible, il doit être efficace.
 
Organiser le conseil
"C'est quoi le conseil ? "
"Ça permet de faire respecter les règles, de communiquer les problèmes que l'on a, de parler, de faire des propositions, de trouver des solutions, d'aider ceux qui ont des problèmes... c'est bien car ce n'est pas que le maître qui décide. "
Pour ces enfants, le conseil est bien perçu comme un lieu important d'information, d'analyse, de régulation et d'organisation, où ils partagent le pouvoir collectif avec l'adulte. Ils ont une possibilité réelle d'influer directement sur leurs conditions de vie et de travail. Mais le pouvoir du conseil dépend des capacités de l'enseignant à faire respecter ses décisions : Je ne peux partager que le pouvoir que je détiens moi-même.
 
 Le fonctionnement du conseil
L'analyse du processus d'autogestion à l'école (2) m'a amené à distinguer quatre étapes principales : proposer, discuter, décider, appliquer. (...)
 
1) Avant le conseil
Chacun, enfant et adulte, a la possibilité d'émettre librement des critiques et de faire des propositions. Toute critique, qu'elle concerne une personne ou le fonctionnement de la classe, est signée. Celui qui l'émet sait qu'il devra la justifier. L'enseignant peut lui aussi être critiqué et aura donc à répondre de ses actes devant le conseil.
Pour Freinet, "lorsque le membre d'une communauté dit publiquement ce qu'il a à dire, si grave que cela soit, il doit être loué pour son courage moral et civique" (3).
Une proposition, pour pouvoir être comprise de tous et faire l'objet d'un débat sérieux, exige une réflexion préalable. L'exigence est évidemment à moduler en fonction des capacités des enfants.
 
2) Prévoir minutieusement le déroulement
Il n'existe pas de schéma-type de déroulement d'un conseil.. Cependant beaucoup débutent par un rappel et un contrôle des décisions prises lors de la dernière réunion. Ensuite, souvent l'ordre du jour se structure autour de
trois champs principaux :
a. les activités
Le bilan du travail individuel, des ateliers, des activités collectives de la semaine, et l'étude des nouvelles propositions débouchent sur une programmation des projets et la mise au point de l'emploi du temps. Ils impliquent parfois une réorganisation de l'espace, l'acquisition de matériel et un bilan financier de la coopérative.
b. l'organisation matérielle et institutionnelle de la classe
Pour répondre aux besoins, l'organisation de la classe doit être très structurée. Le fonctionnement des équipes, des ateliers, des responsabilités et des diverses institutions est donc soumis à une analyse permanente.
c. la vie du groupe
Le règlement des conflits et des problèmes relationnels, le respect des règles de vie et leur remise en cause éventuelle, constituent aussi une fonction importante du conseil.
 
Chaque point de l'ordre du jour retenu fait l'objet d'une discussion. Lorsqu'une décision est à prendre et qu'un consensus ne peut être trouvé, un vote a lieu.
La conception pédagogique, l'âge des enfants, le temps imparti au conseil, l'urgence d'une décision, amènent à privilégier parfois un champ plutôt qu'un autre.
 
3) "La part du maître "
(...) La "part du maitre" est donc un facteur principal dans la réussite mais elle est difficile à apprécier. Elle exige beaucoup d'attention pour respecter les tâtonnements nécessaires tout en évitant les échecs démotivants : laisser
au groupe le maximum d'initiative mais l'accompagner vers son autonomie ; intervenir pour l'aider à clarifier un problème, à choisir une solution, à gérer les perturbations... et refuser, en l'expliquant, les décisions contraires aux finalités, principes et valeurs de la classe.
 
4) Faire respecter les décisions
Les décisions, aboutissement d'un choix réfléchi et lucide, doivent être appliquées : chacun en est responsable solidairement avec les autres. L'enseignant en est le garant mais les enfants doivent aussi y contribuer en exécutant les tâches prévues et en s'engageant dans les responsabilités dont le besoin a été déterminé. C'est la part coopérative de chacun.
Exercer un pouvoir de décision a pour corollaire le devoir de participer à l'application, chacun à la mesure de ses capacités.
 
 Créer les conditions de la mise en place
Au départ, susciter le désir du conseil, créer le besoin de cette réunion qu'ils ne connaissent pas, faire qu'ils s'interrogent : "Qui c'est l'conseil ?" (4) est une nécessité pour qu'ils s'y engagent pleinement.
Cela peut se faire rapidement ou on peut attendre que les activités qui suscitent l'échange et la coopération soient bien en place.
Un enfant vient rapporter un problème, émettre une proposition, lui répondre "On en parlera au conseil ! ".
Et puis un jour : "Nous nous réunirons en conseil, lundi !"
Ce jour-là, tout est prêt : les chaises en rond, l'ordre du jour, la règle de parole... Le moment est solennel.
"Le conseil est ouvert! Vous avez le droit de dire ce que vous voulez sur la vie de la classe."
Jean LE GAL
Extrait de Coopérer pour développer la citoyenneté : la classe coopérative. Edition Hatier. Collection Questions d'École.
 
NOTES :
1) OURY Fernand, VASQUEZ Aïda,. De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle, Maspero, 1971.
2) LE GAL Jean, "Une aventure autogestionnaire dans le mouvement Freinet", In Les pédagogies autogestionnaires, Patrick Boumard, Ahmed Lamihi, Ed. Yvan Davy, 1995.
3. FREINET Célestin, L'éducation morale et civique, Bibliothèque de l'École Moderne, 1960.
4. POCHET Catherine, OURY Fernand, Qui c'est l'conseil ?, Maspero, 1979.
 
Encart 1ère page :
Certaines classes n'ont qu'un seul type de conseil, d'autres en ont plusieurs. Dans ma classe de perfectionnement, nous en avions trois :
- le conseil hebdomadaire de coopérative avait pour fonctions, d'organiser les activités et les projets collectifs, d’analyser la vie du groupe, de rechercher des solutions aux dysfonctionnements et aux conflits et d'élaborer les "lois de la coopérative". Il était dirigé, chaque lundi, par une équipe nouvelle comprenant un président et deux secrétaires.
- le conseil-bilan du soir permettait de faire un point rapide de la journée et à chacun de dire ses réussites, ses problèmes et ses critiques. Il était animé par le responsable de jour.
- le conseil extraordinaire avait lieu pour régler "à chaud" un problème grave, pour mener une réflexion approfondie sur une de nos institutions ou pour organiser un projet collectif.
Il était animé par moi-même.
J. Le Gal
 
Encart 2ème page :
Quelques conditions pour la réussite
Des expériences diverses nous pouvons dégager des conditions indispensables à la réussite, autour de quelques facteurs importants :
- la parole :
Tous les enfants doivent pouvoir participer à l'échange, mais pour qu'une parole vraie, authentique, puisse s'exprimer, il faut que la confiance règne au sein du groupe, que les moqueries soient interdites, que tous écoutent et acceptent les différences.
Des règles précisent les modalités d'exercice du droit à la parole et en fixent les limites et les obligations :
- "Chacun a droit à la parole.
- On demande la parole en levant la main. On écoute celui qui parle. On ne se moque pas.
- Celui qui ne respecte pas les règles aura un avertissement. S'il continue, il sera exclu du conseil".
Respecter soi-même les règles communes est un principe majeur pour l'enseignant.
 
- l'animation du conseil :
L'efficacité du conseil dépend de la qualité de l'animation. (...)
Chacun a le droit d'animer le conseil mais les compétences ne se construisent que progressivement. Chaque animation est donc suivie d'une analyse de fonctionnement. Chacun peut aussi s’entraîner dans d'autres lieux de parole : l'entretien du matin, le bilan du soir, les débats, les conférences...
Il est important de mettre en place rapidement un rituel stable constitué :
- de règles précisant l'élaboration de l'ordre du jour, le déroulement de la réunion, la distribution de la parole.
- de maîtres - mots, choisis ensemble, ritualisant l'animation :
. le conseil commence
. la parole est à...
. questions ? propositions ?
. décision, on vote...
Une fiche-guide à l'usage du président de séance, rappelle le déroulement de la réunion et les maîtres-mots.
 
- la régularité :
(...) Chacun sait qu'un lieu existe, qu'un temps est réservé à l'emploi du temps, qu'un ordre du jour, toujours le même, ouvrira un espace de parole et de décision : le travail cesse, on s'installe comme convenu ensemble, le conseil commence.
 
- les outils du conseil :
Ils accompagnent les différentes étapes du fonctionnement : avant, pendant, après :
. le journal mural de Freinet avec ses quatre colonnes (je critique, je félicite, je voudrais, j'ai réalisé), la boite à idées, le carnet du conseil... permettent aux enfants d'émettre des avis, des critiques, des propositions...
. la fiche-guide du président de séance, le cahier du secrétaire, des affiches présentant les règles du conseil et son déroulement, sont des supports pour un fonctionnement efficace.
. affiches. tableau de la coopérative, classeur, cahier des lois, tableau des projets... gardent la mémoire des décisions, enregistrent les lois et sont les outils de référence pour la mise en oeuvre des décisions.
Si la coopérative a une structure légale, un registre conserve le procès-verbal des réunions.

 

Méthodes naturelles et tâtonnement expérimental

Juin 2000

Toujours préoccupé de valider cette hypothèse d’apprentissage que nous a léguée C. Freinet, pour nous « sécuriser » dans nos pratiques quotidiennes, pour observer, clarifier, concevoir, affiner ce que nous désignons par méthodes naturelles, Edmond Lèmery nous propose de réfléchir sur ce thème : la naissance de l’hypothèse dans l’expérience tâtonnée au cours des activités vécues en classe

.

 
Edmond Lèmery :
Depuis quelques mois, je me suis surtout intéressé au modèle théorique de fonctionnement de l’intelligence présenté dans le livre de Jean-Yves Fournier*. L’auteur y rassemble et synthétise de nombreuses connaissances sur le fonctionnement naturel de l’intelligence humaine, connaissances qui, à mon avis, confirment globalement nos méthodes naturelles et particulièrement leur processus fondamental : le tâtonnement expérimental.
Pour ce qui nous intéresse : la démarche naturelle d’apprentissage chez l’enfant - de la maternelle au lycée -, que penser de ce modèle théorique illustré par des exemples de découvertes scientifiques et de la vie quotidienne ? Que peut-il nous apporter ? En quoi peut-il nous aider à approfondir, à mieux comprendre certaines phases de l’expérience tâtonnée (encart 1), processus de base du tâtonnement expérimental et le processus général lui-même qui est une forme de la conceptualisation ? Et quelles phases ?
Nous nous proposons donc de développer l’analyse de certaines phases de cette expérience tâtonnée, à travers de nombreux exemples tirés de toute activité de l’enfant, en liberté (langage, expression, création, expériences diverses, recherches...). A partir de mini-génèses, nous analyserons ensemble des « naissances d’hypothèses », des vérifications de lois hypothétiques, des répétitions (immédiates ou distantes), etc.
Edmond Lèmery
* Jean-Yves Fournier, A l’école de l’intelligence, Ed ESF, collection pédagogie-outils.
Pour contribuer à cet atelier du Congrès : vous pouvez envoyer vos exemples de pratiques de classes, des traces même brèves (écrites, enregistrées...) à Edmond Lèmery, 6, rue Toulouse Lautrec, 63400 Chamalière
 
« A côté de l’inconscient affectif tant étudié par Freud existe un inconscient cognitif tout aussi important à élucider ». 
Jean-Yves Fournier
 
Egalement au congrès l’exposition «démarche scientifique» réalisée par Pierre Guérin et les Francas de Vendée.

 

Comment ça marche un moulin ?

Juin 2000
ou la découverte des engrenages par les Meuniers, élèves de CP/CE1
Un jour, nos correspondants ont demandé pourquoi notre recueil de textes s'appelait «Le moulin qui parle» et si notre classe était un moulin. Nous nous sommes mis à parler de moulins et un enfant s'est inquiété de savoir comment ça marchait un moulin. Il se trouvait que cette année-là, je m'étais inscrite dans un projet de circonscription, projet de sciences et technologie qui devait aboutir pour la fin de l'année à une exposition.
 
Chronologie de la recherche
La recherche a été très étalée dans le temps, je voulais que les enfants parviennent seuls à découvrir. J'ai donc organisé la recherche pour que le tâtonnement soit réel pour tous les enfants et favorisé les moments d'échanges constructifs.
6 novembre : Réception de la lettre des correspondants qui nous demandent si notre école est un moulin.
13 novembre : Débat en classe " Comment ça marche un moulin " (premières émergences des représentations mentales initiales). Dessins de moulins.
14 novembre : Commentaire collectif des dessins et décision prise de construire un moulin.
15 novembre au 15 février : Expérimentations pour tous, 4 par 4 au coin bricolage. Chaque séance bricolage est suivie d'une présentation à la classe, ce qui nourrit le débat et permet la progression de la construction.
8 février : Visite au musée de Guiry-en-Vexin où nous découvrons des meules du Néolithique. Les enfants se trouvent devant un problème : les ailes sont dans un plan vertical et les meules sont dans un plan horizontal. Prise de conscience du changement de sens et de la relation entre les ailes et les meules.
Fin février : Débat qui sert à faire le point de nos connaissances et nouvelle série de dessins qui servent à évaluer l'état des représentations : Le lien est fait entre les ailes et les meules, on sait fixer les ailes et les faire tourner grâce à un axe de rotation mais il faut trouver une solution pour changer la direction du mouvement. Le coin bricolage n'est plus suffisant.
12 mars : Recherche documentaire à la BCD : découverte des engrenages. Point oral sur tout ce que nous savons maintenant sur le fonctionnement du moulin et les CE1 sont chargés de rédiger nos découvertes.
16 mars : Nouveaux dessins : beaucoup d'enfants ne dessinent que le mécanisme, ils arrivent à faire abstraction de la forme du moulin.
17 mars : Feuille de lecture documentaire comprenant un shéma à légender d'un mécanisme de moulin et les phrases rédigées par les CE1.
18 mars : Rédaction de la lettre aux correspondants qui raconte la découverte étape par étape. Rédaction d'une fiche guide pour expliquer aux visiteurs de l'exposition le fonctionnement d'un moulin. Rédaction d'une fiche technique pour chacun des moulins bricolés par les enfants.
Monique Quertier, école V. Hugo2, 17 rue V. Hugo 93800 Epinay-sur-Seine
aidée de Rémi Jacquet pour l'exposition.

 

 

 

Une exposition retracera l’itinéraire de ce travail.
Contenu de l'exposition
- 7 panneaux retraçant l'histoire de l'expérimentation.
- livret scientifique : " Comment ça marche un moulin ? " éditions Gavroche, école Victor Hugo 2 d'Epinay-sur-Seine.
- brochure " Enfants chercheurs " relatant une discussion entre enfants au sujet du fonctionnement du moulin, transcrite et analysée par Rémi Jacquet.
 

 

Remarques pédagogiques
 
Organisation de l'expérimentation, du tâtonnement, de façon à laisser le temps aux enfants de découvrir par eux-mêmes. Les enfants s'appuient sur les recherches précédentes et les hypothèses émises pour aller plus loin. Ils repassent par les étapes des autres mais plus vite et vont plus loin. La démarche est donc nécessairement étalée dans le temps.
Organisation de la communication aux autres d'un travail effectué : le regard du groupe aide à l'analyse de la réalisation, on émet des hypothèses, on les confronte.
Le bricolage n'a pas conduit à la réalisation d'un moulin parfait, il a servi à comprendre un fonctionnement, un principe. L'objectif des enfants n'était pas de réaliser un objet mais de comprendre.
Emergences régulières des représentations mentales dans les débats, les dessins, les commentaires, les critiques...
Discussions suivies d'un travail graphique : les représentations de chacun à l'issue de la discussion (association verbal et visuel).
Les enfants ne voyaient pas les images d'engrenages présentes sous leurs yeux en classe tant qu'ils n'avaient pas cherché : ça ne faisait pas lien, ce n'était pas réponse à une question. Ils ont su les voir à partir du moment où ça a répondu à leur besoin.
Aspect citoyenneté : apprentissage individuel collectif, chacun cherche puis présente au groupe qui commente la recherche.
Organisation du partage du travail pour être plus efficace.

 

 

Echec-erreur-norme-culpabilité

Juin 2000

 



Un moment de travail individualisé

Juin 2000

Permettons aux enfants de maîtriser leur progression sans être assujettis à un parcours unique à un rythme imposé. Permettons aux enfants de travailler à leur rythme en se corrigeant eux-mêmes. Permettons-leur d’utiliser des outils appropriés, créons-en avec eux, adaptons-les à leurs besoins, à leurs envies.

 

 

Dans ma classe, ce moment d’apprentissage individualisé a lieu tous les matins de 9 h à 10 h15.
Les élèves ont prévu en début de semaine en liaison avec l’enseignant leur contrat. (Le contrat représente les activités correspondant à la fois aux « envies » et aux « besoins » de chacun.) Il est négocié entre chaque enfant et l’enseignant.
D’autres enfants, dit « autonomes », effectuent leurs activités au fur et à mesure. Ils n’ont pas de contrat. Leur liberté de choix est plus grande.
D’autres encore peuvent travailler sous tutelle ou sous tutorat.
Pour la tutelle, il s’agit de travailler sous la tutelle de l’enseignant qui vérifie chaque activité et indique les activités à effectuer.
Pour le tutorat, il s’agit d’un enfant « dit autonome » qui choisit d’aider un enfant sous tutelle et qui est donc présent dans le choix et suivi des activités.
Évidemment, ces différents statuts dans la classe ne sont jamais définitifs. Ils évoluent tout au long de l’année selon les diverses prises de conscience, selon les avancées, régressions, progrès, difficultés sur le chemin de l’autonomie et selon le degré de responsabilisation face aux apprentissages.
 
Il est 9h.
Chacun inscrit sur son cahier du jour l’heure, puis l’activité qu’il a décidé de faire.
Lucie et Louise (CE2) travaillent ensemble sur le brevet des mots contraires.
Jordi (CM2) écrit un texte libre sur son cahier d’aventure.
Benjamin M. (CM1) et Benjamin T. (CM2) ont décidé de finir leur recherche car elle doit être terminée cette semaine.
Etienne (CM1) aide Émilie sur un travail de lecture.
Ludivine (CM2) vient me voir pour me demander à passer un brevet. Elle s’isole et se met à travailler.
Aziza (CE2), Lucie (CM2) et Marjorie (CM1) préparent le « Super, c’est samedi » (moment de communication dans lequel tous les enfants de l’école sont rassemblés : présentations diverses de chants, musique, théâtre, poésies, recherches...). Elles sortent pour faire le tour des classes afin d’établir un ordre du jour.
 
Ainsi, chacun se met au travail... On se rend compte qu’un certain nombre d’enfants travaillent seuls, d’autres à deux et d’autres encore en petit groupe. La durée de l’activité peut être longue, mais aussi courte dans le cadre d’une aide ou d’un dépannage par exemple.
 
Il est 9 h 30.
Lucie et Louise ont terminé leur travail sur le brevet. Elles semblent avoir compris, elles se sont entraînées et ont réussi le test. Louise est, depuis, partie lire en BCD... tiens, avec Lucie d’ailleurs!
Jordi est toujours sur son texte, il a été entre-temps beaucoup sollicité pour l’aide.
Benjamin M. et T. sont toujours sur leur recherche. Ils n’auront pas le temps de la finir, mais ils ont prévu de la mettre au propre durant le temps de projet de l’après-midi.
Émilie, maintenant, travaille sur les opérations et se heurtent à quelques difficultés avec les retenues. Elle sollicite encore de nombreuses aides.
Jan recopie un texte pour le journal et Raphaël est rendu à l’ordinateur pour se familiariser avec le clavier.
Ludivine a réussi son brevet, elle l’a donc collé dans son cahier du jour et a pointé sa nouvelle réussite sur son livret de formation. En ce moment, elle tente d’aider Hermann (CE2) (car elle est sa tutrice), mais semble avoir des difficultés car elle ne paraît pas être beaucoup écoutée.
Lucie met au propre l’affiche pour le « Super c’est samedi ». Marjorie termine la lettre pour sa correspondante et Aziza corrige son dernier texte.
 
Et pendant ce temps là, qu’est-ce que je fais ?
Je suis intervenu dans la perte de temps de certains et j’ai donc pressé le rythme.
J’ai aidé Émilie qui ne savait plus comment se débrouiller de ses opérations, malgré les nombreuses aides sollicitées.
J’ai corrigé des brevets, des tests d’opérations. Beaucoup d’outils sont auto-correctifs, mais pas tous.
Je suis intervenu dans des groupes, quand je sentais la perte de temps ou la baisse de motivation de certains.
J’ai circulé dans la classe pour jeter un coup d’oeil sur les cahiers.
 
Les interactions sont incessantes dans une classe de cycle. Elles permettent d’utiliser les compétences de chacun et de mettre chacun dans un état de confiance envers les autres et envers l’adulte.
François Le Ménahèze,
école A.-Guépin, Nantes (44)
Article paru dans le dossier du Nouvel Éducateur n°94, « Les classes à cours multiples, où en est-on ? »
 

 

Pédagogie Freinet : pédagogie matérialiste

Juin 2000

 



Les groupes départementaux

Juin 2000
On n’enseigne pas seul ! Véritable cheville ouvrière de l’ICEM, nos groupes départementaux sont des lieux privilégiés d’échange et d’entraide pédagogiques. Le congrès, c’est le moment où les groupes se rencontrent pour présenter et confronter leurs recherches et leurs travaux.
 
Un groupe Freinet :
le GD 54 (Meurthe-et-Moselle)
Depuis trois ans, nous fonctionnons à raison d’une réunion par mois. La structure des réunions est toujours sensiblement la même :
- présentation de la classe qui accueille la réunion (on change d’école à chaque fois) ;
- infos générales, revue de presse, annonces, questions diverses...
- travaux par groupes ;
- bavardages informels avant fermeture, pour les noctambules. (Et oui, nos réunions se déroulent les mardis soirs).
 
Comme le dira Vincent Birckel lors de la première réunion : “Le groupe Freinet, j’vois ça comme un lieu où chacun vient avec sa valise de problèmes, on déballe tout sur la table et chacun voit c’qu’y peut en faire !”
 
                Effectivement, c’est d’abord un lieu de parole, un lieu d’échange, une structure élastique, une pâte malléable. Tant pis parfois pour l’ordre du jour (quand il y en a un). Il arrive parfois que le groupe sacrifie le rituels des chantiers au profit du “tout collectif”. La force de la réunion tient tant dans la richesse des échanges, que dans le travail en chantiers, que dans la super idée que j’ai trouvée en fouinant dans l’armoire du copain.
               
                Le rôle des chantiers
Les chantiers se sont développés dans une dynamique d’analyse des pratiques autour d’un même thème, ou d’un même outil. Fidèles à l’un de nos vieux principes “ne rien dire que nous n’ayons fait”, nous échangeons nos pratiques par le biais des productions de nos classes. C’est ainsi qu’au cours des chantiers circulent livres de vie, journaux scolaires, recherches mathématiques, albums, classeurs etc...
Cette année, quatre chantiers travaillent en parallèle :
- recherche libre en mathématiques ;
- album de vie ;
- chantier maternelle ;
- lecture en cycle 2.
Et afin de ne pas sombrer dans une sorte de convivialité empathique, chaque chantier s’est fixé comme objectif de produire un dossier de son travail. Un groupe qui ne produit pas est un groupe qui meurt.
A ce jour, un dossier “Quoi de neuf ?” est paru l’an dernier. Trois autres sont en cours de réalisation : 
- l’album de vie” ;
- “recherches libres en maths”;
- un dossier spécial radio...
sans compter les publications du très dynamique groupe maternelle.
 
 
 
Pour rencontrer le groupe Freinet de votre département, pour connaître sa participation au Congrès : voir la liste de votre correspondant départemental à la fin de ce numéro spécial.

 

L’IDEM 91 : le Groupe Départemental de l’Essonne
 
Présentation
Une trentaine de personnes gravitent autour de notre groupe départemental et suivent nos rencontres selon leurs possibilités. Un courrier mensuel faisant le lien.
Cette année, nous avons mis en place deux sortes de réunion :
§Echanges pratiques (une fois par mois) 
-     Les nouveaux programmes ;
-     Organisation de la classe ;
-     Lecture naturelle ;
-     Projets pour l’an 2000 ;
-     Echanges de savoirs et marché des connaissances ;
-     Arts plastiques.
§Recherches (une fois par mois aussi) 
-     Histoire - Géo ;
-     Le plan de travail ;
-     Le journal scolaire ;
-     La maternelle.
Ce qui permet à chacun de s’investir davantage dans une recherche et de participer aux échanges qui l’interpellent le plus. De ces rencontres naissent des outils et des réflexions mis à la disposition de tous.
Nous avons listé pour tout le groupe une liste de personnes ressources pour aider et soutenir.
 
 Au congrès
- La présentation de notre exposition itinérante ( IUFM, stages…) :
« La pédagogie Freinet : une pédagogie pour notre temps ? »
- L’organisation d’un marché des connaissances en lien avec l’Arbre de l’ICEM et le « troc des trucs »

 

 

 

Contribution du groupe 42

Juin 2000

Contribution d’un Groupe Départemental au congrès : le GD 42 (Loire)Créer pour apprendre
- Enjeux d'une démarche -
Faire le bon choix face à l'appropriation des apprentissages, et à fortiori face à l'échec scolaire nécessite souvent un engagement de la part des enseignants. Poussés à l'innovation par l'inefficacité des dispositifs habituels, ils ont besoin de courage pour bouleverser les traditions ancrées afin de réussir à leur tour leur projet pédagogique. L'école "populaire", dans le sens d'équitable, n'aurait-elle pas besoin d'un nouveau projet pour lutter contre la reproduction du schéma social existant ? Il s'agit de sortir des sentiers battus pour mener tous les apprentissages, habituellement "scolaires", à partir de projets concrets, authentiques.
 
Explorer un dispositif qui déplace le lieu du savoir.
En ce sens, l'art, mais aussi les créations manuelles et techniques, historiques, ou autres, peuvent être prétextes à de véritables projets coopératifs d'apprentissages.
 
Dans les réalisations présentées ici, les enfants ont compris ce qu'étaient la vie des hommes au travail, charpentiers de marine, mineurs, mariniers, comme la vie d'un fleuve ou le sens de l'histoire… Grâce à leur participation, leur implication directe, ils ont su exprimer dans leurs créations comment ils percevaient ce monde.
 
Le projet vivant est porteur d'une dynamique. Il permet à chacun de comprendre les enjeux des appren-tissages nécessités par la rencontre de son incapacité face aux problèmes survenus au cours de l'action.
 
La relation pédagogique prend ici une dimension particulière parce qu'elle est une nouvelle relation au monde, inhabituelle dans le cadre scolaire. Nous ne sommes plus dans un contexte d'illustration d'un programme. La nécessité d'apprendre prend du sens naturellement. Directement liés à l'œuvre, les savoirs deviennent experts.
 
La production, la création, placées comme médiation pédagogique n'apporteraient-elles pas une plus grande garantie dans le rapport au savoir ? Les Compagnons du Tour de France, en réalisant leur chef d'œuvre font la preuve de leurs compétences et de leurs savoirs.
 
En guise de conclusion.
Dans tous ces projets, chaque enfant a appris à son rythme, en fonction de son vécu, et de ses désirs.
Il a établi une relation vivante au monde dans lequel il vit et qu'il a découvert en le questionnant à sa façon, une relation aux autres sans lesquels il n'aurait pu mener à bien le projet dans lequel il était engagé.
Faire le choix d’une pédagogie non élitiste, populaire, où chacun à sa place, nécessite la globalisation des apprentissages dans de telles démar-ches où président l’expression, la participation et la coopération.
Nicole Bizieau
 

 

TROIS TEMOIGNAGES
1. Sur les traces des mariniers de la Loire
Classe de Christian Bizieau,CE2 Ecole du Mayollet à Roanne.
La découverte de deux tableaux au musée des Beaux Arts de Roanne conduit toute la classe à la recherche de la vie au XIXème siècle à travers une création plastique.
Cette création a mobilisé les enfants sur le patrimoine local, leur patrimoine. Celui-ci, s'il n'est pas utilisé comme refuge dans le passé, devient alors source de connaissance. Ici, une légende de tradition populaire a refait surface grâce au travail des enfants, qui l'ont fait renaître. Une recherche littéraire, des échanges, la découverte d'artistes et de leurs œuvres, l'expérimentation, des maîtrises techniques et la capacité créatrice ont permis aux enfants de se réaliser à travers leur production.
 
2.    Construire de vrais bateaux.
Un chantier de construction navale dans la classe unique de Roland Huguet au Crozet.
Tout a commencé dans le fond de notre classe. Déjà la semaine qui avait précédé, on sentait que quelque chose se préparait…Et, quelques jours plus tard, voilà ce qu'on pouvait voir dans le fond de la classe : le squelette d'un bateau.
Une pédagogie de projet comme celle-ci ne peut être porteuse que de la motivation naturelle des enfants dans l'appropriation de leurs savoirs.
Quant au savoir être, l'expérience humaine ainsi vécue en équipe, installe des valeurs sûres pour une vie de citoyen digne de ce nom : éducation du travail, respect de ses semblables, avidité d'apprendre, donner du sens à sa vie, et la pratique de l'entraide. L'expérience vécue laisse des traces pour une future vie d'hommes et de femmes responsables.
3         L'Histoire chez les petits.
Classe d'André Lafont à Estivareilles (des 2 ans aux CP)
Regards sur le domaine de l'histoire : remise en cause des repères culturellement acquis, transmission orale, légende ou histoire, quelle valeur accorder ? Comment faire ?
Créer une frise historique.
On roule ou déroule. On colle des images ou photos, avec textes au niveau d'un repère. Le haut est gradué pour représenter le temps (1 cm pour 1 an). C'est un outil facilitant qui matérialise la vie et le temps qui passe.
Utiliser le vécu pour se poser les questions en situations authentiques.
Par exemple, dans le cas d'une panne de courant. Se poser la simple question : "hier, qu'est-ce qui ne marchait pas à la maison " permet d'échanger, de comprendre et de fixer des repères dans le temps, de constater les écarts à prendre en compte en fonction des lieux et des sociétés.
 

 

Le secteur international

Juin 2000

Nous savons qu’en l’an 2000 la vie des enfants et des adolescents est différente suivant les pays et les continents et que le droit au plaisir, à une enfance vraie, insouciante n’est pas donnée à tous… Il faudrait que les jeunes puissent le dire, le crier pour que les autres, les adultes qui croient tout savoir, les aident à faire en sorte que le 3

ème

millénaire soit une ère de progrès vrai,   de respect de l’autre et de bien être pour tous les habitants du monde quelle que soit leurs races, leurs couleurs, leurs lieux de vie, leurs croyances …

                C’est ce que veut représenter l’exposition du secteur international de l’ICEM, « Les jeunes et le 3ème millénaire »… qui rassemble des textes et des dessins des 4 continents.
 
 
Nous pourrons lire, voir et écouter ce que les enfants du Brésil, du Japon, du Mali, du Sénégal, du Togo, du Bénin, d’Algérie, de Jordanie, de Grèce, d’Italie, du Portugal, d’Espagne, de France, de Bulgarie, de Georgie, de Russie, d’Ukraine, de Pologne, de Roumanie, d’Allemagne, d’Angleterre, de Belgique… éprouvent et espèrent trouver derrière cette porte de l’an 2000, de l’obscurité ou de la lumière….
Les adolescents du collège Paula Vicente de Lisbonne nous racontent comment la lecture et l’écriture les aident à survivre...
« C’est facile de supporter toute souffrance en l’exprimant, en la criant, même si l’interlocuteur est imaginaire » - Paola 17 ans -.
« Quand je suis triste et mélancolique j’écris sur une feuille de papier ce qui se passe, ce que je ressens, ce que je pense, face à une situation désagréable… Quand je suis soulagé, quand je suis devenu plus « propre », mon état d’esprit s’améliore. Je continue à penser au problème mais la situation est moins lourde pour moi et la tristesse disparaît».
- Natalicio Tiago 16 ans, originaire du Cap Vert -.
 
Les petits enfants du jardin d’enfants de Massama, à Sintra au Portugal, sont devenus un carrefour du monde en découvrant, à la télévision, le Timor, l’île en forme de crocodile et son peuple massacré par les militaires indonésiens…
Des habitants originaires de ce pays sont venus leur raconter la musique, la cuisine, les coutumes, la vie de cette ancienne colonie portugaise… Avec l’argent recueilli par une tombola ils ont acheté du matériel pédagogique qui a été apporté à leurs petits amis du Timor par le Président de la République du Portugal.
 
Fatima – Zohra de Sidi bel Abbes, en Algérie nous raconte son rêve… « Vivre avec le rêve, c’est bien et c’est mal parce que rêver, c’est vivre avec l’irréel dans un monde qui ne nous appartient pas, un monde qui n’appartient qu’à lui-même… Ce voyage que je voudrais faire, c’est vers un monde inconnu qui n’a ni nom ni place sur la carte de géographie…
… Et quand j’aboutirai à la fin de mon voyage, après avoir charmé mes sens par tant de splendeur et séduit mes yeux par tant de beauté, j’arriverai à ce monde que je cherchais, à cet univers introuvable et irréel où il n’y a place ni pour l’hypocrisie, ni pour la tricherie.
 C’est à ce moment là que l’on se sent vraiment chez soi. »
 
Mady Ramata, du Mali, constate que le deuxième millénaire s’en va ainsi avec son cortège de malheurs : sècheresse, disette, maladies et pauvreté… Et comme pour nous souhaiter bonheur et prospérité il nous a déversé d’énormes quantités d’eau de pluies furieuses qui manquaient à nos animaux, à nos cultures et qui ravageaient tout sur leur passage.
Il nous a recommandé de travailler désormais avec intelligence et prudence car le troisième millénaire sera plein de sens et d’exigences.
 
Yasmina et Ahmed, de Bagdad, en Irak, ont du mal à imaginer l’an 2000, le futur, l’avenir, bloqués et limités à la levée de l’embargo… ils savent qu’ils sont coupés des évolutions technologiques des dix dernières années et n’osent pas décrire l’évolution d’un objet qui s’est déjà produite mais qu’ils ne connaissent pas.
 
L’Association Charente – Amitié – Echange et Partage associée au groupe charentais de l’École Moderne nous prête une sélection de sa flamboyante exposition de dessins : 10 ans d’échanges entre l ’école de Sireuil et le palais des enfants de Timisoara.
 
Suite à la Ridef du Japon, nos amis rencontrés à Hanno ont envoyé de magnifiques calligaphies sur le 3ème millénaire : on est surpris par la qualité des réalisations qui utilisent les techniques traditionnelles pour que les enfants en difficultés puissent mieux vivre dans un monde qui change trop vite. Les représentations d’un monde du XXIème siècle, rêvé et illustré par des « kami – kanga », papiers peints géants et les nombreuses créations en terre cuite constituent une exposition originale et qui interpelle…
 
Quelques mots sur la vie, de nos amis polonais du lycée Ogolnoksztalcace à Inowroclaw          
« Ta vie est comme une fleur qu’il faut soigner
Afin d’éviter qu’elle se dessèche et ne devienne ta tombe.
Pour qu’elle fleurisse joliment bientôt
Arrose-la avec de l’eau pure.
La fleur est comme un homme :
Sans amour elle veut vite mourir.
Les poussières autorisent la mort à s’approcher.
Pour vivre et être une fleur fleurie
Aie la bonté dans ton cœur,
Et la chance et l’amour apparaîtront tout seuls. »
 
Les enseignants siciliens évoquent les difficultés à vivre, dans le quotidien avec la mafia toujours présente. Ils organisent l’école de façon communautaire et mettent en place des coopératives de services gérées par des adolescents qui nous racontent…
 
Daga Akouété et Edah Isaac, enfants du Bénin nous chantent :
« Je suis content.
Je vous remercie mon Dieu de m’avoir créé noir.
Je suis content de la forme de ma tête faite pour porter le monde,
Satisfait de la forme de mon nez qui doit humer tout le vent du monde,
Heureux de la forme de mes jambes prêtes à courir toutes les étapes du monde. »
Helena Stilene de Biase travaille en Amazonie, avec les derniers indiens Xavante.
Avec les jouets construits par les enfants et en particulier avec la toupie, la tomoti, elle a réalisé des fiches pour approfondir les mathématiques, la langue maternelle, les sciences, la géographie avec ces élèves peu ordinaires…
 
« 2001, cyber – odyssée de l’espace méditerranéen » est le projet des élèves de 3 pays, Grèce, France, Italie qui se sont donnés rendez – vous en un point équidistant à leurs 3 villes : AT (hènes), La (ciotat),CE(rano) sur l’île ATLACE, située au nord – ouest des iles Eoliennes proches de la Sicile. Quelques extraits du journal du collège Virebelle de la Ciotat
« Terre ! Terre ! terre ! Mais cette île n’est pas sur ma carte de l’IGN . Capitaine ! on a découvert une île ! Elle est à nous, rien qu’à nous ! Accostons ! ouaaa ! Elle est encore mieux que dans nos rêves !
Cette île est peut être imaginaire, virtuelle pour tout le monde mais bien réelle pour nous et nos copains de la Méditerranée. (Rémi)
De quoi faire un pied de nez aux éminents scientifiques qui croyaient tout connaître de noptre planète bleue !
(Roxane)
 
L’Association « Mères pour la paix » et le Groupe Freinet du Nord
présentent leur travail et leurs réflexions sur la vie des enfants qui vivent dans un pays qui a connu la guerre et qui en subissent les conséquences, mais aussi sur ce qu’en pensent leurs enfants dans leurs classes. En l’an 2000, la guerre est toujours superstar et tient le haut de l’affiche au Kosovo et ailleurs.
Younes nous dit : Au Kosovo, c’est la guerre… C’est triste ; il y a beaucoup de morts, les voitures sont toutes cassées, les maisons ne servent plus à rien. Ils habitent dehors dans les tentes où ils n’ont rien à faire.
 
Les très nombreux dessins et réflexions des jeunes roumains qui voient non sans inquiétude l’évolution du monde : « L’éclipse, le jour qui deviendra nuit, la superposition des 2 astres associés à la fin du 2ème millénaire, annoncent une sombre perspective au monde, tout à fait inconnue pour nous.
L ‘an 2000, un rayon de soleil dans un orage, une tâche blanche sur un mur noir, un peu de bonheur dans un monde trop triste, pour nous, les enfants. » (Bianca )
 
Mais dans tous ces travaux une envie de vivre et d’espérer comme le murmure avec calme et sérénité, la jeune Virginie :
« … Penser à cette petite flamme d’espoir qui brûle en nous… Cette petite flamme qui sait nous redonner goût à la vie lorsque tout va mal, cette petite flamme qui nous aidera toujours et encore ; et qui sera là, à tout jamais. »
Georges Bellot
 
 
                              
Au congrès, l’école d’Ouzilly (86) présente le résultat de trois années de correspondance internationale :
rencontres franco espagnoles
édition de livres et livrets multilingues
internet et l’écriture collective.
 
Le secteur ICEM Esperanto participe à l’exposition internationale, avec des correspondances interscolaires entre des enfants de France, de Hongrie, des Pays-Bas...
L’Esperanto, outil de communication, est utilisé depuis 70 ans par les enseignants Freinet. Actuellement, il est un moyen simple pour entretenir des relations avec des enfants de toutes les parties du monde, dans l’esprit de l’école populaire.

 

Le chantier maternelle

Juin 2000

Chantier Maternelle

 
Nous partons du principe que les enfants sont, dès le plus jeune âge, des personnes en conquête d’autonomie et de responsabilité à qui il faut donner des conditions de vie épanouissantes dans le respect des différences, sans dressage, sans normalisation et sans pénalisation d’aucune sorte.
Perspectives d’éducation populaire (ICEM)
 

 

 
Parce que nous avons fait le choix d’une école centrée sur l’enfant, dès son plus jeune âge,
parce que nous voulons privilégier les valeurs de Célestin Freinet telles que :
la coopération,
l’expression,
la communication
et le tâtonnement expérimental,
il nous faut travailler et réfléchir ensemble, mettre en commun et confronter nos idées, nos pratiques, nos démarches...
Comment ?
    Les rencontres dans les Groupes Départementaux sont essentielles pour se mettre en mouvement ...
    Les stages nationaux du Chantier maternelle sont également des grands moments d’échanges, très riche, intense mais trop court !
Nos projets en cours : Le Dossier “Pédagogie Freinet en Maternelle”, en préparation, sera le reflet de l’état actuel de notre réflexion, de nos pratiques, une source d’idées pour qui veut “faire la classe autrement” en Maternelle...
     Et n’oublions pas le Bulletin !
Dans lequel vous trouverez  des Pratiques de classe, les Echos des Groupes Maternelles, des témoignages et des réflexions des praticiens...
A bientôt
                            Pour le Chantier Maternelle Cathy Castier

 

Le chantier maternelle au Congrès :
-Une expo permanente dans la salle du Chantier Maternelle ;
-Des animations telles que :
-          La coopération, la gestion de la vie de la classe en maternelle : vidéo sur le Conseil de classe, documents de classes,...
-          L’évaluation : essais des uns et des autres, présentation du travail du groupe 27 sur les brevets, …
-          L’accueil des 2 ans …
 
 

 

Un école qui répond aux besoins fondamentaux de l’enfant...

 

BIEN-ÊTRE PHYSIQUE
- alimentation,
- hygiène
- sommeil : droit de se reposer à son rythme

 

  BIEN-ÊTRE AFFECTIF
- droit d’être accueilli tel qu’il est
- besoin de sécurité
- besoin de confiance
- droit au respect

 

BESOIN DE MOUVEMENT
- besoin de découvrir toutes les potentialités de son corps, de s’exercer, de surmonter les obstacles ...
- besoin de se situer dans l’espace

 

...ÉPANOUISSEMENT
- droit à l’épanouissement de toutes ses potentialités
- droit au plaisir
- besoin de réussite
- droit à l’erreur
- droit de jouer
- besoin d’émotions esthétiques
- besoin de créer

 

EXPRESSION
- besoin d’être reconnu
- besoin de parler de lui
avec ses mots, ses dessins, ses gestes, sa voix, ses pinceaux et ses couleurs

 

ACCES
AU SAVOIR :
- besoin de connaître le monde, de tripoter, de voir, de démonter, de prendre en main, d’expérimenter, de recommencer, de réfléchir, de comparer, d’inventer, de créer ...
- besoin de transformer par son action le monde qui l’entoure ...
TÂTONNEMENT EXPERIMENTAL

 

COOPERATION
- besoin des autres pour vivre, faire avec les autres, décider ensemble
- droit à la responsabilité
- droit de critiquer

 

AUTONOMIE
- « grandir » : droit de faire seul...
- droit de choisir des activités...

 

COMMUNICATION
- besoin d’être entendu
- besoin d’échanger
- besoin de rencontrer

Le chantier math

Juin 2000

Le Chantier Math de l’ICEM au congrès
 
Des maths en l'an 2000, pour qui ? pour quoi faire ?
A quoi cela sert-il ? Une grande partie des notions abordées à l'école - en tout cas à partir du collège - ne semblent vraiment nécessaires qu'à une faible proportion de la population. Même le technicien se borne souvent à utiliser des tables ou des tableaux. Beaucoup prennent cette matière en horreur et ne pourront utiliser qu'une infime partie de ce qu'on a cru leur apprendre.
 
Les enjeux sont multiples, nous devons les discerner.
Derrière et au-delà de la maîtrise de l'outil technique qui semble être ou qui est l'objectif des leçons de math, se cache celui d'analyse du réel (et des possibles). Ce réel est complexe et gare à la tromperie qui serait de faire croire qu'il suffit de connaître beaucoup de mots pour philosopher, beaucoup de techniques pour profiter de l'outil mathématique.
Cet apprentissage et la capacité de réfléchir et d'agir sur les structures nous paraissent essentiels pour tous.
 
On connaît bien évidemment le rôle sélectif de cette discipline - n'oublions pas, néanmoins, qu'il intervient après celui de la langue. Dans ce rôle, si l'on excepte les domaines où la pratique mathématique est directement essentielle, les maths favoriseront les éléments chanceux ou à l'aise dans l'abstraction et/ou conformistes acceptant de travailler sans voir du sens dans le contenu de leur travail. Nous pensons que ce n'est pas inhérent à la discipline mais à la façon de l'aborder et au rôle qu'on lui fait jouer.
 
L'enjeu culturel n'est pas le moindre
 Est-ce que participer au plaisir de connaître et situer les connaissances particulières dans l'ensemble plus vaste des connaissances humaines serait incompréhensible pour les non-initiés ? Peut-être, mais de quelle initiation a-t-on besoin ? Certainement pas celle qui nécessite de " hautes études ", mais plutôt de liens tissés entre les apprenants, leurs représentations, les concepts et les outils mathématiques.
Tous ces enjeux recoupent celui du politique.
Le monde se lit à partir de modèles dans lesquels les mathématiques tiennent une grande part même si ce n'est qu'en toile de fond.
 
A l'école, le schéma traditionnel persiste
Les enseignants "savent " et organisent une longue suite d'exercices censés inculquer le programme, notion après notion, de la maternelle à l'université.
Dans les ouvrages et les lieux de formation, on prend en compte la nécessité pour l'élève d'élargir sa réflexion au-delà de la résolution algorithmique (processus prédéterminé) et on crée diverses situations problèmes qui vont jalonner la route choisie par l'enseignant. On prévoit parfois une ambulance/remédiation pour ceux qui ne voient pas les flèches.
Rarement cette prise en compte des individus dans leur globalité va au-delà d'activités pratiques découlant de la notion à acquérir ou de jeux créés pour l'occasion.
 
Les maths : plaisir et sens
Comme pour les autres domaines d'apprentissage, nous souhaitons que les enfants puissent apprendre à partir de ce qu'ils sont et dans la perspective d'être acteurs de la société dans laquelle ils vivront. Il faut qu'ils prennent plaisir à faire des mathématiques (pas seulement du calcul) dès leur plus jeune âge. Il est important que les situations soient étudiées dans leur complexité, car c'est alors que les mathématiques prennent du sens et qu'elles seront utiles au plus grand nombre.
 
Les maths à l’ICEM
Depuis longtemps, le mouvement Freinet développe des pratiques alternatives. L'utilisation des outils de travail individualisé permettant l'autonomie des enfants, un nouveau rôle du maître et l'organisation coopérative de la classe ont été et restent, avec le calcul vivant, une première brèche dans l'édifice réservé de ces savoirs. La pratique du texte libre mathématique, les recherches individuelles ou collectives qui permettent à chacun d'élaborer ses apprentissages à partir de ses propres représentations, de ses tâtonnements, de la confrontation avec le groupe de pairs, tout en tenant compte des référents communs au monde mathématique, viennent élargir le champ des réponses possibles.
 
Le Chantier Maths

 

Pendant l'atelier du Congrès 2000, nous souhaitons mettre en valeur ces moments d'expression, de communication, de tâtonnement, de confrontation et de coopération qui peuvent naître dans nos classes à propos des maths. Au Congrès, le chantier Math animera trois ateliers :
- la création mathématique ;
- un atelier autour d’une séquence math filmée dans 3 classes différentes ;
- un atelier autour de l’accueil des nouveaux .
 

 

Le secteur arts et créations

Juin 2000

 



Le secteur second degré

Juin 2000

Bon nombre d’enseignants dispersés dans les établissements publics tentent d’enseigner autrement malgré les difficultés spécifiques du Second Degré.

 
Le Second Degré au Congrès
Nous analyserons les résultats d'une enquête réalisée cette année : l'utilisation de l'Heure de Vie de classe au collège et au lycée.
Comment utiliser cette heure de vie de classe pour faire entrer dans l'Institution le Conseil de Coopérative ?
Le Conseil est un lieu de vie parce que le conflit y est possible. Il peut modifier considérablement les relations dans la classe, et le rapport à l'apprentissage.
Même si elle n’a pas pris naissance dans les établissements du Second Degré, la Pédagogie Freinet a sa place, à part entière, au collège et au lycée.
 
Les difficultés propres au Second Degré
     Les contraintes matérielles de temps, d’espace, de découpage en disciplines ou de concertation rendent cependant impossible le simple décalque de ce qui se passe dans une classe Freinet de l’école primaire.
 Il faudrait repenser complètement la structure des établissements pour éliminer la parcellisation de l’horaire qui ne permet pas un travail suivi. Quand une classe est lancée sur une recherche en groupes, c’est au moment où les équipes commencent à trouver leur rythme qu’il faut vite ranger pour aller dans un autre cours.
A ceci s’ajoute l’espace. Dans la majorité des cas l’enseignant ne possède pas de salle spécifique avec possibilités de rangement sur place permettant d’abandonner un travail en cours de réalisation pour le retrouver le lendemain. La disposition des tables elle-même finit par être contraignante à cause des rangements incessants : on ne peut pas communiquer valablement en tournant le dos à son interlocuteur. Il faut donc mettre les tables « en rond » et les ranger à la fin de l’heure puisque le collègue suivant ne travaille pas forcément avec la même structure.
 
Un esprit différent
Nous recherchons dans nos classes la mise en place d’attitudes qui conduisent le groupe vers la socialisation et la coopération. Il ne s’agit pas d’apprendre en étant les uns contre les autres mais bien d’apprendre les uns avec les autres
De plus il faut permettre l’expression : on part des préoccupations des apprenants pour leur permettre d’utiliser le maximum de leurs possibilités.
L’égalité des chances n’est pas, pour nous, uniformité. Ceci conduit à un autre des grands principes de la Pédagogie Freinet : le tâtonnement expérimental dont l’idée a été reprise récemment par Charpak et tous ceux qui se réclament de la démarche scientifique.
 Dans une classe, rien de tout cela n’est possible sans une organisation matérielle rigoureuse et spécifique : plannings de responsabilités, d’acquisition des connaissances, planification des interventions de chacun, panneaux pour affichages etc.
 
Des techniques
 Pour être plus précis, nous pouvons citer un éventail de techniques qui montrent que l’enseignant « Freinet » en collège et lycée est loin d’être démuni pour faire évoluer son enseignement.
La correspondance fonctionne en collège qu’elle soit collective ou individuelle, affective ou de travail. A cela peuvent s’ajouter des échanges d’écrits synthétiques entre les classes comme la correspondance par affiches.
Les réunions de classe ont lieu environ tous les quinze jours ou toutes les trois semaines, c’est une technique de régulation où tout peut se discuter et ce, de la sixième à la terminale. Contrairement à ce que pensent certains, ce n’est pas une perte de temps, car on y met en place un lieu de parole, d’échange, et on y construit le groupe-classe : on fait le point sur les avancées du travail, sur le climat de la classe, sur les acquisitions de connaissance.
Toutes les techniques d’expression (débat, textes libres, poésies, « Trois Minutes », dessin, journal scolaire, etc.) s’adaptent aux diverses classes d’âge, et aux contraintes matérielles et institutionnelles.
On peut y ajouter toutes la documentation et l’échanges de savoirs entre pairs (exposé d’élève, travaux de groupe, débats, entraide ou la revue de presse, etc.). Il va de soi que l’enseignant conserve une part importante dans le bon déroulement et l’harmonisation de tous ces travaux, par le respect de l’expression des élèves et du climat coopératif de la classe.
Avec le travail individualisé, les acquisitions et le renforcement des connaissances ne sont pas oubliés.
 
Expliquer pour convaincre
Les parents qui comparent avec d’autres classes à l’enseignement plus classique sont inquiets au début. Il s’agit de les rassurer. Il faut beaucoup expliquer, au cours des rencontres, pour les rassurer. Les instructions Officielles nous sont utiles pour convaincre, elles justifient notre démarche pédagogique : la place de l’oral dans le travail, l’incitation au travail de groupe, la recherche scientifique, sans parler de la nécessité de la communication vraie...
Même si les jeunes passent peu de temps dans nos classes, ils prennent des habitudes de recherche, d’autonomie, de créativité... Apprendre à s’exprimer devant les autres, affirmer son opinion oralement, argumenter une idée pour se faire comprendre sont autant d’exercices qui laissent des traces.
Nos élèves ne seront pas inadaptés au système scolaire classique parce qu’ils sont capables d’adaptation et qu’ils sauront peut-être mieux comprendre pourquoi et pour qui ils travaillent.
Extrait du dossier du Nouvel Éducateur n° 112, octobre 1999.
 
 

 

 

 

La charte de l'école moderne

Juin 2000

Même si la rédaction de la charte de l'Ecole Moderne date un peu (1968), sa philosophie reste tout à fait d'actualité. Elle constitue un texte de base auquel les membres de l'ICEM et ceux de la FIMEM (Fédération Internationale des Mouvements de l'école Moderne) adhèrent toujours.

 
1 - L'éducation est épanouissement et élévation et non accumulation de connaissances, dressage ou mise en condition.
Dans cet esprit nous recherchons les techniques de travail et les outils, les modes d'organisation et de vie, dans le cadre scolaire et social, qui permettront au maximum cet épanouissement et cette élévation.
Soutenus par l'œuvre de Célestin Freinet et forts de notre expérience, nous avons la certitude d'influer sur le comportement des enfants qui seront les hommes de demain, mais également sur le comportement des éducateurs appelés à jouer dans la société un rôle nouveau.
 
2 - Nous sommes opposés à tout endoctrinement.
Nous ne prétendons pas définir d'avance ce que sera l'enfant que nous éduquons ; nous ne le préparons pas à servir et à continuer le monde d'aujourd'hui mais à construire la société qui garantira au mieux son épanouissement. Nous nous refusons à plier son esprit à un dogme infaillible et préétabli quelqu'il soit. Nous nous appliquons à faire de nos élèves des adultes conscients et responsables qui bâtiront un monde d'où seront proscrits la guerre, le racisme et toutes les formes de discrimination et d'exploitation de l'homme.
 
3 - Nous rejetons l'illusion d'une éducation qui se suffirait à elle-même hors des grands courants sociaux et politiques qui la conditionnent.
L'éducation est un élément mais n'est qu'un élément d'une révolution sociale indispensable. Le contexte social et politique, les conditions de travail et de vie des parents comme des enfants influencent d'une façon décisive la formation des jeunes générations.
Nous devons montrer aux éducateurs, aux parents et à tous les amis de l'école, la nécessité de lutter socialement et politiquement aux côtés des travailleurs pour que l'enseignement laïc puisse remplir son éminente fonction éducatrice. Dans cet esprit, chacun de nos adhérents agira conformément à ses préférences idéologiques, philosophiques et politiques pour que les exigences de l'éducation s'intègrent dans le vaste effort des hommes à la recherche du bonheur, de la culture et de la paix.
 
4 - L'école de demain sera l'école du travail.
Le travail créateur, librement choisi et pris en charge par le groupe est le grand principe, le fondement même de l'éducation populaire. De lui découleront toutes les acquisitions et par lui s'affirmeront toutes les potentialités de l'enfant.
Par le travail et la responsabilité, l'école ainsi régénérée sera parfaitement intégrée au milieu social et culturel dont elle est aujourd'hui arbitrairement détachée.
 
5 - L'école sera centrée sur l'enfant. C'est l'enfant qui, avec notre aide, construit lui-même sa personnalité.
Il est difficile de connaître l'enfant, sa nature psychologique, ses tendances, ses élans pour fonder sur cette connaissance notre comportement éducatif ; toutefois la pédagogie Freinet, axée sur la libre expression par les méthodes naturelles, en préparant un milieu aidant, un matériel et des techniques qui permettent une éducation naturelle, vivante et culturelle, opère un véritable redressement psychologique et pédagogique.
 
6 - La recherche expérimentale à la base est la condition première de notre effort de modernisation scolaire par la coopération.
Il n'y a, à l'ICEM, ni catéchisme, ni dogme, ni système auxquels nous demandions à quiconque de souscrire. Nous organisons au contraire, à tous les échelons actifs de notre mouvement, la confrontation permanente des idées, des recherches et des expériences.
Nous animons notre mouvement pédagogique sur les bases et selon les principes qui, à l'expérience, se sont révélés efficaces dans nos classes : travail constructif ennemi de tout verbiage, libre activité dans le cadre de la communauté, liberté pour l'individu de choisir son travail au sein de l'équipe, discipline entièrement consentie.
 
7 - Les éducateurs de l'ICEM sont seuls responsables de l'orientation et de l'exploitation de leurs efforts coopératifs.
Ce sont les nécessités du travail qui portent nos camarades aux postes de responsabilité à l'exclusion de tout autre considération.
Nous nous intéressons profondément à la vie de notre coopérative parce qu'elle est notre maison, notre chantier que nous devons nourrir de nos fonds, de notre effort, de notre pensée et que nous sommes prêts à défendre contre quiconque nuirait à nos intérêts communs.
 
8 - Notre Mouvement de l'Ecole Moderne est soucieux d'entretenir des relations de sympathie et de collaboration avec toutes les organisations œuvrant dans le même sens.
C'est avec le désir de servir au mieux l'école publique et de hâter la modernisation de l'enseignement qui reste notre but, que nous continuerons à proposer, en toute indépendance, une loyale et effective collaboration avec toutes les organisations laïques engagées dans le combat qui est le nôtre.
 
9 - Nos relations avec l'administration.
Au sein des laboratoires que sont nos classes de travail, dans les centres de formation des maîtres, dans les stages départementaux ou nationaux, nous sommes prêts à apporter notre expérience à nos collègues pour la modernisation pédagogique.
Mais nous entendons garder, dans les conditions de simplicité de l'ouvrier au travail et qui connaît ce travail, notre liberté d'aider, de servir, de critiquer, selon les exigences de l'action coopérative de notre mouvement.
 
10 - La Pédagogie Freinet est, par essence, internationale.
C'est sur le principe d'équipes coopératives de travail que nous tâchons de développer notre effort à l'échelle internationale. Notre internationalisme est, pour nous, plus qu'une profession de foi, il est une nécessité de travail.
Nous constituons sans autre propagande que celle de nos efforts enthousiastes, une Fédération Internationale des Mouvements d'Ecole Moderne (FINEM) qui ne remplace pas les autres mouvements internationaux, mais qui agit sur le plan international comme l'ICEM en France, pour que se développent les fraternités de travail et de destin qui sauront aider profondément et efficacement toutes les œuvres de paix.
 
Charte adoptée au Congrès de Pau de 1968