Le Nouvel Educateur n° 131

Septembre 2001

Actualités

Septembre 2001
La lettre du GRAPE
revue de l’enfance
et de l’adolescence
n°43 mars 2001
 
“Un enfant est classé”
Éditions Erès Paris 85 f - 12,96€
 
Le résumé au dos du livre présente bien le sens de cette publication très rare, trop rare en ces moments d’évalutionnite aigüe...
 
“La frénésie du classement des enfants bat son plein aujourd’hui. Nous vivons le règne d’une entreprise de catégorisation qui les réduit à une mosaïque de comportements déviants. Leurs symptômes ne seraient plus que troubles déficitaires ou handicaps constitutionnels à rééduquer. L’étiquetage de leurs conduites justifierait toutes les ségrégations. Quels nouveaux visages imaginaires dessine-t-on de l’enfance? Qu’en est-il des mystifications qui les sous-tendent et à quelles fins? Quels en sont les effets pour les enfants et leurs parents? Avec quels outils pourrait-on penser une clinique de l’enfant qui nous démarquerait de cette emprise classificatoire dévastatrice?”
 
Cette revue est intéressante à plusieurs titres: elle démonte les mécanismes inavoués de la volonté classificatrice des gouvernants : universalisation des critères pour rendre les systèmes éducatifs comparables et donc mondialisables (soumis aux futures lois du marché) ; mais aussi elle nous donne des arguments pour dénoncer certaines idées fausses, en particulier sur le tout génétique et ses (énormes) limites, ou encore sur la subjectivité réelle des classifications scientifiques.... bref, de quoi prendre des distances argumentée face à un flicage (fichage) de l’enfant et des hommes.
 
Olivier Francomme
 
Grape : Groupe de Recherche et d’Action pour l’Enfance, bulletin d’abonnement à la revue et commande au numéro :
Éditions Erès - Service abonnements : BP 16 - 31151 Fenouillet Cedex
05 61 75 15 76 - site internet : http://www.edition-eres.com



AFL-GFEN-ICEM Pédagogie Freinet
 
Réunis par leur histoire et leurs engagements actuels, ces trois mouvements ont décidé :
·         De rassembler ceux qui sont attachés à des transformations importantes des mentalités, pratiques et institutions d'enseignement et de formation en vue de confronter leurs idées, d'étudier leur sens politique et de définir une véritable stratégie de changement.
·         De mettre à jour les dérives libérales qui traversent discours et propositions, de pointer les contradictions perceptibles entre enjeux affichés et réalités actuelles.
·         De mettre en partage et en débat les pratiques et projets de chaque mouvement pour en dégager à la fois problématiques et ruptures spécifiques, leviers et obstacles.
·         D'ouvrir des chantiers de réflexion et de rédaction en vue d’élaborer une plate-forme commune rassemblant des propositions alternatives.
 
Éduquer à la citoyenneté
mais sur quelles analyses et sur quelles pratiques?
Ouverture d'un premier chantier les 10 et 11 novembre 2001
du samedi 10 à 15 h au dimanche 11 à 16 h
Au Lycée Jean Lurçat 48, avenue des Gobelins 75013 PARIS
 
Il portera sur l'éducation à la citoyenneté, dans les classes, les établissements, les lieux de formation, les savoirs et les apprentissages.
Non pas sous la forme d'un bilan, mais à partir de l'affirmation de principe :
L'éducation à la citoyenneté ne peut être la pacification sociale, elle n'est pas l'alibi d'une éducation à la soumission et aux inégalités sous prétexte de la montée des violences.
Elle est la condition de la transformation de l'éducation et de la formation.
Elle est la condition indispensable pour poser les transformations possibles en terme d'utopie concrète.
 
Renseignements et inscription :
ICEM secrétariat 18 rue Sarrazin 44000 Nantes 02 40 89 47 50



13ème SALON
DES APPRENTISSAGES
INDIVIDUALISES 
ET PERSONNALISES
 
Le 13ème Salon des Apprentissages Personnalisés et Individualisés de Nantes aura lieu cette année les mercredi 28 et jeudi 29 novembre 2001, dans les Salles des Salons Mauduit.
 
Cette année le thème du Salon sera : « Pour une cohérence pédagogique et éducative » et portera sur : « Les liens qui se tissent autour de l'enfant ou de l'adolescent : dans la classe, à l'école, avec les familles, avec l'institution. Comment ces liens, suivant la façon dont ils sont tramés, aident ou bloquent les apprentissages ? ».
 
De nombreux ateliers seront animés par des enseignants de l'ICEM. Il y aura, comme d'habitude, la participation des élèves d'une classe freinet.
 
Pour apporter d'autres éclairages et théorisations nous avons sollicité :
 
-le mercredi : les interventions de Jacques LEVINE psychanalyste, de Bernard DEFRANCE, professeur de philo ;
 
-le jeudi, de Jacques PAIN, professeur en Sciences de l'éducation qui introduira la journée et de Michel TOZZI qui animera en soirée un " café philo ".
 
Pour tout renseignement :
 
André MATHIEU,
62 bd Van Iseghem
44000 NANTES
 
ou Martine GUILLOUET
9 ter passage Félibien
44000 NANTES (02 40 89 20 65)



La Fessée :
100 questions-réponses
sur les châtiments corporels
Olivier Maurel
Éditions La Plage 48 f
 
"Une bonne fessée n'a jamais fait de mal à personne … sauf à ceux qui la reçoivent".
 
Un excellent petit livre : histoire des châtiments corporels - comment faire autrement ? Comment ça se passe ailleurs ?
 
Éditions La Plage
8 rue des Barris 
34230 TRESSAN



Éduquer et Former
Sous la direction de Jean-Claude Ruano-Bordalan
Éditions Sciences Humaines - 145 ff
 
Éduquer et Former est un bilan des connaissances en éducation et en formation, à travers des questions clés, comme la motivation, l’évaluation, la formation professionnelle, la didactique…
 
On y retrouvera avec beaucoup d’intérêt les articles parus dans la revue Sciences Humaines depuis sa création.
 
Neuf autres titres complètent cette collection d’ouvrages de synthèse :
 
-Les sciences humaines
-L’identité
-La communication
-Le cerveau et la pensée
-Les organisations
-L’histoire aujourd’hui
-Philosophies de notre temps
-L’économie repensée
-La sociologie
 
Catalogue et commande :
Sciences Humaines Éditions
BP 256 - 89004 Auxerre Cedex
03 86 72 07 15
http://www.scienceshumaines.fr

 

Cadeau

Septembre 2001

 

Roki

 
Un lutin nous est tombé dessus, un matin à 9 h moins 10, juste avant d'entrer en classe. Bien sûr, il n'a pas atterri par hasard dans notre cour. C'est la cour d'une petite école, où chaque enfant a la mémoire des enfants d'avant. C'est une histoire qui ne pouvait arriver dans une GROSSE école, bien sûr...
 
Chacun avait réagi différemment à la mort de Sam, notre chien d'école. Sam, c'était depuis dix ans notre conseiller pédagogique, d'une humeur étale, aussi bien en classe qu'en récré. Calmant les uns, stabilisant les autres, partageant le goûter avec les non-partageurs ou fronçant le sourcil avec ceux qui confondent virtuel et réalité. Sam n'était pas un chien. C'était un psychothérapeute.
 
J'ai mis 3 jours à annoncer sa mort, en réunion de coopé, sous la pression des questions. Chacun s'est protégé - y compris moi - avec des mots, des dessins ou des textes. Ou bien des pages blanches, mais avec un oral à vous tirer les larmes... Quelle richesse dans l'hétérogénéité d'une classe ! Quelle richesse dans l'expression des sentiments, par des voix différentes en âge et en sensibilité !... Bref, ce furent d'intenses moments, dont on n'a fait ni album, ni livre de vie, ni quoi que ce soit de communicatif. C'était juste de l'intime dans un groupe-classe. Mais l'affaire avait fait le tour du village ( des 2 villages, en fait, car c'est un RPI).
 
Deux mois après, au Quoi de Neuf :
-On a une surprise. Mais faut qu'on sorte, parce que c'est dehors, dit l'un des mômes.
Et nous voilà, les enfants et moi, dans la cour.
-C'est près du grillage, la surprise, au coin du bac à sable...
De l'autre côté de la murette d'école, une maman d'élève, près de sa voiture. Mi-figue, mi-raisin, elle ouvre le coffre. Et nous présente une boule de poils. Un instant inquiète, la maman, en scrutant mon visage. Et puis superbe, hilare, sous les vivats des enfants. Heureuse comme un roi mage...
 
Je suis pris de court, faut dire, par ce plébiscite à travers le grillage. En un éclair, je flaire le traquenard. Les mômes auscultent ma tête : et si par hasard je faisais la grimace ? Je dois à mon sang-froid d'avoir conservé un visage lisse. Mais je dois aussi à ma lâcheté d'être resté sans réaction, quand le chiot a changé de mains. Il était dans la cour, désormais. Étiqueté chien de l'instit, sur son passeport vacciné, tatoué, vétérinarisé... Mais en réalité déjà chien de l'école, à la première seconde du premier cri de joie. En d'autres lieux ou d'autres circonstances, ça s'appellerait un putsch. Les enfants avaient assiégé leurs mères, jusqu'à ce qu'elles craquent. Une école sans chien, ce n'est pas vraiment une école !
 
Les mamans s'étaient réunies, l'instit devait être malheureux, sans chien... Merci, Mesdames, de veiller à l'équilibre psychologique de l'instit de vos petits. Ca part d'un bon sentiment...
-Et les enfants, pensez donc, ils sont tellement habitués...
 
Et me voilà donc avec ce lutin, un Labrit de 2 mois, pendant le temps scolaire et hors-temps aussi... car c'est un chien à plein temps, ce cadeau ! Roki, il s'appelle désormais. Roki arracheur de fleurs du jardin et grignoteur de tout ce qui traîne...
 
Mais il apprend vite, le bougre, et déjà il fait la fête à chaque enfant tous les matins... On est parfois obligé de le bouter hors de classe, dans la journée, car il est encore un peu fou. Et puis on a inventé un nouveau métier : nettoyeur des incongruités de Roki. Figurez-vous que les candidats se bousculent... Et puis Roki a déjà pris en mains mes 3 ou 4 super-instables : ils se poursuivent les uns les autres et font la trêve sur la pelouse, pour se reposer... avant d'entrer tranquillement en classe. Et puis il y a aussi quelques CE2 qui ont peur de leur ombre. Roki mordille leurs bas de pantalons : ils sont en train de prendre de l'autorité et de l'assurance avec le bébé-chien... Et puis il y a ceux qui sous prétexte de surveiller les bêtises de Roki, en profitent pour se payer une course avec lui jusqu'aux toilettes... Et puis il y a les désordonnés, qui laissent moins traîner le pull ou l'anorak en rentrant de récré... Bref, Roki n'est qu'en formation, mais déjà intervenant en classe.
 
Il ne nous reste plus qu'à grandir ensemble, les enfants, le chien et moi...
Michel Barrios



La Chronique

de l’ours des Pyrénées

Courrier des lecteurs

Septembre 2001

Réaction au numéro 117 (mars 2000). C'est une excellente idée d'avoir inséré le projet de l'APED. Malheureusement il est dommage qu'il ne soit pas mentionné l'adresse de leur site Internet. On y trouve de nombreuses analyses, textes de référence de chercheurs, et même des textes officiels tant sur le système éducatif belge que sur le système éducatif français ou même d'autres pays européens. Il y a une mise en perspective au niveau de l'Union Européenne toujours instructive L'adresse de leur site est http://users.skynet.be/aped.

Pour le reste, recevez mes meilleurs encouragements pour la poursuite de la rédaction de cette revue où il y a toujours au moins un article qui me comble. En tout cas, le Nouvel Educateur m'aide à nourrir ma réflexion et parfois améliorer ma pratique (je crois) bien qu'elle ne soit pas entièrement « Freinet ».
 Pascal Pelletier, enseignant en CM1,
Beauzelle (banlieue de Toulouse)

 

De Porto Alegre à Porto Alegre

Septembre 2001

Le premier Forum social mondial, organisé en janvier 2001 à Porto Alegre (Brésil) en contrepoint du sommet annuel de Davos, a été un succès. Il a confirmé le sursaut da la société civile mondiale, amorcé à Millau puis à Seattle, contre les dégâts du libéralisme à l’échelle de la planète. Un espace s’ouvre désormais pour la promotion concrète de la démocratie participative et d’un développement durable. Dans le sillage de cette rencontre se profile le premier Forum Mondial de l’Education qui se déroulera au même endroit du 24 au 27 octobre 2001.

Durant ces trois jours, Porto Alegre sera le siège d’une extraordinaire rencontre d’éducateurs. Gouvernements, organisations non gouvernementales, universités et écoles s’uniront afin de débattre des thèmes relatifs aux conflits quotidiens qui sont au centre de propositions d’une éducation incluante.

La rencontre devrait se dérouler autour de 4 axes thématiques : Éducation comme droit - Éducation, technologie et travail - Éducation et cultures -Éducation et transformation (nos utopies). (1)

 

Ajustements structurels entravant considérablement les efforts des états du Sud dans le domaine des services non marchands. Essor d’un véritable marché de l’éducation avec démantèlement collatéral, plus ou moins explicite, des services publics dans les pays riches. L’idéologie libérale et ses différentes officines transnationales imposent aujourd’hui leur joug sur l’ensemble des activités humaines, et en particulier sur l’éducation.

Au Sud, le manque de moyens alloués à l’éducation se traduit le plus souvent par le maintien voire le renforcement des pédagogies les plus traditionnelles, malgré les efforts louables d’ONG. Au Nord, la marchandisation croissante de l’enseignement n’est pas seulement la transformation de l’enseignement en marché, elle est aussi adéquation de l’enseignement avec les attentes des marchés.

Or cette idéologie peut rencontrer les idéaux de ceux qui la combattent, en les détournant. Une certaine forme d’enseignement, prônée aujourd’hui par d’influentes organisations internationales comme l’OCDE, met en avant des principes et des techniques proches de la pédagogie Freinet. L’autonomie, le travail individualisé, les fichiers auto-correctifs, la correspondance… sont largement repris. On peut voir alors l’enfant travaillant seul, en liaison avec ses compétences, selon un programme déterminé avec le recours privilégié aux Technologies de l’Information et de la Communication. C’est tout à fait ce que veut le système, être son propre recours, s’autoévaluer pour s’autoformer. Cela devient un abandon, seul au milieu des autres !

Le Mouvement Freinet ne peut que dénoncer ces tentatives de détournement. L’économie libérale renforce l’individualisme où la recherche du bien-être se fait souvent au détriment de l’autre, des autres, où l’on se forme seul contre les autres. Nous prônons la coopération, l’entraide et refusons la compétition car elle est toujours contre, contre un, contre plusieurs et finalement contre tous les autres. Nous préférons l’émulation, le désir de faire avec, pour…

L’économie libérale réclame avant tout des hommes et des femmes employables avec des savoirs opérationnels reléguant au second plan les autres connaissances qui participent de notre culture fondamentale. Reconnaissons, transmettons et partageons toutes ces connaissances dans leur diversité et leur richesse. L’économie libérale demande des hommes et des femmes qui s’adaptent au temps monnayable des entreprises. Apprenons à l’enfant à sentir le temps le sien, celui des autres, le temps de ses tâtonnements, de ses recherches, de ses projets. L’économie libérale veut des hommes et des femmes adaptables, déplaçables qui acceptent leur condition. Mettons les jeunes enfants très tôt dans des situations de pratiques citoyennes pour qu’ils vivent le plus tôt possible l’écoute, le débat critique, la confrontation, l’argumentation, la participation… et la non-soumission.

En refusant la compétition, la marchandisation des savoirs, le tout individuel au profit de l’entraide, de la mutualisation des connaissances, de la coopération, le mouvement Freinet compte bien contribuer à enrayer la logique de reproduction des valeurs marchandes par l’école. En cherchant à s’étendre il vise aussi à former des citoyens capables à leur tour de participer au changement de l’école.

Comme le proclame la Charte de l’Ecole Moderne, la pédagogie Freinet est par essence internationale C'est sur le principe d'équipes coopératives de travail que nous tâchons de développer notre effort à l'échelle internationale. Notre internationalisme est, pour nous, plus qu'une profession de foi, il est une nécessité de travail.

C’est sur ces bases politiques et pédagogiques que l’ICEM-Pédagogie Freinet, en lien avec la FIMEM, compte prendre toute sa part dans la réussite de ce grand rassemblement mondial pour la promotion d’une éducation alternative.

 

Catherine Chabrun et Pierrick Descottes

 

(1) Cf plaquette de présentation du Forum accessible sur http://www.forummundialdeeducacao.com.br

 

De Rennes à Bordeaux

Septembre 2001

Le Congrès de Rennes nous a permis de réfléchir à l’actualisation de la notion d’école populaire.

De nos jours, peu de personnes sont enclines à reconnaître leur appartenance à une classe ouvrière, à une classe populaire et encore moins au prolétariat. Le libéralisme économique a su jeter un flou sur les catégories sociales en créant l’illusion d’une appartenance de chacun à une même et grande famille de consommateurs.

Comment allons-nous prémunir nos enfants d’une exclusion culturelle aussi forte que l’est l’exclusion économique ? Comment allons-nous les armer pour lutter contre les nouvelles barbaries qui apparaissent actuellement : barbarie urbaine, barbarie audiovisuelle, barbarie politique, barbarie écologique, barbarie alimentaire…

Comme nos parents qui ont lutté pour un accès à une vie matérielle décente, nous devons plus que jamais lutter pour permettre aux plus humbles d’accéder à la culture. Célestin Freinet a ouvert des pistes que nous n’avons pas fini d’explorer.

L’école propose d’acquérir un patrimoine culturel qui est si éloigné de certains élèves qu’il peut leur paraître complètement étranger. En classe et pendant les temps péri et postscolaire, nous devons encore travailler à aider les enfants, les adolescents et les jeunes adultes à construire un premier patrimoine culturel de proximité, un espace culturel qu’ils s’approprieront naturellement parce qu’ils y seront pris en compte dans leur globalité intellectuelle et affective. Ce patrimoine sera la somme de leurs découvertes, de leurs inventions, de leurs essais, de leurs erreurs, de l’expression de leurs joies, de leurs peines, de leurs détresses. En construisant solidement et en priorité ce patrimoine, cet espace culturel, les enfants pourront découvrir d’autres patrimoines : ceux des correspondants, des amis de l’école et de proche en proche s’approprieront ce que l’on appelle la culture commune. Ils le feront en tant qu’acteurs, dans le souci de la critique constructive, coopérative mais sans concession. Cette acquisition doit se faire sans souffrance, sans frustration, sans humiliation, sans échec. C’est à ce prix que nous rendrons nos enfants disponibles à la culture, ouverts aux autres, tolérants et acteurs dans une société plus épanouissante.

C’est pour cela qu’à travers nos outils, nos stages, nos journées d’étude, nos congrès, nos chantiers et secteurs, nos publications, nous devons proposer aux enseignants en formation initiale les moyens de construire leur identité professionnelle, aux enseignants en formation continue les moyens de changer leurs pratiques de classe. Beaucoup ignorent encore aujourd’hui les techniques qui leur permettraient de mettre en phase leur action pédagogique et leur sincère volonté de changement.

Nous continuerons à dire non à la scolastique. Nous affirmerons l’efficacité de nos pratiques pédagogiques capables d’accueillir et de prendre en compte la complexité de la vie.

Une école populaire proposera au moins des choix, des alternatives pédagogiques : une autre organisation sociale, la coopération, d’autres moyens d’accéder aux savoirs, la méthode naturelle et le tâtonnement expérimental.

Beaucoup de travail reste à faire et nous pouvons espérer que l’ICEM saura participer au rassemblement des enseignants déterminés à changer l’école.

Le Congrès de Bordeaux sera le lieu d’avancées déterminantes.

 

 

L'intervention physique est-elle une pratique parfois nécessaire?

Septembre 2001

Lu sur la liste Freinet

 L'intervention physique est-elle une pratique parfois nécessaire ?
Laurent OTT :
Je suis nouvel instit dans une école d'un grand ensemble qui est très violente : de nombreuses bagarres dans la cour; racket fréquent, etc.
On me colle, évidemment, le CM1 dans lequel se trouve Wally qui est devenu un tel sujet de terreur dans l'Ecole que tout le monde aurait voulu n'importe quelle classe sauf la sienne.
Wally, un mignon garçon de 11 ans en CM2, tout souriant, un visage d'ange, un air puéril, plutôt grand cependant. Niveau scolaire, CE1.
Il semble trouver sa place dans la classe en "frimant"; son père, un ex-tôlard lui remplit les poches de billets à chaque fois qu'il le voit. Sa mère, ne fait plus la loi; il arrive que Wally la batte et que les voisins appellent les flics pour les séparer.
Comme tout bon caractériel Wally est charmant sauf en cas de frustration. Ce cas là se produit rapidement. Wally s'énerve. Je le plaque au sol : je dois aussi l'évacuer du couloir. Il se sauve dans la cour, menace de s'enfuir. Je lui dis que j'appellerai les flics dès qu'il aura franchi la grille, mais que, non je ne lui courrai pas après. Il m'insulte copieusement, bien sûr me menace, et je lui crie assez fort
pour que tout le monde entende (toute l'école était aux fenêtres) que ce ne sont pas les enfants qui font la loi et qu'avec moi, il ne ferait pas la loi ici.
Il finit par se calmer. Pendant qu'il boude, en traînant les pieds pour revenir en classe, je remonte dans ma classe et je peux me soucier d'une phrase que mes élèves m'ont dite avant que je descende avec Wally et qui m'avait étonné: "Maître, enlève lui ses chaussures !"
Je demande aux enfants ce que cela veut dire et j'apprends que la maîtresse, de l'an passé enlevait les chaussures de Wally en classe, parce que s'il lui donnait des coups de pieds, ça lui faisait moins mal...
 
Wally s'énervera encore quelques fois dans l'année, mais il n'y croit plus vraiment, il se laisse rapidement maîtriser. L'année se passera sans encombre.
Bien sûr rien n'est magique, mais pendant un temps Wally a cessé d'être le problème N° 1 de toute une école et a pu souffler un peu (ses camarades aussi).
Wally, je ne m'en suis pas plaint particulièrement; je n'ai pas mis en demeure mon administration, les parents qui de toute façon ne pouvaient plus faire grand chose, de me débarrasser de lui. De sorte que je crois qu'il a été heureux dans la classe cette année là et qu'il s'est senti un élève qui a pu progresser en lecture.
 
Réflexion
Je trouve qu'il y a des axes dans cette situation qu'on pourrait retrouver ailleurs :
- discours sécuritaire de certains adultes qui s'avèrent justement être les plus démissionnaires (les souliers ôtés) dans les actes ;
- un enfant contenu physiquement qui peut rester enfant et qui trouve à se calmer ;
- un enfant symptôme d'une institution la violence ce n'est pas que lui en la symbolisant, il dispensait un grand nombre de gens de s'interroger sur la leur; systèmes de notation et de dévaluation pernicieux, dévalorisation systématique de certains par certaines maîtresses, refus de la différence pédagogique, etc.

L'intervention physique est-elle une pratique parfois nécessaire? Réaction de Jean Le Gal

Septembre 2001

Ton intervention physique renforcée par une position claire affirmée fermement a bien marqué des limites que Wally recherchait certainement parce qu'aucun adulte, jusque là n'avait été capable de les fixer et d'affirmer qu'elles seraient respectées.

Si nous arrivions à recueillir, des cas qui nous concernent directement parce qu'on est acteurs, des cas relatés par d'autres, nous pourrions alors ensemble mieux comprendre :
- les mécanismes de fonctionnement des enfants dans leur rapport aux limites posées ;
- soit en dehors d'eux (par la loi, par l'institution ou par les éducateurs) ;
- soit avec eux dans le cadre de la classe coop par exemple ;
- dans les cas d'enfants violents ;
- mais aussi dans le fonctionnement ordinaire des classes ;
- nos attitudes et stratégies face aux transgressions.
 
"toute transgression nécessite une réponse pour assurer la pérennité de la loi, et reconnaître la responsabilité du transgresseur et lui donner la possibilité de réparer. Rester sans réaction lorsqu'un enfant transgresse un interdit, c'est reconnaître que cela n'a pas d'importance : pour que la loi demeure la loi pour tous, elle doit être réaffirmée par l'enseignant et par le groupe". (1)
Jean Le Gal.
 
(1)       Extrait de " Coopérer pour développer la citoyenneté" de Jean Le Gal, chez Hatier, Question d’école, 1999.
 
 
Si vous voulez poursuivre la réflexion sur cette question, contactez : Jean Le Gal, chargé de mission de l’ICEM sur la question des droits de l’enfant, 6, rue Pascal 44400 Rezé,
Email : Jean.Le-Gal[arobase]wanadoo.fr

Lecture, maladie et malentendu

Septembre 2001

 

Lecture, maladie et malentendu

ou comment apprendre à lire sans communiquer,

sans penser et sans contexte ?

 

 

A l’heure de la mise en place d’évaluations de plus en plus précoces des enfants, pour dépister d’éventuels troubles de l’apprentissage de la lecture, nous donnons la parole à Laurent Carle, psychologue, qui s’interroge, nous interroge, sur le lien de cause à effet qui existe entre ces troubles et la façon dont on enseigne la lecture en France.

 

 



Avant-propos

 A l’école, c’est la définition du mot « lire », le sens et la fonction de l’écrit qui posent problème et produisent de l’échec. Aussi, avant de mener une réflexion ou de se lancer dans une recherche sur les troubles de la lecture-écriture chez des enfants en échec scolaire, il conviendrait de s’interroger sur ce que l’institution entend par lire-écrire, apprendre à lire-écrire et savoir lire-écrire.

 

En assistant à une leçon traditionnelle de lecture « courante », au CP ou au CM, tout observateur découvre, s’il ne le savait déjà, que ce qui s’y enseigne n’a que de vagues ressemblances avec cette relation à l’écrit qui se pratique couramment dans une bibliothèque, un salon, une cuisine, une chambre, un bureau, un train, une gare, un supermarché, une meule de foin ou un pré sous l’ombrage d’un chêne. A l’école, la lecture se décline comme nulle part ailleurs. On y chante avec une foi de charbonnier que les lettres de l’alphabet servent à coder les sons de la parole, comme les notes transcrivent les sons musicaux sur le papier. La production de sons est donc le fondement de la lecture scolaire.

 

Depuis deux mille ans, on a toujours traité la lecture comme une activité de conversion phonographique (dans un sens ou dans l’autre, selon que le sujet lit ou écrit). Phonologue à la réception, phonographe à l’émission, l’apprenti lecteur-scripteur scolaire est un convertisseur de sons. Ce que l’on convient de nommer troubles de la lecture ou de l’orthographe désigne de grandes difficultés chez certains élèves à mettre en application les principes de cette lecture que l’école enseigne. Le dyslexique et le dysorthographique ne parviennent-ils pas à maîtriser la communication écrite ou bien peinent-ils à suivre les préceptes d’un enseignement méthodique peu soucieux du sens de l’écrit ? Ne pas savoir faire ce que demande l’école, est-ce ne pas savoir lire ?

 

Une maladie transmissible

par enseignement

 

Le XXe siècle a été celui de l’alphabétisation de tous les Français par l’école primaire. Alphabétiser c’est « enseigner la lecture » selon la méthode qui consiste à faire émettre le son produit par la rencontre entre une consonne et une voyelle ; deux voyelles entre elles ; une consonne, une voyelle et une consonne ; une consonne et deux voyelles. La production des sons procède à la manière du bruit émis par les butoirs d’une motrice et d’un wagon qui s’entrechoquent au moment de l’attelage. Elle appartient au domaine de la mécanique de la voix. Cela s’appelle syllaber ou encore déchiffrer, à la manière d’un élève de musique qui déchiffre une partition. Pour ce faire, on ne fait pas appel à la compréhension du sens des mots par le débutant. Beaucoup, même, pensent que la recherche de sens, en détournant l’attention, gênerait l’émission de sons. D’ailleurs, pour éviter ce risque, l’apprentissage se fait sur du matériel non signifiant. Les rééducateurs de la dyslexie déconseillent à leurs patients de chercher le sens. L’école présente l’oralisation des unités graphiques comme une capacité de lecture élémentaire : « programmes minimum » à mettre en œuvre au CP. Tout le monde espère que chacun acquerra des compétences supérieures au cours des années d’école qui suivront. L’école n’enseigne pas le sens, cet état « second » de la lecture. D’ailleurs, personne ne sait comment un enfant s’y prend pour chercher asile dans le sens après abandon des sons. On ne sait pas plus pourquoi un enfant bien éduqué se déciderait à quitter les sons qu’on enseigne pour passer au sens qu’on n’enseigne pas.

 

Cette pédagogie de la lecture s’harmonise avec la conception d’une école qui enseigne, à des élèves qui reçoivent, des contenus. Pour donner un contenu à l’enseignement de la lecture les méthodes proposent un catalogue des habits graphiques (les graphèmes) que les sons de la langue parlée (les phonèmes) sont censés endosser pour se montrer aux yeux des alphabétisés. Avec le catalogue des sons l’école propose les règles de combinatoire qui les accompagnent. Les lecteurs experts, eux, ne s’adressant qu’à la fonction sémantique des mots, semblent capter le sens à travers le voile des sons silencieux, par un regard lucidement pénétrant. Pourquoi la totalité des Français ne profite-t-elle pas, comme ces voyants, de l’enseignement qui lui est dispensé ? Ceux qui ne savent pas lire, malgré l’école, les illettrés, sont-ils rebelles à la langue écrite, mauvais élèves, déficients intellectuels ou affectés par une maladie de la lecture ?

 

Pour expliquer ce qui empêche un écolier d’apprendre à lire, les psychologues de l’éducation recherchent les causes intrinsèques à l’individu, étrangères à l’école. La pédagogie scolaire en général et la pédagogie de la lecture en particulier, mises en œuvre dans la classe, dans l’école, dans le système scolaire et préconisées par les penseurs établis de la pédagogie, ne sont jamais interrogées. Seraient-elles considérées comme variables invariables, données constantes et immuables, n’exerçant aucune influence sur les apprentissages et sur leurs ratés ? Les chercheurs sont-ils victimes d’une excessive discrétion scientifique ou d’une solidarité intellectuelle et morale à l’égard des concepteurs de « méthodes », des éditeurs et de leurs utilisateurs ? Clinique ou cognitif, l’examen individuel en isolement est privilégié et préféré à l’observation dans le milieu didactique. L’échec dans l’apprentissage de la lecture est étudié, loin du lieu où cette lecture est enseignée, comme une incapacité intrinsèque. Pourtant, l’enfant dans l’école, avant d’être un humain susceptible de faire des choix ou bien un organisme n’obéissant qu’à un programme génétique, est d’abord un écolier soumis à des contraintes de système.

 

Les méthodes dites de lecture, utilisées couramment depuis les débuts de l’école publique, sont des méthodes d’enseignement enseignant le déchiffrement.

 

Depuis André Martinet (1960) 1, nous savons que le langage humain est structuré sur deux niveaux que Martinet nomme une « double articulation » : le premier niveau s’articule en unités de sens, les monèmes (les mots grosso modo) ; le second en unités de sons, les phonèmes (éléments linguistiques sans signification qui composent les monèmes). Les méthodistes décomposent la technique de lecture selon deux modalités : la lecture proprement dite consistant à saisir du sens dans des formes graphiques (domaine de la première articulation) et le déchiffrage consistant à faire correspondre les graphèmes de l’écrit avec les phonèmes de la langue orale (deuxième articulation). De leur point de vue, l’apprentissage de la lecture commence par l’appropriation d’un code de correspondance entre écrit et oral. L’apprentissage du sens consisterait à apprendre le code idéographique pour maîtriser le codage/décodage du sens, l’apprentissage des sons consisterait à apprendre le code graphophonologique pour maîtriser le codage/décodage des sons. Quel apprentissage faire en premier, le sens, ce qui serait logique et biologique, d’un point de vue humaniste, le son, ce qui serait méthodique et scientifique, d’un point de vue rationaliste, ou les deux simultanément ?

 

On devrait trouver dans les classes une répartition statistiquement égale entre les trois tendances. C’est pourtant le son qui domine à plus de 90%. Dans la formation des enseignants on ignore la pédagogie du sens ou on la présente comme une dérive idéologique menaçant de dyslexie les élèves qui seraient entraînés à trouver du sens « par la voie directe ». Les intégristes font de l’apprentissage des sons un préalable impératif conditionnant l’apprentissage du sens. Le but est le sens, disent-ils, mais le chemin qui y conduit est le son.

 

L’enseignement de la lecture à l’unité avec un manuel et la progression méthodique du simple au complexe (lettres, phonèmes, syllabes, mots) exigent une démarche linéaire, pas à pas, d’unités en unités élémentaires. L’exigence de « correction » graphophonologique préalable à la prise de sens va interdire la compréhension. D’autre part, ce ne sont pas les éléments des objets perçus un à un et additionnés qui structurent la perception du sujet. C’est le sujet qui structure activement et librement la perception de l’objet. Le sujet construit l’objet perçu. L’information écrite est une construction permanente de l’esprit qui choisit les composants de sa perception. L’esprit humain ne subit pas l’information, il la crée. Contrairement à l’ordinateur machine, l’ordinateur neuronal a une âme. Vouloir enseigner la lecture à l’unité, c’est non seulement nier l’âme de l’enfant, c’est perdre la sienne. L’entreprise méthodiste ressemble à une fiction de conquête de l’univers par des cyber-machines. Un illettré alphabétisé ou un alphabétisé pas encore lecteur peut-il analyser et discriminer « maman », « manuel », « manteau », « main » ; « mon », « monnaie », « moins », « moine » ; « ien », « lien », « lient », « client » avant de les avoir lus ? Le maître qui enseigne ce décodage serait-il en mesure de « lire » ces unités de son s’il ne savait pas lire du sens ? La graphie « ille » sonne-t-elle identiquement dans « ville » et « bille »? Comment différencier les deux phonies quand on ne sait pas lire ? Peut-on identifier la phonie correspondant à la graphie « ch » dans « chocolat » et « chorale » avant de les avoir abordés par leur sens ?

 

L’analyse pour identification de mots déjà lus, identifiés donc, présente-t-elle encore une utilité une fois la lecture faite. Peut-on analyser un mot qu’on ne connaît pas ? Faut-il savoir déchiffrer pour pouvoir lire ou savoir lire pour pouvoir déchiffrer ?

La question du sens

 

Ceux des méthodistes qui sont convaincus que le décodage avant lecture est possible, primordial même, imposé donc, proposent (imposent) aux novices la « lecture » (ou le déchiffrage abusivement déclaré lecture) de « pseudo-mots » (des non-mots donc, à savoir des assemblages de lettres en non-sens) : « chotembre, luntir ». Ils écrivent : « la plupart des enfants scolarisés apprennent à lire en l’espace d’une année ». Mais ils pensent « apprennent à déchiffrer ». On sait bien aujourd’hui que la maîtrise de la lecture (la « proprement dite ») exige les trois années du cycle 2 et encore trois autres pour parvenir à une vitesse de lecture visuelle au moins supérieure à 10 000 mots/heure, vitesse tout juste suffisante pour aborder la scolarité secondaire. On sait bien que le déchiffreur avec sa vitesse de déchiffrement (même silencieux) inférieure à 10 000 mots/heure ne pourra pas absorber les connaissances enseignées en collège.

Si l’on se donnait comme véritable objectif d’enseigner la vraie lecture et non le déchiffrement, on devrait vite se rendre à l’évidence : c’est impossible. Une compétence d’une telle complexité ne peut être transmise. Elle ne peut que se construire en soi et pour soi, même si cela se fait à travers des interactions avec ses pairs et son maître, puisque lire c’est communiquer. Il faudrait donc renoncer à la pédagogie de la transmission 2.

 

La pédagogie de la transmission est une pédagogie de reproduction. Enseignant à des enseignés passifs, objets d’enseignement, il assume seul, l’authenticité et la réalité de savoirs dont il est seul détenteur. L’écolier ne peut rien connaître qui ne lui ait été enseigné. Tout doit donc lui être enseigné, la lecture comme l’histoire. Mais la pédagogie de la transmission ne transmet pas que des savoirs. Elle transmet implicitement aussi la tradition, la morale, les coutumes scolaires et les gestes professionnels, tout ce qui la pérennise. La pédagogie de la transmission se transmet elle-même, de maître à élève, de génération en génération, véritable formation professionnelle coutumière. Le futur enseignant acquiert les gestes du métier au CP.

 

Dans ce système, la méthode insiste sur l’identification de mots isolés comme elle s’adresse à des élèves isolés ensemble ( individus « identiques », réunis en même temps en un même lieu, mais seuls en face d’un maître précepteur collectif). La langue écrite scolaire, comme la langue parlée, n’a nulle vocation à relier les élèves. L’enseignement par méthode est donc tout à fait pertinent avec le contexte pédagogique dominant. L’acte de lecture est si rare et si bref dans une journée de classe qu’un maître traditionnel ne peut pas espérer que ses élèves apprennent à lire par la pratique, c’est-à-dire en lisant. L’apprentissage de la lecture en lisant demande une pratique intensive, que les maîtres n’ont pas le temps de conduire puisqu’il leur faut terminer l’étude de la méthode dans le temps imparti.

 

L’enseignant de la « lecture » récolte ce qu’il sème, des déchiffreurs, dont beaucoup ne se remettront jamais. Ils n’ont pas raté leur apprentissage. Ils ont bien appris la méthode. Mais ils n’ont pas appris à lire, ils ont appris à ne pas lire. Comme ils ignorent que l’écrit est une source d’informations et un réservoir d’idées, un provocateur de pensée, et que, derrière les mots, un auteur invisible révèle des intentions manifestes (et implicites), les déchiffreurs ne pensent pas à questionner le texte pour en exprimer le jus. Ils ne voient devant eux que les signes porteurs de sons que les méthodes leur ont appris à « décoder ».

Pédagogie de transmission et pédagogie de réparation se confortent dans la négation du désir de l’élève, objet déficient d’enseignement scolaire et de soins médicaux par montage méthodique de réflexes élémentaires. Le traitement médical individuel de l’échec est la réponse complémentaire d’un système qui enseigne la lecture à un élève en position passive. Dressage collectif et redressage individuel refusent au « patient » comme à « l’écoutant » le statut de sujet, le droit à l’erreur, l’interaction avec ses pairs et le choix des moyens d’apprendre. En diagnostiquant la pathologie chez le « sujet », on protège l’état de santé d’un système que questionnement et changements mettraient en crise.

Enseigner le décodage est une activité didactique sans attrait et fastidieuse, mais techniquement facile et moralement confortable. La méthode remplit les journées. Les échecs sont minimes. Ce n’est que 5 ou 6 ans après qu’on découvrira que 40 à 60% des déchiffreurs ne sont pas devenus lecteurs.

 

 

A quoi sert de lire

 

Qu’on l’enseigne, qu’on soigne ou qu’on théorise la lecture scolaire, la question de la fonction du lire-écrire n’apparaît pas dans les préoccupations en général. Pourquoi faut-il apprendre à lire-écrire et à quoi cela sert-il ? Si la réponse est « coder la parole », alors les écrivains parlent probablement leur texte pour l’écrire. En ce cas pourquoi ne l’enregistrent-ils pas avec un magnétophone ? Pourquoi le disque « hi-fi » n’a-t-il pas fait disparaître le livre dans les librairies ? Si les écrivains s’adressent à l’oreille par le truchement des graphies, sonores comme des acteurs et des orateurs, les sourds ne peuvent pas lire. Mais si l’écriture ne code pas la parole, alors on ne peut expliquer rationnellement l’insistance à enseigner un code de correspondance graphophonologique inutile et trompeur 3. Si le code de prononciation des lettres est inconstant, c’est que les lettres n’ont rien à dire et ne sont pas prononçables, puisque ce sont les mots qui s’écrivent selon des critères variables dans le temps, en fonction de leur histoire, de leur usage et de leurs avatars. Si l’écriture est l’outil de création et d’inspiration de la pensée graphique, pourquoi le cacher aux élèves ?

 

Les compétences lexiques à l’école primaire ne paraissent pas suffisantes pour rendre les élèves autonomes, même dans des activités classiquement scolaires, comme lire les consignes d’un devoir écrit. On peut observer jusqu’au CM2 que les maîtres lisent et font relire à haute voix les consignes écrites, les énoncés et les résumés de leçon, écrits sur tableau noir, c’est-à-dire exposés aux regards de tous les élèves. Comme si, à l’école traditionnelle, l’écrit n’avait pas pour fonction de transmettre directement de l’information. Pour les membres de l’ONL, « la conception la plus appropriée à ce que nous savons de l’enseignement de la lecture (mais que sait-on de l’apprentissage ?) est celle qui insiste sur la découverte, de manière très précoce, du principe alphabétique, c’est-à-dire du fait que les caractères alphabétiques représentent ou tendent à représenter, sous une forme graphique, les unités abstraites de la parole qu’on appelle phonèmesIl ne s’agit pas de supputer, de tâtonner, d’interroger le contexte dans lequel se trouve un mot pour identifier celui-ci… (!) L’apprenti lecteur doit percer les secrets du code écrit et, pour ce faire, a besoin qu’on lui livre progressivement les clés des relations entre lettres et sons. C’est la maîtrise du code qui conditionne la réussite ou l’échec.(?) 4 » 5.Voilà un catéchisme qu’il était peut-être bon, pour l’ONL, de rappeler aux jeunes maîtres, mais que l’on pratique depuis toujours dans l’école de Jules Ferry. L’école et l’ONL considèrent le texte comme une message chiffré dont le sens ne serait pas directement accessible à l’esprit humain (tout au moins au regard de l’élève), sorte de magma de signes sans signification visible. Les élèves vierges n’auraient ni conscience phonique, ni conscience sémantique. Il faudrait donc enseigner en priorité et de toute urgence la procédure de transformation de cette matière muette en paroles sonorisées pour la rendre intellectuellement assimilable à l’oreille du lecteur. Les yeux, organes de second sens, seraient les serviteurs de l’oreille, organe royal. En face du profane qui ne sait pas encore que l’écrit recèle du sens (et du son ?) les méthodistes s’empressent de « révéler » l’existence de sons dormant sous les signes. Ils déclenchent l’éveil de l’intelligence phonique. « Lire c’est traduire oralement les signifiants phonétiques que sont les lettres, les syllabes et les mots, dont le groupement est représentatif du langage parlé... Le maître demande d’abord à l’apprenti de reconnaître, en commençant par les plus simples, les signes du langage écrit et de se livrer, pour chacun d’eux, à un acte phonatoire déterminé… Tout ce qui, chez l’apprenti lecteur, est mobilisé pour cet enseignement phonographique gardera une potentialité lorsque, plus tard, il lira silencieusement : il s’entendra lire, percevra qu’il articule… »6

 

Ainsi, la recherche de sens, la pensée donc, ferait barrage à la transmission de la technique de décodage par l’enseignant dans l’appareil cognitif de l’enseigné. Le sujet qui voudrait apprendre à lire malgré la méthode se trouve donc contraint de faire opposition à l’enseignement de la lecture. Qu’est-ce qui vaut à l’intelligence du sens cette relégation ? Si les graphies ne sont pas comestibles, pourquoi les phonies le seraient-elles ? L’esprit enfantin, équipé d’enzymes acoustiques, serait-il dépourvu de diastases lumineuses ? Où des individus aveugles des yeux trouveraient-ils cette lucidité auditive ? Les méthodistes ignorent-ils que la langue écrite est douée d’une syntaxe propre, d’un code propre (qui n’est pas le code graphophonologique), d’un lexique propre et d’un génie propre ? Ils sembleraient effectivement l’ignorer puisqu’ils présentent l’écrit comme simple réservoir des sons de la parole. Ensuite, ils livrent à l’amateur le mécanisme traditionnellement utilisé pour ramener à la surface les paroles stockées dans la réserve. Ce mécanisme, le code, est une sorte de noria dont les godets remontent un à un les mots assoupis et inertes que les ondes sonores de la voix vont devoir ranimer pour leur rendre le souffle de la pensée 7. Ils négligent d’enseigner que la langue écrite, langue originale, fait naître et développer des idées et les porte haut et loin jusqu’au regard du lecteur. Faisant subir à l’écriture toutes les distorsions nécessaires pour supprimer le sens qui pourrait gêner « l’acte phonatoire », ils enlèvent à la vue de l’apprenti les signes qui ne se plieraient pas au « code de correspondance » : ponctuation, majuscules initiales et de titre. Cette négligence, ce silence trompeur et cette présentation cadavérique de la langue écrite agissent comme abus de confiance sur mineur.

 

Alain, à qui les traditionalistes ne peuvent reprocher d’avoir milité pour les méthodes modernes et qui connaissait bien les maîtres en blouse noire de la Troisième République, excellents pédagogues du « principe alphabétique »8 , s’étonnait, dans ses Propos sur l’éducation, que l’on perpétuât les leçons de sons magistrales. « L’enseignement primaire procède volontiers par leçons magistrales. Ainsi subsistent les niaises leçons devant des enfants qui ignorent le sens des mots… La lecture qui ânonne ne sert à rien. Tant que l’esprit est occupé à former les mots, il laisse échapper l’idée… Epeler un écriteau, cela est ridicule ; il faut le saisir d’un regard ; et la plus grande partie d’un journal doit être saisie à la course… Nous en sommes restés au temps où l’on se lisait à soi-même, où l’on s’écoutait lisant. Mais cet orateur qui parle à soi ne sait point lire ; et même s’il lit le journal à haute voix et pour d’autres, je ne suis pas assuré qu’il comprend ce qu’il dit, assez occupé de faire correspondre les sons aux signes. Cette partie oratoire de l’art de lire doit être effacée ; il n’est pas utile que j’imagine des sons quand je lis ; c’est temps perdu. Et je me demande si les écoliers n’apprennent pas à lire lentement, par l’exercice de lire tout haut… Savoir lire, ce n’est pas seulement connaître les lettres et faire sonner les assemblages de lettres. C’est aller vite, c’est explorer d’un coup d’œil la phrase entière ; c’est reconnaître les mots à leur gréement, comme le matelot reconnaît les navires… Il s’agit d’apprendre à lire et aussi d’apprendre à penser, sans jamais séparer l’un de l’autre. Or, une syllabe n’a point de sens, et même un mot n’en a guère. C’est la phrase qui explique le mot. » Voilà un lecteur expert qui « suppute » (qui devine ?), qui « interroge le contexte » (qui tâtonne ?), qui prête des idées aux graphies, qui lit beaucoup trop vite et dangereusement pour avoir le temps d’identifier (ne se perd-il pas en conjectures ?), qui transgresse donc les règles de lecture, la coutume, la morale et la théorie, comme tous les insoumis et dont l’étonnement n’a pas fini d’étonner les didacticiens « modernes » du « principe alphabétique ».

 

A quoi sert la langue

 

70 ans après ces propos d’Alain, il reste à décider si l’école du XXIe siècle sera encore le musée des méthodes d’enseignement qui perdurent contre vents et nouveautés, grâce aux mises à jour et aux restaurations des antiquaires du néoclassicisme ; l’océan que les élèves doivent traverser à la rame pour arriver aux livres. La langue doit-elle rester un objet de contemplation et de respect, en vitrine, sous la protection vigilante de ses conservateurs ? Faut-il éternellement la protéger des fautes de grammaire, d’orthographe, de syntaxe, de style et de goût que commettent tous les débutants ? A quoi sert l’école qui interdit la faute qui permet d’apprendre ? Peut-on permettre à des profanes l’utilisation triviale et profanatrice de la langue pour communiquer et pour penser ? Va-t-on en tolérer l’usage à ceux qui ne maîtrisent pas encore toutes les règles du bien lire, du bien parler et du bien écrire ? Combien d’adultes enseignants les maîtrisent vraiment ? Va-t-on les laisser y toucher avant de savoir s’en servir ? Va-t-on les laisser parler, lire et écrire sans mettre les formes ? L’élève est-il l’acteur de ses apprentissages ou le récepteur passif des sons que des maîtres orthodoxes devraient lui distribuer méthodiquement, jour après jour, à dose scientifiquement déterminée ? Depuis plus d’un siècle l’enseignement méthodique de la syllabation, technique d’alphabétisation, n’a pas vraiment donné les résultats attendus dans son projet de généraliser l’usage quotidien de la lecture à tous les Français. Aujourd’hui, personne n’échappe à l’étude des sons et l’illettrisme de masse persiste. On ne peut en attribuer la responsabilité aux rares enseignants qui refusent de pratiquer l’alphabêtisation traditionnelle, à moins de les doter d’un pouvoir parapsychologique. On ne peut pas plus honnêtement accuser l’Arlésienne, la méthode globale, dont tout le monde parle et que personne n’a jamais vue.

 

Le système scolaire, élémentaire ou secondaire, est construit autour du principe d’enseignement. L’enseignement constitue le fondement et perpétue l’identité du système à travers les siècles. De John Dewey à Philippe Meirieu, en passant par Claparède, Cousinet, Vygotski, Freinet, Piaget, Bruner, les pédagogues du XXe siècle ont travaillé sur les théories de l’apprentissage actif et milité pour une pédagogie centrée sur l’élève. La tradition a résisté à l’intrusion de cette modernité. Un système d’enseignement traditionnel se définit comme un lieu de transmission des connaissances. Dans ce lieu d’enseignement exclusif les maîtres détiennent le monopole de l’emploi et de la gestion du temps. Cette exclusivité didactique leur laisse à peine le temps d’enseigner le « programme » et de procéder aux contrôles des acquisitions. Par contrainte de temps, les apprentissages sont refoulés à l’extérieur. Les contrôles mesurent donc les savoirs acquis ailleurs. Le système scolaire fonctionne comme un circuit de distribution de savoirs élaborés, produits en laboratoire et commercialisés par l’industrie du livre scolaire. Il est inconcevable d’envisager que ce système puisse fonctionner comme lieu de production et que les élèves puissent être définis comme des producteurs consommateurs, acteurs de leurs savoirs, réunis en coopérative. La rationalisation de la transmission exige une matière conçue, réalisée et distribuée en portions individuelles, identiques et prédécoupées. Le système prête à ses consommateurs un esprit léger par vacuité, sorte de réservoir oligocognitif, de faible capacité, vide avant enseignement. En réponse à ces « besoins », les didacticiens du déchiffrement méthodique sont les seuls à proposer aux « distributeurs » un produit fini, structuré et adapté aux besoins d’une école primaire qui-enseigne-la-lecture. Avant d’apporter à des élèves qui ne sont pas demandeurs les compétences qui leur sont utiles, un outil didactique à succès doit répondre aux attentes des professionnels qui enseignent. La « méthode » et ses outils didactiques maintiennent la tradition et, en même temps, garantissent la survie d’un système scolaire où ce qu’on enseigne prime sur ce qu’on apprend, où les acquis doivent rester strictement personnels. Chaque protagoniste s’interdit de menacer les intérêts culturels et matériels de la catégorie socio-économique à laquelle il appartient. Par-delà ces motivations individuelles, la totalité du système, avec plus ou moins d’harmonie et plus ou moins de contradictions du fait de la diversité des catégories en conflit d’intérêt, se rassemble pour sa survie en condamnant collectivement les entreprises novatrices menaçant son intégrité systémique. On accepte l’actualisation des méthodes, on refuse le changement. Les nouveautés qui améliorent les techniques de déchiffrement sont bien accueillies, pourvu qu’elles ne remettent pas en question le principe de l’enseignement méthodique de la « lecture ».

 

La querelle des méthodes occulte le combat des idées qui masque les intérêts catégoriels. Les revenus du commerce du livre scolaire abritent les privilèges culturels de la classe dominante. Les siècles passent.

 

Laurent Carle. Mars 2001

Psychologue

La Seyne sur Mer

 

1. A. MARTINET, Eléments de linguistique générale, A. Colin.

2. Mais on peut transmettre le plaisir de lire par contagion (au contact, comme une maladie), si on éprouve soi-même ce plaisir. Et cette « transmission » est plus que facilitatrice de l’apprentissage, elle est essentielle dans la pédagogie de la lecture. Un proche de l’enfant, qui serait « atteint » par le plaisir de lire, lui apprendrait plus facilement, plus efficacement et sans « leçon » (à lire, bien sûr, non à déchiffrer) qu’un enseignant méthodiste du « code de correspondance », spécialiste de la « médiation phonologique », qui ne lit jamais un bouquin.

3. Honnêtement, ville devrait se prononcer comme bille. Si ville se prononce comme vile, alors bille devrait se prononcer comme bile. Sinon, le code ment.

4. …la réussite ou l’échec dans la mise en œuvre de la méthode n’a qu’un rapport fortuit avec la réussite ou l’échec en lecture (proprement dite). Mais les initiés n’en sont pas informés.

5. Observatoire national de la lecture. Apprendre à lire. Editions Odile Jacob. 1998.

6. P. LEFAVRAIS, Les mécanismes de la lecture. EAP.

7. Parfois, la noria se détraque. Elle livre les sons dans le désordre, semant la confusion et la panique chez le déchiffreur qui confond, mélange, inverse, omet, élide désespérément.

8. Un siècle avant les recommandations de l’ONL, ils savaient par la tradition que « lire c’est parler et apprendre à lire c’est apprendre à parler ». Ils apprenaient déjà à produire des sons à partir des signes écrits.

 

Planét'Ere 2

Septembre 2001

Les acteurs de l’éducation à l’environnement se mobilisent pour un développement durable dans un monde équitable, solidaire et responsable.

 

Ce forum international francophone se déroulera en deux temps. Les 18-19 et 20 novembre 2001, Planét’ÈRE 2 s’organisera sur 12 sites régionaux, puis les 21-22 et 23 novembre à l’UNESCO à Paris où des représentants des régions françaises et les 500 représentants francophones venant de plus de 40 pays se retrouveront pour la synthèse des travaux.

 

En 1997 à Montréal se déroulait Planét’ÈRE 1, organisé par les Québécois pour faire le bilan de l’avancée de l’éducation à l’environnement dans la francophonie 5 ans après la conférence de Rio de 1992. En 1997, 700 participants venant de 34 pays ont fait connaissance et échangé sur leurs pratiques, mené ensemble des débats et réflexions. C’est lors de ce forum que les 70 participants français ont proposé d’organiser au siège de l’UNESCO à Paris un deuxième événement Planét’ÈRE en 2001.

 

Suite à Montréal, le Collectif Français pour l’éducation à l’environnement (CFEE) s’est constitué et a organisé les Premières Assises Nationales de l’éducation à l’environnement à Lille en février 2000, qui a pu s’appuyer sur une forte mobilisation en région, un plan national d’action pour le développement de l’éducation à l’environnement, un groupe de travail autour de l’école et l’éducation à l’environnement et un élan important en direction de Planét’ÈRE 2. Actuellement 53 organisations* sont membres du CFEE.

 

Les objectifs de Planét’ÈRE 2

 

- permettre de développer l’éducation à l’environnement dans la francophonie et l’Europe en s’appuyant sur les acteurs de la société civile, de favoriser la solidarité entre acteurs francophones de l’éducation à l’environnement, les aider à se constituer en réseau (pouvant devenir une O.N.G.) et promouvoir de nouvelles formes de coopération et de partenariat entre pays.

 

- déclencher certainement une implication des acteurs de l’éducation à l’environnement francophones en vue du sommet mondial du développement durable, organisé par les Nations Unis du 2 au 11 septembre 2002 à Johannesburg (Rio + 10).

 

- dresser un bilan de l’avancée de l’éducation à l’environnement dans la francophonie et l’Europe depuis 1992 et 1997.

 

- alerter l’opinion sur le bien-fondé d’un développement mondial de l’éducation à l’environnement.

 

Cet élan est porté par la société civile et accompagné par les ministères (environnement, agriculture, jeunesse et sports, éducation nationale, ville et économie solidaire). C’est ensemble, société civile et pouvoirs publics, associés, que nous voulons réussir à faire émerger cette solidarité entre éducateurs, nécessaire pour un environnement viable. Celui-ci exige une attitude positive et constructive de tous les citoyens.

 

Coordonnées du CFEE (Collectif Français pour l'Education à l'Environnement) :

 

16, rue Ferdinand Fabre

34090 Montpellier

Tél. : 04 67 02 25 70

Mél. : cfee[arobase]educ-envi.org

Site : http:www.educ-envir.org/cfee/


*l’ICEM-Pédagogie Freinet est membre du CFEE depuis début 2000

 

Pédagogie de l'orthographe : donner du sens à l'apprentissage

Septembre 2001

 

Dans nos classes, l’expression est première et primordiale, les problèmes de correction orthographique ne doivent pas venir freiner l’expression. L’orthographe devient alors un moyen pour en faciliter l’exercice et la communiquer. Nous devons pour ce faire, mettre en place des outils d’apprentissage efficaces, rapides et simples, qui confortent le désir d’apprendre.

 

Les pratiques de classes, du cycle II au collège, présentées dans ce dossier, répondent à ces exigences. Elles mettent les enfants au centre de la construction de leur langue en partant d’une expression abondante et libre. Ils écrivent, ils manipulent la langue écrite, font des recherches et des découvertes sur celle-ci et acquièrent ainsi la capacité de dégager des lois. Les outils mis en place avec eux, leur donnent alors la possibilité de se passer petit à petit de la tutelle correctrice.

 

 

 

Personnaliser

l’apprentissage orthographique

 

« Le code orthographique est général, mais l’orthographe est intime. Et chaque enfant fait ses propres « fautes ». S’il fait les mêmes qu’un autre enfant, il n’est pas sûr que ce soit pour les mêmes raisons. *» Dans la classe de Marik Cosson, les enfants apprennent l’orthographe à partir des mots qu’ils ont écrit dans leurs textes, par imprégnation, lors de séquences courtes mais fréquentes.

 

 

Apprentissage personnel

Dans la classe, on écrit tous les jours. On écrit ce qu'on veut : sa vie, une anecdote de la classe, un poème, une sortie, une visite... 

 

On écrit pour mettre en forme à l'ordinateur, pour mettre dans le cahier de vie personnel, pour lire à la classe au micro, pour le site web... 

 

Je corrige chaque écrit, le plus souvent en présence de son auteur. Cette séance a lieu chaque matin de 8 h 30 à 9 h 00. Souvent quelques enfants arrivent avec des écrits réalisés à la maison, cela permet de consacrer un peu de temps à chacun, entre ceux qui ont besoin d'une correction et ceux qui écrivent... Y compris aux CP, qui ont aussi à  disposition Photimot, les écrits de la classe, l'aide des plus grands… ou qui laissent des "blancs" que je remplis avec eux ensuite.

 

Je corrige pour que chacun puisse alors utiliser son texte, s'il veut l'écrire et le présenter à l'aide d'un traitement de textes, le recopier pour le publier, dans le cahier de vie ou pour le site. 

 

Il n'y a pas de sanction pour l'orthographe, dans les écrits qui me sont présentés. L'écrit s'en trouve libéré, chacun écrit comme il peut… et écrit beaucoup ! 

 

De chaque écrit, je retire un ou plusieurs mots ou groupes de mots que je recopie sur le carnet personnel de l'enfant.

 

C'est ce carnet qui va ensuite servir pour l'apprentissage de l'orthographe de chacun. Une à deux fois par jour, les enfants sont invités à prendre leur carnet durant cinq minutes et leur ardoise.

 

Les consignes sont : 

 

-lire le mot les yeux ouverts

-lire le mot les yeux fermés 

-écrire le mot les yeux ouverts

-écrire le mot les yeux fermés

 

Puis chaque mot étudié reçoit une croix.


Chaque vendredi, les enfants se mettent 2 par 2 et se dictent les mots étudiés. Ce sont les mots qui ont au moins 3 croix, et ceux qui ont un seul point vert. 

Puis les enfants se corrigent eux-mêmes, à l'aide de leurs carnets.


Les mots correctement orthographiés reçoivent un point vert sur le cahier et sur le carnet.


Les mots qui auront alors 2 points verts sortiront du circuit d'apprentissage.

 

 
Une fois par semaine toute la classe se regroupe pour la "dictée".  Je dicte une phrase ou deux comportant  plusieurs difficultés orthographiques.


Puis je corrige chaque cahier en utilisant un code que nous avons construit au fil du temps :

-Les numéros correspondent à des règles que nous avons écrites dans un cahier "mémoire"


-Le ? leur demande de réfléchir au mot indiqué, cela correspond souvent à des règles encore non codées.

 

En ce moment nous travaillons sur les homophones. J'ai collé des affichettes au tableau à chaque fois que nous avons rencontré cette difficulté, en attendant de trouver une aide, une règle pour ne plus se tromper. Des phrases "modèles" ont été ajoutées et les enfants peuvent venir les consulter. 

 

Après ma correction, chacun retourne à son cahier mémoire, son dictionnaire, demande de l'aide à un copain, pour tenter de corriger tout ce qui a été pointé.

Ceux qui arrivent à corriger reviennent au fur et à mesure me montrer leur correction, puis ils repartent choisir un autre atelier : ordinateur, fichiers PEMF, Sedidacta... 

 

Je termine souvent en corrigeant collectivement pour les derniers qui ne s'en sortent pas seuls.


Les croix indiquent que la correction trouvée n'est pas la bonne. Soit l'enfant est capable de chercher seul plus loin, soit j'aide personnellement l'enfant dans sa correction. 

 
Il n'y pas de note. Ce travail constitue un apprentissage, un entraînement à se poser des questions, à réfléchir à ce qu'on écrit, à chercher de l'aide dans le dictionnaire, l'aide-mémoire.

 

C'est un temps de travail différent de l'écrit libre du matin. Là, il faut tenter d'écrire avec le moins de fautes, mais le texte est court et il n'y a pas de difficultés insurmontables.

 
 

Marik Cosson

Ecole de Chevenoz (Haute Savoie)

 

 

*La démarche mise en place dans la classe du cycle II de l'école de Chevenoz (Haute-Savoie), par Marik Cosson, est une adaptation à des enfants de CP et CE1de celle proposée par Michel Barrios en cycle III, publiée dans le Nouvel Educateur 67 de mars 1995. 

 

 

J'insiste énormément, dès le début de l'année sur la démarche de recherche des mots déjà vus, dans les textes précédents, dans un livre lu, sur une affiche... et j'en fait même un exercice à part entière sous forme de dictée de mots déjà rencontrés, de phrases composées uniquement de mots "trouvables" quelque part dans la classe, dans les affaires des enfants ou dans sa tête. Pendant cet exercice, les enfants ont toute la liberté de chercher, et de se déplacer comme ils veulent pour trouver le mot. Au bout d'un moment, ils ont même le droit de demander de l'aide. Le contrat étant : je ne demande pas la réponse, mais des renseignements me permettant de la trouver. Et c'est fantastique comme ça marche! Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les "aideurs" ne donnent pas la réponse mais donnent des indications (quel fabuleux exercice de langage, de structuration de la pensée). Et même ceux qui copient (il y en a peu, et de toute façon s'ils copient, c'est qu'ils n'ont pas encore suffisamment confiance en eux pour faire autrement) profitent de cet exercice ; copier, c'est déjà une démarche active.

 

Alain Jourdan

classe de C.P

école élémentaire de Bernin

Isère

 

Savoir écrire nos mots



L’Educateur de janvier 1987, a publié un article de Jean Le Gal, issu d’une thèse de troisième cycle en Sciences de l’Education. Nous en avons extrait quelques lignes ainsi qu’un schéma présentant le fonctionnement de l’apprentissage des mots de la classe.



L’intégralité du texte de l’article de Jean Le Gal est disponible sur le site du Nouvel Educateur :

http://freinet.org/icem/editions/educat/index.htm

 

J’ai estimé que les enfants de ma classe de perfectionnement, même s’ils étaient en échec massif, particulièrement en orthographe, devaient être dotés d’un outil qui leur permette de se passer d’une tutelle correctrice pour écrire. Il me fallait donc mettre en place des automatismes orthographique, car, en présence des mots nécessaires à leur expression, les enfants ont trois niveaux de comportement :

-ils restituent sans effort ce dont ils ont besoin, grâce à leurs automatismes lexiques, graphiques et orthographiques ;

-ils recherchent, par la réflexion ou dans les outils mis à leur disposition et trouvent ce qui leur manque ;

-ils ne trouvent pas et ont recours à l’aide des autres…

 

Pour le premier niveau, il fallait trouver une méthodologie :

-  « efficace », car il faut qu’un outil d’apprentissage le soit, et que le succès conforte le désir d’apprendre des enfants, renforce leur volonté de réussir et surtout facilite leur expression écrite ;

- « rapide », car ils ne peuvent consacrer toute leur énergie et tout leur temps, à une activité qui pour moi demeure secondaire : c’est l’expression qui est première ;

- « simple », afin que les moyens utilisés ne nécessitent pas un long tâtonnement avant de devenir opérationnels.

 

Des « repères »

pour bien écrire



Outre les mots « personnels » des enfants, il y a dans chaque classe, un corpus de mots qu’ils sont amenés à utiliser fréquemment : correspondance scolaire, projets en court… D’où naît la nécessité d’un référentiel commun, utilisable à chaque instant.

 

 



Nous avons deux CP-CE1 et proposons les mêmes outils repères dans nos deux classes, depuis deux ans :

 

Pour les CP :

 

Jusqu'à fin décembre, des mots sont choisis dans les textes lus dans la journée, environ 3-4 maximum par semaine. Ils sont affichés sur un carton en classe, illustrés ou symbolisés et numérotés. Ce sont les mots du CAPITAL GLOBAL de la classe. Ils sont entourés dans le texte à lire et présentés dans différents types de caractères : imprimerie, cursif, script.

 

En janvier, les MOTS CAPITALISES sont réunis sur une feuille A4 avec un dessin ou un symbole, une autre feuille recense les MOTS CLEFS pour l'alphabet (A de araignée, B de bébé, C de canard...) avec un dessin correspondant. Une troisième feuille recense les différentes graphies de chaque lettre de l'ALPHABET et une quatrième des LISTES avec des groupes verbaux (je joue, il joue, elle joue, ils jouent...) et des expressions courantes (Je m'appelle...). Ces quatre feuilles, réunies dans deux transparents agrafés, constituent les « REPERES » pour écrire seul.

 

Les enfants sont sans cesse invités à s'en servir:

 

-pour découvrir un nouveau texte

-pour écrire un texte seul ou à deux

-pour le corriger ( l'instituteur souligne alors les mots qui figurent dans les « REPERES », l'enfant va les corriger seul)

 

 

 

Pour les CE1 :

 

Depuis cette rentrée, ils ont un porte-vue (20 pages) baptisé « REPERES » également ; avec des fiches fabriquées collectivement quand une notion grammaticale, orthographique, mathématique..., semble être mûre pour le groupe.

 

En janvier, ils disposent ainsi de fiches intitulées :

 

-Les mois, les jours de la semaine

-Une phrase

-Des verbes

-Phrases interrogatives

-Masculin, Féminin

-Forme négative, forme affirmative

-Suite des nombres de 1 à 60

-Suite des nombres de 1 à 100

-Ecriture des nombres en lettres

-Le sujet

-Noms propres, noms communs

 

Les enfants déterminent les phrases explicatives (celles qui sont comprises par le groupe de cette année) et les exemples (parfois illustrés). Ils ont aussi un "Chouette, j'écris" chacun et des dictionnaires CP-CE1 type « Larousse Débutant ».

 

Noëlle Ducasse

Cycle II

Ecole Louis Buton - Aizenay

Groupe ICEM – 85

 

 

 

 



Du premier jet

au produit finalisé :

cheminement d’un texte



 



 



Comprendre le fonctionnement de la langue, construire les règles communes : en cycle III, les élèves de Gilles Sapirstein construisent leur « manuel » de français à partir des phrases tirées des textes produits quotidiennement.





Conditions de production :

 

Généralement et le plus souvent, les textes libres sont écrits dans ma classe après les « quoi de neuf » du lundi matin (8 h 30 - 9 h) et du jeudi matin (8 h 30 -9 h). Juste après, il y a un moment de travail individualisé d’une heure maximum au cours duquel les enfants peuvent :

 

-soit écrire un texte libre, soit faire une fiche de français (fichiers orthographe, formes verbales, utilisation du dictionnaire ou lecture) ;

 

-soit travailler sur les deux ordinateurs de la classe (traitement de texte ou logiciels de lecture) ;

 

-soit lire un « Quotidien » ou un journal scolaire reçu et en faire une présentation aux autres.

 

Un contrat de travail en français-éveil permet aux enfants de programmer ou inscrire ce qu’ils auront à faire ou viennent de faire.

 

Pendant le quoi de neuf, je repère et inscrit le thème général proposé par chaque intervenant. Après, je note au tableau les différents thèmes abordés oralement par les enfants de façon à inciter à l’écriture ou à la recherche (exposé) non seulement les intervenants mais aussi ceux qui n’avaient pas pris la parole.

 

Quelques élèves écrivent à la maison le plus souvent des poésies.

 

Les enfants écrivent leur premier jet sur un cahier sur la page de gauche, la page droite reste libre et m’est réservée pour proposer des corrections, des fiches à faire,…

Les poésies sont parfois écrites sur un petit carnet ou cahier personnel.

 

L’évolution interne du texte :

 

Dès qu’un enfant a écrit un texte, il s’inscrit au tableau dans la colonne « J’ai besoin de correction », j’essaie de me rendre disponible immédiatement pour relire, à chaud, son texte avec lui. Les erreurs d’orthographe d’usage, d’accords grammaticaux, de formes verbales, de ponctuation sont signalées rapidement et font l’objet d’une correction immédiate (avec moi lorsque l’élève est en difficulté). Ca oblige au moins l’enfant à relire son texte.

Dans un second temps, à froid, (le mercredi), j’effectue une seconde correction du texte. Là, je m’intéresse d’avantage au contenu, à l’organisation générale du texte, au vocabulaire, aux erreurs de concordance des temps, aux répétitions, aux substituts,…

 

Je relève les phrases mal formulées, les erreurs ou fautes de français difficiles à corriger seul dans un cahier spécifique.

 

Chaque jeudi matin, nous faisons une correction collective, au tableau et sur feuille photocopiée, des phrases ou petits passages de textes posant problème.

 

Nous classons les types d’erreurs et plaçons les phrases corrigées dans notre classeur de français.

 

Chaque élève est alors invité à corriger seul ou avec de l’aide son propre texte avant de le recopier au propre dans son cahier de textes libres (grand cahier de travaux pratiques) puis de l’illustrer.

Le vendredi matin, nous revenons sur certaines phrases ayant posé problème collectivement. Nous ressortons le classeur de français. C’est le moment de distinguer, repérer, identifier, observer, reconnaître, regrouper, réutiliser, synthétiser, résumer, de comprendre mieux le fonctionnement de la langue.

 

 

Gilles Sapirtsein

Classe de CM2 à Essey-lès-Nancy

Groupe ICEM 54



 

CONSTRUCTION D’UNE NOTION :

LE PRONOM PERSONNEL COMPLEMENT

 

 

Le besoin d’aborder cette notion a été déclenché par des textes d’enfants et la difficulté pour la plupart de réussir à corriger certaines répétitions.

 

FORME DU TRAVAIL DE DEPART :

 

-Constitution d’un corpus à partir des phrases tirées de textes libres à corriger

 

Exemples :

 

« Nous avons fait toutes les attractions ? Arrivés à la dernière attraction, nous avons décidé de faire cette attraction. »

correction : Nous avons décidé de la faire.

 

« Son ami alla dans sa cave par curiosité. Dans sa cave, il vit un baril rempli de fraises. »

correction : Il y vit un baril…

 

« Les enfants désiraient jouer avec un train à moteur. Alors ils se mirent à améliorer ce train à moteur. »

correction : Ils se mirent à l’améliorer.

 

-Réflexion collective et individuelle :

 

Toutes ces phrases sont écrites au tableau ; elles sont également entrées dans l’ordinateur, photocopiées et distribuées à chaque élève …et placées dans l’album de vie de la classe.

 

-Collectivement, les élèves doivent découvrir ce qui ne va pas. (« Il y a des répétitions de… ». Les premières corrections se font oralement.

-Pour les autres phrases, je les laisse tâtonner individuellement.

 

-Trace écrite :

 

Les phrases à corriger et corrigées figurent dans le classeur de français de chaque élève : page 334 « le pronom personnel complément », juste derrière la page 333 « le pronom personnel sujet » notion faite précédemment et devant la page 335 « les pronoms relatifs » notion abordée juste après.

 

CHEMINEMENT :

 

- Elaboration d’ hypothèses provisoires :

 

Les pronoms personnels compléments sont tous des mots différents des pronoms personnels sujets ?

Les pronoms personnels compléments c’est « comme les articles ? »

Les pronoms personnels compléments sont-ils des C.OD., des C.O.I. ou des C.C. ?

Les pronoms personnels sont-ils les mêmes en fonction de la catégorie de complément, du genre, du nombre ?

 

- Test des hypothèses :

 

Recherche d’autres pronoms personnels compléments dans des textes d’élèves et d’auteurs.

Quels groupes de mots remplacent-ils ? Quelle est la composition et la nature de ces groupes de mots ? Quelle est leur fonction ?

 

- Moyens mis en place pour renforcer l’acquisition de la notion :

 

* Exercices structuraux oraux collectifs : exemples

Je vois le chat. Je le vois. …la chatte. Je la vois. …les chats. Je les vois. …les chattes . Je les vois.

Tristan demande l’heure à son voisin. Il la demande à son voisin. Il lui demande l’heure. Il la lui demande.

Il pense à Julie, à Maxime. Il pense à elle, à lui, à eux.

Il pense à son travail. Il y pense.

Vous vous occupez trop de ce que l’on raconte. Vous vous en occupez trop.

 

* Exercices structuraux individuels écrits :

Sur le même type que les exercices oraux.

 

* Classement collectif dans un tableau à double entrée des pronoms personnels compléments en réutilisant les notions déjà acquises « les pronoms personnels sujets » (ce tableau figurera dans le classeur de français de chaque élève et servira de résumé à apprendre et de référence ultérieure :

Classement prenant en compte les personnes, le genre, le nombre, les fonctions dans la phrase.

 

* Comparaison avec le tableau des « Spécialistes » en utilisant le livre de grammaire personnel de chaque élève.

 

* Vérification des hypothèses (particularités et difficultés de la langue française) :

Il y a des pronoms sujets qui ressemblent aux pronoms compléments : exemples (nous et vous).

Il y a des pronoms compléments qui ressemblent à des articles : exemples (le, la, l’, les).

Il y a des pronoms COD qui ressemblent à des pronoms COI : exemples (me, te, nous, vous).

Il y a des pronoms COI qui ressemblent à des pronoms sujets : exemples (elle, elles, nous, vous).

Souvent les pronoms ne changent pas en fonction du genre : exemple (leur, etc…), parfois ils sont différents : exemples (lui, elle, eux, elles).

Parfois deux pronoms personnels compléments sont immédiatement placés l’un derrière l’autre. Lequel placer en premier ?

 

*Autres exercices d’entraînement individuels sur spécimens de grammaire ou livre de l’élève.

 

*Utilisation du fichier PEMF ORTHOGRAPHE niveau C (fiches 297 à 300 : en, y, t’en, s’y)

(fiches 240 à 247 : m’a, l’a, s’en).

 

*Utilisation du fichier PEMF niveau C sur LES FORMES VERBALES (fiches 362 à 368 : verbes pronominaux).

 

*Evaluation individuelle : Quand un élève a terminé une série de fiches et qu’il en a réussi trois (feu vert), il demande à passer un test sur la notion apprise, cela lui donne droit à une couleur de ceinture attestant un brevet de réussite.

Evaluation individuelle proposée par le maître, la même pour tous, faite sur le modèle des exercices d’application proposés..

 

- Réutilisation de la notion :

 

Elle se fera régulièrement tout au long de l’année, lors de la correction des textes libres, chaque fois qu’un enfant aura à remplacer un groupe nominal par un pronom.

 

Le classeur de français accueillera régulièrement les phrases de départ et les phrases corrigées.

 

Gilles Sapirstein



 

*

Un outil pour corriger ses erreurs

et s’entraîner au collège



Au collège, il faut « faire avec » le morcellement du temps. Catherine Mazurie tente de mettre en place, dans ses classes, des outils permettant aux élèves d’être davantage autonomes et d’acquérir des réflexes d’orthographe, en prenant le temps de la recherche et du travail individualisé.

 

Je cherchais depuis longtemps une technique de correction qui laisse davantage d’autonomie aux élèves, tout en les guidant dans leur correction.

 

J’ai vu différentes techniques de marquage des erreurs, en particulier celle qui associe un codage de couleur à un type d’erreurs, pour créer une sorte de « réflexe conditionné », avant même d’introduire la réflexion qui permet de raisonner sur la notion et de l’assimiler peu à peu. J’avais l’impression de ne pas pouvoir me lancer dans une telle organisation, trop lourde pour le temps qui nous est imparti dans le secondaire. Je cherchais un outil plus léger, mais qui permettrait la même réflexion.

 

J’ai donc commencé par faire une typologie des erreurs les plus courantes au collège, que j’ai plus ou moins classées par ordre de fréquence : le numéro 1 étant l’erreur que je vois le plus souvent. Mais c’est approximatif. J’ai prévu deux colonnes à droite : date à laquelle je repère cette erreur, date à laquelle je l’ai travaillée.

 

Les élèves ont chacun cette feuille. Je signale les erreurs de leurs travaux en mettant des numéros sous l’erreur correspondante. Ils doivent essayer de corriger leurs erreurs à l’aide de l’exemple fourni sur la feuille. Par exemple, une erreur notée 15 est une erreur sur une forme non identifiée comme participe passé. Une fois qu’ils l’ont identifiée, et à l’aide de leur classeur (on a déjà parlé de cette difficulté), ils peuvent corriger.

 

Quand j’ai vérifié leur correction, ou que j’ai moi-même corrigé (pour ceux qui sont le plus en difficulté), ils doivent repérer les erreurs qui reviennent souvent dans leurs textes. Par exemple, quelqu’un qui fait souvent des erreurs n° 20 doit écrire sur une feuille intitulée « pronom personnel » toutes les formes corrigées de ce type qui lui ont posé problème.

 

En heure de travail individualisé, il reprend un point, par exemple ce numéro 20, et essaie de réfléchir sur ce point pour se trouver une explication, et un truc pour reconnaître la forme et ne plus se tromper. On peut reprendre ensemble ce point quand il revient très souvent dans la classe, et faire la fiche de mise au point de la notion ensemble.

 

Je viens juste de mettre au point la feuille. Pour le moment, j’y vois un avantage : moins d’erreurs quand ils corrigent. Les corrections sont moins aléatoires. D’autre part, des « réflexes conditionnés » commencent à se mettre en place : accord sujet/verbe ou nom/adjectif, participe passé, passé simple etc. L’inconvénient est toujours le même : cela demande du temps, beaucoup de temps.

 

La phase de recherche individuelle et de réflexion sur la notion, je n’ai pu la mettre en place véritablement qu’en 3°, et elle est toujours seulement esquissée. Le cadre d’une heure ne permet pas une « respiration » suffisante pour permettre le tâtonnement.

 

Je dois pouvoir améliorer cela en repensant l’emploi du temps de la classe, pour « biaiser » avec les séquences et leur marche inexorable…

 

Catherine Mazurie

Professeur de français

au collège de

Secteur second degré de l’ICEM

 

 

ERREURS D’ORTHOGRAPHE/GRAMMAIRE
ET DE CONSTRUCTION DU TEXTE

NOM :                                                           CLASSE :

Règle

Exemple

Erreurs

Travail

1

Accord sujet-verbe

Elle les délivre

 

 

2

Accord nom-adjectif

Les bons amis

 

 

3

Ponctuation des phrases

Il se leva, ferma la porte, se rassit.

 

 

4

Ponctuation du dialogue

Il dit :

- Viens ici !

 

 

5

Verbe au présent

J’entends  de la musique. Il rient.

 

 

 

6

Verbe au passé simple

Je chantai. Il chanta. Il partit. Il finit

 

 

7

Verbe à l’imparfait

Il partait

 

 

8

Verbe au futur

Il mentira. Il pourra

 

 

9

Verbe à un temps composé

Ils ont voulu. Nous avions entendu. Tu auras pris.

 

 

10

Verbe au mode subjonctif

Il faut que tu viennes avant qu’il soit là.

 

 

11

Verbe au mode conditionnel

Si tu venais, je serais content.

 

 

12

Verbe au mode impératif

Viens ! Taisez-vous !

 

 

13

Verbe au mode infinitif

Il veut manger. Il apprend à parler.

 

 

14

Verbe au participe présent

Marchant vite, ils l’ont rattrapé.

 

 

15

Verbe au participe passé

Ils sont transformés. Ils ont vu la TV.

 

 

16

L’adjectif possessif

Il prend ses affaires. Ils prennent leurs affaires et leur chat. Nous avons nos livres.

 

 

17

L’adjectif démonstratif

Ces paroles sont stupides

 

 

18

L’adjectif interrogatif/exclamatif

Quelle heure est-il ?

Quel grand artiste !

 

 

19

L’adjectif indéfini

A tout moment, tous les hommes

 

 

20

Le pronom personnel

Il se transforma.

 

 

21

Le pronom démonstratif

Il aime ceux  qui rient. C’est bien. 

 

 

22

Le pronom interrogatif

Que dis-tu ?

 

 

23

Le pronom relatif

Le garçon qui l’a vu part. Le garçon qu’il a vu part tu sais.

 

 

24

Le pronom indéfini

Quelques-uns riaient. On se taisait.

 

 

25

La préposition

Quant à lui, je ne l’ai pas vu sur le pont ni à la maison.

 

 

26

L’adverbe

Il y a peu d’élèves, par conséquent il n’y a pas de bruit.

 

 

28

La conjonction de subordination et de coordination

Il dit qu’il viendra ou qu’il sera remplacé.

 

 

29

L’adjectif verbal

Elle est fatigante.

 

 

30

Lexique (et accents)

La pollution, la beauté, voilà,

 

 

31

Le nom propre

Les Juifs

 

 

32

Les noms composés

Des porte-bonheur, des bonshommes, des timbres-poste, des après-midi, les moyens de transport, les boîtes de nuit

 

 
 
 
 

 

Seurfons sur le ouebe

Septembre 2001

 

Seurfons sur le ouebe 
 
Ce mois-ci, nous vous proposons des sites de webzines ou cybermagazines enfants et adultes.
 
Pour les enfants et les ados :
 
Le site du CLEMI nous ouvre les portes des webzines créés par des écoles primaires, des collèges et lycées qui nous montrent le travail journalistique des jeunes. Il explique également le principe de la semaine de la presse ouverte aux enfants et jeunes. Accessible par tous.
http://www.clemi.org/journauxscolaires.html
 
Les enfants du web Site interactif pour les enfants de 8 à 11 ans créé par des professionnels de l’Éducation, du Multimédias et des parents. Les enfants peuvent créer, échanger, s’amuser à partir de ce site.
Il est également proposé d’autres webzines pour différentes tranches d’âges d’enfants et des pages à thèmes. Site très simple d’accès par les enfants.
http://www.lesenfantsduweb.com/
 
Récré-action : Ce site est fort sympathique pour les enfants. Il est présenté par des pingouins qui le sillonnent. Le Journal de Victor a été créé pour les enfants et évolue grâce aux enfants qui peuvent envoyer leurs articles donnant leur avis sur le monde qui les entoure. C’est le journal du jeune citoyen. La démarche est très intéressante. Accessible par tous les enfants à partir du cycle III.
http://www.recre-action.net/
 
Pour les adultes :
 
Ce site est un portail ouvrant la possibilité d’aller vers d’autres sites de webzines.
http://www.asile.org/liens/index.htm
 
L’ornitho : Webzine très orienté politiquement concernant des sujets d’actualité.
http://www.ornitho.org/ornitho/
 
L’Interdit est un webzine lillois. Il existe depuis 1998 grâce à la participation de ses lecteurs.
http://www.insite.fr/interdit/index2.htm
 
Webzine en anglais. Ce site offre une diversité de thèmes liés à l’actualité socio-culturelle.
http://surf.to/webzine
 
 
Le coordinateur de la rubrique : pat.carpentier[arobase]free.fr

 



 
 
Copie d’écran
Bulletin des technologies
éducatives dans l’enseignement
 
Le CDDP de la Charente édite cette revue, véritable mine d’informations pour la mise en place des nouvelles technologies à l’école. Trucs et ficelles, analyses de logiciels, bonnes adresses… on y trouve tout ce qu’on cherche, sans savoir nécessairement où le trouver.
Abonnement 100 francs
CDDP de la Charente
Château de l’Oisellerie
16400 La Couronne
 
 



Le site : http://www.ethnokids.net a été créé en septembre 1999, par des ethnologues et des spécialistes du multimédia et se développe dans le cadre de l'association du même nom qui souhaite sensibiliser les jeunes à la richesse et à la diversité des cultures .
 
Ce site s'adresse à des jeunes francophones de 7 à 12 ans et propose une méthode d'observation des modes de vie et une restitution par la création de textes, dessins, photos, reportages vidéo et autres travaux coopératifs en ligne.
Signalé par François Pradal

 

Sénégal : Diawar : une école Freinet

Septembre 2001

Du 22 au 24 février 2001, Jean-Michel BAVARD a pu partager la vie des enseignants et élèves de l’École publique de Diawar. Ce village d’un peu moins de mille cinq cents habitants se trouve tout à fait au nord du Sénégal, à un kilomètre de la frontière mauritanienne, le long du fleuve Sénégal. Isolé, il faut deux bonnes heures d’une piste chaotique et poussiéreuse avant de l’atteindre. Étonnant et émouvant de découvrir l’effigie de Célestin peinte sur les murs de cette école du fin fond de l’Afrique. 

L’école de Diawar accueille environ trois cents élèves répartis en six classes (de la classe pré-scolaire au CM2). Près d’un enfant sur deux poursuivra sa scolarité au collège, remarquable taux de réussite à l’examen d’entrée en sixième pour le Sénégal. 

Après un accueil toujours aussi chaleureux agrémenté des trois verres successifs de thé (“le premier est fort comme l’amour, le deuxième amer comme la vie et le troisième doux comme la mort”), la journée pouvait débuter.

 

 Le conseil de coopérative

 

Les élèves avaient tout d’abord décidé de nous convier à un Conseil de coopérative regroupant des délégués des six classes. Des problèmes d’autodiscipline furent essentiellement abordés ( difficultés de mise en place pour certaines commissions, problème des retardataires...). Nous avons pu apprécier une grande maturité des élèves: les interventions furent brèves, argumentées, ciblées... De la valeur et de la cohérence de l’argumentation dépend le résultat du vote qui suit chaque débat. Les filles prennent une part active à ces élaborations. Les maîtres n’interviennent que pour émettre des propositions quand un blocage intervient et rappeler les règles élémentaires du mandatement: “... Si vous prenez des décisions sans consulter vos camarades de classe, pensez-vous que cela va passer ?” Les débats se déroulent en français mais sont ensuite traduits en wolof afin de permettre la compréhension de tous, des plus petits en particulier encore non-francophones. Le bureau de coopérative organise et anime ces conseils (convocation, ordre du jour, tour de parole, compte-rendu...) puis veille ensuite à l’application des décisions prises.

 

A l’issue de ce conseil, nous avons échangé librement. Les enfants étaient très curieux de découvrir le pourquoi de notre visite, nos motivations. De nombreuses questions portèrent également sur le syndicalisme.

 

J’ai ensuite écouté un exposé réalisé par des élèves de la classe des grands d’une dizaine d’années sur le colonialisme (les raisons, les formes de l’exploitation...). Ces élèves avaient travaillé à l’aide de documents mis à leur disposition et avaient aussi pris la peine de consulter des aînés du village. La fin de l’exposé se conclut par trois phases: autocritique, critique et parole du maître. Là encore, un libre échange m’a permis d’éclairer ces élèves avides de connaître notre perception occidentale de ce sombre passé.

 

Les commissions

 

Prises en charge par un groupe d’une dizaine d’élèves représentant là encore l’ensemble des classes, elles animent toute la vie collective de l’école et sont au nombre de huit: hygiène et environnement, formation pratique, presse, santé, sport, maraîchage, loisirs et fêtes, boutiques.

 

Nous serons reçus consécutivement par chacune de ces commissions qui nous exposera son rôle et ces travaux.

 

- “Hygiène et environnement”:

Ses responsabilités sont de veiller à l’entretien et l’agrément de la cour: ramassage des ordures, plantation d’arbres (les plus grands plantent avec l’aide de paysans, les petits arrosent...). Les CM2 veillent à la propreté des toilettes. Cette commission sensibilise aussi l’ensemble du village aux problèmes environnementaux par des affichages, des rencontres avec les adultes...

 

- “Formation pratique”:

Animée par les femmes du village, elle permet d’initier les enfants à toutes sortes de techniques: fabrication d’objets divers, cuisine, dessin, guirlandes pour les fêtes... Mais il s’agit aussi d’apprendre à tresser afin que les enfants puissent s’entraider à réaliser ces gestes essentiels à la coquetterie féminine. Ici, peut-être plus qu’ailleurs encore, le mot “besoin” reviendra

souvent: le manque de matériel, de moyen... est criant et émouvant.

 

- “Presse”:

Les membres de la commission passent dans chaque classe récolter les articles (les plus petits peuvent publier des dessins). Ceux-ci seront ensuite corrigés, mis en page puis dupliqués. Le journal est ensuite vendu 50 F CFA à un enfant et 100 F CFA à un adulte. Chacun peut ainsi être informé des événements du village. La parole des enfants est par cet outil particulièrement valorisée et précieuse dans un village où les journaux ne parviennent pas!

Auparavant existaient deux journaux: celui des élèves, de la coopérative scolaire donc, et celui des adultes du village. Afin de réduire les coûts de fabrication, ils sont désormais réunis en une seule édition. Enfin, le projet d’informatiser le maquettage de ces pages sera réalisé prochainement.

- “Santé”:

Il s’agit pour ces élèves de soigner les petites plaies de leurs camarades et de remplir alors le carnet de visite de chacun. Ils sont formés aux premiers soins par l’infirmière du village. Par contre, s’ils diagnostiquent un mal plus sérieux au cours de cette première visite, ils prennent la décision d’orienter leur ami(e) vers le dispensaire. Si une épidémie se déclare dans le village, ils informent toute la population des précautions à prendre, des prescriptions à suivre. Enfin, lors des campagnes de vaccination, les plus grands aident l’infirmière à vacciner chacun.

 

- “Sport”:

Ces enfants ont pour tâche d’organiser, d’animer des rencontres auxquelles tous participent: football, passe à dix, saut en longueur, relais...

 

- “Maraîchage”:

Primordiale, j’y reviendrai, dans cette région où l’essentiel des moyens de subsistance est tiré de l’élevage et de la culture et où la plupart des jeunes viennent et se destinent à la paysannerie.

Chaque classe peut décider d’élever un jeune bovin (qui sera ensuite revendu à un paysan) ou de cultiver une certaine surface du jardin scolaire, jardin irrigué. La classe choisit également sa semence que lui fournira la coopérative scolaire (gambas, tomates, patates, choux, aubergines, oignons, melons, menthe...). Des paysans viennent aider, apprendre les techniques, apporter leurs conseils... Une fois les frais décomptés (semences...), les bénéfices de la récolte seront partagés en deux, la première moitié pour la classe, la seconde pour le paysan qui a apporté son aide et son savoir.

 

- “Loisirs et fêtes”:

C’est cette commission qui avait organisé notre accueil: à quelles activités nous associer ? Veiller à notre hébergement (réunir les matelas nécessaires...).

Mais à ces commissaires revient aussi la tâche d’organiser la kermesse scolaire, des représentations théâtrales... auxquelles tout le village

est convié.

 

- “Boutique”:

Il s’agit de donner à chaque élève les moyens d’acquérir les fournitures scolaires nécessaires par une sorte de coopérative d’achat et de vente, fournitures entièrement à la charge des familles. Ces matériels seront en effet vendus moins chers qu’à la boutique du village. Un adulte se rendant en ville sera par exemple chargé d’acheter des cahiers de 48 pages à 120 F CFA l’unité. Ces cahiers seront revendus 130 F CFA aux familles, les 10 F CFA de différence allant à la coopérative scolaire. Cela quand la boutique du village vend le cahier 175 F CFA.

 

Conclusion provisoire

 

On le voit, expérience passionnante et particulièrement riche. J’ai été impressionné par la prise en charge forte et effective de la vie de l’école par les élèves eux-mêmes. Par l’osmose aussi entre l’école et le village, chacun s’enrichissant de l’expérience, des savoirs de l’autre et faisant ainsi bouger peu à peu les rapports sociaux. L’école de DIAWAR est aussi une note d’espoir. L’école sénégalaise demeure en effet profondément marquée par l’école coloniale. Ne serait-ce que par le fait que le wolof, la langue maternelle de la plupart des sénégalais, reste interdite d’entrée à l’école (sa prise en compte par un bilinguisme wolof - français est annoncée mais sans que cette réforme ne soit entrée dans les faits jusqu’ici). Du coup, les enfants se sentent souvent peu concernés, étrangers même à leur propre école. Cette école a encore du mal à convaincre une large part de la population, parmi les plus modestes en particulier, de son intérêt social. A ces questions et ces enjeux, les enseignants de DIAWAR avancent au quotidien des réponses d’un intérêt évident. Mais nous-mêmes, qui sommes souvent si démunis face aux violences scolaires ou la passivité de certains élèves, n’avons-nous pas à puiser dans ces pratiques qui redonnent à tous un sens émancipateur évident à l’école publique ?

 

Jean-Michel BAVARD (Oise)

Article paru dans la revue « L’école émancipée »

 

Une rencontre avec le comité de parents

 

J’ai aussi tenu à rencontrer des parents d’élèves ; voici quelques-unes de mes questions et les réponses qu’ils ont apportées à mes interrogations :

 

Question : Quels sont les rôles des parents d’élèves, des adultes plus généralement, dans le fonctionnement de l’École de Diawar ?

 

Réponse : Prenez la commission “maraîchage” et notre participation à son fonctionnement en collaboration avec les élèves et leurs maîtres, elle a permis à l’école de prendre en compte le milieu essentiellement agricole qui est le nôtre. L’école et son utilité ont ainsi été pleinement reconnues. Elle a aussi permis un autofinancement de l’école permettant aux familles de n’avoir plus à aider financièrement certaines activités scolaires. Les parents aident à la formation des enfants en matière de maraîchage, d’élevage... ce qui sera particulièrement profitable à ces jeunes qui deviendront ainsi des paysans compétents. Les mamans interviennent tout autant au cours d’activités comme la cuisine. Ces interventions ont encore permis à certains parents qui ne venaient pas à l’école d’y venir désormais régulièrement et donc de parler avec les enseignants du travail scolaire de leurs enfants.

 

Q : Le fait que les enfants de Diawar soient scolarisés dans une école pratiquant des méthodes actives et coopératives a-t-il changé leur comportement à la maison et modifié les équilibres familiaux ?

 

R : Au niveau des familles, les choses n’évoluent que doucement, cela dans une société où ce sont le plus souvent les plus anciens qui prennent les décisions, où les jeunes doivent seulement recevoir mais ne rien donner. Cela a pourtant commencé à changer. Ainsi au cours d’une assemblée de village, les enfants ont apporté un point de vue qui a été apprécié. Depuis le Bureau de coopérative scolaire est représenté à ces assemblées. 

 

L’avènement de cette nouvelle génération et l’appui de l’école devront nous permettre de faire fonctionner le village plus efficacement : consolidation de la maternité, centre social, dispensaire...

 

Une chose est sûre donc : tout vient de l’école, il nous faut renforcer l’école pour que la situation évolue, notre objectif étant que les enfants puissent donner leur avis à tout moment. Pensez, j’ai moi aussi fait l’école ici quand j’étais enfant, je n’osais même pas regarder mon maître. Il y avait une frontière entre enseignants et élèves. Aujourd’hui, les enfants préfèrent venir et rester à l’école car ce milieu est devenu beaucoup plus favorable. Cette situation ne peut qu’amener les parents à se poser des questions.

 

L’assemblée des parents a aussi des projets d’équipements, ils font des démarches auprès des autorités pour rechercher des financements, parfois encore se cotisent pour en accélérer leur réalisation...

 

Q : Et concernant l’alphabétisation ?

 

R : La demande est forte: les adultes qui gèrent les familles sans être allés à l’école comprennent de plus en plus que c’est un handicap. L’Union des agriculteurs incite aussi à l’alphabétisation. Les femmes ont cependant du mal à concilier ces apprentissages et leurs différentes tâches. Pour répondre à cette demande, des tentatives ont donc été mises en place. Malheureusement le manque de financement nous a jusqu’ici empêché de travailler dans la durée.

 

Q : La situation des femmes donc ?

 

R : Les hommes sont plus alphabétisés que les femmes qui ont un plus petit niveau car souvent empêchés par l’ampleur des tâches qu’elles ont à accomplir. Par contre au niveau de l’école, elles interviennent largement car ce sont elles qui s’occupent essentiellement des enfants, mais aussi grâce à leurs compétences dans de nombreuses activités : peinture, teinture, tricot, art culinaire, tressage... Dans le cas du tricot, certaines ont même appris cette technique à d’autres femmes qui peuvent ainsi désormais accroître leurs revenus en vendant les vêtements qu’elles ont fabriqués.

À André Baur

Septembre 2001

Un florilège, une fatrasie provisoire de réactions spontanées, pleines de poésie ou de maladresses sous le coup d’une émotion mal contenue des amis de cœur ou de reconnaissance nombreux très nombreux qui se découvrent nus et démunis devant cette blague inattendue. Ça fait chier !

 

Une petite pierre pour marquer la disparition d’André Baur. Toute l'expression de notre peine à Laurence. Courage pour ceux qu'il laisse seuls. Salut et tristesse.

 

Quelle tristesse ce soir !

 

Passer brutalement des bouillonnements de la vie au silence définitif… donne à penser à l'injustice quand tombent les amoureux de la vie, ceux qui œuvrent pour le progrès de l'humanité et veulent faire tomber les frontières, les fanatismes sans oublier de sourire.

 

Cela faisait bien longtemps que je ne l'avais pas revu, ce Palestinien de Thionville. Je ne partageais pas toutes ses convictions sur l'issue du conflit qui fait rage au moment où il nous quitte, mais les gens de convictions - même discutables - sont tellement rares par les temps qui courent qu'André va sacrément nous faire défaut. Nous ne verrons plus André, notre funambule de la provoc utile, avec ses coups de gueule, ses convictions, sa générosité, son humour et son courage. Pas remplaçable, André !

 

Nous n’avons fait que nous croiser mais j’ai gardé de toi le souvenir d’un homme si vivant et si chaleureux que j’ai peine à te croire mort. Qui pourra maintenant défendre le point de vue des Palestiniens, dénoncer les intégristes de tout bord, choisir des dessins de presse sulfureux pour relever le niveau de nos BT2, provoquer les arrivistes et les bureaucrates de l'ICEM, nous narrer les cinquante premières années de sa vie, sa famille et ses amis, avec autant de tendresse.

 

Que de bons souvenirs. Je garde d'André des images, si nombreuses et toujours chaleureuses. Pas pensable de croire qu'André ne va plus apparaître parmi nous, avec sa générosité sarcastique, sa vigilance critique, sa manne de dessins d'humour.

Une phrase est revenue si souvent quand il fallait solliciter André, débordé, mais incapable de dire non : « les journées n’ont que 24 heures… ».

 

Mon souvenir à moi, c'est une ou deux AG, un militant qui ne mâchait pas ses mots et qui a perturbé maintes routines. C'est aussi quelques discussions informelles de bar et de couloirs, caustiques, humoristiques, vivantes, le doigt juste à l'endroit où ça déconne. Vêtu d'un machisme de façade, rigolard et provoc, sous une humilité profonde qu'on n'apercevait qu'à deuxième vue… Et ses dessins, j'en parle pas, j'en bavais d'envie... Je l'ai "badé" en train de dessiner, en plénière ou en ateliers…

 

Merci, monsieur André Baur, des traces que tu laisses. Certaines consciemment, et d'autres qui t' échappent... mais tout aussi réelles. Il est des gens qui ont appris à ton contact. Fellag a fait tout à l'heure un étonnant éloge d'André : la revue « Mieux vaut en rire » (dont il possède toute la collection), Les Palestiniens, Les Intégrismes : "remarquable".

 

J’ai souffert de la mise en retrait de l’ICEM d’André. C’était accepter l’idée que les forts en gueule gênent (gênassent !) même chez nous. Maintenant c’est dur à faire son deuil « extra muros » comme une mauvaise conscience collective. Tu n’avais pas que des amis parmi nous, tu avais même claqué la porte quand nos Ceausescu – qui osaient se réclamer de Freinet - refusaient d’engager l'ICEM dans la moindre position politique pour condamner la colonisation des Territoires palestiniens par les Sharon ou l’engagement de la France dans la chirurgie militaire pour quelques barils saoudiens lavés à l’intégrisme.

 

Les convictions, le courage et le talent d'André manqueront désormais. Son beau travail sur l'islamisme restera pour moi un moyen de garder vivant son souvenir. Je me dis qu’André existe toujours à travers les combats qu’il a menés, à travers les traces qui en restent et qui servent d’exemples à nous et à bien d’autres. Ne laissons pas les cons envahir les places qu’on laisse trop vite libres. A quelques heures près, André aura évité d’assisté au triomphe de Benito Berlusconnerie. Il reste encore des combats à mener !

 

(Le Chantier BT2 pour l’essentiel)